Date :
9.09.2012
4ième page
Tenir le réel pour
aussi peu que rien et assujettir toute réalité à un fantasme, n'est-ce pas
la forme la plus ordinaire de la démence ? Mais n'est-ce pas aussi le
propre de tous les fanatismes ? Que furent d'ailleurs tous les
totalitarismes sinon des fanatismes idéologiques ? À l'origine des pires
calamités il nous faut donc reconnaître un simule fait psychologique : la
croyance. Que les plus généreux et les moins cyniques des hommes aient pu
être envoûtés par les diverses idéologies totalitaires jusqu'à en être
aveuglés, voilà ce que nous avons voulu tenter de comprendre. Aussi les
analyses de cet essai sont-elles presque toutes consacrées à l'envoûtement
de la croyance et aux vertiges de l'imaginaire. N. G. Nicolas Grimaldi
poursuit dans cet essai les analyses de l'imaginaire esquissées dans Le
désir et le temps (1972), et qu'il n'a cessé de poursuivre dans son Traité
de la banalité, Le livre de judas, Préjugés et paradoxes, ou dans son
dernier livre sur Proust, Les horreurs de l'amour.
EXTRAITS
AVANT-PROPOS
«Je sais bien que la folie humaine est insondable,
mais la crédulité
l'est à peine moins. »'
H. Brémond.
Entre tous les malheurs qui accablent l'humanité, les pires sont ceux
qu'une partie d'elle-même décide d'infliger à l'autre. « Il n'y a pas
d'homme qui se complaise au mal parce que c'est le mal », disait Fichte.
Et pourtant, remarquait-il, « les pires calamités qu'ait eu à endurer
l'humanité ne viennent pas de la nature, mais ont été librement délibérées
et décidées, comme si l'homme n'avait pas de plus cruel ennemi que l'homme
» z. Aucun séisme, aucune épidémie, ont-ils en effet jamais produit des
ravages comparables à ceux d'une guerre ? Le plus surprenant dans ce cas,
et plus encore lors d'une révolution ou d'une guerre civile, est qu'il
n'est crimes si monstrueux qui ne soient alors accomplis avec une feinte
innocence, comme s'il s'agissait d'un jeu. Toutes les enquêtes sur
les régimes totalitaires ont en effet montré que les persécutions de
masse, les génocides, les plus inhumaines exactions, furent accomplis sans
broncher. L'action paraissait même d'autant plus louable qu'elle était
plus répugnante. Tout se passe donc comme s'il suffisait d'être enrôlé
dans un groupe pour qu'on se croie tenu d'y accomplir ce qu'il attend de
nous, et délié de tout devoir envers ceux qui ne lui appartiennent pas.
Entre Guelfes et Gibelins, partisans du pape ou de l'empereur, de la
plèbe ou des marchands, la guerre n'a jamais cessé. Inexpiable, elle se
poursuit encore. Quelque nom qu'aient pris ses protagonistes tout au long
de l'histoire, un même fanatisme leur interdit tout accommodement. «Tout
pour les__ nôtres, rien pour les autres, sinon la corde. » C'est le
ressort de toutes les injustices, de toutes les exclusions, de toutes les
éliminations. Pas de ligue sans ligueurs. Il suffit d'appartenir à un
parti pour être partisan. Plus ils sont illuminés par leur foi, plus ils
en sont aveuglés. Entre catholiques et luthériens, ou entre partisans de
la république et partisans de la maison d'Orange, la lutte est de tous les
instants. Nulle concession. Pas de quartier. Aussi Spinoza s'indignait-il
de voir les militants de toutes sectes soutenir et louer n'importe quel
imbécile ou n'importe quel voyou pourvu qu'il fût de leur parti. Or, en
allumant les brandons de la discorde et du ressentiment, de telles
injustices, disait-il, menacent la paix sociale. C'est ce qui en fait
autant de crimes'. Sectaires ou partisanes, ces iniquites,~sont sans fin,
et presque sans exception. Nul besoin pour s'en convaincre d'éplucher les
archives ni d'anciennes chroniques. Il suffit de consulter parfois le
Journal officiel. Comment a-t-on jamais pu confier à ce danseur des
fonctions de financier ? On s'en étonne. On s'en récrie. On en clabaude.
La chose est pourtant toute simple. Ce ne sont pas ses mérites qui l'ont
fait nommer : c'est son clan, c'est son parti. Quand il ne s'agit que d'un
siège au Parlement européen ou d'un poste d'ambassadeur, la chose n'est
pas trop grave. Aussi se borne-t-on le plus souvent à en plaisanter sans
prendre la peine de s'en scandaliser. Mais entre ceci et les persécutions,
comme entre les persécutions et les éliminations, il n'y a qu'une
différence de degré. L'intention est la même. À défaut d'ôter la vie à
ceux qui ne peuvent être que de l'autre clan puisqu'ils ne sont pas du
nôtre, on se borne à leur fermer les portes de la société. On tente donc
de les marginaliser ou
en
relations
..... QUE NOUS
.....et:ou L'HOMENTRANCHE ...
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