LE FIGARO. – Où va l'Europe ?
Nicolas BAVEREZ. – L'Europe
se trouve à un point critique de son histoire, au point d'achèvement
de quatre cycles. 1) Le cycle historique de la colonisation
européenne, engagé au XVIe siècle, qui prend fin avec l'irruption
de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de l'Afrique du Sud, sur le devant
de l'histoire universelle, porteurs de valeurs, de modes
d'organisation et de développement qui leur sont propres. 2) Le
cycle idéologique issu de la lutte entre la démocratie et les
totalitarismes nés des perversions de la liberté politique – fascisme,
nazisme et communisme – qui s'efface avec le retour des religions
régulières, avec pour symbole l'islamisme qui se définit non par
le détournement des principes de l'Occident mais en rupture avec lui
au nom d'une tradition qui lui est étrangère. 3) Le cycle
géopolitique de la guerre froide, structuré autour de la menace
frontale soviétique et de la garantie de sécurité américaine. 4) Le
cycle économique et social de la régulation keynésienne.
A première analyse, la chute du
mur de Berlin ouvrait la voie à une renaissance de l'Europe, mettant
fin à son suicide au cours du XXe siècle du fait des grandes guerres
conduites au nom des idéologies qu'elle a engendrées. Force est de
constater qu'il en est allé à l'inverse et que l'Europe est aspirée
par le vide. ...l'Europe, contrairement à
l'Amérique du Nord et à l'Asie, a pour l'heure échoué à prendre la
mesure et à apporter une réponse à la nouvelle grande transformation
du capitalisme et de la démocratie sous le signe de laquelle débute le
XXIe siècle.
Aspirée par le vide ?
Le vide démographique,
puisqu'elle s'apprête à perdre 54 millions d'habitants à l'horizon de
2050. Le vide stratégique, puisque le départ des troupes
américaines n'a pas débouché sur un système de sécurité du continent
alors même qu'il se situe à proximité immédiate de nombre des foyers
de crise du XXIe siècle, des Balkans au Caucase en passant par le
Proche-Orient, le Maghreb et l'Afrique. Le vide institutionnel,
puisque les mécanismes de décision de l'Union ne sont ni légitimes ni
efficaces. Le vide économique et social, avec l'enfermement
dans la croissance molle et le chômage de masse à la notable exception
du Royaume-Uni et des pays en rattrapage ou en transition. Le vide
scientifique puisque 400 000 chercheurs européens travaillent aux
Etats-Unis. Tout ceci s'explique et se traduit par un vide de sens et
de projet : l'Europe, contrairement à l'Amérique du Nord et à l'Asie,
a pour l'heure échoué à prendre la mesure et à apporter une réponse à
la nouvelle grande transformation du capitalisme et de la démocratie
sous le signe de laquelle débute le XXIe siècle.
Vous dressez un état de santé
très inquiétant...
L'économie ne relève plus du soft
power, mais du hard power dans un système mondial ouvert. Or sur le
plan conjoncturel, l'Europe dépend totalement du cycle nord-américain
et de l'évolution du condominium américano-chinois qui domine les
échanges mondiaux. Sur le plan structurel, force est de constater que
l'Europe décroche, sous l'effet du vieillissement démographique, de
son déclassement technologique face aux Etats-Unis mais aussi face à
l'Asie dont les dépenses de recherche et développement lui sont
supérieures depuis 1996, et sous l'effet, enfin, de la compétition
industrielle et commerciale en provenance de la Chine. La croissance
de l'Euroland s'établit depuis 1990 à 1,6% contre 3,2% aux Etats-Unis,
avec des gains de productivité inférieurs à 1% contre 3,5% aux
Etats-Unis et 9,8% en Chine. Le chômage frappe 9% de la population
active, entraînant une montée de la pauvreté. Le pouvoir d'achat d'un
Européen représente désormais 65% de celui d'un Américain contre 80%
en 1990, ce qui implique qu'en quinze ans a été perdu la moitié du
rattrapage effectué entre 1945 et 1990. La recherche et l'innovation
déclinent.
Ce blocage du développement
économique sur le continent constitue à la fois une rupture par
rapport à l'après-Seconde Guerre mondiale et une très mauvaise
surprise : il s'explique par l'aversion au travail, à
l'investissement et au risque. Une seconde préoccupation provient
de la divergence de l'économie européenne, y compris au sein de l'Euroland.
D'un côté le marasme n'est pas général, comme le prouve le
Royaume-Uni, qui a su réformer son modèle et réalise une croissance
moyenne de 2,8% avec un chômage réduit à 2,6%, ou les pays scandinaves
comme la Suède, qui parviennent à concilier flexibilité et haut niveau
de protection sociale grâce à une redéfinition drastique de leur
Etat-providence. Il reste que les évolutions fondamentales sont de
plus en plus hétérogènes entre les pays en transition où le
développement tend à s'accélérer pour atteindre de l'ordre de 5%,
l'Allemagne qui a rétabli la compétitivité de son industrie (156
milliards d'euros d'excédent commercial) au prix du choc social majeur
de l'Agenda 2010 symbolisé par 5 millions de chômeurs, la France et
l'Italie dont le tissu économique et social se délite. D'où la
réelle inquiétude sur l'aptitude de l'Union et de l'Euroland à
conduire des politiques économiques efficaces, illustrée par l'échec
sans appel de la stratégie de Lisbonne.
Quid de la politique ?
Il en va de la politique comme de
l'économie avec le cumul de la dépendance et de la désunion.
L'Europe ne parvient pas à se définir de manière autonome face aux
Etats-Unis et à l'Asie. Elle a, par ailleurs, implosé lors de la
crise irakienne, qui a vu la division de l'Occident redoublée par la
division de l'Europe et qui a souligné son immaturité. Les deux
stratégies antagonistes ont spectaculairement échoué. Le pari
britannique de l'alignement inconditionnel sur les Etats-Unis débouche
sur l'enlisement en Irak au sein d'une coalition qui se décompose
avec, pour toute perspective, la chronique d'une défaite assurée face
à l'alliance du nationalisme irakien et du fondamentalisme islamique,
avec, pour seule issue, le fait de proclamer une improbable victoire
politique pour masquer le retrait militaire.
Le pari français de l'affrontement
avec les Etats-Unis a quant à lui isolé le pays tout en durcissant les
divisions des démocraties et de l'Europe. Au risque de faire le jeu
des ennemis de la liberté, comme dans les années 30. La diplomatie
française vient de donner une nouvelle illustration de cette dérive en
recevant, avec tous les honneurs, aux côtés de l'Allemagne et de
l'Espagne, Vladimir Poutine, quand bien même il démontre
quotidiennement que l'abandon du marxisme peut aller de pair avec le
maintien du soviétisme et que l'impérialisme est le stade suprême du
communisme. Il en ressort une leçon et une opportunité. La leçon est
que l'Europe doit être unie et cohérente si elle souhaite
compter sur la scène internationale et infléchir les embardées et les
passions unilatéralistes de la démocratie impériale américaine.
Quel est, justement, le projet
actuel de l'Europe ?
Le projet initial de l'Europe,
centré autour du «noyau dur» franco-allemand, est parvenu à son terme
en remplissant avec un grand succès les missions qui lui avaient été
confiées dans les années 50 : établir une paix durable entre les deux
nations ; reconstruire la prospérité du continent sur la base de la
liberté des échanges ; conforter la résistance à la poussée
soviétique. Faute d'avoir été actualisé pour prendre en compte la
chute du mur de Berlin et le basculement vers une économie ouverte, ce
projet a été supplanté au cours des années 90 par la conception
britannique de l'Europe, qui repose sur trois piliers : une zone de
libre-échange progressivement étendue à l'Ouest vers l'Amérique du
Nord et à l'Est vers les Etats de la CEI – Russie en tête – et régulée
par une conception libérale de la concurrence ; des coopérations entre
Etats ciblées, notamment en matière de défense où le leadership
britannique est incontestable ; une alliance stratégique avec les
Etats-Unis maintenue à travers une Otan au périmètre
d'intervention élargi à l'échelle de la planète. Ce projet s'est
imposé pour plusieurs raisons.
D'abord, il est en parfaite
cohérence avec le nouveau contexte géopolitique (porté par la
réunification du continent) et économique – issu de la
mondialisation, accompagnant les progrès de la liberté qui est
passée à l'Est, comme le prouve le rôle de la Pologne dans la
révolution ukrainienne.
Ensuite, il dispose d'une nette
majorité de 15 Etats sur 25, car il a répondu aux attentes des
nouvelles démocraties, en respectant leur souveraineté, en combinant
la logique du passage à la démocratie et du développement tiré par
l'intégration économique que symbolise l'Union avec la réassurance
stratégique et la garantie de sécurité américaine face aux risques
d'un monde chaotique, face aux dérives d'une Russie qui refonde son
identité autour de sa vocation impériale quitte à lui sacrifier la
dynamique démocratique héritée des années 90.
Enfin, ce projet tire le meilleur
parti de la capacité d'attraction de l'Union pour stabiliser sa
périphérie. Le modèle anglais comporte cependant une contrepartie
majeure : le renoncement de l'Europe à devenir un acteur politique
autonome. Il a actuellement le champ libre du fait de
l'incapacité de la France et de l'Allemagne à proposer, au-delà de
positions communes de circonstance, une vision et un projet
mobilisateur pour l'Europe.
Pourquoi ?
En raison, d'abord, de
l'affaiblissement des deux pays. L'Allemagne s'est enlisée dans la
dépression économique et morale du fait d'une réunification
traumatisante et de la modernisation douloureuse du capitalisme
rhénan fondé sur la cogestion et la banque-industrie.
Progressivement, la thérapie de choc appliquée par l'Agenda 2010 porte
cependant ses fruits : réforme du fédéralisme ; réhabilitation de
l'Allemagne comme site de production avec à la clé un excédent
commercial record ; compétitivité retrouvée de l'industrie grâce à
sa mondialisation. Si les performances instantanées de l'Allemagne
demeurent décevantes, en raison de la faiblesse de la demande
intérieure qui découle du chômage, son positionnement est en rapide
amélioration – ce qui laisse entrevoir une reprise de l'activité et
de l'emploi.
La France présente un tableau
inverse, avec une performance instantanée apparemment meilleure qui
masque un sinistre économique et social : le blocage du
développement avec des gains de productivité de 0,8%, un
investissement plat depuis quinze ans, un double déficit commercial (8
milliards d'euros) et public (avec une dette passée de 58% à 66% du
PIB depuis 2002), la fuite massive des entreprises et des capitaux,
des talents et des cerveaux. Le blocage de l'économie entraîne
logiquement celui de la société, disloquée par un quart de siècle de
chômage de masse, une pauvreté en hausse qui touche 15% de la
population (dont un million d'enfants), une mobilité sociale qui
recule depuis les années 90. Or, contrairement à l'Allemagne, et comme
dans les années 30, la France s'arc-boute sur le modèle économique et
social qui est à l'origine de sa débâcle.
Pour l'Europe, la conséquence est
directe : la divergence diplomatique sur la réunification prolongée
par la crise des deux nations leaders a interdit toute redéfinition du
projet européen depuis 1990, condamnant le projet d'Europe politique
qui était la réponse logique à l'accélération de l'histoire ; dans
un futur proche, l'alliance opportuniste de deux pays affaiblis se
distendra, avec la sortie de crise d'une Allemagne qui souhaitera
consolider ses positions – notamment au sein des organisations
internationales – et une France dont le recul économique s'accompagne
fatalement de l'affaiblissement de son influence en Europe comme dans
le monde.
A quand remonte, d'après vous,
l'épuisement de la créativité historique de la construction européenne
sous égide franco-allemande ?
Très nettement, au traité de
Maastricht, qui a vu l'Union monétaire éclipser l'Union économique et
évincer l'Europe politique. Autant l'euro est une réussite sur
le plan de la technique monétaire, comme le prouve sa place sur les
marchés mondiaux, autant il s'affirme comme un cinglant échec
économique et politique. Dans un monde qui regorge de croissance (plus
de 4,5% en moyenne en 2004 avec des échanges mondiaux en progression
de 9,5%), l'Euroland est un désert en termes d'activité et
d'emploi, dont le coeur, composé de l'Allemagne, de la France et de
l'Italie, est rongé par la déflation poursuivie par une politique
monétaire qui combat une inflation virtuelle issue des années 70 au
lieu de lutter contre la faiblesse de la production et le chômage.
Pourquoi affirmez-vous que la
signature du traité de Maastricht a été le point de retournement ?
C'est en 1990 que l'Europe a
commencé à décrocher, parce qu'elle a refusé de comprendre les
transformations économique et stratégique du monde et qu'elle a
accordé, à l'exception du Royaume-Uni, la priorité à la préservation
du statu quo géopolitique, des structures de la guerre froide, de
l'univers des économies fermées et administrées. La responsabilité de
la diplomatie française, qui présente de ce point de vue une
continuité entre François Mitterrand et Jacques Chirac, est très
directement engagée sur ce point. La France, patrie des droits de
l'homme, s'est définie comme une force de résistance au progrès de la
liberté et aux révolutions qui étaient conduites en son nom, pensant
ainsi conforter ses intérêts nationaux. Le pari était doublement
perdant. D'un côté, la France s'est spécialisée dans l'opposition
aux réformes et aux changements sans proposer de solutions
alternatives, devenant une force purement négative voire nihiliste. De
l'autre, elle s'est desservie en se coupant du monde du XXIe siècle et
de toute une partie de ses acteurs les plus dynamiques et prometteurs.
Que pensez-vous de l'engagement
de Jacques Chirac en faveur de l'adhésion turque à l'Union européenne
?
Sur le plan économique, la
position du président de la République est parfaitement cohérente,
dans la mesure où le grand marché a vocation à continuer de s'étendre.
En revanche, l'adhésion de la Turquie implique la disparition de
l'Europe politique – ce qui explique qu'elle soit ardemment
soutenue par les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Non pas à cause de
l'identité musulmane de la Turquie – puisque la Bosnie ou le Kosovo
appartiendront un jour à l'Union – mais parce que ce pays – d'ailleurs
plutôt mieux géré que la France – n'appartient tout simplement pas à
l'Europe de par sa géographie et son histoire.
Autant étendre l'Union à
l'Argentine, dont le peuplement est dans son immense majorité
d'origine européenne. La question des frontières n'est pas anodine,
parce que la frontière est la traduction géopolitique d'une identité
et juridique d'une souveraineté. La logique d'extension
indéfinie de l'Union équivaut à une dilution de son identité doublée
d'une aberration géostratégique. Comment l'Europe, incapable d'assurer
la sécurité de l'espace de Schengen, pourrait-elle prétendre à
stabiliser le Caucase, l'ex-Asie soviétique ou le Moyen-Orient ?
Comment l'Europe, à l'heure où l'on critique à juste titre la volonté
des Etats-Unis d'exporter la démocratie et le marché en Irak,
peut-elle prétendre garantir la liberté en Turquie qui ne dépend que
des Turcs ?
Nul ne peut douter que le
télescopage volontaire entre la Constitution et l'adhésion de la
Turquie, qui crée un trouble profond sur l'identité et les frontières
de l'Union, trouvera un important écho dans les opinions et les votes
lors des prochaines consultations. Et pas seulement en France. Parce
qu'elle met en pleine lumière la confusion entretenue sur le projet
européen et les absurdités d'un mode de fonctionnement technocratique
qui raffine à l'infini les procédures et les moyens sans jamais
s'interroger sur les fins.
N'est-il pas important de
dissocier le débat sur le traité constitutionnel de celui qui porte
sur l'adhésion turque ?
La Constitution sur laquelle les
Français sont appelés à se prononcer le 29 mai est en principe la loi
politique fondamentale de l'Union, même si elle n'est juridiquement
qu'un traité. Elle sera néanmoins privée de sens si elle ne peut
s'appuyer sur un projet d'Europe politique – fondement que le projet
d'élargissement à la Turquie affaiblit fortement. Les citoyens et les
peuples de l'Union perçoivent clairement cette contradiction.
Faut-il pour autant en conclure au
refus de la Constitution ? Je ne le pense pas, car il faut réfléchir
en termes d'intérêts fondamentaux de l'Europe et de la France. Le
texte, complexe et imparfait, ouvre de nouveaux champs d'action pour
l'Union à travers les coordinations renforcées – notamment en matière
de défense et de sécurité –, améliore les mécanismes de décision,
simplifie l'élaboration des normes, renforce les pouvoirs de contrôle
des Etats et des citoyens. Surtout, il n'interdit en rien la remise en
ordre et la redéfinition des politiques de l'Union qui constituent le
préalable à tout nouvel élargissement. Pour ce qui est de la France,
qui ne dispose par ailleurs d'aucun projet alternatif, on peine à voir
l'intérêt de se trouver à l'origine d'une crise européenne et d'un
échec majeurs, alors que la priorité doit aller à la modernisation du
pays.
Donc, «oui» malgré tout...
La Constitution européenne doit
être ramenée à sa véritable nature : non pas un point
d'aboutissement mais un socle pour transformer l'Europe et la remettre
en ligne avec le monde du XXIe siècle ; non pas une fin en soi mais un
instrument utile à condition d'être mis au service d'une ambition
politique. De même, pour la France, elle est un levier possible pour
promouvoir, à la lumière des crises des années 90 puis des «guerres en
chaîne» du début du XXIe siècle, le projet d'une Europe autonome,
partenaire fidèle mais non pas obligé des Etats-Unis. Mais encore
faut-il pour cela qu'elle sache de nouveau qui elle est, ce qu'elle
veut et où elle va.
Qu'impliquerait donc la
redéfinition d'un projet politique cohérent ?
Au plan politique, la question
déterminante est celle de la liberté. Au plan économique celle du
travail. L'Europe incarne tout d'abord une certaine idée de la
liberté, dans un cadre post-nationaliste mais non pas post-national
qui assure le respect de la diversité des valeurs, des cultures, des
modes d'organisation et de développement. Sur le plan des
institutions, cela se décline dans l'articulation de multiples
sentiments d'appartenance et niveaux de souveraineté. Sur le plan
diplomatique, cela se décline en reconnaissance de la complexité du
monde et en nécessité de combiner toute la palette des moyens
d'influence, à la condition première de ne pas renoncer à l'exercice
de la puissance ni au recours à la force armée contre les menaces
pesant sur la liberté. Sur le plan stratégique, cela se traduit en
influence pour stabiliser sa périphérie sans chercher à l'absorber.
En matière économique, l'Europe
repose sur un compromis qui cherche à concilier compétitivité et
sécurité, flexibilité et solidarité, régulation publique et jeu du
marché. Un compromis dont il est vital d'actualiser les termes pour
enrayer son déclin démographique à travers une politique ciblée de
l'immigration, réhabiliter le travail, l'investissement et
l'innovation. D'où le caractère central des réformes du marché du
travail, qui sont la clé de l'ouverture du continent sur l'extérieur,
de la création de richesse et de la redistribution, mais aussi de la
citoyenneté et des identités sociales. L'Europe du XXIe siècle
ressemble à celle du XIIIe siècle : elle est dominée par les
Etats-Unis et l'Asie, comme elle le fut par les civilisations
chinoises et musulmanes ; mais elle dispose d'une histoire et de
ressources qui, mises sous tension entre des valeurs communes et la
concurrence entre les intérêts des peuples et des Etats qui la
composent, peuvent lui permettre d'inventer des formes politiques
neuves, comme elle donna naguère naissance à la démocratie et au
capitalisme en dépit des retards quelle avait longtemps accumulés.
(*) Flammarion.