le lent suicide de l'Europe continentale....

Dossier : Elans des NOUS

Présentation : 

Le Wall Street Journal rencontre la "grande Fallaci", qui raconte son procès, dénonce la haine que l'occident a envers lui-même et cultive un seul dernier espoir : Ratzinger. De Sénèque à l'Eurabie, presque une prophétie. ....Voici l'interview à Oriana Fallaci par Tunku Varadarajan, directeur de "editorial features" du Wall Street Journal. L'article - qui s'intitule "Prophète du déclin" - a été publié le 23 Juin 2005.

Dans le même veine en 0ctobre 2007 ... l’archevêque de Denver (Colorado) donnait une allocution, devant 400 personnes, sur le thème « L’Église et l’État aujourd’hui : ce qui appartient à César, et ce qui ne lui appartient pas », à l’occasion de la 15ème assemblée générale de la Society of Catholic Social Scientists [1] (association catholique des spécialistes en sciences sociales) de la Faculté de Droit (School  of Law) de la St. John’s University dans le Queens à New York. Il faudrait lire ce texte avec toute l’attention qu’il mérite parce qu’il est riche et dense et ouvre de nombreuses perspectives de réflexion. J’ai fait ma part. À vous de faire la vôtre…

Extraits :  

Le déclin selon Oriana Fallaci......"les civilisations se suicident, ne sont pas assassinées".....elle est tourmentée par l'indifférence de l'occident qui marche gaiement vers le gouffre que lui-même a choisi.....

"On ne peut pas survivre si on ne connaît pas le passé. Nous savons pourquoi les autres civilisations ont disparu : à cause de l'excès de bien-être et de richesse et à cause du manque de moralité et de spiritualité...

"Je suis athée, et si une athée et un Pape pensent la même chose, il doit y avoir quelque chose de vrai. C'est très simple ! Il doit y avoir ici une vérité humaine qui va au-delà de la religion

Ratzinger : "L'occident montre une haine envers lui-même, qui paraît étrange et peut être considérée uniquement comme un phénomène pathologique ; l'occident ne s'aime plus ; dans son histoire il voit uniquement ce qui est blâmable et destructif, et il n'est plus capable de reconnaître ce qui est grand et pur ".

Notre société ressemble à l'Antiquité  .... les premiers chrétiens avaient compris qu’ils étaient les surgeons d’une nouvelle famille universelle de Dieu. Ils considéraient la culture qui les environnait comme une culture de mort, et la société comme étant en train lentement de s’éteindre.

 

en zo-relation ....  .... maladie auto-immune ... manque de confiance en soi  ... déracinement ... repentance  ... peur  ... anxiété ... sans espérance ... pas de NOUS, sans   ... "l'homme n'est grand qu' JE NOUS " ....

une société mortifère ....  

Le lent suicide de l’Europe continentale ...

 

 

 

Le déclin selon Oriana

Source:    http://www.france-echos.com/actualite.php?cle=6141

Date :    23 Juin 2005    

 

New York. Oriana Fallaci risque la prison. A 75 ans, avec un cancer qui en ce moment lui permet de s'alimenter uniquement de liquides, une des journalistes les plus célèbres du monde a été dénoncée par un juge italien sur la base de l'article du code pénal qui punit le "mépris" de "n'importe quel religion admise par l'État".

Dans ce cas la religion considérée objet de mépris est l'islam ; le mépris a été commis, à ce qu'il parait, dans un livre publié l'année dernière, intitulé "La Force de la Raison", qui a vendu plus d'un million de copies dans toute Europe. La thèse principale du livre est que le Vieux Continent est en train de devenir une domination de l'islam, et que les peuples de l'occident se sont lâchement rendus aux "fils d'Allah".

Pour ses convictions Oriana Fallaci risque deux ans de prison, raison pour laquelle elle a choisi de ne pas quitter New York.

....

"Lorsque je l'ai su - raconte O. Fallaci à propos de sa récente accusation - je me suis mise à rire. Amèrement, certes, mais j'ai ri. Aucun amusement, aucune surprise, parce que le procès est uniquement la démonstration que tout ce que j'ai écrit est vrai". Un juge activiste de Bergame s'est engagé à accueillir l'accusation contre Oriana Fallaci, ….. L'auteur de cette accusation est un certain Adel Smith (qui, malgré son nom, est musulman et est un provocateur public connu), qui est parait-il responsable de la publication d'un pamphlet ("l'Islam punit Oriana Fallaci") qui exhorte les musulmans "à l'éliminer". Ironiquement, monsieur Smith a été également dénoncé pour mépris de la religion - dans son cas la religion Catholique - car il avait décrit (à la télévision) l'Église catholique comme une "organisation criminelle". Il y a deux ans il était sur toutes les premières pages des journaux italiens pour avoir demandé qu'on enlève les croix sur les murs des salles de classe à l'école et la croix qui se trouvait dans la chambre d'hôpital où sa mère était soignée.

Oriana Fallaci parle avec passion : "L'Europe n'est plus l'Europe ; elle est devenue l'"Eurabie", une colonie de l'islam, dans laquelle l'invasion islamique ne procède pas seulement dans un sens physique mais elle pénètre aussi dans les esprits et dans la culture. Le servilisme vis-à-vis des envahisseurs a empoisonné la démocratie, avec des évidentes conséquences pour la liberté de pensée et pour le concept même de liberté ". Des mots comme "envahisseurs", "invasion", "colonie", "Eurabie" sont profondément "politically incorrect", et c'est probablement le ton qu'elle a employé, les mots utilisés, et pas la substance de son message, qui ont suscité la rage du juge de Bergame.

... Quelque chose d'elle nous rappelle Oswald Spengler.

L'historien Arnold Toynbee a écrit que "les civilisations se suicident, ne sont pas assassinées" : ces paroles pourraient très bien être sorties de la bouche d'Oriana Fallaci, qui est très pessimiste sur le futur de l'Europe : "La présence croissante des musulmans en Italie et en Europe est directement proportionnelle à notre perte de liberté". Il y a en elle quelque chose qui nous rappelle Oswald Spengler, le philosophe allemand prophète du déclin, auquel on ajoute le conflit de civilisation théorisé par Samuel Huntington.

Mais surtout il y a du pessimisme à l'état pur. Lorsque je lui ai demandé quelle "solution" il pourrait y avoir pour empêcher l'effondrement de l'Europe, Oriana Fallaci s'est enflammée comme une mèche : "Comment oses-tu me demander une solution ? Ce serait comme demander une solution à Sénèque. Tu sais ce qu'a fait Sénèque ?". Ensuite, en imitant le geste de quelqu'un qui se coupe les veines, il a dit : "Puah ! Il s'est suicidé !". Sénèque avait été accusé d'être impliqué dans un complot pour tuer l'empereur Néron. Sans avoir eu de procès, Néron lui ordonna de se suicider. On a l'impression que Mme Fallaci voie dans l'islam l'ombre de Néron. "Que pouvait-il faire, Sénèque ?", elle demande, avec un sursaut. "Il savait que ce serait fini de cette façon : avec la chute de l'Empire romain. Mais il ne pouvait rien faire".

L'imminente chute de l'occident est ce qui tourmente à présent Oriana Fallaci. Et de la même façon elle est tourmentée par l'indifférence de l'occident qui marche gaiement vers le gouffre que lui-même a choisi. "Regardez le système scolaire actuel de l'occident. Les étudiants ne connaissent pas l'histoire ! Mon Dieu, ils n'en savent rien. Ils ne savent même pas qui était Churchill ! En Italie ils ne savent pas qui était Cavour !".

Mme Fallaci, qui ne fait presque jamais d'éloges, à ce point s'arrête et réfléchit sur cet homme politique italien et sur le sort de tous les conservateurs européens : "Au debout j'étais déconcertée et je me demandais pourquoi nous n'avions pas un homme comme Cavour... pas même un. Cavour était un révolutionnaire... et il n'était pas de gauche. L'Italie a besoin d'un nouveau Cavour, l'Europe en a besoin ". Oriana Fallaci se considère elle-même une "révolutionnaire", "parce que je fais ce que les conservateurs en Europe ne font pas, c'est-à-dire je n'accepte pas d'être traitée comme une délinquante". Elle avoue que "parfois je pleure parce que je n'ai pas vingt ans de moins ou parce que je suis malade. Si j'étais plus jeune, je renoncerais même à écrire pour entrer en politique".

Une autre pause pour s'allumer un petit cigarillo et pour boire un peu de Champagne. Avec une grimace de douleur elle avale le liquide froid et pétillant ; ensuite, fortifiée, elle recommence à parler avec véhémence et des mots qui rappellent plus que jamais ceux de Spengler : "On ne peut pas survivre si on ne connaît pas le passé. Nous savons pourquoi les autres civilisations ont disparu : à cause de l'excès de bien-être et de richesse et à cause du manque de moralité et de spiritualité... Dans l'instant même où tu renonces à tes principes et à tes valeurs... où tu te moques de ces principes et de ces valeurs, tu es mort, ta culture est morte et ta civilisation est morte. Point à la ligne". La force avec laquelle elle a répété le mot "mort" a été impressionnante. J'ai pris dans ma main la coupe de champagne, comme si c'était une béquille.

..... L'âme jumelle et un sourire amer.

"Je me sens moins seule lorsque je lis les livres de Ratzinger". Je lui avais demandé s'il y avait quelques auteurs contemporains qu'elle admirait particulièrement, et Pape Bénit XVI était sans doute un homme pour lequel elle avait une certaine confiance. "Je suis athée, et si une athée et un Pape pensent la même chose, il doit y avoir quelque chose de vrai. C'est très simple ! Il doit y avoir ici une vérité humaine qui va au-delà de la religion ".

Mme Fallaci, qui est devenue célèbre en interviewant de nombreux hommes d'état (et pas mal de tyrans), estime que notre ère est "une ère sans leader". "Nous avons cessé d'avoir des authentiques guides à la fin du vingtième siècle". Sur George W. Bush, par exemple, elle est disposée à lui accorder uniquement d'avoir de la "vigueur", elle pense qu'il est "obstiné" (dans son livre ceci est considéré un compliment) et "qu'il a du courage... Personne ne l'a obligé à faire quelque chose pour Terri Schiavo ou à prendre une position sur les cellules staminales. Mais il l'a fait quand même".

Mais sa vraie âme jumelle est Ratzinger (elle continue d'appeler ainsi le nouveau Pape). Wojtyla (Jean Paul II) était un "guerrier, qui a contribué plus que l'Amérique au collapsus de l'Union Soviétique", mais on ne lui peut pas pardonner sa "faiblesse vis-à-vis du monde islamique. Pourquoi, pourquoi a-t-il été si faible ?".

Le peu d'espoir qu'elle nourrit encore pour l'occident elle le confie au nouveau Pape. Lorsque il était encore cardinal, le Pape Bénit XVI écrivait souvent sur la situation de l'Europe et de l'occident. L'année dernière il a écrit un essai intitulé "Si l'Europe haït elle-même", à partir duquel Mme Fallaci m'a lu cet extrait :

"L'occident montre une haine envers lui-même, qui paraît étrange et peut être considérée uniquement comme un phénomène pathologique ; l'occident ne s'aime plus ; dans son histoire il voit uniquement ce qui est blâmable et destructif, et il n'est plus capable de reconnaître ce qui est grand et pur ".

"Voilà !", elle exclame. Un homme qui pense comme elle. "Voilà !". Mais je ne suis pas sûr si dans ses yeux je vois le triomphe ou la douleur. Quant à l'accusation de mépris contre l'Islam, Oriana Fallaci n'a aucune intention de se présenter au procès de Bergame, qui devrait commencer en Juin 2006. "Je ne sais même pas si je serai encore là l'an prochain. Mon cancer est si étendu que je suis désormais arrivée à la fin de ma route. Quel dommage. Je voudrais vivre non seulement parce que j'aime la vie mais aussi pour voir la conclusion du procès. Je suis certaine qu'ils me jugeront coupable ". À ce moment précis elle se met à rire. Avec amertume, évidemment, mais elle rit.

Article source (en italien) : http://www.ilfoglio.it/articolo.php ?idoggetto=23151

 

Illustration :

 

une société mortifère .... 

 

 

7 novembre 2007

Notre société ressemble à l'Antiquité

Extrait d'un discours de l'archévêque de Denver, Mgr Chaput :

"Je souhaite esquisser rapidement pour vous l’image de la culture d’une société non précisée. Mais tout ce que je vais vous dire, ce sont des faits vérifiables. Cette société est très avancée dans les sciences et dans les arts. Elle possède une économie complexe et une puissante force militaire. Plusieurs religions coexistent en son sein, mais la religion à plutôt tendance à devenir une affaire privée ou un simple ornement pour des cérémonies officielles. Cette société particulière doit aussi affronter de gros problèmes. Parmi eux, sa fécondité dont le taux ne permet pas de renouveler les générations. Il n’y a pas assez d’enfants qui naissent pour combler le nombre des adultes et pour occuper les emplois nécessaires au bon fonctionnement de la société. [...] Le concubinage est généralisé et accepté. Comme le sont la bisexualité et l’homosexualité. Et la prostitution de même. Le contrôle des naissances et l’avortement ont été légalisés, ils sont largement pratiqués et justifiés par les intellectuels reconnus par la société. [...]

De quelle société suis-je en train de parler ? [...] Je viens juste de donner un aperçu des conditions qui prévalaient dans le monde méditerranéen au temps du Christ. Nous avons tendance à idéaliser l’Antiquité [...]. Mais cette médaille a son revers. [...]

Mais je considère que les défis que nous devons [...] affronter aujourd’hui sont très semblables à ceux qu’affrontèrent les premiers chrétiens. Et il ne serait pas inutile de comprendre comment ils s’y prirent pour évangéliser leur culture. [...] le succès du christianisme découle de deux choses : premièrement, la doctrine chrétienne ; et deuxièmement, la fidélité des gens à cette doctrine. [...] L’Église par ses Apôtres et leurs successeurs proclama l’Évangile de Jésus-Christ. Les gens crurent à l’Évangile. Mais ils ne se contentaient pas de donner leur assentiment à un ensemble d’idées. Croire à l’Évangile signifiait changer toute leur manière de penser et de vivre. C’était une transformation radicale. [...] Puisque nous constatons des signes semblables de nos jours, nous devons trouver le courage qu’eurent ces premiers chrétiens en contestant leur culture. Nous ne devons pas nous contenter de croire en ce qu’ils croyaient, nous devons croire en ces choses avec la même profonde ferveur."

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Copie de la partie principale du discours....

Je souhaite esquisser rapidement pour vous l’image de la culture d’une société non précisée. Mais tout ce que je vais vous dire, ce sont des faits vérifiables.

Cette société est très avancée dans les sciences et dans les arts. Elle possède une économie complexe et une puissante force militaire. Plusieurs religions coexistent en son sein, mais la religion à plutôt tendance à devenir une affaire privée ou un simple ornement pour des cérémonies officielles.

Cette société particulière doit aussi affronter de gros problèmes. Parmi eux, sa fécondité dont le taux ne permet pas de renouveler les générations. Il n’y a pas assez d’enfants qui naissent pour combler le nombre des adultes et pour occuper les emplois nécessaires au bon fonctionnement de la société. Le gouvernement offre des avantages pour encourager les gens à avoir plus d’enfants. Mais cela ne semble pas marcher.

Le concubinage est généralisé et accepté. Comme le sont la bisexualité et l’homosexualité. Et la prostitution de même. Le contrôle des naissances et l’avortement ont été légalisés, ils sont largement pratiqués et justifiés par les intellectuels reconnus par la société.

De temps à autre, un législateur fait passer une mesure pour promouvoir le mariage, au motif que le bon état et le futur de la société dépend des familles stables. Mais ces mesures ne débouchent très exactement sur rien.

Parfait. De quelle société suis-je en train de parler ? Notre pays, évidemment, semblerait, de façon générale, correspondre à cette description. Mais ce n’est pas de nous que je parle.

Je viens juste de donner un aperçu des conditions qui prévalaient dans le monde méditerranéen au temps du Christ. Nous avons tendance à idéaliser l’Antiquité, à considérer la Grèce ou Rome comme des époques de réussites extraordinaires. Elles le furent bien sûr. Mais cette médaille a son revers.

On ne se figure habituellement pas Platon ou Aristote comme des soutiens d’un État favorisant l’avortement et l’infanticide. Pourtant, ils le furent. Hippocrate, ce grand pionnier de la médecine, est aussi célèbre pour avoir créé une trousse d’avortement qui comportait des lames affûtées destinées à démembrer le fœtus et un crochet pour l’arracher de l’utérus. On n’a pas l’habitude de relier cela au Serment d’Hippocrate. Pourtant, voici quelques années, des archéologues ont découvert les vestiges de ce qui semble être une “clinique” où se pratiquaient des avortements et des infanticides à l’époque romaine : une canalisation d’égout remplie des os de plus d’une centaine de nourrissons.

Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous encourage à aller quérir un petit livre écrit voici une dizaine d’années : The Rise of Christianity [4] écrit par un professeur à la Baylor University, Rodney Stark. Vous y trouverez toute cette histoire et bien d’autres choses.

Permettez-moi de vous expliquer cela. On dit souvent que nous vivons une époque « post-chrétienne ». Manière d’expliquer le fait que les nations occidentales ont abandonné ou sérieusement minimisé, au cours des dernières décennies, leur héritage chrétien. Mais notre époque « post-chrétienne » ressemble en fait énormément à l’époque pré-chrétienne. Les signes de notre temps dans les nations développées – moraux, intellectuels, spirituels et même démographiques – se rapprochent dangereusement des signes perceptibles dans le monde à l’époque de l’Incarnation.

Tirer des leçons de l’Histoire est subjectivement aventureux. Le risque est toujours présent d’un excès de simplification.

Mais je considère que les défis que nous devons, comme catholiques américains, affronter aujourd’hui sont très semblables à ceux qu’affrontèrent les premiers chrétiens. Et il ne serait pas inutile de comprendre comment ils s’y prirent pour évangéliser leur culture. Ils le firent si bien qu’en l’espace de quatre cents ans le christianisme devint la religion dominante dans le monde entier et la civilisation occidentale fondée. Si nous pouvons apprendre de cette histoire, alors Dieu pourra plus aisément travailler avec nous au déclenchement d’une nouvelle évangélisation.

Je ne suis ni historien ni sociologue, aussi je laisse à d’autres le soin d’évaluer l’œuvre de Rodney Stark. Mais Stark traite d’une série de questions-clé : Comment le christianisme a-t-il réussi ? Comment a-t-il été capable de faire autant en si peu de temps ? Non seulement Stark est spécialiste en sciences sociales, mais il se définit lui-même comme agnostique. Il n’est donc pas intéressé à traiter de la volonté de Dieu ou de l’œuvre du Saint Esprit. Il se limite aux faits qu’il peut vérifier.

Stark conclut que le succès du christianisme découle de deux choses : premièrement, la doctrine chrétienne ; et deuxièmement, la fidélité des gens à cette doctrine. Stark écrit : « Un aspect essentiel du succès de la religion [chrétienne], c’est que les chrétiens croyaient (…) Et c’est pour cela que ces doctrines prirent vraiment chair, c’est à cause de la manière dont ils orientèrent les actes visant à s’organiser et les comportements personnels que se produisit l’essor du christianisme ».

Mettons cela en termes moins universitaires : L’Église par ses Apôtres et leurs successeurs proclama l’Évangile de Jésus-Christ. Les gens crurent à l’Évangile. Mais ils ne se contentaient pas de donner leur assentiment à un ensemble d’idées. Croire à l’Évangile signifiait changer toute leur manière de penser et de vivre. C’était une transformation radicale. Si radicale qu’ils ne pouvaient plus du tout continuer à vivre comme les gens qui les entouraient.

Stark met le doigt sur un des domaines-clé par lequel les chrétiens rejetèrent la culture environnante : le mariage et la famille. Dès le début, être chrétien signifiait croire que la sexualité et le mariage étaient sacrés. Dès le début, être chrétien signifiait rejeter l’avortement, l’infanticide, le contrôle des naissances, le divorce, les actes homosexuels et l’adultère : toutes choses largement pratiquées par leurs voisins romains.

Athenagoras, un laïc chrétien, déclara à l’empereur Marc-Aurèle, en l’an 176, que l’avortement était un « meurtre » et que ceux qui y trempaient auraient « à en rendre compte à Dieu ». Et il en expliqua la raison à l’empereur : « Car nous estimons que même le fœtus dans l’utérus est un être créé et qu’il est donc objet de l’attention divine ».

Comme mon auditoire le sait déjà, le respect chrétien pour l’enfant à naître n’est pas né au Moyen Âge. Il vient des débuts de notre foi. L’Église primitive ne débattait pas sur le thème des hommes politiques et de la communion sacramentelle. Il n’y en avait aucun besoin. Personne tolérant ou promouvant l’avortement n’aurait osé s’approcher de la table eucharistique, ni même oser se proclamer chrétien.

Et voici pourquoi : les premiers chrétiens avaient compris qu’ils étaient les surgeons d’une nouvelle famille universelle de Dieu. Ils considéraient la culture qui les environnait comme une culture de mort, et la société comme étant en train lentement de s’éteindre. En vérité, quand vous lisez la littérature chrétienne primitive, les pratiques comme l’adultère et l’avortement y sont souvent décrites comme faisant partie d’une « voie mortifère » ou d’une « voie du [démon] ».

On trouve un passage intéressant dans une œuvre d’apologétique du écrite par Minucius Felix au IIe siècle. C’était un avocat romain et un converti. Il signale l’existence d’une potion contraceptive qui agit comme un abortif. Il en décrit ainsi les effets : « Il y a des femmes qui avalent des potions pour étouffer dans leur propre ventre les débuts » d’une personne destinée à exister.

C’est cela que les premiers chrétiens voyaient autour d’eux dans leur monde. Ils croyaient que ce monde était en train d’étouffer son propre avenir, qu’il étouffait les générations futures avant même qu’elles naissent, qu’il était en train de se tuer lui-même lentement.

Puisque nous constatons des signes semblables de nos jours, nous devons trouver le courage qu’eurent ces premiers chrétiens en contestant leur culture. Nous ne devons pas nous contenter de croire en ce qu’ils croyaient, nous devons croire en ces choses avec la même profonde ferveur.

Les premiers chrétiens mirent en jeu leurs vies sur la foi que Dieu est notre Père. Ils respectaient César, mais ils ne le confondaient pas avec Dieu, et ils mettaient Dieu à la première place. Ils croyaient que l’Église est notre mère. Ils croyaient que leurs évêques et leurs prêtres étaient des pères spirituels et que par les sacrements ils étaient faits fils de Dieu ou « participants de la nature divine » comme le dit saint Pierre [5].

Il est temps pour nous tous qui nous disons « catholiques » de recouvrer notre identité catholique en tant que disciples de Jésus-Christ et missionnaires de son Église. Envisagé sur le long terme, nous servons mieux notre pays en nous souvenant que nous sommes d’abord des citoyens du Ciel. Nous sommes de meilleurs Américains en étant plus authentiquement catholiques, et la raison en est que sauf à vivre en vérité notre foi catholique, de tout notre cœur et de toute notre force, nous n’aurons rien de valable à apporter au débat public qui va déterminer l’évolution de notre nation.

Le pluralisme dans une démocratie ne veut pas dire se taire sur les questions qui fâchent. Cela veut dire parler plus fort, de manière respectueuse, dans un esprit de justice et de charité, mais vigoureusement et sans repentance. Jésus a dit que nous connaîtrons la vérité et que la vérité nous rendra libre. Il ne nous a rien dit sur le fait que nous devrions être appréciés des autorités du monde dès lors que nous aurions cette liberté. En fin de compte, si nous voulons que nos vies portent du fruit, il nous faut comprendre par nous-mêmes ce que Dieu veut que nous comprenions, parce que nous sommes ses témoins sur terre, non seulement dans nos comportements privés mais dans nos actes publics y compris nos choix sociaux, économiques et politiques.

Si la Rome païenne a pu être gagnée à Jésus-Christ, c’est que nous pouvons réussir la même chose dans notre propre monde. Ce qu’il en coûte c’est le zèle et le courage de vivre conformément à ce qu’en quoi nous disons croire. Chacun d’entre nous, ce soir, possède ce désir en son cœur. Alors prions les uns pour les autres et encourageons-nous les uns les autres et remettons-nous à l’ouvrage du Seigneur.

[1] www.catholicsocialscientists.org

[2] Je souhaite renvoyer ici, notamment, à la synthèse d’une conférence donné par le prélat du 27 septembre 2005 (traduite dans L’Homme Nouveau, n° 1359 du 24 décembre 2005) où il fait un constat « mitigé » (le mot est de lui) des conséquences du Concile de Vatican II.

[3] William F. Murphy, âgé de 67 ans, ancien évêque auxiliaire de Boston (Massachusetts), nommé évêque de Rockville Center (New York) en 2001.

[4] The Rise of Christianity : A Sociologist Reconsiders History (L'essor du christianisme : un sociologue revisite l'Histoire). Non traduit en français.

[5] 2 Pierre 1, 4.

 

 

 

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