Auteur:
Philippe de Villiers
Source:
le Figaro du 15 octobre 2001
Le samedi 6 octobre 2001, à
Saint-Denis. il s'est produit un événement stupéfiant : au Stade de
France, devant une bonne partie du gouvernement français réuni autour
du premier ministre de la France, l'équipe de France de football ne
jouait pas à domicile, mais, comme on dit en jargon sportif, « à
l'extérieur » . A l'occasion d'une rencontre France-Algérie présentée
comme « historique » car première du genre, le Onze tricolore a évolué
devant 70 000 supporters « algériens », quoique presque tous de
nationalité française.
Dès avant le coup d'envoi, l'incongru
de la situation sautait aux yeux et... aux oreilles quelques drapeaux
français au milieu d'une marée d étendards algériens dans les
tribunes, une immense ovation saluant l'entrée des visiteurs tandis
que le Onze tricolore était conspué, des sifflets et des injures
couvrant l'exécution de La Marseillaise... «Jamais, commentait Le
Figaro dans son compte rendu du 7 octobre, l’hymne tricolore n'a reçu
un tel accueil en France (.. ), et même sans doute dans le monde. »
Lors de l’annonce de la composition des équipes, acclamations pour les
Algériens, huées pour les Français..
Tout au long du match, chaque action
des joueurs français déchaîne des vociférations rien moins
qu'amicales, tandis que la prise de ballon par les Algériens soulève
l'enthousiasme des tribunes. Jusqu’à ce que, furieux de la domination
tricolore, concrétisée par un 4-1 sans appel, la pelouse soit envahie,
à vingt minutes de la fin, par des « jeunes des quartiers » furibonds
scandant le nom de Ben Laden et projetant canettes et boulons sur la
tribune officielle, blessant deux membres du gouvernement, Elisabeth
Guigou et Marie-George Buffet.
Une rencontre sportive n'est pas un
événement politique, mais les conditions dans lesquelles s'est déroulé
ce France-Algérie ne peuvent que donner à réfléchir à chacun de nous.
Quels enseignements doit-on tirer de ce scandale ?
Tout d'abord. la France n'a pas de
gouvernants soucieux de son honneur. Dans aucun pays au monde, à
commencer par l'Algérie, un chef de gouvernement digne de ce nom
n’aurait supporté un tel camouflet - infligé par ses propres
compatriotes, qui plus est aux symboles de sa nation. Il aurait quitté
la tribune d’honneur des les premiers sifflets à l'encontre de l'hymne
national, suivi de tous ses ministres.
Qu’à a fait Lionel Jospin? II est
resté à sa place. Imperturbable, entouré d'excellences en quête d'une
circonscription en banlieue, tels Jack Lang ou Elisabeth Guigou, ou
déjà élus de la périphérie parisienne, comme Marie-George Buffet ou
Claude Bartolone : aucun ne voulait risquer de froisser de potentiels
électeurs en montrant ne serait-ce qu'un soupçon d'humeur. Bombardé de
projectiles, M. Jospin et ses ministres ont subi sans broncher
l'avanie. Et le ministre de la Jeunesse et des Sports, quoique
blessée, se contentait de dire dans L'Humanité : « C'est triste, mais
il n y a rien eu de grave. »
Rien de grave ? L'hymne national
conspué, cela n est pas rien, en tout cas aux yeux de: tous ceux qui
ont gardé au coeur la fierté et le service de notre pays. Second
constat, celui de l'échec d'une prétendue « politique de la ville »,
fondée sur le laxisme à l’encontre des délinquants et sensée conduire
à l’intégration de centaines de milliers de jeunes immigrés déracinés.
En 1998, après la victoire en Coupe du monde d'une équipe de France de
football présentée comme l'illustration de la réussite de cette
intégration, les formations de gauche, généralement plus mesurées dans
leur enthousiasme lorsqu'il s’agit d'identité nationale, célébraient à
l'envi tous ces jeunes brandissant des drapeaux tricolores dans les
rues de Paris On peut se demander, au vu des incidents du Stade de
France, si ces jeunes ne fêtaient pas simplement une équipe dans
laquelle les << .Gaulois >> - comme on dit avec mépris dans le jargon
des << quartiers >> - étaient désormais largement minoritaires.
Deux exemples, que je tire d'organes
peu suspects d'incorrection politique en la matière, soulignent cet
échec de l’intégration des jeunes issus de l’immigration. Celui de
cette jeune « beur » qui avait revêtu un maillot bleu de l'équipe de
France et s'est fait traitée d’ « espèce de harki avec ton maillot
français » (1). Ou cette description de la nuit d'après match, avec
ces jeunes brandissant des drapeaux algériens dans leurs cités : « Le
plus surprenant fut de voir enfin, à Saint-Denis, ville pourtant
considérée depuis quarante ans comme un des berceaux de l'immigration
algérienne, une population fièrement drapée dans ses couleurs, sortir
au grand jour et revendiquer son existence » (2).
A force de tolérer dans nos banlieues
délinquance et trafic présentés comme de simples « incivilités », de
laisser se constituer des zones de non-droit dans lesquelles les
représentants de l'Etat, que ce soit la police; les pompiers ou le
Samu, sont interdits d’accès, de renoncer à ce que l'école.::.
(laissée à elle-même) et le service militaire (supprimé) jouent leur
rôle de creuset d'intégration pour des jeunes sans repères, voilà où
nous en sommes arrivés :un pays dont le tissu national est déchiré et
dont chaque lambeau constitue une case d'un damier communautariste, où
la solidarité entre citoyens est remplacée par une juxtaposition de
clans. d'ethnies, d'intérêts immédiats, de mafias... Un pays dont la
jeunesse ignore la grandeur et le rayonnement, une jeunesse pour qui
l'horizon se borne à quelques tours de béton et à, des séries
télévisées de violence ou de débilité, pour qui l`ennemi n'est pas
celui qui menace notre souveraineté nationale mais le voisin.
La troisième leçon découle de la
précédente. Force est de constater, dans l'actuel contexte de
terrorisme international, que nos banlieues, abandonnées à des bandes
violentes qui « ont la haine ». sont devenues des repaires potentiels
pour une cinquième colonne. On compte en France cinq millions de
musulmans. Tous, loin de là, ne sont pas des terroristes. ni même des
fondamentalistes. Mais ils sont des proies toutes désignées pour la
constitution de filières convergeant vers l'Afghanistan ou l'Arabie
Saoudite. La découverte de caches d'armes de guerre dans les
banlieues, les mitraillages de forces de police en public et en plein
jour, les manifestations croissantes d'hostilité à la nation française
sont des révélateurs inquiétants.
Même lorsqu'ils dénoncent les
attentats, les responsables des associations musulmanes de France
s'érigent en force de pression dont doivent tenir compte les
dirigeants de notre pays. C'est ainsi que, reçus récemment par le
président de la République, ils ont littéralement exigé de celui-ci
qu’il fixe devant eux les limites de l'action de la France contre les
terroristes islamiste. En 2000, Europol a dénombré 500 000 entrées de
clandestins dans l'Union européenne, à la faveur de la suppression des
frontières internes et externes. Cela n'empêche pas Bruxelles de
s'apprêter à élargir les conditions du droit d’asile et du
regroupement familial. Est-ce bien le moment ?
Il apparaît urgent de réformer notre
politique d'immigration. Pour cela, il convient de rétablir nos
frontières, de dénoncer les traités de Schengen et d'Amsterdam, de
désarmer nos banlieues devenues des arsenaux, de stopper l'immigration
clandestine, de faire en sorte que la nationalité française ne soit
plus distribuée comme une carte grise. Enfin, il faut redonner aux
jeunes Français ce que l'on ne leur transmet plus : les valeurs de la
civilisation et l'amour de la France.
PAR PHILIPPE DE VILLIERS
Président du Mouvement pour la France.
(1) Nouvel Observateur du 11
octobre.
(2) Libération du 8
octobre.
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Résonances: