Le ré-enracinnement  identitaire ...

Dossiers :Ensembles humains

Présentation :... la manière de reprendre au libéralisme le contrôle de nos vies, de recoloniser l’espace social et de refaire un jardin du dépotoir toujours plus puant et désespérant qu’est devenu notre coin de continent.

Extraits :  

l’utopie locale est plus réaliste que celle d’une démocratie mondiale. Comme il est exclu de renverser frontalement la domination du capital et des puissances économiques, il ne reste que la possibilité d’entrer en dissidence. En fin de compte, la stratégie de la renaissance locale dissidente ne consiste pas à construire et préserver une oasis dans le désert du marché mondial. Il s’agit de multiplier les expériences de reterritorialisation pour faire reculer le désert, ou le féconder.

en z relations ....Simone Weil L'Enracinement ...famille, cité, région, nation, fédération,... ensembles-homocoques ...

 

 

Source:  http://qc.novopress.info/?p=1921#more-1921

Date :   30.01.06     

Texte Formateur : Vivre localement, par Serge Latouche

Note de NOVOpress Suisse : Ces dernières années, les milieux identitaires ont commencé à faire leur révolution culturelle et à s’attaquer à quelques-unes de leurs plus graves lacunes. Confiné dans des catacombes, chroniquement nostalgique des grandes occasions manquées, notre combat était trop souvent sectaire, sans réflexion sociale clairement articulée. Une nouvelle génération d’activistes commence maintenant à faire sa place au soleil, consciente du potentiel de l’action associative et de l’importance de certaines questions socioéconomiques.

Nous ne pouvons plus nous permettre, contrairement aux alterimmondes, de rêver à un autre monde possible sans savoir à quoi il pourrait ressembler concrètement. Il nous faut réfléchir à la direction que devrait prendre notre civilisation après sa Renaissance, aux moyens de réorganiser les relations entre l’individu et son groupe, entre ce groupe et son environnement naturel. Nous avons eu le temps de comprendre que le monde vu comme une marchandise n’était pas celui que nous voulons pour nos gosses ; nous avons aussi pu constater l’ampleur des dégâts causés par l’alternative socialiste. Pour reprendre un slogan éculé, il nous reste donc à développer une Troisième Voie, en rupture avec toutes les mondialisations que nous vendent les frères siamois qui se pavanent à Davos, Bamako ou Porto Allegre.

Une telle rupture ne peut obéir à aucune logique doctrinaire. Elle doit être pragmatique, adaptée aux moyens dont nous disposons, et en accord avec les grands principes que nous dictent nos instincts. Voilà pourquoi il est possible d’affirmer que tous les chemins mènent à la Reconquête : comprenez par là qu’il n’existe pas qu’une recette pour atteindre les buts que nous nous fixons, et que tout ce qui peut contribuer à redonner à nos nations le goût et la force de revivre, peut et doit être mis à contribution. Si l’Europe doit choisir entre survivre et disparaître, les guignolades partisanes et les luttes d’influence n’ont plus lieu d’être.

Dans cet esprit, nous reproduisons ici un article fondamental, extrait de La Décroissance, la revue de Casseurs de Pub. La dissidence enracinée n’y compte sans doute pas que des amis. Disons-le franchement : nous n’en avons pas grand-chose à foutre. Les idées développées dans cet article concordent en tout point avec l’idée que nous nous faisons d’une société européenne digne de ce nom, et qui mérite qu’on y ait un autre destin que celui de kamikaze ou de suicidé à petit feu. L’autonomie des régions ? L’application locale de l’autogestion ? La possibilité de vivre au pays, en maintenant les traditions vivantes et avec d’autres règles d’échanges que celles dictées par le Marché ? Oui, mille fois oui !

Nous proposons donc aux novolecteurs un document synthétique, simple et direct, sur la manière de reprendre au libéralisme le contrôle de nos vies, de recoloniser l’espace social et de refaire un jardin du dépotoir toujours plus puant et désespérant qu’est devenu notre coin de continent.

 

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VIVRE LOCALEMENT, par Serge Latouche.
La Décroissance, n°28, septembre 2005, page 7.
Sortir de la globalisation et relocaliser l’économie sont le moyen le plus important pour entrer en décroissance. Il ne s’agit pas de faire du « développement local », mais de réorienter notre vie sur un territoire autonome, autogérer et réenchanté.
Il y a d’abord ceux qui veulent « vivre et travaille au pays » et puis plus simplement tous ceux qui voudraient éviter de voir leur entreprise se délocaliser dans le Sud-Est asiatique ou leur emploi supprimé pour cause de privatisation des services publics. En Europe, mais aussi aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, on assiste à une prolifération de néo-agriculteurs, néoruraux, néo-artisans. On y voit fleurir une myriade d’associations à but non exclusivement lucratif : entreprises coopératives en autogestion, communautés agricoles, Amap (associatoin pour le maintien d’une agriculture paysanne), Sel (système d’échange local), crèches parentales, boutiques de gestion, banques éthiques ou mutuelles de crédit-risque, associations de consommateurs, entreprises d’insertion, etc.
Si le « local » émerge aujourd’hui, il est malheureusement accolé le plus souvent au concept de « développement ». Il n’est souvent qu’un cache-sexe d’un processus de désertification et de dégradation d’un territoire. Aujourd’hui, nous sommes en face de territoires sans pouvoir à la merci de pouvoirs sans territoire. Cela est particulièrement vrai quand l’économie locale est dépendante de l’implantation d’un établissement rattaché à une grande firme. Si les initiatives locales alternatives se lient au développement économique du marché mondial par le biais de subsides de l’Etat ou de Bruxelles, elles sont condamnées à disparaître tôt ou tard ou à se fondre dans le système dominant. Elles perdent alors littéralement leur âme et finissent par être « instrumentalisées » par les pouvoirs publics, les entreprises, leurs permanents ou même leurs bénévoles.
Accolé à développement, le « local » est tout juste, en effet, comme le social et le durable, ce qui permet au développement de survivre à sa propre mort. Le concept de « développement local » n’échappe pas plus que celui de « développement durable » à la colonisation de l’imaginaire par l’économique. Tout « développement » détruit et détruira le local en concentrant toujours plus les pouvoirs industriels et financiers.

Bon sens
Le local ne peut prendre tout son sens, celui d’une véritable renaissance, que dans le cadre d’un « après-développement » et dans la construction d’une société de décroissance. Les alternatives concrètes pour sortir de l’impasse du développement se feront d’abord localement. Il est nécessaire de revitaliser les lieux de vie, au Nord comme au Sud, parce que, même dans une planète virtuelle, jusqu’à preuve du contraire, on vit localement… Mais surtout, cela est nécessaire pour sortir de l’économie et pour lutter contre la mondialisation. L’enjeu consiste à éviter le « glocal », c’est-à-dire la récupération technocratique du local dans la mondialisation. Cette stratégie sert d’alibi à la poursuite de la désertification du tissu social, elle n’est qu’un sparadrap collé sur une plaie béante, autrement dit, un discours d’illusion et de diversion.
Relocaliser signifie bien sûr produire localement pour l’essentiel des produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d’entreprises locales financées par l’épargne collectée localement. Face à la boulimie d’un modèle urbain devenu dévoreur d’espace, il importe de travailler à une « renaissance des lieux » et à une reterritorialisation. Toute production pouvant se faire à l’échelle locale pour les besoins locaux devrait être réalisée localement. Un tel principe repose sur le bon sens et non sur la rationalité économique. Si les idées doivent ignorer les frontières, les mouvements de marchandises et de capitaux doivent être réduits à l’indispensable.

Spirale vertueuse
La relocalisation dans l’optique d’une renaissance, comprend certainement un mouvement « réenclavement ». Dans la mesure du possible, il est même souhaitable d’en revenir à l’autoproduction. Rien qu’en fabriquant son petit yogourt soi-même , on engendre une spirale vertueuse de décroissance : sont supprimés les emballages plastique et cartons, les agents conservateurs, le transport (donc l’économie de pétrole, de CO2 et de déchets). L’autoproduction fait également diminuer le PIB, les impôts (TVA, taxes sur les carburants), ce qui a toutes sortes d’effets récessifs en cascade sur les institutions comme sur la demande (moins de plastique, donc moins de pétrole, donc mois de taxes, effets positifs sur la santé, donc moins de médicaments, de médecins, moins de transports routiers, donc moins d’accidents, donc moins de médecine, etc.) La même analyse est valable pour l’abandon de l’eau en bouteilles plastiques venues d’ailleurs et le retour à l’eau du robinet provenant d’une nappe phréatique de proximité assainie.
Cette spirale vertueuse de décroissance peut être renforcée par la réappropriation de la monnaie à travers l’usage de monnaies locales, par exemple . Pour éviter la disparition des activités de proximité et favoriser la renaissance des échanges non mercantiles, il faut impulser une réalisation plus complète. C’est l’essentiel de la vie tout court qui doit être reterritorialisé.


Politique locale
La croyance que mon lieu de résidence est le centre du monde est essentielle pour donner du sens à mon quotidien. Pour cela, il faut avant tout relocaliser le politique et, par exemple, inventer ou réinventer une démocratie de proximité. Selon Magnaghi, « la nouvelle organisation politique pourrait être, par exemple, une confédération de groupes autonomes (aux niveaux régional, continental et mondial) oeuvrant à la mutation démocratique de leurs communautés respectives. » Cette utopie démocratique locale rejoint les idées de la plupart des penseurs d’une démocratie écologique comme le libertaire Murray Brookchin. Pour ce dernier, « une société écologique » doit vivre sans Etat et être « constituée d’une municipalité de petites municipalités, chacune desquelles serait formée par une ‘commune de communes’ plus petites. » Toutes ces entités seraient « en parfaite harmonie avec leur écosystème. » Ainsi comprise, la politique ne serait plus une technique pour détenir le pouvoir et l’exercer, mais redeviendrait l’autogestion de la société par ses membres. L’agir local constitue même une voie de solution des impasses globales.
Utopie, dira-t-on. Certes. Pourtant, l’utopie locale est plus réaliste que celle d’une démocratie mondiale. Comme il est exclu de renverser frontalement la domination du capital et des puissances économiques, il ne reste que la possibilité d’entrer en dissidence. En fin de compte, la stratégie de la renaissance locale dissidente ne consiste pas à construire et préserver une oasis dans le désert du marché mondial. Il s’agit de multiplier les expériences de reterritorialisation pour faire reculer le désert, ou le féconder.

Pour en savoir plus :
- Serge Latouche, « Pour une renaissance du local », L’Ecologiste n° 15, avril 2004
- Yvonne et Michel Lefèvre, Les patrimoines du futur, les sociétés en prise avec la mondialisation, L’Harmattan, 1995.

 

 

 

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