Premier critère: le degré de pénétration
de l'idée de justice Celle où
la force est tempérée par la justice. La justice est transcendante par
rapport à un quelconque régime politique.
Second critère: le degré d'unité du corps
et de l'âme
Voici un autre critère pour juger de la
valeur des civilisations: le degré d'unité du corps et de l'âme et
d'une manière générale, de l'esprit et de la matière.
Troisième critère: le degré de respect des
êtres et des objets
La pénétration de l'idée de justice, l'union
de l'âme et du corps, de l'esprit et de la matière dans l'art,
conduisent au respect des êtres et des objets.
Quatrième critère: le sens de la mesure
Aussi bien est-ce la démesure dans la
consommation, dont les Occidentaux ont donné l'exemple et dont ils
demeurent les champions, qui d'ores et déjà compromet la paix entre
les civilisations.
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La tectonique des civilisations
Auteur:
Pierre-André Bourque,
Professeur de l'Université Laval Québec.
Source: http://www.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/tectonique.pl.html
La lecture du
Choc des civilisations,
de Samuel Huntington, combinée avec les propos de Gilles Bibeau sur le
dialogue des civilisations, m'amène à considérer tour à tour le thème du
même et de l'autre chez Platon, le principe de clôture cher aux
biologistes et, devinez pourquoi, la tectonique des plaques.
D'abord, ce que nous rappelle Gilles Bibeau,
c'est qu'il y a autour de chaque peuple, comme autour de chaque cellule et
de chaque organe, une membrane destinée à la fois à préserver l'identité
de l'ensemble qu'elle délimite et à faciliter ses rapports avec le monde
extérieur. Ainsi, on peut dire que les civilisations comme les cellules
restent les mêmes et qu'elles deviennent autres, et que c'est parce
qu'elles deviennent autres qu'elles peuvent rester les mêmes.
L'analogie avec la tectonique des plaques est
encore plus instructive. On distingue trois types de frontières entre les
plaques: divergentes, convergentes ou transformantes. (Voir
Les plaques
tectoniques ....)
Comment résister à la tentation d'imaginer
des civilisations à la place des plaques? De même que l'énergie provenant
du centre de la terre provoque l'éloignement des continents, de même
l'accroissement de l'énergie disponible dans l'humanité provoque la
différenciation des civilisations. Frontières divergentes! Mais les
civilisations entreront ensuite en collision, les unes seront dominées par
les autres. Frontières convergentes! Quant aux «frontières
transformantes», elles symboliseraient l'espace dévolu au dialogue entre
les civilisations.
Acteurs et spectateurs
Hypertrophie de l'œil: dans tous les
domaines, nous sommes spectateurs en même temps qu'acteurs. Nous
connaissons nos complexes et nous nous regardons en train de les vivre;
nous connaissons nos gènes déficients et nous sommes témoins des progrès
du mal qu'ils font. Sur un autre plan, nous prévoyons l'évolution du
climat et sommes conscients de la façon dont nous concourons tous au
réchauffement global.
....Quand les hommes n'étaient qu'acteurs, ils
attaquaient l'ennemi ou se défendaient contre lui à la manière de l'animal
qui veut agrandir son territoire ou le défendre. Les philosophes et les
historiens réfléchissaient ensuite sur le sens de ces tragédies, et encore
ces derniers ne se sont-ils mis à l'œuvre qu'au cours des deux derniers
millénaires....
C'est par notre conscience, notre statut de
spectateurs que nous nous distinguons des hommes du passé. Et c'est de la
façon dont nous saurons vivre notre double rôle que dépend l'avenir. ...
Contre le
relativisme
C'est le spectateur en nous qui risque de
tout compromettre. C'est lui qui a inventé cette chose contre-nature
appelée relativisme, qui réduit le dialogue à un échange de bons procédés
intellectuels. Le dialogue authentique est une quête commune passionnée,
ce qui suppose de part et d'autre un sens de l'absolu non attiédi par le
scepticisme du spectateur blasé.
Depuis quelques décennies déjà, nombre
d'Occidentaux cherchent à se faire pardonner d'avoir, au cours des
derniers siècles, prétendu représenter la civilisation. Pour se faire
oublier, ils ont inventé les
civilisations, c'est-à-dire le relativisme. Un universitaire
californien typique ne commence un cours sur Platon qu'après de longues
précautions: «Je sais qu'il existe de grands sages en Chine et en Inde,
que la philosophie grecque a ses racines en Égypte et que Platon lui-même
n'est peut-être qu'un interprète de second ordre d'une tradition fondée
par des Noirs venus en Égypte depuis l'Éthiopie; c'est toutefois de Platon
dont je vais vous parler bien humblement, vous voudrez bien m'excuser.»
Allons donc, vous le savez bien, hypocrite
relativiste, Platon est un sommet dont toute l'humanité a raison d'être
fière; il se trouve qu'il a vécu en Grèce, double raison pour un
Occidental d'être fier. Vous ne gagnerez pas l'estime d'un enthousiaste
lecteur des Upanishads
en ayant honte de votre enthousiasme pour Platon. Par votre médiocre
attachement aux sommets de votre propre civilisation, vous ne toucherez
que les médiocres des autres civilisations et vous conspirerez ainsi à
créer l'uniformité à la place de la véritable unité, laquelle suppose la
diversité!
Le
meilleur en toutes choses
C'est Platon qui nous l'a enseigné: il faut
chercher le meilleur en toutes choses ..... En disant qu'il faut chercher
le meilleur, Platon ne faisait que constater la chose la plus naturelle
qui soit. Chacun veut que son anthologie personnelle de la poésie ou de la
chanson soit la plus belle du monde. La plupart se trompent, se font
illusion, mais on le leur fera remarquer et de corrections en corrections,
surgira la belle anthologie qui était l'intention première. C'est
l'orientation initiale vers l'absolu ( rs... vers le bien ..le beau ...
et le vrai ...) qui importe.
Beaucoup de gens croient que la recherche du
meilleur conduit à l'intolérance et deviennent relativistes par
refus de la violence. Plus la grandeur d'une civilisation est authentique,
plus l'abus de la force répugne à l'attachement qu'elle suscite. Le
même attachement dispose toutefois à sacrifier sa vie. J'admire les
Indiens qui sont morts pour protéger les trésors de leur culture contre
les hordes d'Alexandre. Le danger n'est pas dans l'attachement lui-même,
mais dans sa bassesse. Plus on est élevé soi-même dans l'échelle des
êtres, plus on est critique à l'endroit des civilisations, de la sienne
d'abord, plus on hésite à leur donner un brevet de perfection. L'œuvre de
Platon est un immense regret, celui de voir ses compatriotes grecs
devenir, sous ses yeux, indignes de cette Idée de Justice dont leurs
ancêtres avaient eu l'intuition, et qu'ils avaient su opposer à la force
avec un certain bonheur.
Premier critère: le degré de pénétration de l'idée de justice
Qu'est-ce donc que la meilleure civilisation
possible? Celle où la force est tempérée par la justice. La justice est
transcendante par rapport à un quelconque régime politique. Averroès a
fait régner la justice chère à Platon en Andalousie, sous un régime
monarchique. Le degré de pénétration de la justice dans une civilisation
est fonction de la qualité de l'inspiration de cette civilisation.
Certains régimes sont sans doute (mais cela varie avec les lieux et les
époques) plus aptes que d'autres à assurer l'irradiation de l'inspiration,
c'est peut-être le cas aujourd'hui de la démocratie. Encore faudrait-il
que les défenseurs ne l'idolâtrent pas, qu'ils ne la prennent pas pour la
cause, alors qu'elle n'est qu'une condition. La cause est
transcendante. (00)C'est ce soleil invisible qui, par le biais
de la photosynthèse spirituelle, fait fleurir les âmes, les cœurs et les
esprits.
Le Juste, pour Platon, c'est celui qui a une
telle horreur de la force qu'il préfère la subir passivement plutôt que de
se dégrader en réagissant à son niveau, en la retournant contre l'autre.
Préfiguration du Christ. Le Christ comme témoin parfait d'une justice dont
Platon a été le penseur. N'est-ce pas là un sommet? Oui, répondrait sans
doute Ghandi, un sommet dont l'Occident chrétien est devenu indigne et
auquel d'ailleurs il ne croit plus.... ( rs ... sommes nous capable de
retrouver le sacré ?...nos racines grecs et chrétiennes? .... notre combat
)
Second
critère: le degré d'unité du corps et de l'âme
Voici un autre critère pour juger de la
valeur des civilisations: le degré d'unité du corps et de l'âme et d'une
manière générale, de l'esprit et de la matière. Pour Aristote et saint
Thomas, l'âme et le corps sont deux entités distinctes substantiellement
unies. Pour Klages plus près de nous, le corps et l'âme sont l'envers et
l'endroit d'une même réalité: l'âme est le sens du corps et le corps, le
signe de l'âme.
Fort de cette haute idée de l'unité de la vie
humaine, Klages a pu jeter une lumière singulière sur les rapports entre
l'Orient et l'Occident: «L'Occident, écrit-il, a désanimé le corps,
l'Orient a désomatisé ( rs ...désincarné.. ce que le catholicisme a
également fait .. ) l'âme». Le corps désanimé des Occidentaux
disparaît en tant que signe pour devenir un simple outil au service d'une
volonté à la poursuite d'objectifs extérieurs, de records, etc. Ayant
perdu son aptitude à être signe il ne sait plus traduire les nuances des
idées et des sentiments. L'art devient impossible. C'est en effet le degré
d'unité de l'âme et du corps qui, transposé à l'extérieur, dans les
rapports entre la matière et l'esprit, constitue l'essence de l'art.
Botticelli, la Renaissance italienne: voilà un moment et un lieu où
l'unité du composé humain a atteint un sommet. J'ai sous les yeux un livre
magnifique sur la Toscane, œuvre d'un photographe et d'une universitaire,
tous deux californiens. Que cherchent-ils en Toscane? La mer, le climat,
l'air de la montagne? En ces matières comme en beaucoup d'autres, ils sont
mieux servis chez eux. Ils cherchent l'union de l'âme et du corps et ses
manifestations dans l'art et dans l'art de vivre; dans l'art d'aimer
également, dont ils parlent peu, mais qui est le point vers lequel
convergent toutes les autres formes d'art.
Si, comme moi, vous n'avez pas eu le bonheur
de visiter l'Inde, ou tout autre pays oriental, rendez-vous dans un
restaurant indien digne de ce nom. Et observez les serveurs. Vous aurez
vite compris qu'ils appartiennent à une civilisation où le corps a
conservé son aptitude à être signe. Mais pour remplir certaines fonctions
utiles, le corps doit aussi conserver les vertus de l'outil. C'est
pourquoi Platon conseillait de compléter la musique par la gymnastique
dans l'éducation. Hélas! en Inde, comme dans l'Orient en général, par
nécessité sans doute plus que par choix, on a attaché une telle importance
à la vie purement intérieure, et dans l'ordre du sensible, à la poésie,
aspect de la musique, que le corps s'est atrophié en tant qu'instrument,
mais aussi en tant que signe; un corps rachitique en effet est une
bien mauvaise lyre. Meilleure peut-être qu'un corps obèse! L'obésité
extrême est un mal qui touche le corps signe en même temps que le corps
instrument.
Troisième critère: le degré de respect des êtres et des objets
La pénétration de l'idée de justice, l'union
de l'âme et du corps, de l'esprit et de la matière dans l'art, conduisent
au respect des êtres et des objets. Ce respect est un autre critère pour
juger de la qualité d'une civilisation. Selon ce critère, la civilisation
occidentale actuelle, si tolérante à l'égard du gaspillage, est au plus
bas degré de la hiérarchie.
Quatrième critère: le
sens de la mesure
Aussi bien est-ce la démesure dans la
consommation, dont les Occidentaux ont donné l'exemple et dont ils
demeurent les champions, qui d'ores et déjà compromet la paix entre les
civilisations. Cette démesure est elle-même un acte de guerre, car elle a
pour prix une atteinte à l'environnement et une mainmise sur les
ressources naturelles qui compromet l'avenir de tous les pays qui aspirent
à la même richesse. Dans le passé, la seule façon pour un pays d'accroître
ses richesses au-delà de ce que donnait sa terre et le travail de ses
habitants, c'était la conquête militaire. Un pays pouvait ainsi profiter
des ressources naturelles et du travail des pays voisins, ou lointains,
comme ce fut le cas pour les colonies des pays européens. Cette façon de
faire avait l'avantage d'être transparente. Les profiteurs étaient bien
identifiés et on pouvait espérer redresser la situation par une guerre de
revanche.
La plupart des pays colonisés sont
aujourd'hui indépendants et les conquêtes militaires en vue d'une
occupation sont rares, du moins dans les régions industrialisées. Faut-il
en conclure que les pays puissants sont devenus purs au point de renoncer
à profiter de la richesse et du travail des autres? Il faut plutôt noter
que la spoliation se fait par des voies détournées: en consommant plus que
sa juste part des richesses de la planète et en hypothéquant l'avenir de
la même planète par une pollution qui est à la mesure de la consommation,
c'est-à-dire excessive. À quoi il faut ajouter l'exode des cerveaux vers
les pays déjà riches dans ce domaine comme dans les autres.
S'il y avait surabondance de produits
naturels désirables et nécessaires, le mot spoliation serait un peu fort.
Mais ce n'est pas le cas: toutes les ressources sont limitées, à commencer
par l'eau et l'oxygène. L'utilisation de la technique et du capital pour
prélever plus que sa part de ces ressources est une opération plus
efficace et plus rentable que la guerre, pour parvenir aux mêmes fins.
Cette méthode a aussi l'avantage de présenter des avantages immédiats pour
les pays lésés. Le Québec, par exemple, a pu accélérer son
industrialisation en vendant son fer à rabais aux Américains. Comme en
outre l'injustice commise de cette façon est légale et qu'on met un
certain temps à en mesurer l'ampleur et la portée, elle passe souvent
inaperçue dans l'immédiat. La prise de conscience tardive n'en sera que
plus amère. Quand les Chinois et les Indiens, devenus riches, voudront
leur voiture individuelle et leurs 500 litres d'eau par jour, et qu'ils ne
les trouveront pas parce que la planète ne sera pas en mesure de les leur
fournir que feront-ils, que ferions-nous à leur place?
.... On voit mal comment le dialogue entre
les civilisations pourrait se faire dans la sérénité, si les accords de ce
genre ne se multiplient pas et ne sont pas respectés. Cela suppose, de la
part des savants, des penseurs et des dirigeants, une concertation sans
précédent de même que l'existence des institutions et des outils
intellectuels appropriés à cette tâche. (3)
Source: Site du professeur Pierre-André
Bourque de l'Université Laval.
http://www.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s1/tectonique.pl.html
trouvé via :http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/--
Agora est un site très
encyclopédique très intéressant .. ...sa devise ... "vers le réel par
le virtuel" ... elle pourrait être la nôtre...
03/03
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Résonances ....rs:
(0) .... Nous
retrouvons bien la, me semble-t-il, une vision d'ensemble-HOMENTRANCHE.... La
transcendance s'arrête à la démocratie (... animée par la photosynthèse due au
soleil? ?) Et les remèdes ... Les régulations ...sont apportés par la tranche
« d'en haut » ... Ceux « d'en bas » demeurant spectateur ...en stabulation....
Aucun espoir donc... c'est ce que nous connaissons actuellement.
(00) La Justice transcendante ??? ....
la démocratie ne peut nullement l'offrir ... peut -être une monarchie à
gouvernement élu ... et que la justice dépend du monarque et non du gouvernement...
(la préférence de homocoques).
(1)
.....
certainement pas la justice humaine ....mais cette justice "sacrée"
"divine" atteignable qu'à l'amour de la vrai grandeur
...l'amour de la réalité....
"l'esprit de vérité" comme dit Simone Weil
(2)...cette démesure se retrouve dans
son " toujours plus" matérialiste et productiviste ...dans son gigantisme..
dans les multinationnales .....sa déconnection par rapport au monde réel à la
diversité .. la concentration des pouvoirs ..et l'universalisme )
(3) Dans cette énumération il manque
curieusement l'individu ..le consommateur ...
et voilà donc le gouvernement mondial ... et ceux de la
"tranche d'en haut" ...non à l'uniformité non à l'HOMENTRANCHE ....ou à
ENUN ...... qui ne se limiteront jamais .. Mais imposeront les
souffrances aux autres.
Il me semble qu'il faille
freiner les pays occidentaux dans leur exploitation des autres ... dont la
délocalisation et l'immigration .... elle doit se restreindre
économiquement et que les autres civilisations
s'épanouissent économiquement mais ne cherchent pas à devenir une partie
identique de cette
civilisation occidentale. A chacune qui doit se " recentrer " ..retrouver son "âme" ... et non "
s'étendre" ...est-ce possible ..? pour nous ? pour les autres ?
c'est le défi actuel .
Pour tous la fin de l'universalisme ...
et l'acceptation de "L'un et multiple"