«
Si je ne puis fléchir les dieux d’en haut, je mettrai en mouvement
des puissances infernales de l’Achéron *» (tiré
de Virgile l’Enéide) ….
En exergue de L’Interprétation
des rêves
*mythologie grecque: un
dieu fleuve coulant dans les
Enfers
Vienne fin de siècle
29 -- le couronnement à Versailles, en 1871, du
roi de Prusse Guillaume Ier comme empereur d'Allemagne et l'ascension
au pouvoir de Bismarck comme tout-puissant chancelier de Reich
devaient nourrir leurs rêves d'hégémonie de la Prusse et miner un peu
plus l'autorité de Habsbourgs en Autriche. Si l'exposition universelle
organisée deux ans plus tard dans la ville impériale dévoile au monde
les prodiges de ses nouveaux bâtiments grandioses, le crash boursier
qui accompagna la spéculation effrénée précipitera une partie de la
population dans la misère et la dépression.... « La joyeuse
apocalypse » … parmi les peintres qui s'associent à cette
révolution, Egon Schiele est certainement celui qui croise de plus
près les explorations de Freud dans le souci
d'atteindre l’universel à travers le plus
intime. À
un monde décadent
et hypocrite il présente le miroir des désirs cachés, les corps
marqués par l'impérieuse envie de vivre, le tourment de la sexualité
et l'angoisse de la mort.
« La doctrine
psychanalytique est capable de
transformer le monde. Avec elle se trouve semé un esprit de
sereine défiance, une suspicion qui s'exerce sur les cachotteries et
les machinations de l'âme...... Cet esprit pénètre la vie, sape sa
grossière naïveté, la dépouille de ce pathos qui est le propre
de l'ignorance » Stéphan Zweig, Freud et l'avenir, 1936
Portrait de famille
36... (Freud ).. se voulait un chercheur
dans les sciences de la nature . C'est d'ailleurs ce qui donne un
statut particulier à ce qu’il inaugure comme recherche sous le nom de
psychanalyse. Aucune science jusque-là ne prenait autant en compte les
éléments de l'histoire ou de la biographie de son inventeur, jusqu'au
contenu apparemment absurde de la vie onirique, tout
en voulant, à
travers cette singularité même, établir des lois qui rendent compte
universellement des formations de l'inconscient que sont les rêves,
les actes manqués, les lapsus, les symptômes, etc., aussi bien que les
mythes, contes et légendes qui construisent l'imaginaire religieux,
social ou politique….
41 -- Quand nous parlons de Freud ou de la
psychanalyse, nous ne savons pas toujours si nous ne prenons pas l'un
pour l'autre, si ces noms se confondent ou s'ils se distinguent
nettement... Aujourd'hui la psychanalyse, une certaine
psychanalyse, peut paraître davantage menacée d'oubli que le nom de
Freud.... Depuis le concept de
Freud de la trace, et des effets différés de son inscription,
toute une logique de temporalité et des repères chronologiques
traditionnels est bouleversée …
43 -- en raison de cet intérêt précoce pour la
mythologie égyptienne et son panthéon animalier, on ne s'étonnera pas
que Freud ait pu très tôt comparer le texte inconscient du rêve à une
écriture hérioglyphique et qu'il ait gardé par devers lui que Moïse
aurait pu être égyptien. Une des statuettes préférées qu'il gardait
sur son bureau représentait la déesse Isis allaitant Horus, le dieu à
tête de faucons. Si le judaïsme a trouvé dans le monothéisme
égyptien la figure de Moïse pour faire l'unité de son peuple, la
religion chrétienne aura pour sa part substitué l'image de la Vierge
tenant Jésus dans ses bras à celle de l'Isis.
Son père ( Jacob).. petit-fils de Rabbi .. et
fils de Rabbi … peut être considéré comme un homme des Lumières, qui
resta toute sa vie attachée aux valeurs traditionnelles du judaïsme.
... Il ( Jacob) ne réussit guère dans les
affaires et la famille devra en 1859 quitter Freiberg en Moravie pour
s'installer à Vienne, comme tant d'autres familles juives venues
de Slovénie, Roumanie, Pologne, Italie ou Hongrie. Jacob a quarante et
un ans lorsqu'il épouse Amalia Nathanson, de vingt ans sa cadette ..
Son père ayant déjà eu deux fils d'un précédent mariage... Freud était
déjà oncle à sa naissance.... Freud fut toujours angoissé à l'idée
qu'il pourrait mourir avant sa mère.
45---Ma mère aura
83 ans cette année. Il m'arrive de penser que si elle meurt, cela me
donnera un peu plus de liberté car l'idée qu'il faudrait lui annoncer
que je suis mort a quelque chose qui vous fait reculer.
46--Tout me fait
croire que la naissance d'un frère d'un an plus jeune avait suscité en
moi de méchants souhaits et une véritable jalousie enfantine et que sa
mort, survenue quelques mois plus tard, avait laissé en moi le germe
d'un remords.
48--Ma vie n'a
d'intérêt que dans son rapport à la psychanalyse.
51---Je ne puis
m'analyser qu’avec des connaissances que j'ai objectivement acquises.
Les doubles de Freud en littérature et en
philosophie
61
-- la scène sociale ou politique, tout
comme l'histoire de l'humanité et des
religions, ne seront qu'une scène élargie, si complexe soit-elle, de
la scène inconsciente que nous pouvons observer en chacun de nous.
Je m'apercevais de
plus en plus clairement que les événements de l'histoire de
l'humanité, les effets réciproques entre la nature humaine,
l'évolution culturelle et les retombées de ces expériences originaires
dont la religion se pose comme le représentant privilégié, ne sont que
le reflet des conflits dynamiques entre Moi, Ça et Surmoi que la
psychanalyse étudie chez l'individu, les mêmes processus repris sur
une scène de plus vaste.
Revenants
76 -- c'est dans un article publié
directement en français qu’apparaît pour la première fois en 1896
le terme « psychanalyse ». Emprunté au grec Analuein, ce verbe
inscrit deux motifs qui entrent en concurrence : l'un concerne la
remontée (ana) vers le plus originaire, l'élémentaire ; l'autre
est marqué par la déliaison, la
dissolution (la lysis). Appliquée à la psyché,
l'analyste s’emploiera à rechercher les traces des empreintes les plus
archaïque et à délier le trop de sens dans les rets duquel se trouve
retenu le symptôme.
77 -- … la régularité des phénomènes hystériques
lui arrache cette phrase…en exergue à la pièce Nathan le Sage
(Lessing) .. « Entrez, ici aussi il y a des dieux » …
(qu'Aristote attribue sous sa forme grecque à Héraclite)
Les maîtres en question
80 -- De par les habitudes qu'il avait
acquises à Vienne, Freud cherche à lier ses observations en se
référant à l'une des théories en cours. À cela Charcot objecta un jour
en usant d'un aphorisme qui devait fortement impressionner son hôte
: « La théorie, c'est bon, mais ça n'empêche pas d'exister. »
83... Avec la notion d'inconscient, il fera de
la division interne du sujet une donnée essentielle de la vie
psychique, abolissant les frontières du « normal » et de «
l'anormal », et se départira progressivement de « la suggestion » pour
en revenir à libérer la relation psychanalytique des rapports de
pouvoir. Chemin faisant, Freud s'interroge sur le pouvoir des mots
comme instrument essentiel du traitement psychique.
85... Permettra à Freud de nouer l'inconscient au
langage comme sa condition essentielle …
87 --... les
larges concordances de la psychanalyse avec la philosophie de
Schopenhauer -- il n'a pas seulement soutenu la thèse du primat de
l'affectivité et de l'importance prépondérante de la sexualité mais
il y a même deviné le mécanisme de refoulement ….. Quant à
Nietzsche, l'autre philosophe dont les pressentiments et les
aperçus coïncident souvent de la manière la plus étonnante avec les
résultats laborieux de la psychanalyse …...Je l’ai longtemps évité
précisément pour cette raison …
Un heureux contretemps
Breuer … transfert et contre-transfert
96 -- il n'y a pas d'analyse sans
un processus de transfert
qui réactualise l'histoire, présentifie le passé dans une relation
qui n'est pas soumise aux mêmes avatars, répète des scènes anciennes
pour en dénouer l'intrigue. Mais ce transfert, qui ne peut
qu'impliquer des sentiments de tous ordres et la sexualité à laquelle
ils sont noués, offre une résistance à l'analyse dont il est en même
temps le ressort. Pour peu que l'analyste ne résiste pas lui-même.
Le cœur tendu vers le sud
106 -- dans son désir de jeunesse de combattre
l'antisémitisme, conquérir Rome représentait pour lui le combat à
mener contre les ennemis les plus implacables des juifs.
Hannibal et
Rome symbolisait à mes yeux d'adolescents la ténacité juive et
l'organisation catholique.
Crois-tu que
vraiment qu'il y aura, un jour, sur la maison, une plaque de
marbre sur laquelle on pourra lire : « C'est dans cette maison que
le 24 juillet 1895 le mystère du rêve fut révélé au Dr Sigmund Freud
»
113 -- Herr
Professor Doctor
114 -- j'ai appris que notre vieux monde est
régi par l'Autorité, comme le nouveau par le Dollar... D'autres n'ont
pas besoins d'aller d'abord à Rome pour le comprendre.
118 –
Moïse
120 -- la
maîtrise du langage et de la mémoire est souvent ce qui fait défaut
dans la vie courante
133 --... L'intérêt que porte Freud au destin des
pulsions lui fait distinguer le cas où
le refoulement sexuel ne réussit pas à renvoyer dans
l'inconscient une pulsion partielle du désir sexuel : la libido
se soustrait au destin du refoulement en se sublimant en avidité de
savoir et en s'associant à la pulsion d'investigation qui la renforce.
La pulsion peut alors agir librement au service de l'intérêt
intellectuel. Ce serait ce qui est arrivé à Léonard de Vinci. Dans
d'autres cas, ou bien l'activité de savoir est inhibé et la libre
activité de l'intelligence limitée, en raison du partage du destin de
la sexualité et de la pulsion d'investigation ; ou bien
l’investigation sexuelle refoulée revient à l'inconscient sous forme
de compulsion de ruminations et s’accompagne d'angoisse qui
limite la liberté de pensée car elle se trouve elle-même
inconsciemment sexualisée.. On voit que si l'idée de liberté peut
être associée à la psychanalyse, ce n'est pas, comme on le croit
souvent, la liberté sexuelle mais la liberté de pensée
Théories sexuelles
137 --
deux des plus puissants ressorts
pulsionnels de la vie... la faim et l'amour
140 --...
Freud cherchera à ancrer le fantasme
dans une réalité de la prime enfance... Et
certains fantasmes universellement
partagés, seront reconnus comme étant toujours déjà là,
préexistant à toute histoire individuelle : les fantasmes originaires
qui trament une histoire, une légende, un récit autour de la question
de l'origine, de la différence des sexes,
du rapport à l'autre... Pour autant que des représentations
sexuelles -- dans le sens élargi que Freud donne à ce terme --
recoupent ces fantasmes, la sexualité est
en elle-même « traumatique » pour l'homme.
144 --
L'extension du concept de sexualité a
pour effet de rendre perméable toute frontière,.......
La sexualité de l'adulte ne conserve-t-elle pas à
maints égards un caractère infantile ou, tout au moins, les premières
marques des excitations et sensations de plaisir qui auront déjà été
éprouvées ?
Suçotement, châtouillement, caresses, curiosité
se portant sur le corps de l'autre, sur sa chevelure, ses pieds, ses
vêtements, sa peau feront partie des composants de la vie amoureuse de
même que les odeurs et les parfums de l'enfance garderont intact leur
pouvoir d’évocations. Autant de facteurs internes comme la gêne, la
pudeur, la honte, que de facteurs externes comme les restrictions où
les interdits imposés par l'entourage participeront au refoulement des
premiers plaisirs des sens, surtout lorsque la libido aura tendance à
se manifester de manière plus intempestive dans son arrimage aux zones
érogènes ou dans sa liaison à la cruauté. De nombreux obstacles
entravent son cours principal et l'entraînent dans diverses dérives.
Freud distinguera une libido du moi, appelé également libido
narcissique, de libido d'objets constituée par
l'investissement des objets sexuels.
Quatre stades, oral, anal, phallique et génital, seront isolés en
fonction à la fois des zones érogènes et
de la relation à l'objet sexuel.
145 -- tout en conservant à cette époque le terme
« d'inversion » pour parler de l'homosexualité, il ne fait pas
de doute que Freud ne porte aucun jugement, ni de valeur, ni
morale, sur le choix d'objets sexuels.
146 – Jung … Adler
147 -- Le bolchevisme croyait pouvoir
l'utiliser pour détruire l'autorité du père et les liens de la famille
afin qu'il n'y ait plus que des enfants de la Nation et du Père des
peuples.
La dernière trouvaille de l'école
révisionniste ne ferait de la psychanalyse pas même « une science
juive », ni une « science bourgeoise », ni même une « « science athée
». Niant à son tour toute différence entre le fantasme et la réalité
elle relègue la vie psychique inconsciente et la sexualité qui
l’imprègne au domaine de la pure lubie pour n’ attacher d'importance
qu'à une réalité pragmatique..... Ce qui paraît proprement
inconcevable à ses tenants, c’est que Freud ait consacré une part
importante de sa libido à l'investigation et à la connaissance des
sources mêmes de l'énergie sexuelle et des avatars de ses
manifestations.
L'homme Freud
bague... Amour courtois... Situation précaire...
Télépathie... Jalousie (rs..René
Girard)... Émancipation des femmes...
159 -- Il est
tout à fait impensable de vouloir lancer
les femmes dans la lutte pour la vie à la manière des hommes.
Devrais-je, par exemple, considérer ma douce et délicate chérie comme
une concurrente ? Dans ce cas, je finirais par lui dire comme je l'ai
déjà fait il y a dix-sept mois, que je l'aime et que je mets tout en
oeuvre pour la soustraire à cette concurrence et que je lui attribue
pour domaine exclusif la paisible activité de mon foyer.
163 –
Superstition
164 -- depuis
son analyse avec Fliess, Freud demeure hanté par la croyance que sa
mort surviendra à l'âge de 61 ou 62 ans
Le cercle des premiers disciples
180 -- porcs-épics
183 -- Jung
Histoires de cas
196 -- comme l'intrus du wagon-lit qui n'est
autre que Freud lui-même ; Dora, Paul, Herbert... c'est chacun dans
sa singularité, mais sous leurs traits singuliers,
leur double se
trouve en nous pour peu que nous consentions à l'épreuve du miroir.
200 -- névralgie faciale... autopunition...
« l'homme aux rats »
204 -- complexe d'Oedipe et celui de la
castration... Avoir joué avec son « fait-pipi »... la
transformation de la libido refoulée se fait par l'apparition de
l'angoisse qui doit trouver un objet de substitution dans le matériel
phobique...
209 -- 1914 … Freud rédige « Extrait » qui
s'avère un véritable travail de composition romanesque centrée sur
l'enfance du patient et sur la reconstruction de sa vie à partir de
ses pulsions sexuelles
212 --.. 1910... . Freud ne livre dans son étude
que ce qui se rapporte à la névrose infantile sous forme de névrose
obsessionnelle avec un cortège de symptômes liés à la castration, au
masochisme, à l'homosexualité. C'est à propos de ce cas qu'il est
amené à aborder une nouvelle forme de rejet du savoir distincte
du refoulement.... Il confirme que la réalité psychique est
une forme d'existence particulière qui a ses propres lois et qu'il ne
faut pas confondre avec la réalité matérielle.
213 -- 1912... Il écrira « Sur le plan plus
général des rabaissements de la vie amoureuse » où il abordera le
clivage entre les deux courants de la vie amoureuse, le courant
tendre et le courant sensuel, comme étant le symptôme d'un
développement inachevé.
La où ils s’ aiment, ils ne désirent pas
et la où ils désirent, ils ne peuvent aimer. Ils
recherchent des objets qu’ils n'aient pas besoin d'aimer afin de
maintenir leur sensualité à distance de leur objet d'amour et, selon
les lois de la « sensibilité complexe » et du « retour du refoulé »,
cette étrange défaillance qu’est l‘impuissance psychique
survient lorsque, dans l'objet choisi pour éviter l'inceste, un trait,
souvent peu voyant, rappelle l'objet à éviter.
215 – ... comme on ne peut exclure la libido du
psychisme, cette dernière proposition -- Je n'aime personne
-- ne peut qu'être équivalent à Je
n'aime que moi.
( rs houellebecq)
216 -- ….Freud aura parfaitement saisi que la
perception interne des processus psychiques est à peu de chose près la
même dans la folie que dans l'auto-observation.
L'avenir dira si
la théorie contient plus de folie que je ne le voudrais, où la folie
plus de vérité que d'autres ne sont aujourd'hui dispensés à le croire
217 -- ... La névrose ne dénie
pas la réalité, elle veut seulement ne rien savoir d'elle. ; la
psychose la dénie et cherche à la remplacer.
un comportement
qui réunit certains traits des deux réactions, qui, comme la névrose,
ne dénie pas la réalité, mais
s'efforce, comme la psychose,
de la modifier.
Pendant la guerre
219 --... 1914 …Si
vous observez ce qui se passe en ce temps de guerre -- les cruautés et
les injustices dont se rendent responsables les nations les plus
civilisées, la façon différente dont elles jugent leurs propres
mensonges et méfaits en comparaison de ceux de leurs ennemis, et le
manque général de discernement qui prévaut -- vous devrez admettre que
la psychanalyse ne s'est pas trompée.
220 -- Freud développera deux motifs de
désillusion provoquée par la guerre. L'un, le peu de moralité des
Etats qui ne manquent pas de se poser par ailleurs comme les garants
de valeurs morales. Ce qui laisse à penser que, en temps de paix,
l'Etat n'interdit pas la violence
pour l'abolir mais pour la monopoliser à son service et que, en temps
de guerre, il se soustrait sans vergogne au traité et conventions qui
le lient à d'autres Etats en demandant à ses citoyens de l’approuver
au nom du patriotisme.... La cruauté telle qu'elle était associée,
dans les Trois essais sur les théories sexuelles de 1905, à
la sexualité enfantine, devient en temps de guerre indissociable de la
violence d'Etat, de la souveraineté de l'Etat, de son pouvoir
souverain qui ne cache ni sa cupidité ni son aspiration à la puissance
et autorise ses sujets à commettre les pires actes de cruautés et de
barbarie au nom du patriotisme.
222 --
citoyen du monde de
la culture...
224 -- 1915 –Nous
avions, certes, espéré que
l’impressionnante communauté d’intérêts instauré par le commerce et
la production fournirait le début d'une contrainte externe à la
moralité, mais il semble que les peuples obéissent encore pour
l'instant beaucoup plus à leurs passions qu’à leurs intérêts. Tout
au plus se servent-ils des intérêts pour rationaliser leurs passions ;
ils mettent en avant leurs intérêts pour pouvoir donner des raisons à
la satisfaction de leurs passions
226 – 1912---Freud songe à mettre au jour
une nouvelle dualité pulsionnelle,
celle d'Eros et de Thanatos... C'est-à-dire des pulsions de
vie et de mort qui régissent l'économie psychique tant des peuples que
des sujets... On va jusqu'à saluer dans la guerre l'accomplissement
d'un rite de purification. ( RG bouc
émissaire ..)
227 -- J'avais
conclu dans le secret de mon âme que, puisque nous voyions la culture
la plus haute de notre temps si affreusement entachée d'hypocrisie,
c'est qu’organiquement nous n'étions pas faits
pour cette culture. Il ne nous reste qu'à nous retirer et le grand
Inconnu que cache le destin reprendra des expériences culturelles du
même genre avec une nouvelle race.
231 -- De ses travaux avant la Grande Guerre,
Freud considérait que Totem et tabou était la
troisième étude la plus importante. La première
avait révélé comment le rêve
réalise de façon déguisée des désirs inconscients, la
deuxième avait dévoilé l'importance de
la sexualité infantile dans la vie
psychique, la troisième, partant des données
acquises de la psychanalyse, entendait expliquer
l'origine des sociétés et de la religion
en donnant un fondement historique au mythe d'Oedipe et à
l'interdiction de l'inceste. Ce petit sauvage d'enfant, en proie à
tous les désirs, qui se voit interdire la mère par un père menaçant,
est l'héritier d’un temps primitif ou un mâle despotique se serait
approprié toutes les femmes de la tribu jusqu'au jour où les fils se
seraient ligués contre lui pour le mettre à mort. Souhaité ou
accompli, reconnu ou démenti -- c'est tout comme pour l'inconscient,
qui ne connaît pas d'indices de la réalité --, le meurtre devait
laisser les fils accablés de culpabilité et de repentir, contraint
d'instituer un nouvel ordre : prohibition de l'inceste,
représentation du père mort par un animal totem et nécessité de
transporter ses désirs hors du clan (loi de l'exogamie). L’ animisme
de l'enfant qui attribue aux choses une âme analogue à l'âme humaine
est un vestige de l'animisme primitif. Comme système de pensée,
l'animisme permet de concevoir le
tout du monde, à partir d'un seul., comme un ensemble cohérent.
Cette phase animiste, au cours de laquelle l'homme s'attribue la
toute-puissance sur les choses du monde, est relayée par une phase
religieuse où cette toute-puissance est déléguée aux dieux tout en
gardant sur eux de multiples influences par l'intermédiaire des
sacrifices et offrande consentis à la divinité pour se concilier ses
faveurs. Dans la vision scientifique du monde, l'homme reconnaît qu'il
est soumis aux nécessités naturelles, dont celle de la mort. Mais si
la prise en compte des lois de la réalité relègue derrière elle la
toute-puissance de la pensée, il survit en elle un reste de croyances
en la puissance de l'esprit humain qui lui permet de s'employer à la
maîtrise de la nature. On imagine aisément que, parallèlement, les
composantes pulsionnelles de la sexualité s'adonnent chacune au gain
de plaisir en trouvant leur satisfaction sur le corps propre. C'est le
stade auto-érotique. Ce stade sera
relayé par le choix du corps de l'autre
comme objet à la place du sien
propre. Il existe un stade intermédiaire, auquel la
libido sera toujours prompte à faire retour, où l'objet n'est pas
étranger : c'est le moi propre. Cette
intrication
narcissique
de la libido ne sera jamais
abandonnée. Elle sera toujours une composante du
choix d’objets externes.
Que les visions du monde que l'homme a pu se
forger au cours des siècles puissent être comparées aux étapes du
développement libidinal de l'individu ne manquait pas d’audace et
devait se heurter pour longtemps à l'incrédulité. N'était-il pas
scandaleux de voir le commencement des organisations sociales, des
restrictions de la morale et de la religion plonger leurs racines
jusque dans les cérémonies commémoratives du repas totémique, dans
l'acte de consommer le père primitif,
redouté et envié, pour s'approprier une partie de sa force ?...
236 -- novembre 1917
-- j'ai travaillé très dur, je me sens usé et je commence à trouver
le monde franchement repoussant. La superstition que ma vie pourrait
s'achever en février 1918 me paraît souvent une idée plaisante. Je
dois parfois lutter ferme pour retrouver un ascendant sur moi-même.
Nul doute qu'il y parvint puisque ces années de
guerre furent aussi consacrées aux grands projets d'une
métapsychologie : une tentative de
décrire les processus psychiques inconscients sous l'angle de leur
rapport dynamique, topique et économique.
238 -- 1921 -- dans « Psychologique des masses
et analyse du moi » … :
si un autre
lien de masse venait à la
place du lien religieux, comme le lien de masse socialiste semble
réussir à le faire, il en résultera envers ceux qui sont en dehors,
la même intolérance que celle qui a sévi à l'âge des Guerres de
religions
Der Tod
241 -- Comme je suis profondément incroyant, je n'ai personne à
accuser et je sais qu'il n'existe aucun lieu où l'on puisse porter sa
plainte. « L'heure éternellement invariable du devoir » (Goethe) et «
la douce habitude de vivre » (citation de Goethe) feront le reste pour
que tout continue. Tout au fond de mon être, je décèle le sentiment
d'une offense narcissique irréparable.
244 -- principe de
liaison... principe de déliaison .. Platon
248 -- 1908...
Freud « l'homme sans dieu » …pasteur suisse Oskar Pfister
250 -- En prenante
comme exemple de masses organisées avec meneur l'Eglise et
l'armée -- mais une idéologie ou une cause peuvent se substituer aux
meneurs --, Freud met en évidence la nature des liens libido qui
unissent des membres entre eux et chacun des membres à celui (guide,
commandant, chef) qui se voit mis à la place de l'Idéal du Moi ou du
Surmoi comme objet d'admiration ou de crainte. Le guide est
censé aimer chacun d'un amour égal et chacun cède une part de son
narcissisme pour tisser le lien de fraternité qui l'unit aux autres
membres.... Freud y fait allusion en parlant du « lien de
masse socialiste » qui dans la Russie de 1920, tend à occuper la
place auparavant tenue par l'Eglise. Si le Chef s’avère défaillant,
s'il disparaît, alors la panique politique s’empare des membres. Ils
se voient abandonnés et nourrissent à l'égard du chef les sentiments
de haine jusqu'alors refoulés.
252 -- pulsion de
pouvoir
254 – 1923---Freud fit part à Deutsch de son
souhait qu'il l’aide à quitter le monde de manière décente s'il était
condamné à mourir dans d'atroces souffrances.
La vie sans illusions
258 -- 1907 -- Freud avait assimilé
la
religion à une culture fétichiste généralisée dans le déni des
réalités humaines.
261 -- Aux États-Unis sévit à nouveau le combat
des créationnistes contre la pensée évolutionniste
...
263 –
Je ne sais (lui écrit Freud) si vous avez saisi le lien
secret qui existe entre l’« Analyse par les non médecins » et l’ «
Illusion » ? Dans l’un, je veux protéger l'analyste contre le médecin,
dans l'autre contre les prêtres. Je voudrais lui assigner un statut
qui n'existe pas encore, le statut
de pasteurs d'âmes séculiers qui n'auraient pas
besoin d'être médecins et pas le droit d'être prêtre.
Le droit à la psychanalyse
274 -- de même Freud met-il en garde contre
l’idéologie de l'efficacité (efficiency) qui mêlée au
proverbial time is money, concourt à diminuer la sévérité du
Surmoi quand il s'agit de ce qui intéresse le profit. La
multiplication des thérapies brèves, même illusoires, se retrouvent
aisément dans cette idéologie.
Warum Krieg ?
276 – 1919---discours du président Thomas
Woodrow Moore … les Croisés ..
278...Freud quand il parlait, dans L’avenir
d’une illusion, « De la prétention de
la pieuse Amérique d'être la
propre patrie de Dieu ..(God’s own country )» l’étude menée avec
William Bulitt sur le président ( Wilson) mérite attention......
Elle pourrait bien, au-delà de son difficile déchiffrement, être la
mémoire, l'archive, la matrice d'un autre déchiffrement, celui de la
mondialisation de la religion -- partie cachée du spectre
de la mondialisation marchande.
Comme programme bio-politique s'inscrivant dans l'horizon
de la mort de Dieu,
la mondialisation en cours
soutient la promesse d'une nouvelle rédemption, d'une restauration de
l’indemne et de l'indemnisation, fût-ce au prix des pires cruautés
et du meurtre d'âme surajouté. Du même coup, les hégémonies qui y
ont pris racine ne peuvent que se sentir sourdement menacées et
conduites à adosser leur sécurité et celle des peuples à la croyance
en une élection divine, à la croyance en un peuple choisi par Dieu
pour représenter la justice idéale, décider où est le Bien et où se
trouve le Mal.
282 -- Wilson...
:" Par la Providence de Dieu,
une lumière nouvelle se lève en Amérique qui projette les rayons de la
liberté et de la justice au loin sur toutes les mers et même sur les
terres qui stagnent dans les ténèbres et refusent de la voir...."
Wilson se voyait en futur Père des nations...
284 -- Traité de Versailles...
Albert Einstein... Marie Curie... Paix et désarmement ..
Organisation supra-étatique... Limitation de la souveraineté des
Etats…
286 -- la nécessaire hypothèse d'une cruauté
originaire mise en oeuvre par une pulsion de pouvoir …
287 -- C'est donc autour du mot cruauté
(…R.Girard..violence1)
, du sens de la cruauté, des cruautés, que l’argumentation de
Freud se fait à la fois le plus politique et le plus
rigoureusement analytique lorsqu'il est interrogé sur ce qui ne va pas
dans le monde, sur ce qui ne va pas
dans la mondialisation déjà annoncée.. C'est à cette
logique de la sommation des pulsions destructrices et des pulsions
sexuelles, enrôlées et dominées par la pulsion de pouvoir, de
domination, de souveraineté, que la
révolution psychanalytique doit se confronter. Son
progressisme sans illusions ne saurait penser éradiquer
les pulsions de cruauté et de pouvoir,
pas plus celles qui relèvent du quotidien que celle qui a abondent
malheureusement dans l'histoire. Elles
sont indéracinables. En revanche, la raison psychanalytique
œuvre à la limitation du pouvoir, de la cruauté, de la
souveraineté en proposant des voies indirectes qui en constituent des
forces antagonistes. Ces voies vont de l'amour, de l’amour de la vie,
jusqu'à prendre en compte l'inégalité, aussi indéracinable, qui divise
en classe les guides, les chefs, les meneurs d'un côté et, de l'autre,
les masses dépendantes qui suivent les premiers..
Il faudrait, dira Freud, éduquer une
couche supérieure d'hommes à l'esprit indépendant, capable de résister
à l'intimidation et soucieux de vérité, pour qu'ils dirigent les
masses dépendantes. L’idéal serait une communauté
dont la liberté
consisterait à soumettre la vie pulsionnelle à une
« dictature de la raison ».
( rs franc-mac ?)
La terre impromise
290 --
pour la narcissisme humain
la vexation cosmologique … Copernic...
( l’homme avec son) penchant à se ressentir comme le maître de ce
monde... Charles Darwin... La première vexation...
... la vexation biologique …L'homme
n’est, rien d'autre ni rien de mieux que les animaux… la deuxième
vexation pour la narcissisme humain
la vexation psychologique … 292…Le moi
rencontre des limites à son pouvoir à l'intérieur de sa propre maison,
l'âme.... Le psychique en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es
conscient...
295…Entre en
toi-même, dans des profondeurs, et apprend d'abord à te connaître,
alors tu comprendras pourquoi il te faut
devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir. »...
Le moi n'est pas maître dans sa propre maison... Elles représentent
ensemble la troisième vexation infligée à l'amour-propre, la vexation
psychologique. Rien d'étonnant donc que le moi n'accorde pas sa
faveur à la psychanalyse et refuse obstinément toute créance.
299 -- Parti de l'interrogation
:
« Pourquoi le peuple juif s’est-il attiré
tant de haine depuis si longtemps et pourquoi cette haine
insiste-t-elle aujourd'hui aussi violemment »...
300 –
J’ose affirmer qu'aujourd'hui encore la jalousie à l'égard du
peuple qui se donna pour l'enfant premier né, favori de Dieu le Père,
n'a pas été surmonté chez les autres comme s'ils ajoutaient foi à
cette prétention.
... Il n'est
pas douteux qu'ils ont une opinion particulièrement haute d'eux-mêmes,
qu’ils se considèrent comme plus nobles, d'une situation plus élevée,
supérieurs aux autres, dont ils se séparent aussi par nombre de leurs
usages. En même temps, ils sont animés d'une confiance particulière
dans la vie, comme celle que confère la possession secrète d'un bien
précieux. Nous connaissons le fondement de ce comportement et savons
en quoi consiste leur trésor secret. Ils se considèrent vraiment comme
le peuple élu de Dieu.
Moïse
le fit…en élevant leur amour-propre, en les assurant qu'ils
étaient le peuple élu de Dieu ; il leur imposa de se sanctifier et de
vivre à l'écart des autres.. Comme savons que cela fut accompli par
Moïse, en affirmant qu'il agissait sur l'ordre de Dieu, nous osons
dire (seconde audace de Freud)
que ce fut le seul homme Moïse qui a créé les juifs.
Les trois dernières phrases du livre :
Si L'Homme Moïse a pu représenter, à
certains égards, une atteinte narcissique pour tout peuple ayant la
prétention de se croire le peuple élu de Dieu, il est surtout
l'oeuvre de déconstruction radicale de toute idée d'exclusion, de race
et d'identité culturelle. C'est sur la mémoire de
l'expérience des générations antérieures qu'une symbolicité transcende
la diversité des langues et des peuples.
La limitation de la pulsion de pouvoir, de domination, de souveraineté
tient de la nécessité, tout autant pour les peuples que pour chacun
des sujets. Ce qui pourrait se traduire en un aphorisme : plus d'un
nom, plus d'une langue, plus d'un Etat, plus d'une filiation. Que la
terre impromise.

Repères chronologiques
305
Références bibliographiques 318
Notes
324 …334
Remerciements
À Gérard de Cortanze, directeur de
la collection, qui a bien voulu accepter que cette biographie de
Freud mette l'accent sur la dimension politique, insuffisamment
remarquée, de son oeuvre.