......Ce sociologue français, né en 1925, est créateur
du laboratoire de sociologie industrielle et étudie la conscience
ouvrière (Sociologie de l'action, 1965; La Conscience ouvrière, 1966).
Dans son
dernier livre, Critique de la modernité (1992), il décrit le mouvement
d'idées qui a abouti à la modernité, dont il analyse les origines. Mais il s'efforce aussi
de dégager les raisons qui conduisent à reprendre confiance en
elle..........Or, au sein de la modernité, et exprimant son projet
créateur, l'idée de démocratie joue un rôle fondamental. Elle renvoie à la primauté
du sujet humain conçu comme "liberté et création" En bref,
la démocratie n'est pas seulement un état du système politique, mais le dégagement du sujet
humain libre. « La démocratie n'est pas seulement un ensemble d'institutions
[...]; elle est avant tout une lutte contre le pouvoir et contre l'ordre
établi [...]. Elle est engagement dans - -(les] luttes en même temps que dégagement
d'un sujet qui refuse d'être réduit au citoyen ou au travailleur [...]
La démocratie n'est pas le triomphe du peuple, mais la subordination du monde des
œuvres, des techniques et des institutions à la capacité créatrice et
transformatrice des individus et des collectivités.
»
LA DÉMOCRATIE, COMBAT PERMANENT ET
DÉGAGEMENT DU SUJET
« Trop longtemps, la démocratie est apparue
comme une formule politique permettant à la bourgeoisie de se dégager des
contraintes de l'État; les masses populaires,
méfiantes à son égard, attendaient
plutôt de partis et de leaders révolutionnaires ou
populistes la diminution des
injustices sociales. Aujourd'hui, au contraire, la droite
et la gauche non démocratiques
s'écroulent et la démocratie remplace la révolution
en tant qu'objectif le plus
mobilisateur. Ainsi s'opère le rapprochement des institutions
démocratiques et du mouvement de démocratisation. [...]
La démocratie [...] est [...] la
subordination des institutions à la liberté personnelle et collective.
Elle protège celle-ci contre le pouvoir politico-économique d'un
côté, contre la pression de la tribu
et de la tradition, de l'autre. Elle se protège aussi
contre elle-même, c'est-à-dire
contre l'isolement d'un système politique suspendu
entre l'irresponsabilité de l'Etat
et les demandes des individus, dans un vide qu'il
remplit de ses intérêts propres, de
ses luttes intestines et de sa rhétorique.
Aujourd'hui, la pression de l'État
sur la société est forcément grande, tant sont
urgents les problèmes de la modernisation et de la
concurrence économique et militaire. C'est donc le renforcement du Sujet
qui est la tâche prioritaire. Nos
sociétés, quelles qu'elles soient, tendent à se
soumettre à la loi du Prince ou à celle du marché; la
démocratie exige qu'à ces deux principes d'ordre résiste l'esprit de
liberté, d'indépendance et de responsabilité. Ce qui donne un
rôle important à ce qu'on a appelé, d'un terme
inadéquat, les agences de socialisation, la famille et
l'école en particulier, qui, au lieu de seulement socialiser,
doivent au contraire
transformer les individus en sujets
conscients de leurs libertés et de leurs responsabilités à l'égard
d'eux-mêmes. Sans cette action de subjectivation des individus, la
démocratie n'a pas de fondement
solide. »
Alain TOURAINE, Critique de la modernité.
Fayard, 1992, pp. 400-401.
21. Ce n'est pas par hasard qu'un nombre
considérable de travaux de science politique, au sens
précis et étroit qu'on a dit,
portent sur des activités délibératives telles que procédure de
marchandage (bargaining) ou procédures électorales. C'est sur la clarté,
la complexité, la précision de ces
procédures, et sur la déontologie
réglant leur exercice, que se juge la maturité politique de nos
démocraties.
22. A. TOURAINE, Critique de la
modernité, Fayard, p. 404.
|