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Extraits : des systèmes de pensée
basés sur les cartes dressées par les scientifiques de leur temps,
systèmes qui ont structuré la vision de l'homme et du monde.
la plupart de nos problèmes de civilisation dans les
domaines humains provenant de la dichotomie entre notre évolution aux
niveaux scientifiques et humains, et du fait que nous raisonnons
encore dans les sciences humaines sur les bases des systèmes de pensée
précédents.
en
zo-relation
.... l'HOMENTRANCHE, René Girard, la lutte des classes,
le pouvoir ... ENUN, esclave, maître, .... bergers,
moutons, banquiers ....
voir aussi:
http://www.geocities.com/Athens/Crete/9445/projet.html
We, the
people......Nous, Sa Majesté le Roi des Belges... de Maurice Le Dantec
...
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LES
DIFFERENTES ETAPES DE L'EVOLUTION DE L'OCCIDENT :
ARISTOTE,
DESCARTES, KORZYBSKI : TROIS VISIONS DE L'HOMME ET DU MONDE
Isabelle Aubert-Baudron - 26
Juin 1998
Source:
http://semantiquegenerale.free.fr/Articles/evol_occ.htm
Date
: 25.06.2005
Pour pouvoir comprendre l'évolution
des modes de pensée dans la civilisation occidentale, il importe de la
replacer dans son contexte aux niveaux scientifique et sémantique,
d'Aristote à nos jours. En effet, l'évolution sémantique ne s'est pas
faite indépendamment de l'évolution scientifique, mais elle en est la
conséquence, découlant des cartes dressées par les mathématiciens des
différentes époques en fonction des données dont ils disposaient. A
partir de là des philosophes ont élaboré des
systèmes de pensée basés sur les cartes dressées par les scientifiques
de leur temps, systèmes qui ont structuré la vision de l'homme et du
monde.
Au IV° siècle avant J.C., Aristote a
élaboré une logique de pensée, liée à la vision antique du monde,
selon laquelle la terre était un disque plat situé au centre de
l'univers, correspondant à celle des mathématiciens d'alors. Le
système scientifique qui a marqué cette période de l'antiquité est le
système euclidien. Cette première étape correspond à la période
grecque appelée métaphysique ou pré-scientifique.
La logique d'Aristote a servi de
référence en Occident jusqu'aux découvertes de Galilée et de Newton,
qui ont donné lieu à l'apparition de la logique cartésienne au XVII°
siècle et au rationalisme, logique sur laquelle ont été élaborées les
sciences humaines actuelles. Cette deuxième période est appelée
classique ou semi-scientifique.
Au début du XX° siècle sont apparues
en physique la mécanique quantique, et la théorie de la relativité de
Einstein, qui ont remis en question les fondements du système
newtonien et ont donné lieu à l'élaboration de la sémantique générale
ou logique non-aristotélicienne, celle-ci invalidant à son tour les
bases des logiques précédentes aristotélicienne et cartésienne. Cette
troisième période est appelée mathématique ou scientifique.
En conséquence la logique d'Aristote
a structuré l'évolution de nos langages et de notre civilisation aux
niveaux humains, institutionnel, spirituel, etc., du IV° siècle avant
notre ère au XVII° siècle, c'est-à-dire durant deux mille ans, et
celle de Descartes, du XVII° siècle à nos jours. La Sémantique
Générale constitue
donc le mode de pensée qui correspond au niveau d'évolution
scientifique de notre époque, et ce n'est qu'à travers son étude et
son intégration que notre civilisation pourra parvenir à intégrer aux
niveaux des sciences humaines les fruits de son évolution
scientifique, la plupart de nos problèmes de civilisation dans les
domaines humains provenant de la dichotomie entre notre évolution aux
niveaux scientifiques et humains, et du fait que nous raisonnons
encore dans les sciences humaines sur les bases des systèmes de pensée
précédents.
Quelles sont maintenant les bases de
ces systèmes de pensée, et quel rôle ont-ils joué dans l'élaboration
des visions successives de l'homme et du monde ?
I. Fondements de la logique d'Aristote, vision
antique de l'homme et du monde :
1) Postulats :
Nous savons qu'Aristote a élaboré sa
logique sur trois principes ou postulats :
- le principe d'identité : A est A ,
qui donna lieu au postulat suivant : "tout ce qui est est", de là ce
qui est vrai est vrai, ce qui est faux est faux, ce qui est bon est
bon, ce qui est mauvais est mauvais.
- le principe de contradiction : A
n'est pas non-A : "rien ne peut à la fois être et ne pas être, une
proposition ne peut être vraie et fausse en même temps", d'où ce qui
est vrai n'est pas faux, ce qui est faux n'est pas vrai; ce qui est
bon n'est pas mauvais, ce qui est mauvais n'est pas bon.
- principe du tiers exclu : il n'y a
pas de milieu entre A et non-A : "tout doit ou bien être ou bien ne
pas être : une proposition est soit vraie, soit fausse", d'où toute
chose est soit bonne soit mauvaise.
Aristote a décrit ces postulats
comme régissant "les lois de la pensée", alors qu'il s'agissait en
réalité de principes mathématiques.
Cette logique, appelée également
logique par opposition, est le fondement de la conception dualiste qui
a structuré les langages, les modes de pensée, et les comportement en
Occident de l'antiquité à nos jours, en fonction des mécanismes de
pensée induits par ces trois principes.
2) Mécanismes de pensée induits par
les trois principes d'Aristote et leurs conséquences au niveau humain
:
a) Des évaluations basées sur des
jugements en termes de valeurs, générateurs de malentendus :
Ces postulats nous ont amenés à
raisonner en termes de valeur, à évaluer, à juger, à partir de
concepts opposés de "vrai" et de "faux", de "bien" et de "mal",
c'est-à-dire de notions abstraites dont le sens n'est pas défini, sur
des bases qui ne sont pas précisées. En conséquence, la signification
des mots "bien" et "mal" varie selon les critères d'évaluation des
gens qui les utilisent, ces critères différant selon chacun, une même
chose pouvant apparaître "bonne" à une personne et "mauvaise" à une
autre, pour un ensemble de raisons qui leur sont propres. D'où les
malentendus qu'entraînent ces mots de par le fait que personne n'est
d'accord sur leur sens, et les conflits qui en découlent
inéluctablement, dans la mesure où les gens qui les utilisent partent
du principe que leurs critères sont "bons" et ceux des autres,
"mauvais".
b) Fausses identifications,
confusion entre le niveau des mots et celui des faits :
Ces postulats nous ont ainsi
conduits à identifier faussement les objets, les animaux ou les gens
dont nous parlons avec les caractéristiques que nous leur attribuons
et les jugements de valeur que nous plaquons sur eux, sans tenir
compte du fait que ces jugements reposent sur des concepts créés par
notre structure nerveuse mais qui, en réalité, n'existent pas
indépendamment de nous.
Cette logique a ainsi conditionné
toute notre conception de la réalité, que nous avons élaborée non pas
en fonction du niveau des faits, à partir de ce que nous pouvons en
observer et en percevoir à travers notre expérience, mais en fonction
du niveau des mots, de jugements de valeur donnés, de critères
abstraits qui ne représentent rien d'effectif. D'où une confusion
entre le niveau des mots, ce qui est dit, et le niveau des faits, ce
qui se passe exactement, et une inadaptation dans nos modes de pensée
et de comportement, qui se manifeste à travers la tendance à agir non
pas en fonction des faits et des conséquences effectives de nos actes,
mais en fonction des mots, de discours fondés sur des opinions, de
croyances basées sur des postulats doctrinaux, les comportements
induits par ce mode de pensée étant les reflets d'un verbe imposé.
c) aller au détriment de la valeur humaine:
Ces notions ont accrédité l'idée
qu'il existerait quelque chose comme "le bien" et "le mal"
indépendamment de nous et des faits qu'elles concernent, nous amenant
à considérer ces abstractions comme dotées d'une existence réelle, à
nous identifier à elles et à leur attribuer une valeur absolue,
supérieure à la valeur humaine. Cette inversion des valeurs a engendré
une surévaluation de ces concepts de bien et de mal, et des
abstractions en général (la nation, la démocratie, le parti, l'état,
etc.) et une relativisation, une sous-évaluation de la valeur humaine.
Cette inversion des valeurs a
engendré au niveau sémantique une inversion du maniement des niveaux
d'abstraction, à travers l'ignorance des niveaux inférieurs (niveau
des événements), et la tendance à s'orienter en fonction des niveaux
d'abstraction supérieurs, de théories, de doctrines non similaires au
faits, utilisées à des fins d'asservissement.
d) Une inversion des valeurs à
l'origine des interdits non fondés engendrant la notion de crime sans
victime, génératrice d'irresponsabilité :
Des notions opposées de
"vrai"/"faux" et de "bien"/"mal" ont découlé celles de "raison"/tort",
de "permis"/"interdit", d'innocent/"coupable",
d'inférieur/"supérieur", etc., le sens de ces mots ne reposant pas
tant sur les faits dans lesquels nous sommes impliqués ni sur les
conséquences effectives de nos actes que sur des opinions non
sous-tendues par des démonstrations, des idées toutes faites, des
doctrines imposées au nom d'autorités" diverses. De là des notions de
permis et d'interdits structurées non en fonction des conséquences des
actes pour l'ensemble humain considéré, mais des intérêts des
dominants, étant tenu pour "bon" tout ce qui conforte ou va dans le
sens de cette dominance, et comme "mauvais", tout ce qui est
susceptible de la menacer ou de la remettre en question. D'où une
inversion des notions de "bien" et de "mal", ces concepts servant à
justifier la loi du plus fort et à légitimer l'oppression. Dans un tel
système, la valeur des individus se résume à la valeur des attributs
de la dominance (richesse, argent, pouvoir, etc.) qu'ils possèdent,
elle est proportionnelle à leur statut.
Cette inversion des valeurs a
engendré la notion de crime sans victime et des interdits doctrinaux,
non fondés sur une nuisance effective, sur la base desquels pouvaient
être déclarés coupables des gens qui n'avaient fait de tort à
personne.
De là le phénomène du bouc
émissaire, les sociétés qui raisonnent en fonction de cette logique,
étant incapables de se confronter aux faits, de remettre en cause leur
comportement, déclarant coupables les individus qui portent un regard
lucide à leur encontre (Socrate, Jésus, etc.), rejetant sur eux, en
termes de faute, les conséquences désastreuses de leur système de
pensée et de comportement.
De là également la tendance à se
comporter en fonction de notions doctrinales de "bien" et de "mal"
empêchant les individus de faire leurs propres expériences en se
confrontant à l'épreuve des faits, et une conception négative et
culpabilisante de l'erreur, assimilée à la notion de faute.
De ce fait la conception
aristotélicienne de la culpabilité, sans rapport avec les faits, est
incompatible avec la notion de responsabilité, qui repose sur la
conscience des conséquences effectives des actes. D'où l'inconscience
et l'irresponsabilité générées par cette logique.
e) Logique du conflit :
De la croyance en l'existence des
concepts opposés de "bien" et de "mal" a découlé l'idée qu'ils étaient
en conflit l'un avec l'autre, et qu'il était dans l'ordre des choses
que les partisans du "bien" luttent contre ceux du "mal", d'où les
conflits multiples et incessants qui en ont découlé, conflits sans
objet fondés sur les oppositions doctrinales et les malentendus
générés par ces postulats. Cette distorsion a eu pour conséquence la
propension effrénée des humains à développer des conflits tous azimuts
et leur incapacité à les résoudre autrement que par la force, ces
conflits engendrant l'asservissement et la destruction des populations
au nom de la lutte du "bien" contre le "mal", le contenu sémantique de
ces termes variant en fonction des époques, des autorités en place et
des intérêts de celles-ci.
f) Vision statique et réductrice
d'une réalité dynamique :
Le principe d'identité nous a donné
une vision statique, figée, de nous-mêmes et du monde, nous amenant à
penser que les objets ou les êtres sont une fois pour toutes et de
toute éternité tels que nous les voyons, et à considérer comme
définitifs les images et les jugements que nous plaquons sur eux, sans
tenir compte du fait que nous vivons dans un univers dynamique,
éminemment plus riche et plus complexe que ce que nous pouvons en
appréhender en fonction des capacités et des limites de notre
structure nerveuse, et dont tous les éléments sont soumis à des
changements multiples et incessants, même si ces changements ne sont
pas perceptibles à nos sens et nous échappent. De là une vision
tronquée de nous-mêmes et du monde, limitée doctrinalement aux images
fausses que nous en avons.
g) Perte de l'aptitude à opérer des
choix, de la liberté :
Le troisième principe du tiers exclu
nous amenés à considérer que, dans les situations que nous abordons,
nous nous trouvons devant deux possibilités opposées, une "bonne" et
une "mauvaise", alors qu'en réalité, nous nous trouvons généralement
non pas devant deux, mais devant une infinité de possibilités. En
conséquence, la réduction doctrinale limite considérablement les
possibilités de choix que nous avons à faire, ces limites étant en
fait purement imaginaires, de nature mentale, dans la mesure où elles
reposent sur le principe du tiers exclu et sont créées par notre
structure nerveuse conditionnée par ce principe. Les barrières
mentales induites par ce principe du tiers exclu ont engendré la perte
de la faculté d'opérer des choix librement, autrement dit la perte de
la liberté.
h) Une logique piégée à la base, aux
issues dramatiques :
Ce principe du tiers-exclu est à la
base des raisonnements "soit"/"soit", "ou bien"/"ou bien", qui
sous-tendent les discussions polémiques dont chacun des protagonistes
est persuadé qu'il a "raison" et que l'autre a "tort", et tente de le
convaincre sur cette base. Les discours qui alimentent de telles
controverses n'étant pas basés sur l'observation des faits, mais sur
des opinions contradictoires généralement sans rapport avec ceux-ci,
les arguments utilisés ne peuvent être tranchés, aucun facteur ne
permettant d'en démontrer la validité et par-là même de mettre un
terme à la polémique; ils consistent en des discussions dépourvues de
sens effectif, généralement interminables et insolubles, génèrent des
problèmes sans fin et aboutissent inéluctablement à des situations
d'affrontement. Leur but ne consistant pas tant à résoudre les
questions qui sont débattues qu'à utiliser ces questions comme
prétexte à contradiction, ils reposent généralement sur des sophismes,
des arguments piégés dépourvus de validité et de cohérence effective,
destinés à déstabiliser le protagoniste, celui-ci étant vécu d'emblée
comme un adversaire.
En résumé, les mécanismes de pensée
induits par les trois principes de la logique d'Aristote, logique du
conflit, ont produit les mécanismes de pensée responsables de la
destruction de l'espèce humaine et de son milieu par cette même
espèce. Ces mécanismes étant ignorés, au même titre que les postulats
qui en sont à la source, ils sont à l'origine des barrières mentales
qui conditionnent chez les individus des réactions et comportements
dont ils n'ont pas conscience, ces individus participant
involontairement à faire arriver les conséquences désastreuses
engendrées par ces mécanismes, ces conséquences étant généralement
contraires aux prévisions qu'ils avaient élaborées, parfois avec les
meilleures intentions du monde. En conséquence, les résultats auxquels
ils aboutissent n'étant pas, chez la plupart, tant imputables à une
volonté consciente de nuire qu'à leur inconscience des mécanismes de
leur structure mentale, il importe de prendre connaissance de ces
mécanismes induits par ce système de pensée et des facteurs auxquels
il est lié à différents niveaux pour pouvoir les comprendre et, ce
faisant, s'en libérer.
3) Conception aristotélicienne de
l'homme :
A partir de la logique qu'il avait
élaborée, Aristote a défini l'homme comme "un animal politique, doué
de raison, composé d'un corps et d'une âme", âme qu'il concevait comme
"un moteur qui délibère" le terme "moteur" étant à entendre au sens de
force motrice, gouvernant le corps. Cette conception, qui identifie
l'homme à un animal et le partage en d'un côté un corps matériel,
siège de l'animalité, considéré comme inférieur, et d'un autre côté
une âme, domaine de la raison et de la spiritualité, considérée comme
supérieure, a structuré toute notre vision de nous-mêmes depuis 2400
ans : "Le vivant est d'abord composé d'une âme et d'un corps, celle-là
étant par nature la partie qui commande, celui-ci celle qui est
commandée." (Les Politiques, livre I, chapitre 5, Ed. Garnier-Flammarion). "L'âme possède naturellement en elle un principe
qui commande et un qui est commandé, lesquels ont selon nous des
vertus propres, à savoir celle de la partie douée de raison et celle
de la partie non raisonnable. Il est donc évident qu'il en va de même
dans les autres domaines, et que c'est par nature qu'il y a dans la
plupart des cas un commandant et un commandé." (Les Politiques, livre
I, chapitre 13).
Cette vision nous a donné de nous
une image d'êtres scindés en deux parties opposées, matérielle et
spirituelle, isolées l'une de l'autre. Elle a induit l'idée d'une
hiérarchie entre le corps, siège de l'animalité, des "bas instincts",
conçu comme "inférieur", et l'âme, conçue comme "supérieure", et en
conséquence comme censée dominer le corps et le soumettre; d'où l'idée
d'un conflit entre le corps et l'âme, la matière et l'esprit, la
croyance en cette lutte imaginaire engendrant une vision de soi
divisée à l'origine de nos conflits intérieurs. De là également la
source de la culpabilisation des fonctions corporelles, et
particulièrement sexuelles dans notre civilisation, cette
culpabilisation, liée à une carte de notre organisme non similaire à
celui-ci, étant à l'origine de la plupart de nos soi-disant "problèmes
sexuels".
Cette carte aristotélicienne de
notre organisme nous a habitués à nous concevoir comme des animaux,
des êtres d'origine inférieure, scindés en deux parties doctrinalement
opposées l'une à l'autre, et séparés de notre environnement et des
gens que nous côtoyons. Cette conception nous a conduits à nous
identifier à l'espèce animale et à calquer nos modes de comportement
sur celle-ci. En isolant les uns des autres des facteurs et des
éléments reliés entre eux structurellement, elle nous a coupés
mentalement de nous-mêmes et du monde dans lequel nous vivons. En
raison de l'ensemble des limitations qu'elle induit, elle nous a
amenés à nous voir, à raisonner, à nous traiter et à traiter les
autres comme des sous-humains.
4) Structure sociale et familiale
de dominance :
La logique aristotélicienne a
également structuré l'ensemble des relations au sein des sociétés :
Aristote, considérant que "certaines espèces sont faites pour régir et
dominer les autres", a divisé l'humanité en deux catégories opposées
en termes de valeur, les "maîtres" et les "esclaves" :
"Etre capable
de prévoir par la pensée, c'est être par nature apte à commander,
c'est-à-dire être maître par nature, alors qu'être capable d'exécuter
physiquement ces tâches c'est être destiné à être commandé
c'est-à-dire être esclave par nature." (Aristote, "Les Politiques",
livre I, chapitre 2, Ed. Garnier-Flammarion).
"Est esclave par nature celui qui,
en puissance, appartient à un autre (et c'est pourquoi il appartient
de fait à un autre) et qui n'a la raison en partage que dans la mesure
où il la perçoit chez les autres mais ne la possède pas lui-même, car
les animaux ne perçoivent aucune raison mais sont asservis à des
impressions. Et pour l'usage on ne les distingue guère : l'aide
physique en vue des tâches indispensables nous vient des deux, les
esclaves et les animaux domestiques. Et la nature veut marquer dans
les corps la différence entre hommes libres et esclaves : ceux des
seconds sont robustes, aptes aux travaux indispensables, ceux des
premiers sont droits et inaptes à de telles besognes, mais adaptés à
la vie politique... Que donc par nature les uns soient libres et les
autres esclaves, c'est manifeste, et pour ceux-ci la condition
d'esclave est avantageuse et juste." Les Politiques, I, 5.
De là une conception d'une société
partagée en individus "supérieurs" et "inférieurs", dont la valeur est
proportionnelle à celle de leur statut : "C'est d'une manière
différente que l'homme libre commande à l'esclave, l'homme à la femme,
l'homme adulte à l'enfant. Tous ces gens possèdent les différentes
parties de l'âme, mais les possèdent différemment : l'esclave est
totalement dépourvu de la faculté de délibérer, la femme la possède,
mais sans autorité, l'enfant la possède, mais imparfaite... Si bien
qu'il est manifeste que tous ces gens dont nous avons parlé ont une
vertu éthique, mais aussi que la tempérance n'est pas la même chez la
femme et chez l'homme, ni le courage, ni la justice, comme Socrate
pensait que c'était le cas, mais chez l'un il y a un courage de chef,
chez l'autre un courage de subordonné et il en est de même pour les
autres vertus." (Les Politiques, I, 13)
Les concepts de "chef" et de
"subordonné", à l'origine des concepts modernes d'"intellectuel" et de
"manuel", reposant sur des critères de dominance, ils ont engendré une
structure hiérarchique de rapports sociaux, basée sur des rapports de
force, officialisant des relations de domination/soumission, et des
sociétés calquées sur les sociétés animales, régies par la loi de la
jungle et le droit du plus fort, ce "droit" étant légitimé par la
notion de "guerre juste", définie par ce plus fort au détriment du
plus faible : "L'art de la guerre est un art naturel d'acquisition,
car l'art de la chasse est une partie de cet art : nous devons y avoir
recours à l'égard des bêtes et de ceux des hommes qui étant nés pour
être commandés n'y consentent pas, parce que cette guerre-là est juste
par nature." ("Les Politiques", livre I, chapitre 8).
L'opposition "supérieur/inférieur"
s'est également étendue à la conception des sexes, imposant l'image du
mâle dominant et de la femme soumise, les hommes étant faussement
identifiés aux seuls attributs de la masculinité : force, virilité,
domination, et les femmes, réduites à ceux de la féminité : faiblesse,
douceur, obéissance, soumission : "Ce que le poète a dit d'une femme,
on doit penser que cela s'applique à tous les gens en question :
<<Pour une femme sa parure c'est son silence>> (Sophocle), mais il
n'en va pas de même pour l'homme." (Les Politiques, I, 13). "Le mâle
est par nature à la femelle ce que le plus fort est au plus faible,
c'est-à-dire ce que le commandant est au commandé. Il en est
nécessairement de même chez tous les hommes." (Les Politiques, I, 5).
Ces images ont induit entre les
sexes des relations d'opposition régies également par des rapports de
dominance rendant impossible des relations d'égalité et de
complémentarité, et une structure familiale hiérarchisée, similaire à
la structure sociale.
L'opposition doctrinale entre le
corps et l'âme et l'infériorisation du corps et de ses fonctions a
entraîné une séparation mentale dans la relation d'amour, opposant
d'une part le niveau des sentiments, conçu comme supérieur et
idéalisé, et le niveau physique, rabaissé au rang de la bestialité.
Cette vision donna lieu au concept d'obscénité, absent dans d'autres
cultures qui ne subirent pas l'influence de l'aristotélisme.
L'identification de l'espèce humaine
à l'espèce animale a entraîné une identification des fonctions de
l'organisme humain à celles des animaux. D'où une vision de la
sexualité limitée à la seule fonction de reproduction et sa négation
hors de ce cadre. Avec pour conséquence au sein du couple une
sexualité restreinte à la perpétuation de l'espèce, exercée dans le
cadre de relations hiérarchiques entre époux, relations de dépendance
et de domination/soumission, relations dramatiques rendant impossible
l'harmonisation du niveau des sentiment et du niveau physique et une
actualisation sereine du sentiment amoureux.
Toutefois l'image sociale du couple
différait alors sensiblement de celle qui a cours aujourd'hui en
Occident : "Il faut d'abord relever que dans le mariage antique, le
facteur individualiste était ordinairement très réduit, n'apparaissant
pas comme le facteur déterminant. Souvent, on ne tenait compte
qu'accessoirement de l'inclination et de l'affection; c'était la
lignée qui importait le plus. Dès le début, la dignitas matrimoni se
rattacha, à Rome, à l'idée de la descendance nobiliaire. C'est
pourquoi l'on distinguait - non seulement à Rome, mais en Grèce et
dans d'autres civilisations traditionnelles - entre la femme à choisir
dans ce but pour la dignitas matrimoni - et d'autres femmes, dont
l'homme pouvait en même temps, et éventuellement, user en vue de la
pure expérience érotique (d'où l'institution du concubinage,
légalement admis à côté du régime familial, comme son complément)."
Julius Evola "La Métaphysique du Sexe", p. 230, éditions l'Age
d'Homme.
L'identification de l'homme à sa
seule masculinité et de la femme à sa seule féminité ont entraîné un
conflit entre les forces mâles et femelles présentes intérieurement
dans les deux sexes, avec pour conséquences un détournement des forces
créatrices en des forces de destruction extériorisées chez les hommes,
et intériorisées chez les femmes.
Ainsi le conflit intérieur induit
par l'opposition entre le corps et l'âme s'est traduit à l'extérieur
par des rapports de force, et un détournement et un gaspillage des
énergies des individus dans des conflits tous azimuts, l'affrontement
ayant pour conséquence l'annihilation des forces respectives.
De là une conception dramatique,
tragique, d'une "condition humaine", enfermée dans une problématique
de culpabilité basée sur l'infériorisation de la personne humaine et
la culpabilisation des fonctions corporelles, et une problématique
existentielle basée sur la perte des attributs de notre humanité et
l'impossibilité d'une issue non dramatique pour les individus.
5) Influence de l'aristotélisme
au niveau religieux :
Cette conception aristotélicienne de
l'homme influença le christianisme dès son origine à travers St Paul,
Saül de Tarse, qui lui transmit sa vision infériorisée de la sexualité
: "Il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme. Toutefois, à
cause de ses débauches, que chaque homme ait sa femme et la femme, son
mari. Mais s'ils peuvent se contenir, qu'ils se marient : mieux vaut
se marier que de brûler."(I, Corinthiens, VII, 1-2, 9).
Elle structura le catholicisme à
partir du Moyen Age, dès St Augustin (IV°siècle), qui formula la
doctrine du péché originel , laquelle fut sanctionnée par divers
synodes d'Afrique et, en 431, par le concile œcuménique d'Ephèse. Puis
plus tard elle fut a la base de l'apparition de l'école scolastique
(IX°siècle - XIV°siècle), qui consistait, de la part des théologiens,
en une tentative d'harmonisation de la doctrine chrétienne avec la
logique d'Aristote, laquelle correspondait au mode de pensée alors en
vigueur et au niveau d'évolution de l'époque. L'opprobre à l'encontre
de la sexualité manifestée par Aristote infiltra ainsi le catholicisme
et à travers lui, tout l'Occident chrétien. Elle est en revanche
absente des autres religions monothéistes, le judaïsme et l'islam :
"...l'homme de la civilisation islamique a plus ou moins distinctement
compris et vécu les rapports conjugaux en général, à partir de la
sanctification que la Loi coranique confère à l'acte sexuel, et ce
dans un contexte aussi bien polygame que monogame. C'est de là que
dérive aussi le sens particulier que peut avoir la procréation,
entendue comme le fait d'administrer le prolongement, existant dans
l'homme, du pouvoir créateur divin.
Le judaïsme lui-même ignora la
condamnation ascétique du sexe : le mariage n'y fut pas conçu comme
une concession à la loi de la chair, plus forte que l'esprit, mais
comme l'un des mystères les plus sacrés. Pour la Kabbale hébraïque,
tout véritable mariage est en effet une reproduction symbolique de
l'union de Dieu avec la shekinah." (Julius Evola, "La Métaphysique du
Sexe", p. 235).
II. La logique de Descartes, vision rationaliste
de l'homme et du monde :
La logique d'Aristote et la
conception antique de l'homme et du monde ont été abandonnées au XVII°
siècle par les scientifiques, suite aux découvertes de Copernic, de
Galilée puis de Newton. La conception newtonienne du monde donna lieu
à la logique cartésienne, au mouvement rationaliste et aux théories
scientistes qui adoptèrent comme seuls critères fiables ceux de la
science et de la raison. L'époque scientiste a généré une conception
mécaniste de l'univers réduit à ce que nous pouvons en percevoir au
moyen de nos sens physiques et des instruments d'investigation
humains, un univers limité au monde matériel tangible, observable et,
sous l'influence des théories évolutionnistes, une conception de
l'homme comme un descendant du singe, perpétuant la vision animalière
de l'homme, et de la vie humaine comme limitée à sa dimension
matérielle et au temps de vie allant de la naissance à la mort de
l'organisme.
Cependant les mécanismes de pensée
dualistes, véhiculés par le langage, n'ont pas été remis en question
ni abandonnés pour autant. Ils ont perpétué l'opposition
aristotélicienne entre l'esprit et la matière sous une forme
différente, adaptée au théories scientistes, le concept d'âme étant
abandonné au profit de celui de psychisme. Cette opposition fait
encore autorité aujourd'hui dans les sciences humaines, entre autre
dans le domaine de la médecine qui considère comme des domaines
d'activité séparés la médecine somatique, qui s'intéresse au corps, et
la psychiatrie, qui se limite au psychisme. Elle a également opposé
d'un côté la "pensée scientifique", tenue pour "vraie", et la "pensée
magique", dans laquelle elle incluait les mythes et les religions,
considérés comme "non-scientifiques", et partant de là, comme
dépourvus de crédibilité et d'intérêt.
Dans le domaine du savoir, elle a
entraîné une séparation entre les domaines des sciences et ceux des
affaires humaines, ces domaines étant considérés comme sans rapport
les uns avec les autres et évoluant de façon séparée. Cette scission
doctrinale a aboutit au fait que nous n'avons pu intégrer dans les
activités humaines les fruits de notre évolution scientifique, et que
nous utilisons encore en 1997 les produits de cette évolution, qui
correspond à celle du XX° siècle, avec des mécanismes de pensée, des
concepts et une structure mentale correspondant aux niveaux
d'évolution de l'antiquité et du XVII° siècle.
C'est dans le cadre du système
rationaliste que fut élaborée la théorie freudienne des névroses et
des psychoses. A la fin du XIX° siècle, Freud formula une théorie sur
la sexualité, qui était auparavant taboue et bannie des discours. Il
établit une distinction entre une sexualité normale à laquelle il
opposa une sexualité pathologique et établit, sur la base du concept
de perversion, une théorie des névroses et des psychoses qui constitue
encore la base de la nosographie psychiatrique actuelle. Il définit la
sexualité "normale" comme limitée au strict cadre de la procréation,
taxant le plaisir sexuel de "peu recommandable, c'est-à-dire pervers
et comme tel, voué au mépris" ("Introduction à la psychanalyse"), de
même que tout acte sexuel accompli dans une autre intention que celle
de procréer, y compris au sein du couple légitime. Il en conclut que
tout être humain est pervers de nature, et ceci dès l'enfance, et
qu'il n'y avait pas de différence fondamentale entre l'individu normal
et le névrosé.
En conséquence, cette théorie a
substitué à la vision catholique de l'homme pêcheur par essence celle
de l'homme pathologique par nature. En introduisant le concept d'un inconscient-poubelle, lieu de pulsions inavouables et incontrôlables,
elle a engendré chez les individus une peur dudit inconscient, vécu
comme dangereux, qui les a coupés mentalement de leur espace
intérieur.
Elle s'est très largement répandue
dans le monde occidental, surtout à partir des années cinquante. Ce
faisant elle a contribué à perpétuer la culpabilisation de la
sexualité, remplaçant des dogmes religieux par des dogmes
psychiatriques, et attribuant aux psychiatres le rôle dévolu
auparavant aux prêtres. Partant du postulat que "la réalité" se
limitait à la vision de la conception scientiste, elle a accrédité
l'idée que toute croyance en une autre vision du monde était
"contraire à la réalité" et à ce titre, de l'ordre du délire.
Considérant la mort comme une atteinte à la prétendue toute puissance
du monde médical sur l'organisme humain, elle a contribué à occulter
des discours officiels toute interrogation fondamentale, engendrant de
nouveaux tabous, et imposé une conception de la vie humaine comme
absurde et désespérée, dépourvue de sens et de finalité, enfermant les
individus dans une problématique existentielle.
Ce faisant elle a donné de
l'ensemble de la population une image de névrosés et de psychotiques,
la transformant en un inépuisable réservoir de patients potentiels,
accréditant l'idée que l'origine des problématiques dans laquelle, en
raison de ses postulats, elle maintenait les individus, et la
souffrance qu'ils en ressentaient, et qu'elle concevait comme
"pathologique", résidait dans leurs traumatismes infantiles, dont
seuls psychiatres et psychanalystes pouvaient les libérer. De là une
consommation faramineuse de médicaments psychotropes, largement
prescrits hors du cadre de leurs applications thérapeutiques et
utilisés pour soigner le mal de vivre. (voir "Le Prix du Bien-Etre"
d'Edouard Zarifian, Ed. Odile Jacob).
Parallèlement les découvertes dans
le domaine la contraception ont modifié les comportements des
individus envers la sexualité, celle-ci pouvant être vécue
indépendamment de la procréation, et hors du cadre du couple. S'est
alors développé le mouvement de la "libération sexuelle" des années
soixante, suivi de l'apparition de l'industrie du sexe : littérature,
films, sex-shops, Minitels roses, etc., utilisant la sexualité comme
moyen de profit et la présentant comme coupée des autres niveaux de
l'être, sous l'angle dégradé de la perversion, identifiée à la
pornographie, et de ce fait réprouvée par l'ordre moral et maintenue
dans un ghetto.
Dans le même temps, l'accès des
femmes au monde du travail leur a apporté l'indépendance financière
vis-à-vis de leur conjoint. Les mouvements féministes ont réclamé une
égalité de droits avec la gens masculine ainsi que la maîtrise des
femmes sur leur corps et la procréation. Les bases du couple
traditionnel se sont effondrées, engendrant une augmentation des
divorces et l'éclatement de la structure familiale.
III La sémantique générale ou logique non-aristotélienne : une nouvelle vision de l'homme et du monde basée
sur les données de la physique du XX° siècle :
A partir du début du XX° siècle, les
découvertes en physique de la mécanique quantique, puis de la théorie
de la relativité de Einstein, ont bouleversé la conception scientiste
de l'homme et du monde. C'est sur ces nouvelles données de la physique
qu'un ingénieur polonais, Alfred Korzybski créa, durant la première
moitié du XX° siècle, la sémantique générale ou logique non-aristotélicienne, dans le but de résoudre les contradictions des
systèmes de pensée précédents et les problèmes qu'elles engendrent au
niveau humain. Il élabora une nouvelle conception de l'homme "comme un
tout dans son milieu qui le pénètre et auquel il réagit", dont les
différents niveaux sont liés entre eux structurellement et ne peuvent
être isolés artificiellement les uns des autres.
Korzybski rejeta catégoriquement les
principes aristotéliciens d'identité, de contradiction et du tiers
exclu et fonda la sémantique générale sur les postulats suivants :
- une carte n'est pas le territoire,
- une carte ne représente pas tout
le territoire,
- une carte est auto-réflexive.
qui, donnent, appliqués à la vie
courante et au langage :
- un mot n'est pas ce qu'il
représente,
- un mot ne représente pas tous les
faits,
- le langage est auto-réflexif.
Cette nouvelle logique est un outil
de pensée permettant d'unifier les sciences humaines et les sciences
exactes en appliquant aux problèmes humains des méthodes de résolution
mathématique en les abordant à l'aide d'une démarche scientifique, à
partir de l'observation des faits. Dans la mesure où elle intègre les
données de la physique moderne, elle nous permet de dresser de
nouvelles cartes de nous-mêmes et du monde qui sont similaires aux
faits, c'est-à-dire des cartes fiables et prédictives. Elle nous
permet alors d'obtenir, dans les domaines humains, des résultats aussi
efficaces que ceux auxquels nous sommes parvenus dans les domaines
scientifiques et techniques.
1) Conception de l'être humain comme un
tout :
Ces données nous ont permis
d'élaborer une nouvelle vision de l'homme dont les différentes
dimensions et les différents niveaux de l'être constituent un tout et
ne peuvent être séparés; les conceptions qui ont divisé jusqu'ici
l'esprit et la matière sont aujourd'hui dépassées. Nous avons
découvert que des facteurs psychiques se répercutent au niveau du
corps, et que des facteurs somatiques ont des incidences au niveau
psychique; nous savons également que nos connaissances concernant
l'organisme humain sont partielles et incomplètes et que nous sommes
encore loin d'en appréhender toutes les potentialités et tous les
aspects; nous savons enfin qu'il n'est plus possible de considérer
l'homme séparément de son milieu physique, social, culturel, etc., et
de faire abstraction des interactions entre les individus et leur
contexte de vie. En conséquence, il importe de tenir compte du fait
que nous abordons tout ce que nous observons avec la totalité de notre
organisme psychosomatique, les caractéristiques de cet organisme étant
liées aux influences reçues du milieu.
2) Un être dynamique, en constante
évolution :
Nous savons également aujourd'hui
que si les sociétés animales sont des sociétés statiques aux
comportements figés (le comportement d'une mouche ou d'un chien ou de
tout autre animal et celui du groupe dans lequel il vit n'est pas
différent aujourd'hui de ce qu'il était il y a 5000 ans), en revanche
les sociétés humaines sont caractérisées par l'élaboration des
cultures et l'évolution des civilisations : chaque génération enrichit
et refaçonne un acquis qu'elle transmet à la génération suivante qui
va le modifier et l'accroître à son tour. D'où une conception de
l'espèce humaine comme différente de l'espèce animale, et une vision
dynamique de l'homme comme d'un être en constante évolution.
3) Facultés et attributs
inhérents à l'espèce humaine :
En plus de sa capacité d'élaborer
des cultures et des civilisations, l'espèce humaine diffère de
l'espèce animale en ceci qu'elle est pourvue d'un certain nombre
d'attributs, de facultés, que ne possèdent pas les animaux. Ces
attributs sont spécifiques de notre humanité.
a) Faculté de symboliser :
L'un d'eux réside dans la faculté
d'utiliser des symboles, de communiquer à l'aide de mots, ce que ne
peuvent faire les autres espèces. De cette faculté de symboliser
découle l'utilisation de langages symboliques et de l'écriture.
b) Faculté de lier le temps :
Cette capacité à communiquer grâce à
l'écriture nous permet de relier des moments dans le temps dépassant
notre propre durée vécue : grâce au langage humain, des points peuvent
être jetés entre des gens séparés par la distance temporo/spatiale :
par exemple, si nous lisons, en France en 1997, un livre écrit par un
Chinois il y a 1000 ans, nous sommes reliés à travers l'espace/temps
avec l'auteur de ce livre. Korzybski a appelé "time-binding", liaison
temporelle, cette faculté qui consiste à "lier le temps", que ne
possèdent pas les autres espèces; elle nous permet de communiquer avec
d'autres humains au-delà du temps de vie de notre organisme physique;
c'est elle qui a permis l'élaboration et l'évolution des cultures et
des civilisations.
c) Conscience de la mort :
Une autre caractéristique de
l'espèce humaine est le fait que nous soyons confrontés à l'imminence
de notre disparition : "L'homme est le seul être qui sait qu'il doit
mourir." (Henri Laborit). Cette conscience de la mort a engendré la
notion de temps : "le temps est quelque chose qui finit" (William
Burroughs), et conditionne notre perception de celui-ci : plus le
temps qui nous est imparti nous apparaît limité, plus il nous semble
s'écouler rapidement. Elle est à la source de nos interrogations
existentielles, de la recherche d'un sens de l'existence humaine,
recherche qui s'est actualisée par de multiples tentatives de réponses
au fil des siècles et des civilisations et qui est encore ouverte
aujourd'hui, aucune de ces tentatives n'ayant permis de statuer avec
certitude ni de manière définitive sur ces interrogations.
d) Faculté d'évaluer la portée de
ses actes et d'opérer des choix :
Autre attribut, qui découle du
précédent, est la capacité d'évaluer la portée de ses actes et de se
confronter aux conséquences de ceux-ci, autrement dit la
responsabilité : "Etre homme, c'est être responsable."
(Saint-Exupéry), la responsabilité étant elle-même liée à cet autre
attribut qu'est la faculté de décider de ses actes, d'agir en fonction
des choix que nous opérons, en d'autres termes, la liberté.
e) Le cortex, outil de la réflexion,
spécifique de l'espèce humaine
Au niveau biologique, notre système
nerveux est pourvu, entre autres, d'un thalamus, siège des émotions et
sentiments, et d'un cortex, outil de la réflexion et du langage. Par
le biais du thalamus, nous éprouvons des émotions et des sentiments,
et grâce au cortex, nous pouvons les analyser, réfléchir à ce qui se
passe en nous et autour de nous, et le décrire en utilisant le langage
parlé et l'écriture. Le cortex est l'organe qui nous permet d'utiliser
les symboles; son usage correct nous permet de développer nos
capacités de réflexion dont la logique par opposition, qui nous a
jusqu'ici maintenus prisonniers des réactions émotionnelles liées aux
mots, nous avait jusque là interdit l'accès. Ces émotions étant
associées au contexte dans lequel nous avons appris ces mots, nous
n'avons pu nous libérer de leur puissance de suggestion qui influence
le mélange de sentiments et d'idées dont découlent nos divers
comportements.
En conséquence de quoi, ces
réactions émotionnelles, appelées réactions thalamiques, ont entravé
notre utilisation du cortex et de nos capacités de réflexion, limitant
l'usage de notre système nerveux : nous réagissons aux mots comme à
des signaux, sous l'emprise des émotions qu'ils provoquent en nous,
comme le font les animaux, sans tenir compte de ce qu'ils
représentent, négligeant le fait qu'ils sont des symboles, des signes
qui représentent des choses, et non ces choses elles-mêmes. D'où une
confusion entre les mots et les choses qu'ils désignent, une
incapacité à manier les symboles se traduisant, au niveau biologique,
par une utilisation inadaptée de notre cortex en particulier et de
notre structure nerveuse en général; les réactions aux mots empêchent
l'influx nerveux, transmetteur de l'information, de parvenir au
cortex, créant ainsi une scission, une brèche, entre des éléments de
notre système nerveux naturellement conçus pour fonctionner en
relation les unes avec les autres.
Ce court-circuit dans la
transmission de l'influx nerveux nous amène à passer directement du
niveau des sentiments à celui de l'action, sans passer par le niveau
de la réflexion, étape nécessaire pour engendrer une action adaptée.
Ces réactions aux mots ont également des répercussions sur l'ensemble
de notre organisme psychosomatique et peuvent ainsi engendrer un
certain nombre de pathologies. D'où l'importance de comprendre en quoi
elles consistent et les conséquences qu'elles entraînent, de même que
d'apprendre à utiliser correctement notre structure nerveuse, en
fonction de ses capacités réelles, autant pour obtenir une action
efficace et adaptée que pour préserver notre propre équilibre.
4) La connaissance humaine, une
connaissance tributaire des capacités et des limites de l'organisme
humain :
Notre structure nerveuse éprouve des
sensations qu'elle organise en perceptions; ces perceptions sont
tributaires des possibilités et des limites de la structure nerveuse
humaine; de ce fait, tout ce que nous pouvons être amenés à connaître
est fonction des capacités et des limites de notre organisme; il ne
nous est donc pas possible de "tout" connaître, ni d'appréhender
totalement et exactement ce que nous appelons "la réalité", certains
niveaux de celle-ci étant pour nous de l'ordre du connu, d'autres de
l'inconnu mais de l'humainement connaissable et d'autres enfin, de
l'ordre de l'humainement inconnaissable.
Il en découle que l'étendue de notre
ignorance sur nous-mêmes et le monde dans lequel nous vivons dépasse
de très loin celle de nos connaissances, et qu'il est impossible à
quiconque de prétendre avoir "raison" en "tout", ni de détenir "toute
la vérité" dans quelque domaine que ce soit, ce qui nécessiterait,
pour émettre un avis fondé, de disposer de l'ensemble des données
concernant les sujets dont nous parlons. Une telle connaissance étant
de l'ordre de l'humainement inaccessible, il découle de ces éléments
que les dogmes et les discours fondés sur la certitude de détenir la
seule et unique vérité absolue sur quelque sujet que ce soit, de même
que la volonté d'imposer cette certitude, sont dépourvus de sens et de
crédibilité, aucun être humain n'étant en mesure de détenir cette
vérité absolue et ne pouvant raisonnablement y prétendre.
5) Relativité de l'observation
humaine :
Concernant notre vision de
nous-mêmes et du monde, c'est-à-dire notre position d'observateur par
rapport à ce que nous observons, notre civilisation a connu trois
périodes :
- la période grecque ou métaphysique
ou pré-scientifique, (Pytagore, Euclide - Aristote : antiquite), selon
laquelle l'objet observé n'a pas d'importance, seul étant pris en
compte l'observateur.
- la période classique ou semi-scientifique (Newton - Descartes, XVII° siècle), qui considère
que l'observateur compte à peine et que seul l'objet observé est
vraiment important.
- la période mathématique ou
scientifique (Einstein - Korzybski, XX°), selon laquelle tout ce que
l'homme peut connaître est un phénomène dû conjointement à
l'observateur et à ce qu'il observe. Cette période considère que toute
observation est relative à la personne qui l'effectue et varie en
fonction des observateurs. Il en découle que deux personnes observant
la même chose feront deux observations différentes, et ceci en
fonction de leur sensibilité, de leurs goûts, de leurs connaissances
antérieures, de leurs intérêts, etc., sans que ces observations soient
pour autant opposées ni contradictoires, dans la mesure où chacune
d'elles peut refléter différents aspects du phénomène observé.
La conception qui prévaut encore
aujourd'hui dans les sciences humaines est celle de la période
cartésienne qui fait abstraction du coefficient de l'observateur; elle
ne tient pas compte du fait que toute observation étant relative, il
n'est pas possible de tout décrire avec une totale fidélité, d'où une
tendance à considérer ce qui est décrit comme le miroir de la réalité,
comme "vrai", et à ne pas faire la différence entre ce qui est dit,
c'est-à-dire le niveau des mots, des théories, et ce qui se passe
exactement au niveau des faits décrits; nous confondons alors les mots
et les faits qu'ils représentent et nous nous orientons à l'aide de
langages, qui sont des cartes verbales de la réalité, ces cartes ne
correspondant pas aux territoires, aux faits qu'ils décrivent, et
étant dépourvues de toute fiabilité, d'où les erreurs et résultats
désastreux qui découlent de leur emploi.
En conclusion, les deux périodes
aristotélicienne et cartésienne, aujourd'hui révolues, ont eu pour
conséquence d'entraver notre acquisition du maniement des symboles,
nous rendant incapables de nous servir des mots d'une manière adaptée.
Cette inadaptation a entraîné une inaptitude à développer nos facultés
de réflexion; elle a paralysé le développement de notre cortex, nous
maintenant prisonniers de réactions émotionnelles animalières, et nous
a bloqués mentalement à un stade d'évolution fixé, nous privant des
attributs inhérents à notre humanité.
Dans la mesure où notre vision de
l'organisme humain conditionne notre vision du monde et le mode de
relation que nous établissons avec nous-mêmes, les autres et ce monde,
les conceptions incorrectes et déformées qui nous ont été transmises
entraînent un désordre correspondant dans notre pensée, notre
réflexion et notre comportement. Il importe donc d'acquérir une vision
de nous-mêmes et du monde aussi conforme que possible aux faits, qui
corresponde autant que faire se peut à ce que nous sommes
effectivement, d'apprendre à nous servir des mots de manière adaptée
et de nous orienter en fonction de grilles, de cartes, fiables,
similaires aux territoires décrits, de manière à apprendre à nous
diriger correctement.
Il importe également de dresser une
nouvelle carte de notre organisme en fonction de ses facultés réelles,
spécifiques de notre humanité.
6) Des fonctions sexuelles non
limitées à la procréation :
Pour Korzybski, les fonctions
sexuelles ne se limitent pas, loin de là, à la fonction de
reproduction. Elles sont plus étendues et plus importantes. Il insista
dans ses séminaires sur la fonction principale des gonades, les
"glandes sexuelles", dont les 9/10° consistent à revitaliser le corps
tout entier, y compris le cerveau, et dont seulement 1/10° concerne la
sexualité proprement dite. Il insista sur le rôle pernicieux des faux
savoirs, et des "bribes de savoir médical", qui engendrent
l'aliénation et sont à l'origine de la plupart de nos problèmes
sexuels, ainsi que sur le fait que nous devons connaître le
fonctionnement de certains de nos organes pour pouvoir les utiliser
correctement, et sur l'influence de l'environnement sémantique et de
l'infantilisme dans nos problèmes sexuels. ( hcq :..voir
épigénétique ...)
Dans le domaine de la psychanalyse,
Jung mit en évidence les notions d'animus et d'anima, et le fait que
des forces mâles et femelles sont présentes chez tous les individus et
devant être acceptées et reconnues comme telles. Il travailla sur des
phénomènes et des niveaux psychiques auparavant inconnus en Occident
tels que les synchronicités, et sur les concepts d'archétypes et
d'inconscient collectif, communs à toute l'humanité.
Les traductions d'ouvrages des
civilisations orientales permirent la diffusion en Occident de
conceptions non-aristotéliciennes de la sexualité, intégrée aux autres
niveaux de l'être, reconnue comme force cosmique (civilisation
indienne, tantrisme) et utilisée indépendamment de la procréation en
relation avec la spiritualité.
En ce qui concerne nos fonctions
sexuelles, nous savons aujourd'hui qu'elles sont inhérentes à notre
organisme, au même titre que toute autre fonction (respiratoire,
cardiaque, digestive, nerveuse, etc.), et que les jugements de valeur
portés à son encontre dans le passé sont dépourvus de fondement et de
cohérence.
Nous pouvons à partir de là
entrevoir une nouvelle base de relation entre hommes et femmes,
libérés des problématiques de culpabilité et en mesure d'actualiser
les différentes dimensions de l'amour. La reconnaissance en chacun de
l'animus et de l'anima ( hcq : h-f..) comme forces (
..ENtre-relation ..) créatrices et complémentaires rend
alors possible une ( ENtre_ ...) relation évolutive et constructive
...'de NOUS ..Coques ...) basée (...s..) sur le
respect, l'affection, la reconnaissance mutuelle et la
complémentarité ( ...ENtre relation d'amour comm-UNion EN la
vérité organique ...) ,
relation dont le résultat
( ..Coques imbriquées en évolution harmonique .....) est
( ...sont ...) supérieur(...s...) à la somme de
ses parties, et l'accès à des capacités et des niveaux de l'être de
l'organisme humain ( ...de l'espèce humaine ..) restées dans notre civilisation à l'état potentiel.
Nous disposons donc en cette fin du
XX° siècle de nouvelles bases de données pour restructurer notre
conception de nous-mêmes et du monde et sortir des impasses des
systèmes de pensée précédents de notre civilisation.
Une restructuration de notre vision
de nous-mêmes passe également par l'élaboration d'une nouvelle carte
de l'organisme humain qui intègre l'ensemble des fonctions et des
capacités de cet organisme. Dans la mesure où une partie de ces
fonctions et de ces capacités sont encore actuellement pour nous de
l'ordre de l'inconnu, l'élaboration de cette carte implique
l'exploration des territoires de notre espace intérieur, et l'examen
et la comparaison de nos expériences respectives dans le cadre d'une
démarche scientifique. La sémantique générale peut nous permettre de
mettre de l'ordre dans nos têtes en unifiant les différents niveaux de
connaissance de structure similaire, aux niveaux biologique,
physiologique, psychologique, sémantique, structurel et spirituel.
7) Des individus libres, autonomes
et égaux en droits :
Pour ce qui est des différences de
statuts hiérarchiques entre individus au sein de nos sociétés, nous
savons également que les concepts de "dirigeants" et de "dirigés", de
"manuels" et d'"intellectuels", issus de la division aristotélicienne
entre "maîtres" et "esclaves", n'ont plus lieu d'être au sein d'une
société démocratique dans laquelle "les hommes naissent et demeurent
égaux en droits" (premier article de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen). De ce fait ces différences de statuts sont
inconstitutionnelles depuis 1789, et à ce titre aujourd'hui dépourvues
de légitimité.
Nous savons également que sur le
plan biologique, tout être humain normalement constitué dispose d'un
système nerveux doté d'un cortex, outil de la réflexion, et qu'il est
parfaitement capable de penser par lui-même, de décider de son
existence, et d'apporter à ses interrogations sur celle-ci les
réponses qui lui conviennent.
En conséquence, les théories sur
l'inégalité, les différences de valeurs, entre les individus en
fonction de critères de couleurs, de particularités ethniques,
génétiques, culturelles, confessionnelles, économiques, etc., reposent
sur des contrevérités, des sophismes; elles sont sans rapport avec les
faits et dépourvues de tout fondement scientifique. Elles sont
également incompatibles avec les articles de notre modèle politique,
la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, modèle qui est
jusqu'ici resté au niveau des mots sous l'influence des systèmes de
pensée dualiste, n'ayant jamais été appliqué dans les faits aux
niveaux législatif et institutionnel.
Nous pouvons adopter de nouveaux
critères d'évaluations basés sur la valeur absolue de la personne
humaine, en fonction de laquelle nous avons tous en tant qu'êtres
humains, la même valeur, et nul ne peut être assujetti à des critères
abstraits, créés par notre structure nerveuse et dépourvus d'existence
réelle.
Nous avons tous en tant qu'être
humains fondamentalement la même valeur, la valeur humaine constituant
pour notre système démocratique et humaniste la valeur absolue, et les
mêmes besoins, aussi est-ce en fonction de ces besoins humains et de
cette valeur absolue qu'il convient de restructurer nos
fonctionnements dans les libertés de pensée, de croyance et
d'expression étant garanties par les articles X et XI de la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Nous savons également aujourd'hui,
concernant la structure de l'organisme humain, que les différents
systèmes à l'intérieur de notre organisme ont entre eux des relations
de complémentarité, d'interdisciplinarité et d'ouverture
thermodynamique et informationnelle (Henri Laborit). Cette structure
étant incompatible avec les structures hiérarchiques de dominances
basées sur les postulats aristotéliciens, nous pouvons restructurer
l'ensemble des niveaux humains (politique, économique, législatif,
institutionnel, etc.) sur des relations structurellement similaires
d'une part à celles de notre organisme et d'autre part à celles de
notre modèle politique, relations de liberté, d'égalité et de
fraternité.
Ainsi la sémantique générale peut
nous permettre de mettre de l'ordre dans les affaires humaines en
harmonisant notre conception de l'être humain avec nos connaissances
et nos modèles aux niveaux politique et scientifique et de bénéficier
dans les faits des acquis qu'ils ont pour fonction de nous procurer.
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