......Les études scientifiques
l'affirment : les hommes et les femmes ne sont pas égaux devant la déprime.
Michel Lejoyeux, professeur de psychiatrie et chef de service à l'AP-HP,
explique dans son livre Tout déprimé est un bien portant qui s'ignore qu'il
ne s'agit en rien d'une fatalité. Il existe des différences entre les hommes
et les femmes, mais les solutions face à la déprime sont multiples et pas si
compliquées à mettre en œuvre. Entretien avec un spécialiste de la bonne
humeur.
Dans Tout déprimé est un bien portant qui s'ignore, le livre de Michel
Lejoyeux, professeur de psychiatrie à l'université Denis-Diderot à Paris et
chef de service à l'AP-HP et à l'hôpital Maison-Blanche, le constat est sans
appel : les hommes et les femmes ne sont pas égaux devant la déprime. Ce
mal du siècle semble être une tendance générale et touche toute votre sphère
de connaissances : de votre voisin dans l'open-space à votre mère, en
passant par cette copine qui râle sans cesse sur les transports en commun
bondés à l'heure de pointe ou encore votre banquier, votre chat et
peut-être, tout simplement, vous-même.
En s'appuyant sur de nombreuses études scientifiques s'intéressant à la
déprime mais aussi à la bonne humeur, le professeur Lejoyeux a écrit un
véritable manuel. On y apprend que si les hommes et les femmes ne sont pas
égaux devant la déprime, ils ont toutes les clés en main pour réussir à s'en
sortir.
Lefigaro.fr/madame.- « Les hommes et les femmes sont inégaux devant la
déprime » : qu'entendez-vous par cette affirmation ?
Michel Lejoyeux. - Il s'agit du résultat d'une étude scientifique dans
laquelle on a montré à des hommes et des femmes des images fortes et
déprimantes. Les conclusions de l'expérience ont montré que les sujets ne
répondaient pas de la même manière face à ces clichés : les femmes se
sentaient plus émues tandis que les hommes subissaient une augmentation du
rythme de leur cœur. Face à la tristesse, les femmes utilisent
leur esprit et leurs émotions ; les hommes répondent avec leur corps.
Cela veut aussi dire que l'homme va beaucoup plus être à l'écoute de
données pour aller mieux sur sa forme physique, et les femmes seront plus
accessibles à des conseils concernant la gestion de leurs émotions.
Comment expliquer l'origine de ces différences ?
On a beaucoup de mal à l'expliquer. Il y a peut-être des facteurs
culturels avec, par exemple, une plus grande autorisation de l'expression
émotionnelle chez la femme. Mais on peut aussi supposer des facteurs
hormonaux.
Un des deux sexes est-il plus enclin à la déprime, voire la
dépression, que l'autre ?
On a des niveaux de souffrances psychologiques équivalents chez les deux
sexes mais ils vont s'exprimer dans des registres différents : les
dépressions ou l'anxiété sont plus fréquentes chez la femme, les conduites
addictives (alcool, toxicomanie, jeux d'argent) sont plus fréquentes
chez l'homme.
Quelles sont les thématiques ou sujets qui ont tendance à plus toucher
les femmes que les hommes et vice versa ?
De ma fenêtre de thérapeute, j'ai constaté que la pensée
perfectionniste - « Je dois être parfait tout le temps » - et les
obsessions alimentaires sont plus fréquentes chez la femme que
chez l'homme. Ces dernières sont d'ailleurs plus sensibles aux
recommandations alimentaires qui visent à influer sur leur bonne humeur.
Chez leurs congénères masculins, ce sont les « faux-amis » ...
( ... et les fausses-amies ... ) ..qui
vont le pousser dans un état de dépression. Combien de patients viennent me
voir en me disant qu'ils ont un secret pour être de bonne humeur et détendus
tous les soirs : l'alcool. Indiscutablement, cette confiance dans les
faux-amis, perçus comme des solutions à la déprime, est bien plus fréquente
chez l'homme que chez la femme.
Au regard de toutes ces différences, comment se protéger au mieux des
coups de blues ?
On peut entretenir sa bonne forme psychique comme on entretient sa
forme physique de trois manières : par son mode de vie, sa manière
de penser et sa manière de vivre avec son cerveau. L'activité
physique est un déterminant incontournable de la bonne humeur (augmentation
des endorphines, les hormones du plaisir, de la sérotonine, antidépresseur
naturel, et des facteurs qui font pousser les neurones). Deux heures et
demie par semaine suffisent pour entretenir sa positivité. Des études
scientifiques ont également permis de déterminer quels aliments pouvaient
avoir un effet antidépresseur. Il s'agit d'aliments riches en magnésium tels
que le chocolat noir, les cacahuètes, les amandes, l'avocat et les bananes.
Une autre étude récente montre que chez 700 étudiants américains, les moins
stressés mangeaient au moins trois fois par semaine des cornichons, de la
choucroute et du yaourt. J'insiste aussi sur l'importance du lien
avec la nature : plus on est confronté à la nature, plus on est heureux.
Faites-vous parfois des recommandations spécifiques aux femmes
?
Une recommandation que je leur préconise beaucoup plus est d'enlever
le miroir grossissant dans la salle de bain. Cela ne sert à rien d'aller
à la recherche de ses petits défauts, tâches ou rides... et c'est aussi
symbolique : si vous cherchez dans votre vie tout ce qui a été déprimant et
que vous y mettez beaucoup de temps et d'attention, vous allez attaquer
votre bonne humeur. Le paracétamol est aussi un péché mignon de certaines
dames. Sa consommation régulière met en danger le foie et gomme également
les excès de bonne humeur. Ce qu'il faut retenir, c'est que les
médicaments ne sont pas toujours une solution et qu'il n'y a pas de fatalité
face à la déprime : il y a des aliments, de l'activité physique et une
manière de vivre qui fait qu'on s'en éloigne !
G
Pour aller plus loin : Tout déprimé est un bien portant
qui s'ignore, de Michel Lejoyeux, ed. JC Lattès.
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