Qu'est-ce que la démocratie? Le
régime qui s'instaure dans un lieu vide, nous dit Lefort, (
rs ...oui, lorsqu'on a tué Dieu ) en des
analyses marquées par la réflexion d'Arendt, si attachée à souligner
l'effondrement des fondements qui étayaient la vie des hommes. Pour soutenir la
société, nous ne disposons plus des instances traditionnelles.
Or, c'est précisément en un vide que
s'origine la démocratie, écrit Lefort dans La Question de la
démocratie, article paru en 1983. La révolution démocratique
surgit au tournant du XVIIIe siècle et connaît, au XIXe siècle, un mouvement décisif
d'accélération et de légitimation. Avec elle se fait désormais
reconnaître la notion d'un pouvoir sans garant transcendant.
Mutation décisive, qui définit le pouvoir
démocratique, au sens moderne du terme : quand se défait le cadre
monarchique, quand s'efface la figure du Prince, ce médiateur entre Dieu et les
hommes, et qu'il laisse place au « rien », alors la démocratie apparaît, comme
forme s'actualisant en un topos sans fondement et donc comme puissance
éminemment fragile, puisque marquée par les figures même du vide.
Remise en jeu périodique, délibération, négociation sont liées à une
institution où se dérobe l'ancien fondement théologique. ....
..... En regard de ce modèle, se désigne le trait
révolutionnaire et sans précédent de la démocratie.
Le lieu du pouvoir devient un
lieu vide. » .......
LA DÉMOCRATIE, ÉPREUVE D'UNE INDÉTERMINATION
RADICALE
«J'ai choisi de mettre en évidence un ensemble de
phénomènes qui me paraît, le
plus souvent, méconnu. L'essentiel, à mes yeux,
est que la démocratie s'institue et
se maintient dans la dissolution des repères de
la certitude. Elle inaugure une
histoire dans laquelle les hommes font l'épreuve
d'une indétermination dernière,
quant au fondement du Pouvoir, de la Loi et du
Savoir, et au fondement de la relation de l'un avec l'autre, sur tous
les registres de la vie sociale (partout où la
division s'énonçait autrefois, notamment la
division entre les détenteurs de l'autorité et ceux qui leur étaient
assujettis, en fonction de croyances en une nature des
choses ou en un principe surnaturel). C'est ce
qui m'incite à juger que se déploie
dans la pratique sociale, à l'insu des acteurs,
une interrogation dont nul ne saurait
détenir la réponse et à laquelle le travail de
l'idéologie, vouée toujours à restituer
de la certitude, ne parvient pas à mettre un
terme. Et voilà encore qui me conduit,
non pas à trouver l'explication, mais du moins à
repérer les conditions de la formation du totalitarisme.
Claude LEFORT, «La question de la
démocratie », dans Essais sur le
politique, XIXe-XXe siècles, Esprit-Seuil, 1986, pp. 29
sq.
En raison de cette faiblesse et de cette précarité, la tentation totalitaire est particulièrement
fréquente.
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La démocratie totalitaire..