Entretien avec le Professeur Arturo Cattaneo
CITE DU VATICAN, Mardi 21 décembre 2004 (ZENIT.org) - A
l’occasion de sa XXIème Assemblée plénière (24-28 novembre), le Conseil
pontifical pour les Laïcs a réfléchi sur la manière de « redécouvrir le
vrai visage de la paroisse ».
Le thème délicat de la relation entre la paroisse et les mouvements
ecclésiaux a été traité par Dom Arturo Cattaneo, Professeur de Droit
canonique à Venise, et d’Ecclésiologie à Rome et à Lugano.
Nous publions ci-dessous la première partie de l’interview qu'il a
accordée à Zenit.
Zenit : Les mouvements ecclésiaux sont en perpétuel
développement. Doit-on s’attendre à ce qu’ils se substituent aux
paroisses ?
D. A. Cattaneo : Je dirais franchement non, parce que la paroisse aura
toujours un rôle fondamental et irremplaçable. Elle constitue en effet,
comme l’a écrit Jean-Paul II , « le dernier degré de la localisation de
l’Eglise ; c’est en un certain sens, l’Eglise elle-même qui vit au
milieu de ses fils et de ses filles ». (Exhortation apostolique
Christifideles laici n. 26). La paroisse doit donc être considérée comme
la « maison commune des fidèles », le « premier lieu de l’incarnation de
l’Evangile » et ne peut être remplacée par aucun mouvement.
Zenit : Pourquoi le Saint-Père considère-t-il donc si
positif et prometteur le développement des mouvements ?
D. A. Cattaneo : Il est évident que la paroisse n’est pas
le seul moyen par lequel l’Eglise répond aux exigences de
l’évangélisation. La paroisse ne peut en outre englober en elle toutes
les formes possibles de vie chrétienne, qu’elles soient individuelle ou
de groupe, comme s’il s’agissait d’un diocèse en miniature.
Zenit : Quelles contributions apportent les mouvements
aux paroisses ?
D. A. Cattaneo : Jean-Paul II a souvent manifesté sa
confiance dans la capacité des mouvements de raviver l’action
apostolique de l’Eglise et, de manière particulière, celle des
paroisses. En effet, l’on trouve quelquefois des paroisses présentant
des symptômes de sclérose qui ne sont plus que des « stations de service
pastorales ».
Dans cette situation, le rôle des mouvements demeure particulièrement
important et providentiel dans le défi aux phénomènes de
déchristianisation et dans la réponse aux questions relatives à la
religion, qui en Occident sont toujours plus pressantes.
Zenit : Pouvez-vous préciser en quoi consiste,
concrètement, leur contribution ?
D. A. Cattaneo : Chaque mouvement à un charisme propre et
ceux qui y participent sont appelés et aidés à le vivre dans la vie
familiale, sociale, professionnelle, politique, culturelle, sportive,
etc.… La contribution principale des mouvements à la paroisse est
justement cette présence capillaire de vie chrétienne.
Comme l’a récemment observé le Prof. Giorgio Feliciani : « La première
et la contribution la plus importante que peuvent apporter les
mouvements à une communauté paroissiale est la présence dans son domaine
territorial de ce que le pape Jean-Paul II a défini ‘une personnalité
chrétienne mature, consciente de sa propre identité baptismale, de sa
propre vocation et mission dans l’Eglise et dans le monde’. Et donc
capables d’offrir à ceux qu’ils rencontrent un témoignage significatif
de vie chrétienne ».
Zenit : On parle parfois du danger que les mouvements
constituent une « Eglise parallèle ». Qu’en pensez-vous ?
D. A. Cattaneo : Avant tout je dirais que ce slogan peut
être une simplification injuste, qui tend à mettre les mouvements sous
une mauvaise lumière et n’aide certainement pas à faire que ces
mouvements soient bien accueillis dans la vie des paroisses, contribuant
à les revitaliser. Les autorités ecclésiastiques qui approuvent les
statuts des mouvements et veillent sur leurs œuvres sont là pour éviter
que les mouvements tendent à se développer dans le sens d’une « Eglise
parallèle ».
Œuvrer à ce que ne se forment pas des « Eglise parallèles », dépend, en
outre également, de la capacité des paroisses d’être accueillantes et de
promouvoir, comme l’a demandé le pape dans la lettre ‘Novo millennio
ineunte’, cette « école de communion » qui fera obstacle à la «
mentalité de clocher ».
Zenit : Que signifie concrètement « école de communion »
?
D. A. Cattaneo : Le pape a expliqué que cela demande
avant tout d’avoir « le regard du cœur porté sur le mystère de la
Trinité qui habite en nous ». A partir de cette réalité profonde et
personnelle naîtront des dispositions et des attitudes qui favoriseront
le développement de la communion ecclésiale. Dans une société comme la
nôtre, tellement imprégnée d’individualisme et dans laquelle beaucoup
souffrent de solitude, tout cela me semble d’une grande actualité et
importance.
Zenit : Que peut faire le curé pour promouvoir cette
communion ?
D. A. Cattaneo : L’Instruction de la Congrégation pour le
Clergé sur « Le prêtre pasteur et chef de la Communauté paroissiale »
(2003) rappelle que « le curé de manière spécifique doit être l’artisan
patient de la communion de sa propre paroisse avec l’Eglise particulière
et avec l’Eglise universelle.
Il devrait être également un véritable modèle d’adhésion
au Magistère éternel de l’Eglise et à sa grande discipline » (n. 16). On
exhorte précisément souvent les mouvements à respecter et à promouvoir
l’unité de l’Eglise. On ne peut toutefois oublier que ceci est valable
également pour les paroisses et qu’on observe parfois des manquements à
cette unité, aussi de la part des paroisses.
Zenit : Et si un curé appartient à un mouvement ?
D. A. Cattaneo : Cela pourra certainement constituer pour
le curé lui-même une source de soutien et d’enrichissement spirituel,
qui se manifestera par un dynamisme pastoral croissant, au bénéfice de
toute la paroisse. Le curé devra toutefois veiller à ce que le mouvement
auquel il appartient ne monopolise pas les activités de la paroisse ; il
veillera également à ce que personne ne fasse l’objet de discrimination.
Fin de la première partie.
Zenit :
Aujourd’hui on parle souvent d’un renouveau missionnaire de la
paroisse. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
D. A.
Cattaneo : C’est justement à cet aspect que s’est référé le Saint-Père
lors de l’Audience accordée aux participants à la plénière du Conseil
pour les Laïcs quand il a rappelé que la paroisse « a besoin de se
renouveler en permanence pour devenir une 'communauté de communautés',
capable d’une action missionnaire véritablement incisive ». Dans
cette perspective on apprécie l’enrichissement que reçoit la paroisse de
la vitalité apostolique des mouvements. Mgr Renato Corti, Vice-président
de la CEI, a récemment observé « que l’accent mis sur le devoir, grand
et urgent, de l’évangélisation pourra nous rendre tous plus sensibles à
l’unité de la mission et nous donner le courage d’accomplir les pas de
conversion nécessaires ».
Zenit : En
défense des mouvements on rappelle parfois le respect pour la liberté
des fidèles. Ne pensez-vous pas que cela puisse miner l’unité nécessaire
de l’Eglise, et même celle de la paroisse ?
D. A. Cattaneo
: Il est évident que la liberté des fidèles trouve sa limite intrinsèque
dans l’obligation d’observer la communion avec l’Eglise et donc son
unité. Mais à y voir de plus près, liberté et unité ne sont pas
opposées, comme si l’on affirmait que la première nie la seconde. Il
s’agit plutôt de deux exigences simultanées et harmonieuses de la
communion ecclésiale. L’unité de la paroisse implique le respect de
la liberté de chacun ; l’absence de liberté nuirait en revanche à
l’unité; plus encore, elle serait une cause de désagrégation.
Zenit :
Quelles sont les principales exigences dont doivent tenir compte les
mouvements en vue d’un rapport fructueux avec la paroisse ?
D. A. Cattaneo
: Tout ce que j’ai dit à propos de la paroisse, afin que celle-ci
soit « une école de communion » et soit perméable à « l’aspect
missionnaire », vaut également pour les mouvements. Ceux-ci ont
toutefois des caractéristiques, en partie diverses, de la paroisse.
L'une d’elle est de transcender le milieu paroissial. L’intégration des
mouvements au niveau diocésain et donc l’unité avec l’évêque diocésain,
demeure un point essentiel. Divers textes du magistère ont en outre
indiqué quelques « critères d’ecclésialité » pour les mouvements. Dans
mon intervention j’ai donc préféré analyser de quelle manière la
paroisse peut rendre fructueuse une telle relation.
Zenit : Pouvez-vous nous parler aussi des principaux «
critères d’ecclésialité» pour les mouvements ?
D. A. Cattaneo : Je rappellerai avant tout la capacité
de faire en sorte que le charisme s’insère dans la réalité de
l’Eglise locale. Le fort sentiment d’appartenance exprimé au sein du
mouvement pourrait en effet obscurcir le sens d’appartenance à la propre
Eglise locale, tout comme la propre responsabilité à son égard. En
restant fidèles à leur propre charisme, les membres des mouvements
devront chercher à l’insérer de manière créative dans la vie de leur
propre Eglise locale. Cela ne signifie pas nécessairement que ceux-ci
doivent être présents, - les représentants du mouvement - dans les
organismes diocésains ou paroissiaux ; le premier domaine d’action
ecclésiale des fidèles laïcs est en effet celui de la vie familiale,
sociale, professionnelle, politique, culturelle, sportive, etc.… Une
autre exigence que doivent garder à l’esprit les mouvements est l’estime
pour les autres réalités ecclésiales. La conscience de la variété et de
la complémentarité des divers charismes et vocations dans l’Eglise,
conduira les membres de chaque mouvement à comprendre que celui-ci, pour
autant qu’il soit merveilleux, constitue seulement un des éléments qui
composent cet ensemble symphonique que l’on appelle la «
catholicité ». Cela a comme conséquence que les membres des mouvements
sauront apprécier aussi les autres expériences et styles de vie
chrétienne. Parlant du fait que chaque mouvement est porteur de vie à
l’Eglise, Don Luigi Guissani a affirmé : « Le premier signe est que, qui
le vit, est rempli d’estime, d’attention à l’égard des autres
mouvements, prêt à les valoriser et à collaborer avec eux ». Il faut
également rappeler l’esprit de service qui conduira les membres des
mouvements à soutenir volontiers les initiatives de l’évêque et du curé,
selon les caractéristiques de leur propre charisme. Les membres d’un
mouvement éviterons ainsi la soif de protagonisme peu ecclésiale,
qui peut se révéler contre-productif, et de faire obstacle à une
insertion harmonieuse dans la communion de l’Eglise locale et
paroissiale.
ZF04122204
«Recentrer
l’enseignement catholique sur le Christ» :
le choc de la charte
d’Avignon
Thierry Boutet
Un pavé dans la mare. Après trois ans de travail,
l’archevêque d’Avignon vient d’annoncer la publication d’une charte de
l’enseignement catholique pour son diocèse qui rompt avec trente ans de
compromis regrettables. En voulant «replacer le Christ au centre de
l’école catholique», Mgr Jean-Pierre Cattenoz opère un virage qui
fera date, quand bien même l’archevêque mesure les difficultés, et
l’immense effort à entreprendre de la part de toute l’Église de France :
vis-à-vis d’elle-même, du corps enseignant et de l’Éducation nationale.
Incontestablement, le brûlot de l’archevêque, mûrement pensé, rejoint
l’immense préoccupation des parents chrétiens, et ne peut laisser
indifférentes les familles qui confient leurs enfants à l’école
catholique.
Rédigé dans une langue claire qui ne cède pas une virgule à la langue de
buis, ce texte est porté par un souffle inhabituel. L’archevêque a un
projet pour l’enseignement catholique, il a aussi du style.
Le ton change, la méthode aussi. Depuis le Concile aucun évêque n’avait
osé agir avec une telle liberté de parole et d’esprit sur un sujet aussi
majeur. Dans moins d’un mois, du 4 au 11 novembre 2006, l’assemblée des
évêques planchera à Lourdes sur «la mission de l’enseignement
catholique dans l’Église et dans la société». Un groupe de travail
présidé par Mgr Aumonier, évêque de Versailles, présentera ses
conclusions. Le travail de Mgr Cattenoz ne sera pas sans incidence. Il
sera intéressant de comparer les textes, si l’assemblée parvient à un
accord : les évêques n’aiment pas apparaître désunis.
L’initiative n’a suscité pour le moment aucune réaction officielle de la
part des instances nationales de l’enseignement catholique, dont les
représentants se réfugient dans un silence prudent. Mais l’émoi est
perceptible, tant la réorientation invoquée par Mgr Cattenoz bouscule
les habitudes.
En attendant, la charte fait aujourd’hui l’objet d’une circulation
limitée. Fruit de trois longues années de travail et de concertation, la
charte vient d’être adressée pour avis à tous les chefs d’établissement
du diocèse. À l’issue de cette consultation, la rédaction définitive de
la charte, ad experimentum pour trois ans, sera rendue publique.
Afin de ne pas gêner le travail en cours, nous ne citerons aucun passage
de la charte. Mais il est permis d’en présenter largement le contenu. À
l’archevêché d’Avignon on précise que l’écho médiatique donné à
l’annonce de la charte n’est pas négatif. Mais on espère que les
querelles idéologiques ou de chapelle ne l’emporteront pas sur l’unité
nécessaire à l’ampleur du défi à relever. Notre vœu le plus cher est de
nous y associer.
Un bilan et un projet
D’entrée, Mgr Cattenoz situe la charte diocésaine en aval du statut de
l’enseignement catholique promulguée par la Conférence des évêques de
France, et en amont des projets pastoraux élaboré par les établissements
en lien avec leurs projets éducatifs. La première partie de son texte
dresse un bilan ; la seconde présente son projet.
Pour commencer, l’archevêque évoque le contexte culturel dans lequel
s’insère l’enseignement catholique : sentiment d’impuissance sur les
événements, consumérisme, «cathophobie», sécularisation, relativisme,
montée de l’islam... Dans ce contexte, Mgr Cattenoz remarque que le
caractère propre de l’enseignement catholique est ambigu, mal défini.
Dans les établissements catholiques la proposition de la foi est
insuffisante, voire absente. En revanche, on y trouve souvent une
logique de compétition propre à l’entreprise.
Dans ces conditions, le caractère propre se réduit au plus petit
dénominateur commun, à un consensus sur des valeurs évangéliques
fluctuantes, un humanisme chrétien au contour flou. Les valeurs qui sont
au fondement de la plupart des projets pédagogiques sont la tolérance,
la solidarité, l’ouverture aux autres ou à l’universel. Elles relèvent
toutes d’un humanitarisme bon teint davantage inspirées de la
philosophie des Lumières que de la rencontre avec le Christ. En phase
avec cette Modernité, la proposition de foi est donc le plus souvent
indigente, peu religieuse, syncrétique. Elle véhicule même selon Mgr
Cattenoz de véritables hérésies.
Cette édulcoration du caractère propre des écoles catholiques porte en
germe leur disparition ou leur intégration totale dans le service
public. Le prélat appelle donc à repenser le caractère propre des
établissements catholiques et à refonder leur enseignement sur de
nouvelles bases.
Un projet résolument missionnaire
Mgr Cattenoz prend soin de préciser qu’il ne s’agit pas pour lui de
revenir en arrière, ou de justifier un repli identitaire. Interrogé par
l’hebdomadaire Famille chrétienne (n. 1648) sur les vieux démons
de la guerre scolaire, il répond sans détours : «Ne craignez-vous pas
de faire un bond de cent ans en arrière ?», il répond : «…ou
peut-être de cent ans en avant ! En tout cas, je ne suis pas prêt à
renoncer à ma foi en Jésus Christ. À force de faire un catholicisme mou,
on n’aura bientôt plus de catholicisme du tout ! J’ai passé quinze ans
de ma vie en Afrique à annoncer Jésus-Christ. Je ne vois pas pourquoi
maintenant que je suis à Avignon, je ferais autrement.» Le projet de
Mgr Cattenoz est en effet clairement missionnaire.
Pour lui la question n’est pas de mettre l’enfant au centre de l’école,
comme on peut l’entendre dire souvent, mais d'y mettre Jésus-Christ. Car
l’enfant ne trouve sa véritable dimension qu’en étant mis en relation
avec le Christ. Dans cet esprit, l’enseignement catholique est à la fois
une institution de formation générale et une structure d’apprentissage
de la vie dans le Christ.
Pour l’évêque, cet apprentissage comporte deux volets : l’expérience de
cette vie et une catéchèse systématique selon le plan dessiné par le
catéchisme de l’Église catholique.
Confessionnel ou confessant ?
Et c’est ici que la charte, qui développe ce point largement, donne la
mesure de la distance prise avec les orientations du secrétariat général
de l’enseignement catholique : la conception de l’école catholique comme
une institution “non confessionnelle” mais simplement
“confessante”, n’a plus aucun sens dans l’optique missionnaire qui
est celle de la charte de Mgr Cattenoz.
L’ouverture à tous, le respect du cheminement spirituel de chacun, ne
peut empêcher l’école catholique d’être une cellule authentique
d’Église, en lien étroit avec la paroisse du lieu ou elle se trouve.
«La priorité, dit-il au journaliste de "Famille chrétienne",
c’est de remettre des heures de transmission de la foi dans touts les
classe chaque semaine, et pas entre midi et deux...Tous les élèves, je
dis bien tous les élèves doivent pouvoir participer à une découverte de
la foi en Jésus Christ. Cela doit faire partie du cursus normal de
l’école. Les écoles qui me disent quelles ne peuvent pas cette année,
parce que ce n’est pas prévu, j’accepte. Mais il faudra qu’elle le
fasse, sans cela je leur enlèverai l’agrément d’école catholique. »
Un objectif réaliste ?
L’objectif emporte l’adhésion, mais soulève de légitimes questions. Ce
programme n’est-il pas totalement utopique ? Les directeurs
d’établissement qui souhaiterait le plus ardemment le mettre ne œuvre
sont-ils en mesure de le faire ? Mgr Cattenoz n’écarte aucune objection,
il est conscient des difficultés pratiques.
Principal problème, le recrutement. Il n’est pas rare que dans des
établissements catholiques, mêmes hauts-de-gamme, il n’y ait pas 10 %
des enseignants qui soient des pratiquants ou même simplement croyants.
Quant aux parents, ils ne sont pas plus de 15 % à choisir l’école
catholique pour des motifs religieux.
La charte avance donc des solutions en terme de formation pour que
l’ensemble des enseignants soit partie prenante du projet éducatif et
que la communauté éducative devienne véritablement une cellule d’Église.
Pour y parvenir, les structures elles-mêmes doivent être repensées. Il
faudra faire face à des problèmes difficiles de formation des équipes
pédagogiques et des maîtres, sans oublier les parents qu’il faut
impliquer d’avantage dans cette démarche.
L’archevêque sera-t-il suivi ? «Il est vrai,déclare t-il encore
dans “Famille chrétienne”, que le recrutement devient de plus en plus
difficile. Il va falloir se battre. Et pour moi c’est là que qu’il
faudrait que la Conférence épiscopale soit prête à se battre. Il faut
travailler dans nos relations avec le gouvernement, à pouvoir garder une
certaine liberté, à ne pas être étouffé par une embauche que l’on ne
maîtrise plus du tout. Bref, réfléchir pour que l’enseignement
catholique garde vraiment un caractère propre.»
Faire sauter les blocages
Mais la Conférence épiscopale est-elle en mesure de peser aujourd’hui
sur le secrétariat général de l’enseignement catholique pour changer
d’orientation ? Celui-ci fonctionne comme une administration quasi
autonome. Les évêques en ont largement délégué la maîtrise concrète à
des laïcs ou à quelques clercs qui ont le plus souvent une tout autre
approche de la mission de l’école catholique. Les relations
contractuelles entre l’enseignement catholique et le service public
auquel il est associé sont très complexes et techniques. Elles sont
suivies et gérées par des professionnels parmi lesquels ne figure aucun
évêque maîtrisant parfaitement le dossier.
Pour réformer le système sans le dynamiter, il est nécessaire que les
évêques s’investissent eux-mêmes dans l’administration de l’enseignement
catholique au lieu de le déléguer à des laïcs aussi techniquement
compétents soient-ils, mais trop souvent porteurs d’un projet différent
du leur. Cela suppose que la Conférences des évêques de France évolue
dans son fonctionnement et se donne de nouvelles priorités.
Or la culture du consensus et du compromis a contribué à édulcorer le
fameux “caractère propre” de l’enseignement catholique. La conférence
épiscopale de France donne l’impression d’avoir perdu la main. L’heure
vient peut-être où sous la charitable pression de nouveaux évêques comme
Mgr Cattenoz, certains blocages qui entravent le dynamisme missionnaire
de l’Eglise de France peuvent sauter.
Depuis son élection, Benoît XVI appelle les catholiques à sortir du
compromis avec la pensée dominante et de la soumission aux contraintes
exercées par les autorités temporelles. Parmi les priorités «non
négociables» se trouve la liberté d’éducation des parents. En
proposant à l’enseignement catholique d’échapper à la facilité, Mgr
Cattenoz met en œuvre ce que Benoît XVI nous invite au redressement. À
sa manière la charte de l’archevêque d’Avignon est un fruit de
l’encyclique programme Deus et Caritas et du discours de
Ratisbonne.