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Théologie de la libération ... Medjugorje |
Dossier : |
Présentation :...
Extraits : Il est temps d’élaborer une synthèse entre les
instances de la théologie de la libération, comme réflexion critico-constructive de la pratique de l’Église dans le domaine de la
justice et de la paix, et la doctrine sociale, qui bien que courageuse,
nécessite une réflexion territoriale.
Hans-Magnus Enzensberger,
on considère aujourd’hui que le
monde est marqué par « l’analphabétisme secondaire ». C’est une
conséquence de la pensée hétéroclite de la macro-structure des média,
marquée par les images et les messages éphémères....L’analphabète secondaire du premier niveau s’excuse en
reprenant l’ancien adage primum vivere, deinde philosophari. Mis à part
que le deinde n’arrive presque jamais,
en
z
relations
.... mmm
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SÉMINAIRE DE PRIÈRE ET DE FORMATION
Pour les responsables des centres de paix, des groupes de prière et pour les organisateurs de pèlerinages
NEUM
19 - 24 mars 2000
PROGRAMME
1. Les prophètes dans l’Ancien Testament et dans la Tradition de
l’Église, Ivica Vidović
2. Medjugorje – le don d’un troisième œil, Alphonse
Sarrach
3. L’Église face au monde d’aujourd’hui : une tente
dressée au seuil du millénaire, Sabino Palumbieri
CONFÉRENCES
Ivica Vidović,
LES PROPHÈTES DANS L’ANCIEN TESTAMENT ET DANS LA
TRADITION DE L’ÉGLISE
Le principal thème traité par les prophètes dans
l’Écriture Sainte est la relation de l’homme à Dieu. Les prophètes
l’annoncent comme la caractéristique principale de la vie humaine, le
fondement de l’existence de l’homme, et d’une manière toute
particulière, de l’existence du peuple élu. La relation juste à Dieu est
vitale, car le bonheur, le succès, le sens, tout comme le malheur,
l’échec, le non-sens de l’existence humaine en découlent. Le fondement
de l’existence du peuple élu est sa relation à Dieu qui s’est révélé
dans l’histoire. Pour les prophètes de l’Ancienne Alliance, croire en
Dieu signifie comprendre sa signification pour la vie de l’individu et
du peuple tout entier. La question de la relation entre Dieu et le
peuple élu inclut deux autres questions : celle du fondement de la
relation de Dieu à son peuple, et celle des obligations du peuple et des
attentes qui découlent de cette relation. Bien évidemment, une autre
question se pose : comment expliquer les données historiques à partir de
cette relation unique ? Toute l’histoire du peuple élu se comprend dans
la perspective du premier commandement du Décalogue – Yahvé seul est
Dieu. Il n’y a pas d’autre dieu en dehors de Lui.
Pour les prophètes, l’histoire du Royaume Juif
commence par une demande inouïe : Israël veut avoir un autre roi en
dehors de Yahvé, le seul Roi de son peuple. Au côté de mispat YHWH
apparaît alors la législation royale. Pour les prophètes, il est donc
évident que toute l’histoire du royaume ne pourra finir que par une
catastrophe – celle de l’exil. Israël n’a pas observé le premier
commandement – YHWH seul – « Yahvé seul est Dieu ». Toute l’histoire est
évaluée en fonction de la fidélité ou de l’infidélité à Dieu.
Yahvé est le Dieu qui se révèle par la parole, ce qui
le différencie de la pensée grecque, pour qui Dieu est un idéal
esthétique. Dieu de la Révélation est le Dieu qui révèle sa parole. Il
appelle, Il commande, Il promet. Le Dieu de l’élection ne se présente
pas aux hommes comme un objet de contemplation esthétique. Les
fondements de sa révélation sont le dialogue et l’obéissance, ou plus
simplement : Yahvé ne peut être vu, mais Il peut être entendu. Yahvé se
tient au centre de la pensée prophétique, mais ne peut être représenté
par des images, des statues ou la matière, quelle qu’elle soit. Yahvé se
révèle dans l’histoire comme un grand JE – ani hu – JE SUIS. Ce JE
parle, travaille, décide, ce JE ne se laisse identifier dans aucun
endroit précis ni sous aucune forme précise. L’individu se comprend en
fonction de son obéissance ou de sa désobéissance à la Parole – la Loi
de Yahvé.
LA NOTION DE PROPHÈTE
Le mot hébreu nâbi, prophète, est dérivé du mot
acadien nabu qui signifie appeler, annoncer, signifier. Selon la
parallèle grecque, le prophète est celui qui appelle, qui proclame, qui
annonce, mais peut également être interprété par celui qui est appelé,
qui est convié. Derrière la forme passive de ce mot se cache Dieu qui
est actif, Dieu qui appelle.
Le mot nabi – prophète – est cité 309 fois dans
l’Ancien Testament. Dans les plus anciens textes bibliques, le prophète
est désigné comme « homme de Dieu » (‘isch ha’aelohim) ou bien comme «
voyant » (ro’oh, hozsh). Il semble que la désignation « homme de Dieu »
était réservée aux grands leaders du peuple élu, comme Moïse (Dt 33,1)
et David (Ne 12,24.36). Le prophète Élie porte ce titre d’une manière
toute spéciale (29 fois). Cette désignation signifie la grande proximité
du prophète avec Dieu, avec celui qui l’a appelé.
Le voyant possède la capacité de découvrir ce qui est
caché ou ce qui va arriver (1S 9, 9-19). Chez le voyant est souligné ce
qu’il voit, chez le prophète - ce qu’il dit (Is 30,10). Le prophète fait
l’expérience de la révélation de Dieu à travers des images – il « voit
», ou comme une révélation de la parole – il « entend ». Le prophète
voit des « visages » (cf. Am 9,1s ; Is 6,1s), mais également des
relations entre ce que les autres ne voient pas. Il voit plus « profond
» et plus « loin ». Les événements quotidiens ont pour lui une
signification particulière, ils servent de symboles pour la volonté de
Yahvé : un simple panier « plein de fruits » devient pour Amos le
symbole du peuple maintenant « mûr » pour l’exil (cf. Am 8,1-2), ou bien
la problématique conjugale devient pour Osée le symbole de la relation
d’Israël à son Dieu (cf. Ho 1,2s). Le prophète reconnaît des signes de
Dieu dans les événements quotidiens. La caractéristique principale de
l’activité prophétique est sa parole. Le prophète est l’homme de la «
parole ». La parole de Yahvé « vient » à lui, Yahvé lui « parle » (cf.
Os 12,11). La parole que Dieu adresse à l’homme fait de lui un vrai
prophète.
Chez tous les prophètes de l’Ancien Testament, on peut
dénoter trois caractéristiques qui se recoupent, se croisent, et qui
sont essentielles pour le prophétisme authentique : le prophète vit une
relation particulière à Dieu, relation fondée sur son expérience
personnelle. Au début de leur existence prophétique, la majorité des
prophètes fait une expérience particulière de Dieu : le prophète est élu
de Dieu, il est « mis à part », « la main de Yahvé l’a touché » (Jr
1,9), elle repose sur lui (Ez 3,14), Yahvé s’est saisi de lui, l’a
maîtrisé, l’a séduit, l’a fasciné (Jr 20,7) ; le prophète saisi par
l’Esprit (Ez 2,2) est l’homme de l’Esprit (Os 9,7). C’est ainsi que le
prophète devient « l’homme de Dieu » - titre spécifique donné aux
prophètes, par exemple dans 1S 2,27s. Le prophète est l’ami de Dieu, le
confident de Dieu, « le serviteur de Yahvé » - ebed Yahvé. L’élection
prophétique inclut toutes ces particularités.
La mission est une autre caractéristique du prophète.
Il est élu et envoyé par Yahvé. Pour la mission prophétique, Yahvé lui a
donné son Esprit dans la force duquel il se présente au nom de Dieu,
parle en son nom, devient « sa bouche » (cf. Is 6,8 ; Jr 1,7) Au nom de
sa mission, le prophète peut dire à ses auditeurs : « Écoutez la parole
de Yahvé » et peut donner à sa parole prophétique l’adjectif de « parole
de Yahvé ». Ce parler au nom et à la place de Yahvé est une des
principales caractéristiques du vrai prophétisme.
Le prophète n’est pas seulement celui qui parle au
peuple au nom de Yahvé, mais également celui qui s’adresse à Dieu au nom
d’Israël, manifesté de manière particulière dans la prière
d’intercession du prophète (par exemple 1S 12,17-25 ; Am 7,2 ; Jr
18,20). Le prophète joue le rôle d’intermédiaire entre Yahvé et son
peuple, le peuple et Yahvé.
Le service prophétique inclut également celui de
gardien : le prophète veille sur Israël (cf. Ez 3,17). Le prophète est
comme un berger responsable de son troupeau (cf. Ez 17-21).
DIVERS GROUPES PROPHÉTIQUES DANS L’ANCIEN TESTAMENT
Dans les textes de l’Ancien Testament, nous trouvons
plusieurs catégories de prophètes :
a) La catégorie la plus ancienne rencontrée dans
l’Ancien Testament a pour caractéristique principale l’extase ; ces
prophètes parcourent Israël et entrent - à l’aide d’instruments de
musique - en état d’extase. Dans cet état, ils prononcent un message
(cf. glossolalie – 1Co 14). Leur extase a un effet « contagieux » : on
trouve même le roi Saül « parmi les prophètes » (1S 10,5s ; 1S 19,18s).
La Bible considère les prophètes de Baal comme des extatiques (1R
18,19-40). Ces prophètes exercent une attirance sur Israël (1S 10,5s),
mais certains les considèrent comme « fous » (Ho 9,7).
b) Dans les Premier et Deuxième livres des Rois, nous
trouvons une communauté de prophètes portant des caractéristiques du
monachisme ; on parle des « fils » des prophètes.
Ces communautés de prophètes se forment autour des
grands personnages prophétiques, comme par exemple le prophète Élie (2R
2,3s). Élie s’engage contre le syncrétisme qui apparaît dans le peuple à
son époque. Il combat pour Yahvé, le seul Dieu, et pour la pureté de la
foi en ce vrai Dieu. Il y a effectivement un danger que la foi en Yahvé,
le seul Dieu, se mélange avec la foi en des dieux de peuples païens
fondée sur des phénomènes naturels.
Le prophète agit en « père » pour ses « fils » qui
sont assis à ses pieds, qui apprennent de lui et qui habitent avec lui.
Nous trouvons ces communautés rassemblées autour des prophètes, mais
également autour des sanctuaires (1R 13,11 : des prophètes rassemblés
autour du sanctuaire de Béthel ; 2R 2,35 : des prophètes rassemblés
autour des sanctuaires de Gilgal, de Jéricho, de Béthel). Chez ces
prophètes, l’extase ne joue plus le même rôle que chez les prophètes
plus anciens. C’est le don de l’Esprit qui caractérise ce groupe. Ce
charisme se manifeste à travers leurs actions miraculeuses (2R
2,19-22.23-25 ; 4,1-7.18-37). Ils sont particulièrement préoccupés par
ce qu’on appellerait aujourd’hui le salut des âmes (cf. Elisée : 2R
4,1-7.8-37 ; 5,1-14).
c) L’Ecriture Sainte connaît également des prophètes «
officiels », prophètes « du culte », rattachés aux sanctuaires. Ils se
distinguent des prophètes qui dans leur critique n’épargnent ni le
temple, ni les prêtres y exerçant leur service. Les prophètes du culte
trouvent leur place auprès des prêtres au service du culte. Leur rôle
est de prophétiser à la demande - au peuple et au roi. Ils bénéficient
d’une grande influence à la cour royale (cf. 1R 1,8) et développent un
langage prophétique qui leur est propre.
d) Avec l’établissement du royaume en Israël, le
mouvement prophétique entre dans une nouvelle phase. Extases, présages
et miracles passent au second plan, alors que la parole, l’annonce de la
parole, devient primordiale. Les prophètes s’éloignent de plus en plus
du culte, de l’institution, de la cour royale. Depuis Amos jusqu’à
Malachie, la parole est la caractéristique et le moyen principal du
prophétisme. Le prophète agit seulement par des signes qui ne sont pas
une illustration, mais une manifestation de la parole (cf. Ho 1,4.6.9 ;
Is 7,3 ; 8,3 ; 20,2 ; Jr 16,2.5.8).
e) L’action des prophètes
L’action prophétique peut se diviser en trois époques
classiques :
1. L’époque de la chute du royaume du Nord (vers 721
avant le Christ)
2. L’époque de la chute du royaume du Sud (vers 597/87
avant le Christ)
3. L’époque de l’exil (vers 539 avant le Christ)
Les prophètes adressent leur message à leur peuple
(Israël), mais également à tous les peuples. Leur message concerne le
passé, le présent et l’avenir. La dimension de l’avenir se caractérise
par l’annonce (l’avenir est lié au présent, à ce à quoi l’individu est
confronté dans le présent), et non par la voyance (les présages).
L’Ancien, tout comme le Nouveau Testament connaissent
tant les prophètes que les prophétesses : Myriam, Déborah, la femme du
prophète Isaïe (cf. Is 8,3), la prophétesse Hulda. Les prophètes
annoncent que l’esprit prophétique doit s’emparer du peuple tout entier,
(cf. Ba 11,29 ; Jl 3,1-5), que tout le peuple doit devenir prophétique.
LES THÈMES PRINCIPAUX DES ANNONCES PROPHÉTIQUES
La tâche du prophète est de révéler la parole par
laquelle Dieu exprime Sa volonté. La révélation de la parole de Dieu se
manifeste de diverses manières. Le plus souvent, il s’agit d’un message
où Yahvé appelle à la fidélité à sa Loi : cette parole contient une
menace, dans le cas où le peuple persévère sur le chemin qui mène à la
ruine, et une promesse du salut, s’il obéit à la parole.
L’Ancien Testament met en évidence le prophétisme
comme un phénomène complexe qui ne se laisse pas réduire à un
dénominateur commun. Néanmoins, il comporte des règles qui le régissent
et des caractéristiques communes.
Indépendamment de certains prophètes qui se
distinguent par le style et le contenu de leur discours, on trouve chez
les prophètes certaines similitudes faciles à constater.
L’annonce du jugement
La caractéristique principale des « anciens prophètes
» d’avant l’exil est l’avertissement, la menace du châtiment. Le message
prophétique s’adresse tant aux représentants du peuple qu’aux groupes à
l’intérieur du peuple qui se sont éloignés de la foi « d’Abraham,
d’Isaac et de Jacob ». Ces prophètes annoncent le châtiment de Dieu qui
se manifeste à travers la sécheresse, les tremblements de terre, la
guerre. Et pourtant, l’annonce de ces châtiments comprend un appel à la
conversion. Le malheur qui frappe le peuple ou l’individu est considéré
comme un châtiment pour le péché du peuple tout entier, des individus ou
des représentants du peuple. Pour les prophètes, le péché est le
comportement du peuple contraire à l’action de Dieu dans l’histoire.
Isaïe appelle ainsi à la conversion le peuple qui cherche la sécurité en
dehors de son Dieu. Amos et Michée annoncent les châtiments qui
frapperont le peuple en raison du non respect de la loi de Dieu. Osée,
Jérémie et Ezéchiel dénoncent l’infidélité du peuple qui se détourne de
Yahvé et qui s’adresse aux dieux étrangers.
L’annonce du salut
Le message du salut n’est pas fondé sur la question de
ce qui doit venir après le jugement de Dieu, mais sur la volonté de Dieu
qui cherche le salut de son peuple. Dieu est celui qui veut sauver son
peuple. Le salut n’est pas conditionné (comme le châtiment, qui vient
comme conséquence du péché). Dans le message du salut, Dieu promet son
aide à son peuple (cf. Is 41,17s). Ce qui doit venir est déjà décrit
dans l’annonce du salut (Is 11,1s). L’annonce du salut prédomine au
temps de l’exil et après l’exil. Le salut annoncé par les prophètes doit
se manifester dans divers domaines : l’établissement d’une nouvelle
relation entre Dieu et le peuple élu, le rétablissement de l’état
national, la libération nationale et politique. Le salut promis par Dieu
ne viendrait pas parce que le peuple se serait amélioré, il ne se fonde
pas sur la fidélité et la conversion du peuple, mais uniquement sur la
volonté, la fidélité, la sainteté de Dieu - sur son amour envers son
peuple.
En vertu de cet appel et de leur réflexion
personnelle, les prophètes représentent l’exemple de l’Israélite fidèle.
Ils mettent en évidence qu’il est possible de faire l’expérience de
Dieu, bien qu’elle soit souvent douloureuse (cf. « Les lamentations de
Jérémie »). Les prophètes annoncent que la parole de Dieu possède la
puissance de transformer l’homme.
Les prophètes de l’Ancienne Alliance sont caractérisés
par « la sobre ivresse » de la parole de Dieu (cf. Jr 15,16 ; 23,9.29) ;
l’existence du prophète s’efface dans la force de son annonce
prophétique.
L’Ancien Testament considère le prophète comme une
personne particulièrement appelée par Dieu pour annoncer sa parole, pour
avertir, consoler, enseigner, orienter. Le prophète est entièrement
dépendant de Dieu qui l’a appelé, il est responsable uniquement devant
Lui.
La problématique fondamentale rencontrée par les
prophètes est le syncrétisme du peuple juif, la disparition d’une juste
relation à Yahvé, l’infidélité au premier commandement du décalogue –
Yahvé seul est Dieu.
LE MESSAGE PROPHÉTIQUE DU NOUVEAU TESTAMENT
Dans le Nouveau Testament, on trouve 144 fois le mot
prophète : le plus souvent chez Mathieu (37 fois) et chez Luc (29 fois
dans son évangile, 30 fois dans les Actes). Le mot signifie celui qui
annonce ou interprète la parole de Dieu. Le mot prophète désigne tant
les prophètes de l’Ancienne Alliance que Jean Baptiste, Jésus, ou un
autre personnage annonçant la venue du royaume des cieux, mais également
les chrétiens possédant le charisme de prophétie.
Les personnes qui annoncent la Parole sont appelées
prophètes, prophétesses.
Le prophétisme du Nouveau Testament manifeste des
analogies avec celui de l’Ancien Testament : le prophétisme de
l’avertissement (cf. 1Co 14,3.31), le prophétisme qui indique des
événements à venir (cf. Mt 26,68 ; 15,7).
Dans le Nouveau Testament, la notion de prophète
concerne :
Les prophètes de l’Ancienne Alliance
Le prophète de l’Ancienne Alliance est celui qui
prononce les paroles de Dieu, il est « la bouche de Dieu » (Is 15,19).
Le Nouveau Testament considère que les prophètes de l’Ancienne Alliance
annonçaient ce qui allaient venir en Jésus Christ (cf. Mt 1,23 ;
2,5s.17s.23). Pour Mathieu, l’Ancienne Alliance possède une autorité
absolue : ce que les prophètes ont annoncé est accompli en Jésus Christ.
Les prophéties de l’Ancienne Alliance permettent de reconnaître Jésus
comme le Messie promis. Ce qui frappe tout particulièrement, c’est la
similitude entre la mort en martyr du prophète et la mort de Jésus (cf.
Mt 23,31 ; Mt 23,37 ; Ac 7,52). Le Judaïsme à l’époque de Jésus et au
temps des premiers chrétiens considère le martyre comme l’essence de
l’image du prophète (cf. Mt 23,25).
Jean Baptiste
Dans le Nouveau Testament, Jean Baptiste est appelé
prophète. Son annonce rappelle le style des prophètes de l’Ancienne
Alliance : il annonce le jugement et appelle à la conversion. Dans son
annonce, il appelle à la conversion morale et remet en question la
conscience religieuse des Juifs. Il appelle à un baptême qui se
distingue du lavement rituel par lequel les prosélytes s’approchent du
judaïsme, mais également distinct du lavement pratiqué par la communauté
de Qumran : le baptême de Jean est le signe des temps eschatologiques
qui commencent et signifie la conversion intérieure – condition du
salut. Il n’est donc pas étonnant que les contemporains de Jean se
posent la question s’il n’était pas le prophète eschatologique annoncé
(cf. Mt 11,8s). Le Nouveau Testament voit en Jean le Précurseur, celui
qui annonce, qui « rend témoignage » (Jn 1,36) du prophète
eschatologique qui est apparu en la personne de Jésus de Nazareth. Le
baptême de Jean annonce le baptême chrétien.
Jésus Christ
Le Nouveau Testament n’applique que rarement le mot
prophète à Jésus : « le monde » qui l’écoute l’appelle ainsi (cf. Mc
6,15). Dans les évangiles, Jésus lui-même ne se donne jamais ce nom.
Pour le Nouveau Testament, Jésus est plus qu’un prophète (cf. Mt 12,41).
Il ne fait pas qu’annoncer le salut : en sa personne, le salut est déjà
présent (cf. Lc 10,24).
Les chrétiens
Dans la première communauté chrétienne, certains
membres sont gratifiés de l’esprit de prophétisme. Leur présence dans la
communauté signifie que la communauté toute entière possède l’Esprit. Ce
don a probablement été institutionnalisé très tôt : il obtient une place
précise dans la communauté, il est lié à un service précis rendu à la
communauté. Les personnes qui ont le charisme de l'Esprit sont placées
au même rang que « les apôtres et les docteurs » (1Co 12,28s, Ep 4,11),
ou « les apôtres et les saints » (Ap 18,20).
Dans les communautés pauliniennes, le devoir des
personnes possédant ce don de l’Esprit est d’avertir la communauté (cf.
1Co 14,3.24s,31), de la consoler (1Co 14,23s), de l’édifier (1Co 14,3),
de lui révéler les secrets et la science (1Co 13,2). La révélation
prophétique doit être faite par des paroles compréhensibles et sans
exaltation inutile (1Co 12,1 ; 14,15s.23s). Le souci de Paul est que
l’ordre et la paix règnent dans les communautés, surtout lors des
liturgies ; il interdit que plusieurs prophètes prophétisent en même
temps. Selon lui, les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes
(1Co 14,32). Cette « soumission » doit être comprise comme soumission à
l’ordre et à la paix qui vient de Dieu. Le prophète doit également
savoir se taire.
Selon la lettre aux Ephésiens (Ep 2,20) les prophètes
sont inscrits dans les fondements de la communauté, ce qui fait entendre
que le temps du « prophétisme », du service prophétique, est passé, et
que désormais le prophétisme est inscrit dans les « fondements de la
communauté ».
Les avertissements contre les faux prophètes, que nous
trouvons dans les synoptiques, indiquent que la première communauté
chrétienne comptait probablement un grand nombre de prophètes.
Les Actes des Apôtres parlent à plusieurs endroits du
prophétisme et des prophètes. La raison est à rechercher dans la
théologie de l’évangéliste Luc, qui regroupe toute l’histoire de
l’humanité en trois périodes (le temps d’Israël, le milieu des temps, le
temps de l’Église). La troisième période, celle de l’Église, commence
avec l’événement de la Pentecôte (Ac 2,1s) et représente la plus grande
partie des Actes des Apôtres. Cette troisième période est considérée
comme le temps de l’Esprit, celui où tous les chrétiens possèdent le don
de l’Esprit, le même que le Christ seul possédait dans la deuxième
période. Le signe du temps de l’Esprit est évident dans le grand nombre
de prophètes chrétiens mentionnés par le nom (cf. Ac 11,27s ; 13,1 ;
15,32 ; 21,9s), ainsi que dans la prise de conscience que tous les
chrétiens sont porteurs de l’Esprit, et donc possèdent le don de
prophétisme (Ac 2,17s ; 19,6).
L’auteur du Livre de la Révélation se donne le nom de
prophète (Ap 22,9). Selon l’Apocalypse, le prophète reçoit la révélation
des plans secrets de Dieu (1,1) dans des visions (6,1-19 ; 10). Le
prophète avertit et console (ch. 2 et 3). Une importance particulière
est accordée à sa parole (22,18s).
Selon le témoignage d’écrits tels que Didaché (10,7 ;
11,7-12 ; 13,1-7) et les Dialogues de Justin (82,1), le prophétisme a
encore perduré quelque temps dans la première Église chrétienne. En
raison des abus montanistes, il entre dans une profonde crise l’amenant
à perdre de son importance, et il finit par progressivement disparaître.
Peu à peu, le rôle des prophètes est repris par l’institution, en tant
que seule interprète légitime de la Parole et de l’action de Dieu dans
le monde.
L’Écriture Sainte et la Tradition de l’Église voient
dans le prophète (non à titre exclusif, et avec une certaine méfiance)
celui qui prédit des choses à venir, celles qui doivent avoir lieu.
L’accomplissement de la prophétie distingue le vrai du faux prophète.
Selon le Nouveau Testament, les prophètes et les prophéties de l’Ancien
Testament se sont accomplis en Jésus Christ. Aux yeux des contemporains,
Jésus porte les caractéristiques du prophétisme vétérotestamentaire : il
prédit son propre sort et le sort de sa doctrine.
Le Nouveau Testament comprend la prophétie d’abord
comme interprétation de la volonté de Dieu dans le présent, dans une
situation précise, dans un endroit précis. Le prophète annonce ce que
Dieu attend de l’homme dans une situation précise : son langage est
d’abord celui du temps présent.
Le langage prophétique est fondamentalement déterminé
par la parhésie – langage ouvert, courageux, intrépide, où l’on dit ce
que l’on pense. L’autorité prophétique est fondée sur la parhésie,
langage ouvert adressé au monde.
Parler d’une manière prophétique signifie la liberté
de toute fausse considération, mais également la « disponibilité » à
s’exposer à la Parole de Dieu. Parler d’une manière prophétique signifie
« être appelé » au service prophétique : le prophète ne parle pas « de
lui-même », par sa propre force et sa propre sagesse, mais par la
puissance de Dieu. La vocation prophétique est charismatique, elle n’est
pas liée à un service précis, mais à une situation précise où la Parole
de Dieu doit être dite avec entière ouverture et avec courage.
LE « DISCERNEMENT DES ESPRITS » (1 Co 12,10)
Le service prophétique est fondamentalement lié à
celui du discernement des esprits. Il y a des vrais et des faux
prophètes : les faux prophètes confondent leurs propres opinions avec la
Parole de Dieu. Déjà l’Ancien Testament connaît des personnages qui se
présentent comme prophètes, sans être appelés ou envoyés par Dieu. Le
Nouveau Testament en connaît également quelques-uns, et avertit la
communauté de fidèles de ne pas leur accorder leur confiance (cf. Mt
7,15 ; 24,11 ; 1Jn 4,1), d’où la question des critères permettant de
distinguer les vrais des faux prophètes. Dans le Nouveau et dans
l’Ancien Testament, les critères de discernement des vrais et faux
prophètes sont les mêmes. Pour l’Ancien Testament, la conscience
personnelle du prophète d’être appelé est un des critères du
discernement : la « souffrance » qui ne lui permet pas de contenir la
parole de Dieu, mais l’oblige à la proclamer au nom de Yahvé (cf. Jr
20,9 ; 23,16 ; Am 3,8). Le Nouveau Testament connaît ce même critère
charismatique : seul celui qui possède l’Esprit de Dieu peut discerner
si quelqu’un parle dans l’Esprit (cf. 1Co 2,11). Ce critère subjectif
est accompagné d’autres signes permettant de discerner le vrai du faux
prophétisme : l’enracinement du message prophétique dans le message
biblique, le fait que le message correspond à la situation à laquelle il
se réfère, l’authenticité personnelle de la vie prophétique. Si la vie
personnelle du prophète ne correspond pas aux exigences divines, il
n’est pas un envoyé de Dieu (cf. Jr 23,14 ; 29,23). Selon la conviction
chrétienne, le vrai prophète est celui qui met en pratique dans sa
propre vie ce qu’il enseigne et ce qu’il prêche : sa vie doit porter «
de bons fruits » (cf. Mt 7,16 ; Ap 2,20). Le message prophétique doit
servir à l’édification et à l’encouragement de la communauté à laquelle
il s’adresse (cf. 1Co 14,3). L’annonce prophétique doit être en accord
avec les prophéties plus anciennes (cf. Jr 28,7s). Le prophétisme
néotestamentaire doit être en accord avec l’annonce chrétienne
fondamentale (1Jn 4,1s) ; 1Co 12,3). Le vrai prophète ne cherche aucun
profit personnel, ne flagorne pas, n’accepte aucun compromis lorsqu’il
est question du message de Dieu.
Le destin prophétique est étroitement lié à la
vocation prophétique. Dès l’instant de l’appel, le prophète ne
s’appartient plus à lui-même, mais à Dieu qui l’a appelé. Dieu non
seulement appelle le prophète pour l’envoyer à son peuple, mais il le
livre au peuple. La persécution à cause de la parole de Dieu – le
martyre – fait partie de la dimension essentielle de l’existence
prophétique biblique (cf. 1R 19,10.14 ; Jr 11,18s ; 20,2 ; 26,8s). La
dimension tragique de leur vocation se laisse lire sur les visages des
prophètes, mais elle apporte la bénédiction et le salut au peuple auquel
ils sont envoyés (cf. Is 50,6 ; 52,14-53). Le Nouveau Testament reprend
le thème du prophète persécuté et l’applique à Jésus et à ses disciples.
Le destin de Jésus, comme celui de ses disciples, est un destin
prophétique (cf. Mt 5,12 ; Lc 13,33).
Le prophète biblique est une personne attaquée de
l’intérieur comme de l’extérieur, une personne qui souffre de la
violence intérieure et extérieure, et pourtant, il vit sa vocation
principalement comme une grâce et non comme un poids. Le prophète fait
de temps en temps l’expérience d’une proximité de Dieu toute
particulière, cette proximité lui donne la force de continuer à agir. Le
prophète fait de temps en temps - et de manière toute spéciale -
l’expérience de la confirmation de son élection prophétique : il éprouve
l’amour de Dieu, l’amour de celui qui l’a appelé à être son témoin dans
le monde (cf. Is 49,1-4), ce monde qui a oublié le premier commandement
du Décalogue : « Et maintenant, Israël, que te demande Yahvé ton Dieu,
sinon de craindre Yahvé ton Dieu, de suivre toutes ses voies, de
l’aimer, de servir Yahvé ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme ?
» (Dt 10,12).
Alphonse Sarrach
MEDJUGORJE – LE DON D’UN TROISIEME ŒIL
Si l’un d’entre vous a déjà rencontré des femmes
indiennes, vêtues peut-être de saris pittoresques, il a sans doute
remarqué que la plupart d’entre elles ont le front marqué d’un point
rouge, dont la profonde signification demeure inconnue de la majorité
des Indiens. Certains diront que c’est le signe des femmes mariées, mais
à notre époque, même les petites filles sont marquées par ce signe. La
vraie signification est plus profonde, et on peut l’entrevoir en
regardant les représentations de divinités indiennes, y compris
masculines : toutes ont un point rouge sur le front. Celui-ci a donc une
signification religieuse. La réponse se trouve dans la Bhagavad-Gita, le
livre saint des indiens, souvent comparé au Nouveau Testament. Ce livre
décrit le point culminant d’une grande bataille sur le champ de Kuru (à
proximité de la ville actuelle de New Delhi) entre deux tribus liées par
des liens familiaux, mais entrées en conflit : les Pandava et les
Kaurava. Lorsque le roi Arjuna, pouvoir suprême des Pandava, jette un
regard sur l’autre camp, il y reconnaît de nombreux membres de sa
famille, contre lesquels il doit se battre. Épouvanté, il jette son arme
de son char. Le cocher se retourne et se laisse reconnaître comme étant
Krishna, le Dieu Vishnu devenu homme, et lui enseigne le sens du devoir.
Afin d’éliminer le doute qui l’habite, le roi, visiblement impressionné,
obtient du cocher la grâce de contempler sa nature divine. Celui-ci
prononce alors ces paroles décisives : « Mais tu ne pourras pas me voir
avec tes yeux. Je te donne un œil divin. Regarde maintenant ma
merveilleuse puissance divine ». (XI,8)
En d’autres termes, l’œil humain ne peut voir la
nature divine, il s’y perd. Il faut une grâce particulière, un œil
particulier, pour voir Dieu un tant soit peu Le saisir, et ce qui est
encore plus important, comprendre les relations entre Dieu et l’univers,
et avec toute sa création. Depuis que je me suis rendu pour la première
fois à Medjugorje, cette image ne me quitte plus.
LA COLONNE DE LUMIÈRE
Au début des événements de Medjugorje, de nombreuses
personnes qui se trouvaient dans la vallée pouvaient voir la croix sur
la colline du Križevac se transformant en colonne de lumière. C’est une
allusion à la colonne de feu qui, il y a trois mille ans, indiquait aux
Israélites le chemin pour sortir d’Egypte : celui qui conduisait d’une
culture corrompue au désert, lieu où Dieu prépare pour son peuple et
pour toute l’humanité un catalogue de valeurs entièrement nouveau, qui
permettra à la culture humaine et à la vie spirituelle de se développer
selon Dieu.
Si l’on regarde les presque vingt ans de Medjugorje,
on peut constater chez de nombreuses personnes l’apparition d’une
nouvelle manière de concevoir le monde et les relations à Dieu. C’est
comme si à Medjugorje la Vierge leur avait donné un « troisième œil »
qui leur permet de poser un regard nouveau sur leur entourage et sur
eux-mêmes.
Le fait d’être croyant ou incroyant détermine la
manière de concevoir le monde – c’est indiscutable. Le fait de
s’orienter vers la consommation ou vers le renoncement détermine
fondamentalement le comportement de la personne. Investir dans le luxe
ou rechercher une vie simple détermine la qualité d’une culture : celle
du pouvoir ou celle du service. Cette distinction pourrait révolutionner
l’histoire des hommes et donner une nouvelle dimension d’avenir qui se
joue entre l’affrontement et la paix.
CHANGEMENT DE POINT DE VUE
Conversion signifie changement de point de vue. Suite
à sa conversion, Saul de Tarse devient Paul qui, instantanément, pose un
nouveau regard sur la personne de Jésus, son action sur la terre, son
message, et sur les chrétiens. Ceci le rend apte à s’identifier à ceux
qu’il avait persécutés. D’innombrables fois, la Gospa de Medjugorje a
répété : « Décidez-vous en faveur de Dieu ! ».
La conversion, la décision en faveur de Dieu, a
éveillé la nature prophétique de nombreux pèlerins, parfois de simples
curieux. Prophétiser ne signifie naturellement pas prédire l’avenir –
c’est un malentendu qui demande toujours une clarification - mais se
souvenir de ce que Dieu a déjà révélé aux hommes. C’est un rappel et une
orientation dans la manière de sortir d’une situation confuse et sans
issue, la capacité de reconnaître le chemin que Dieu a indiqué il y a
très, très longtemps. Le prophète pénètre avec son œil spirituel,
éclairé par la grâce, les fausses lumières de son temps et les illusions
dans lesquelles les hommes se sont égarés.
On peut rencontrer des personnes qui se présentent
comme « Amis de Medjugorje » lors de nombreux rassemblements religieux,
ecclésiaux, parfois non-confessionnels, au niveau national ou
international, particulièrement lors des rassemblements de jeunes et des
rencontres avec le Pape. Ils semblent représenter un noyau spontané,
non-organisé, de nombreuses activités dans le monde. Ils connaissent les
règles de jeu de la civilisation contemporaine, mettent les choses au
point et sont présents partout où l’Esprit de Dieu, doucement et
invisiblement, indique de nouveaux chemins.
Ils interviennent aussi activement dans des régions en
crise et dans des conflits de nature spirituelle. Le prophète applique
sa mission d’abord à lui-même. Ceci vaut également pour un mouvement
prophétique. Cette application permet de mesurer si le message sur
lequel il repose vient de Dieu ou de l’illusion humaine. Depuis le
début, Medjugorje est sans cesse éprouvé dans une fournaise de
calomnies, de soupçons et de méfiance, à commencer par les difficultés
dans le diocèse de Mostar et jusqu’aux endroits les plus éloignés de la
terre. Jusqu’à présent, Medjugorje a passé tous ces examens, mais doit
se préparer à une nouvelle épreuve, peut-être plus grande encore, qui
viendra dans le nouveau siècle. Il peut arriver qu’un prophète parle
durement. Son devoir est de parler au peuple qui s’égare, parfois de
parler à la conscience des dirigeants faibles ou hésitants. Et pourtant,
il ne cherchera jamais à se mettre à la place de l’institution, à
éliminer les responsables, comme le font souvent les révolutionnaires
qui, une fois le pouvoir en place éliminé, s’érigent eux-mêmes en
pouvoir. Agir ainsi, signifierait trahir sa propre mission. Le prophète
demeure serviteur d’un autre qui lui est supérieur. Ceci concerne
Medjugorje. Le prophète est obéissant. Il se met à l’écoute de la voix
de Dieu. Ce qui frappe chez les personnes qui se rendent depuis des
années à Medjugorje, ce n’est pas leur amour pour les discussions, mais
leur capacité d’écoute. Ils ne se lassent jamais d’écouter. C’est ainsi
qu’ils mûrissent intérieurement. Une telle attitude est un signe pour
toute l’Église.
UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DE LA RÉALITÉ
Lors d’une rencontre de Medjugorje-Allemagne, Mgr
Johannes Dyba, archevêque de Fulda, a appelé les pèlerins rassemblés
dans sa cathédrale « une race d’endurcis ». On ne pourrait désirer une
plus grande louange de la bouche d’un haut pasteur de l’Église. Il a
ainsi souligné la constance et la persévérance qui caractérisent ces
groupes.
Abraham Maslow, un des plus grands psychologues du XXe
siècle, s’est rendu compte que dans son travail il traite principalement
des personnes malades. Ceci l’a inspiré à examiner des personnes en
bonne santé pour comprendre de quoi dépend leur santé. Maslow n’était
pas particulièrement religieux, sa curiosité reposait entièrement sur
son intérêt scientifique. Pendant des années, il recherchait donc des
personnes qui se distinguent par leur santé mentale et corporelle, et il
a fait une découverte surprenante. Nous mentionnerons seulement quelques
caractéristiques essentielles qu’il ait pu constater chez ces personnes
: elles possèdent une meilleure capacité d’appréhender la réalité, elles
sont capables de s’accepter elles-mêmes telles qu’elles sont et leur
nature telle qu’elle est, elles sont orientées vers un problème, elle
possèdent la capacité d’apprécier certaines valeurs, un fort attrait
pour ces valeurs et, le plus important, sont marquées par des
expériences mystiques (Perte du Moi et l’expérience de la
transcendance). En 1962, Maslow a formulé ses expériences : « Le peu que
j’ai lu sur des expériences mystiques les mettait toujours en lien avec
la religion, avec la vision du surnaturel. Comme la majorité des
scientifiques, je fronçais les sourcils avec incrédulité et considérais
tout cela comme un non-sens, une hallucination ou une hystérie, le plus
probablement comme une pathologie… Mais les personnes qui m’ont relaté
de telles expériences ne présentaient pas de signes pathologiques.
C’était les personnes les plus saines que j’ai pu trouver. »
Sans exagération, on peut dire la même chose de
nombreux groupes de Medjugorje. Certains évêques pourront le confirmer.
« Je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,6)
Depuis longtemps, la théologie a admis que « Gratia
supponit naturam », que la grâce présuppose la nature. S’appuyant sur
cette ancienne règle, il semble important de ne pas seulement écouter
Dieu – comme le fait le prophète – mais également d’observer ce qui se
passe dans la nature et dans l’histoire. Dieu n’agit pas en dehors de
l’histoire, mais il la conduit. Si nous voulons reconnaître le caractère
prophétique de Medjugorje, il nous faudra analyser avec précision les
événements contemporains, surtout les grands changements, et chercher à
voir s’il existe un lien entre les messages du ciel et les événements
d’ici-bas.
UNE NOUVELLE ÉPOQUE
À partir de cet arrière-plan, deux constats de notre
époque méritent une attention particulière. L’analyse systémique nous
aide à comprendre certains liens, plus précisément les liens entre
l’homme, la machine et l’environnement, et leurs conséquences sur la vie
économique et sociale. On a ainsi découvert que le progrès et la
régression économiques se développent par vagues, que ce cycle possède
également un arrière-plan moral et religieux. Certains croient avoir
reconnu que la folie sexuelle de notre époque conduira à long terme à la
pauvreté économique.
Depuis la Renaissance et les Lumières, l’homme ne
cesse donner une place de plus en plus centrale à sa propre personne et
à sa raison. Vers la fin du 20e siècle, nous avons fait l’expérience de
la décadence de cette attitude mentale sur toute la ligne.
Vers la fin d’une phase de développement se forme un
puissant agrégat de nouveaux besoins, souvent de nature totalement
contradictoire. Celui-ci apparaît lorsque de nombreuses personnes se
croient encore au sommet de la phase qui approche de sa fin. La personne
qui a découvert cette règle, le Russe Nikolai Dimitriewitch Kondratieff,
a été exécutée en 1938 par le dictateur Staline. Kondratieff n’avait que
46 ans. De quoi avait peur Staline ? Aujourd’hui même, nous avons
affaire à un problème d’agrégat. À la fin d’une époque marquée par
l’hédonisme et le matérialisme, les besoins de nature spirituelle se
sont accumulés. Un jour, ils apparaîtront en plein jour. Une question se
pose : quelles valeurs spirituelles, vraies ou fausses, seront alors
offertes aux hommes ? La Gospa a prévu ce développement et nous appelle
sans répit depuis les années 80 : « Décidez-vous en faveur de Dieu ! ».
Faites-le à temps, avant que vous ne vous enfonciez dans de nouvelles
erreurs. Elle a prévu le vide spirituel qui allait venir et veut nous
conduire dans la bonne direction. Vers la fin du Livre de la Révélation,
nous lisons : « Vois, je fais toute chose nouvelle. » (Ap 21,6) Il est
frappant que la Gospa, dans ses messages, utilise souvent le mot «
nouveau ». En juin 1992, elle disait : « Ma présence ici est pour vous
conduire sur un chemin nouveau : le chemin du salut. » En novembre de la
même année : « Je suis avec vous, afin de vous enseigner et de vous
conduire dans une vie nouvelle de conversion et de renoncement.
Seulement ainsi vous découvrirez Dieu et tout ce qui est maintenant loin
de vous. » Et un mois plus tard : « Dans le monde entier il y a un grand
manque de paix. C'est pourquoi je vous appelle tous à construire avec
moi, à travers la prière, un nouveau monde de paix. ». En février 1993,
elle continue : « Je suis avec vous et je vous guide vers un temps
nouveau. »
LA FIN DE LA CULTURE DU MOI
L’échange et l’interaction dans toute la création,
aspect universel et fondamental de la réalité, est une des découvertes
les plus importantes de la physique. Un auteur l’a réduit à une formule
facilement compréhensible : « Un papillon en Australie peut provoquer un
ouragan dans les Caraïbes ». Les choses les plus petites sont en
interaction avec les plus grandes ! Sur cet arrière-plan, souvenons-nous
du message de la Gospa du décembre 1992 : « C'est pourquoi je vous
appelle tous à construire avec Moi, à travers la prière, un nouveau
monde de paix ; cela, je ne peux le faire sans vous… N'oubliez pas que
votre vie ne vous appartient pas, mais que c'est un don à travers lequel
vous devez donner la joie aux autres et les guider vers la vie
éternelle. ». « Par chacun de vous, je veux convertir et sauver le monde
».
Depuis presque 20 ans, à Medjugorje et grâce à
Medjugorje, on prie et on jeûne intensément partout dans le monde.
À la place de la culture du Moi, la Gospa introduit
une culture orientée vers l’autre. Son influence sur le destin de
l’humanité et le cours de l’histoire est probable et, si seulement nous
pouvions l’observer à partir de l’éternité, époustouflant. En 1991,
c’était la chute du communisme. Depuis 1981, la Gospa pose des jalons
pour une nouvelle manière de penser. Elle a provoqué une nouvelle
avalanche de prière qui ne doit pas s’arrêter. On pourrait dire en
plaisantant : D’une manière très modeste, l’air de rien, la Gospa nous a
donné une magnifique leçon d’analyse systémique et de physique moderne.
LES TROIS DOIGTS
Le philosophe espagnol Raimond Panikkar a
remarquablement affirmé à une radio allemande : « Le temps du
monothéisme approche de sa fin, et seul le christianisme a un avenir. »
Cette affirmation peut être facilement mal comprise. Il voulait dire que
Dieu est vie et relation !!! Après l’installation d’un merveilleux
Chemin de Croix sur le Križevac, dix merveilleuses stations du Rosaire
ont été érigées sur le Podbrdo. Le premier tableau montre très
éloquemment la scène de l’Annonciation à Nazareth.
Les artistes de tous les temps montrent habituellement
Marie à genoux, recueillie en prière profonde, et devant elle –
généralement en l’air – l’ange Gabriel. Sur le Podbrdo, c’est exactement
l’inverse. Marie se tient debout, et devant elle – un peu plus bas – un
puissant ange, si puissant, que son aile droite dépasse du cadre. L’ange
monte à Marie trois doigts et se manifeste ainsi comme le messager du
Dieu Trinitaire. Le message à peine transmis, par son attitude il donne
à comprendre que Marie n’est pas seulement « Pleine de Grâce » mais
également, ce qui pour lui est important, « Reine des Anges ». Les trois
doigts ont encore une signification : ils annoncent une nouvelle époque,
celle du Dieu Trinitaire. Dieu se reflète de diverses manières dans la
création et dans les lois de la nature. L’artiste a fait preuve d’une
intuition géniale. Par Medjugorje, s’annonce peut-être une époque dans
laquelle les relations interpersonnelles auront à jouer un rôle décisif.
Référons-nous aux paroles de Marie : « N'oubliez pas que votre vie ne
vous appartient pas, mais que c'est un don à travers lequel vous devez
donner la joie aux autres et les guider vers la vie éternelle », vers la
plénitude de la vie. Avec beaucoup de délicatesse et d’amabilité, elle a
signifié la grandeur de notre responsabilité, lorsqu’elle a dit en
novembre 1997 : « Dieu a donné à chacun la liberté que je respecte avec
amour et devant laquelle je m’incline avec humilité ».
Le voyant de Kurešček, dont le ministère a commencé à
Medjugorje, semble avoir reçu la mission d’ériger en Slovénie une église
en l’honneur de la Sainte Trinité.
Ceci indique la même direction. Dieu lève un peu plus
le rideau qui nous sépare de Lui. Il veut une civilisation où
l’adoration de Soi et l’exaltation de la raison s’éteignent, pour
imprégner à l’humanité des relations marquées de ses propres traits. Il
veut la diviniser toujours davantage. Medjugorje était et demeure un
outil adéquat – une prise de conscience devant laquelle nous pouvons
seulement tomber à genoux et nous exclamer : O Seigneur, merveilleuses
sont tes voies !
Sabino Palumbieri
L’ÉGLISE FACE AU MONDE D’AUJOURD’HUI : UNE TENTE
DRESSÉE AU SEUIL DU MILLÉNAIRE
1. ÉGLISE, TENTE PERMANENTE
L’histoire présente des caractéristiques qui expriment
la maturation de certains processus évolutifs d’humanisation à
l’intérieur du devenir temporel : il s’agit, selon Jean XXIII, de «
signes des temps » (expression que le Concile Vatican II a fait
sienne[1]) - clignotants de la Providence de Dieu dans l’histoire.
L’Église, incarnée dans l’histoire au service du
monde, incarnée en ce temps de seuil et sujette aux changements
radicaux, ne pouvait que comporter, selon ce qui est propre au processus
de la jeunesse, une modalité diverse de présentation, et indiquer des
signes de transformation.
Dans ce cadre, le visage de l’Église du troisième
millénaire est décidément en train de changer. Portant des traits
prédominants occidentaux, elle commence à acquérir des traits inspirés
par la mondialisation et marqués par le Tiers Monde. Les jeunes Églises
ont tendance à rajeunir l’Église toute entière : il s’agit d’un
renouveau de toute sa physionomie.
Ceci se vérifie avant tout au plan quantitatif. On
peut constater la baisse de la suprématie numérique des Églises
occidentales. Au début du XXe siècle, ces communautés représentaient 85%
de l’ensemble. En l’an 2000, elles ne sont que 40%. Les Églises du Sud
du monde– malgré de notables hémorragies vers les sectes et vers
d’autres mouvements religieux– sont en augmentation exponentielle.
Au plan qualitatif, on peut enregistrer une tendance
vers une inculturation des contenus de la foi. C’est la forme
fondamentale de l’incarnation de l’Église dans le tissu des drames et
des attentes des hommes : une redécouverte du pôle de l’orthopraxie en
interaction féconde avec celui de l’orthodoxie : un engagement en faveur
de la vérité de l’amour comme crédibilité de l’amour dans la vérité.[2]
Johann Baptist Metz a déclaré : « L’Église catholique
n’est plus celle qui contient l’Église du Tiers Monde, mais devient
elle-même l’Église d’un tiers monde d’origine occidentale et européenne.
»[3] Nous assistons au passage d’une Église culturellement monocentrique
à une Église culturellement polycentrique, conservant évidemment sa
structure catholique de communauté hiérarchico-primatiale de divine
constitution, en union avec Pierre et guidée par lui.
Dans ce panorama, le sens de l’universalité, loin de
se raréfier, est respiré à pleins poumons. Les anciennes hégémonies
culturelles, historiquement explicables, cèdent le pas à la parité de la
dignité et de l’expression.
L’Église universelle est le Corps du Christ sur cette
planète, dans le sens de l’unité vitale et de la variété des membres
culturellement diversifiés. La multiplicité des charismes, dans ce
cadre, se rend présente sous divers tissus qui constituent le corps dans
lequel se plonge le mystère du Verbe incarné.
L’inculturation comme principe des lois physiologiques
est « comme sa conséquence concrète, celle de la légitime pluriformité
».[4] S’inculturer signifie participer de l’intérieur aux dynamiques des
cultures. Ce sont des réalités extrêmement mobiles, aujourd’hui
interchangeables, soumises en permanence à la fragilité, à l’ambiguïté,
à la menace et au risque. S’inculturer ne signifie donc pas seulement
s’insérer, mais plutôt inter-être : être un avec les peuples, mais à
l’intérieur de leur laborieuse recherche d’identité, d’unité, de
stabilité dynamique. Ceci signifie que, loin d’être statiquement
tranquilles, la tension et la composition des tensions conduisent vers
le but ardu du binôme paix-justice.
La nouvelle perspective impose de nouveaux impératifs
qui découlent du permanent code génétique de l’organisme vivant de
l’Église, mais qui sont prévenus selon les impulsions vitales de la
nouvelle culture.[5]
Le don de la jeunesse, accordé par l’Ésprit à
l’Église, est appelé à se mesurer aux engagements des disciples du XXIe
siècle, appelés à rien de moins que de présenter au monde le visage
renouvelé de l’espérance. Nous nous trouvons face à une double icône de
l’Église : caravane en marche au cœur du désert, et comme revêtue du
tablier du Jeudi Saint. L’Église est, en effet, prophétiquement
symbolisée par l’ancien Israël en pèlerinage. Elle est également le
prolongement vivant du Christ-Époux qui s’agenouille devant l’homme
fatigué pour lui laver les pieds. De façon emblématique, cet aspect
rejoint l’objectif de son œuvre d’Incarnation.
L’Église, icône de la Sollicitudo rei socialis et de
la Sollicitudo historiae populorum, est le sacrement – signe –
instrument – de l’attention de Dieu à l’égard du monde aujourd’hui qu’Il
continue à aimer malgré tout.[6] C’est l’Église de la tente planétaire.
Le monde présente un panorama qui s’est nouvellement
formé lors du dernier siècle du 2e millénaire. Le cadre général n’est
pas uniforme, mais fortement varié. Ses parcours sont accidentés et
toujours marqués par des contradictions et des contrastes.
2. UN STIMULANT POUR ALLER DE L’AVANT
Comme nous l’avons vu, le cadre général n’est pas
uniforme mais, au contraire, fortement varié, toujours marqué par les
contradictions et les contrastes. Le dénominateur commun est le travail
culturel. La demande augmente en faveur d’un avenir plus humain que le
présent, et donc plus participatif.
L’Église de la tente planétaire, qui s’engage à
collaborer avec les hommes de bonne volonté en faveur d’une culture de
la Résurrection, dispose d’une espérance énergétique de la Pâque, afin
de reconstruire ses fondements inculturés dans divers domaines de la
planète et de la civilisation de l’homme. Cette tâche doit être menée
ensemble avec d’autres religions du monde, dans le contexte des projets
des hommes de bonne volonté.
Considéré globalement, les Églises en Occident peuvent
offrir une aide pascale, avant tout sous la forme du témoignage, et puis
sous la forme concrète d’une collaboration, afin de faire resurgir la
conscience de la dignité de ses racines et de ses prédécesseurs. Ils
n’ont pas toujours été historiquement cohérents, mais seront
authentiques dans la mesure où ils demeureront liés à l’inspiration
originelle.
L’âme de ce processus pourrait être retrouvée sur les
sentiers du respect de son code génétique : alors le leadership d’un
temps qui se transforme en un colonialisme et un économisme, marqué
essentiellement par le matérialisme, pourrait, à la fin du millénaire,
être transformé en un service d’initiative planétaire au service d’une
culture humaine renouvelée.
Ce que l’on demande à l’Occident, c’est de se
décentrer de lui-même.[7] Ceci implique un changement radical de
mentalité pour accomplir l’exode de son autosuffisance. Le déplacement
de l’axe va du moi privilégié vers le moi indéterminé qui fait
abstraction des connotations de temps, d’espace et de sens. C’est une
forme de l’indispensable récupération de l’âme européenne centrée, par
le biais du judéo-christianisme, sur la sacralité de la personne
humaine. C’est là-dessus que se greffe le principe de l’universalité de
la dignité de tout homme, de toute race, peuple et communauté.
Les Églises d’Occident, se référant à l’altérité comme
lieu de vénération de l’icône théomorphe vivante, doivent à nouveau
mettre en avant la liberté comme capacité de faire place à la liberté de
l’autre, élaborant celle que Armindo Rizzi appelle authentique
«
théologie européenne de la libération ».[8] Elle consiste dans la
libération radicale des angoisses conceptuelles et projectionnelles et
des pratiques du type purement négatif. Il s’agit de la liberté, non
seulement au plan contractuel (ne pas nuire aux adversaires et les
respecter au plan de la formalité judiciaire), mais de la liberté qui
doit se rendre responsable du besoin d’être. La conception du droit
contractuel se transforme ainsi en anthropologie solidaire.
Les Églises sont appelées à créer des prémices au
passage de l’Occident de la pure contractualité à la solidarité.
En somme, dans l’espace où l’on récupère – à
l’intérieur de l’Euro-Amérique – la nostalgie du futur, celle de
l’exercice de la mémoire des racines par la maturation des fruits
acclimatés à notre temps – se place l’engagement des communautés
chrétiennes oecuméniquement réconciliées et efficacement animées au
service du monde, avant tout, ad intra, avec l’engagement prophétique
d’offrir crédiblement la signification de la vie, partiellement perdue.
Et puis, ad extra, avec le passage de l’attitude coloniale à l’attitude
diaconale au plan de la culture et de la solidarité. Celui qui possède
les instruments du savoir, de la science et de la technique, ne peut
abdiquer de son propre devoir de solidarité sous forme de la
subsidiarité, refusant la logique déclarée ou cryptée de « l’étique du
juste circonscrit ».
Les Églises sont appelées à la tâche éducative, celle
de l’ouverture des hommes des sociétés d’opulence qui avancent vers la
mondialisation, à remplir le vide existentiel fortement présent.
En ce qui concerne l’enchevêtrement problématique des
pays de l’Est, il se confirme que l’Europe, fidèle à ses racines, ne
peut approuver le passage de Scille et Charybde. Après la chute du « mur
», il ne faudrait pas passer du communisme nivelant au consumérisme
dégradant.
Un des problèmes des plus sérieux que doivent
affronter les Églises de l’Est est celui des jeunes qui, refusant les
pseudo-valeurs du passé déchu, et sous l’effet de la tentative
systématique d’éradiquer les valeurs spirituelles pour des générations
entières, risquent de pencher vers l’absence de valeurs.
Dans certaines zones, le risque est en train de se
profiler que cette absence soit remplacée par un autre vide : celui-ci
induit par l’acceptation du modèle occidental, matérialiste et
consommateur qui, comme on le sait, envahit les générations entières de
jeunes, tentées par le nihilisme des significations.
Sous cet aspect, pour les Églises de l’Est l’avenir
s’annonce plus engageant et laborieux que le passé, lorsque mûrissaient
les vocations au martyre pour les hautes valeurs de la spiritualité.
Pour les Églises d’Occident en particulier, le projet
de la culture pascale sera d’aider à faire développer les potentialités
déjà présentes, bien qu’à long terme elles demeurent enterrées sous la
glace des années de la terreur, comme l’a indiqué le Synode
extraordinaire pour l’Europe.[9]
Il y a un danger : que ces peuples marqués par la
souffrance restent seuls dans leur tâche de réveil.
Les Églises sont des expertes de la Pâque et doivent
aider à mûrir les germes des pâques qui commencent. Là, où il y a un
passage de l’aliénation à la libération, sous le signe de l’homme, là
est la pâque. Il est, néanmoins, tellement difficile de la célébrer, et
d’inviter à une telle fête les hommes, non seulement au plan liturgique,
mais également au plan historique, politique, économique et culturel.
Il ne suffit plus de se réjouir de l’ouverture des
temps vérouillés pendant des décennies. Il faut collaborer à la création
de ces promesses indispensables pour requalifier les domaines de ces
chantiers de l’histoire, afin que le Christ puisse continuer à resurgir
dans des millions d’hommes en attente.
Les Églises qui vivent dans l’oppulence occidentale
sont défiées à devenir sel et lumière, pour éviter que les peuples de
l’Est, fuyant le matérialisme collectiviste, tombent dans un
matérialisme individualiste : du goulag à la jungle.
Aux Églises de l’Occident s’impose donc aujourd’hui le
devoir de multiplier les signes de la pâque, imprévisibles hier encore,
mais facteurs de responsabilisation aujourd’hui.
3. POUR UN DÉVELOPPEMENT INTÉGRAL
En Amérique Latine, les Églises peuvent aider à
libérer les consciences de diverses tentations : de l’abus des logiques
de domination d’une part, et du déchaînement de la compréhensible colère
de millions d’hommes sous-humanisés de l’autre.
La pratique de la libération évangélique[10] n’oppose
pas les classes, mais tend à réconcilier les hommes déshumanisés par
l’oppression active et ceux qui subissent l’esclavage, les engageant
ensemble à construire la maison de la justice et de la paix.[11]
Selon les indications de Medellin, de Puebla[12] et de
Santo Domingo[13], les Églises continueront à être, comme dans la
pratique messianique, aux côtés des derniers. Le Messie a préféré la
catégorie des « sans pouvoir » et il lui appartenait lui-même. Les
Églises lutteront à leur côté par la méthode de résistance non-violente
et de conscience vigilante.
Mais la lutte n’est pas seulement verbale. Elle est
réelle. Elle consiste à aider à dire non à l’oppression qui barre le
futur, payant avec l’opprimé d’autres frais de cette méthode de
résistance[14] qui, en Inde, avec la figure de Gandhi qui croyait en
Dieu et en l’homme, a produit des résultats de liberté et de progrès.
En effet, un courant d’opinion est en train de se
former grâce aux groupes de base d’origine ecclésiale et sociale qui
créent une culture centrée sur les valeurs fondamentales de l’engagement
des peuples et de la dignité de l’opprimé.
Il est temps d’élaborer une synthèse entre les
instances de la théologie de la libération, comme réflexion critico-constructive de la pratique de l’Église dans le domaine de la
justice et de la paix, et la doctrine sociale, qui bien que courageuse,
nécessite une réflexion territoriale.
L’Église de l’Amérique Latine, relisant son
martyrologe de la fin du siècle constituée par les figures d’évêques, de
prêtres, de laïcs, de catéchistes et de paysans, retrouve son courage de
défendre les non-défendus. Elle vit cela comme un authentique lieu
théologique de la nouvelle évangélisation, face à l’éclosion des sectes
fondamentalistes et ploutocrates. L’Église se place au cœur des
processus de libération de l’humain, aux côtés d’indigènes, de noirs
exclus, de personnes âgées marginalisées, d’enfants maltraités et
abandonnés, de tous les opprimés par la violence physique ou morale. On
y reconnaît les traits de sa physionomie.[15]
Les Églises latino-américaines sont traversées par le
souffle de l’Esprit, conscientes de la gravité et de la responsabilité
de la tâche. Medellin, Puebla et Santo Domingo sont des pierres d’angle
de cet itinéraire de prise de conscience.[16] Le chemin est long. Le
martyrologe moderne, signé par le sacrifice de tant de témoins,
encourage les animateurs intelligents et les nombreux groupes porteurs
d’espérance.
La culture de la résurrection fermentera également en
Afrique sous le signe du retour des valeurs caractéristiques de
communion, de solidarité, de famille et de fête, typiques de la société
de ce continent. L’Église l’aidera à lutter contre les tentations
récurrentes de fatalisme et de défaitisme. Elle favorisera, entre les
tribus sœurs qui se reconnaissent dans une même culture ou dans des
cultures semblables, l’avènement de référents communs et de sentiers de
réconciliation. Elle saura collaborer à l’élargissement du domaine
culturel en vue de la formation d’une classe dirigeante. Loin d’imiter
l’arrogance des colonisateurs, elle s’engagera à africaniser la vie en
faisant progresser la justice et la paix, et à épargner par la
redistribution des richesses et par l’accroissement du domaine
secondaire et tertiaire, sans dilapider le patrimoine, mais instaurant
un système de participation économique non pollué par l’esprit de
consommation occidental. Ce sont les prémisses aptes à créer pour le
troisième millénaire un modèle de démocratie substantielle, avec fermeté
et par l’intermédiaire du développement de l’instruction qui valorise
aujourd’hui les grandes cultures du continent.
L’Église saura créer les espaces pour l’inculturation
africaine de la foi, selon les intentions du Synode des Églises
d’Afrique.
L’Africanité dispose d’un langage très riche qui
inclut comme coefficient essentiel l’affectivité et les émotions, les
souffrances, les fréquentes exultations quasi frénétiques, et parfois
les lamentations et les larmes cosmiques. Tout cela demande un espace
communautaire et participatif, d’où l’exigence d’une liturgie créative
et implicative.
La pensée africaine possède son propre système
symbolique et religieux et son propre langage analogique. Afin que
l’Évangile parvienne jusqu’au cœur des gens, il est nécessaire que sa
communication passe par ses médiations culturelles. C’est le principe
fondamental de l’opération « africaniser le christianisme », après avoir
« christianiser l’Afrique ».
Aujourd’hui, cette méthode est d’importance capitale
et ne doit pas manquer sa chance historique. La disparition du
christianisme de l’Afrique du Nord lors des premiers siècles s’explique
également par le manque d’enracinement de la foi dans la culture de ces
temps.
Il est urgent d’étudier les formes de dialogue avec
les grandes traditions religieuses du continent, en étroite parenté avec
l’univers et la nature.
La culture de la résurrection, portée par la force de
ses principes et la présence de laïcs dans les structures des pays
industriellement avancés sera, en outre, le médiateur de projets et
d’aide non seulement au plan économique, mais surtout au plan de la
maîtrise des investissements : un vrai bond en avant de la technologie,
à l’avantage de la production et de l’agriculture dans les zones les
plus pauvres.
Théologiquement, la synthèse s’opérera entre les
cultures africaines et l’Évangile. Elle ne concernera pas seulement la
promotion des liturgies et du folklore local, mais plutôt la
valorisation des instances et des stimuli des cultures elles-mêmes.
C’était l’objectif du Synode pour l’Afrique.[17]
Simultanément, il s’agit d’organiser le courage pour
affronter les fractionnements tribaux qui bloquent les processus d’unité
nationale, et par conséquent ecclésiale. Il faudra donner une réponse
africaine aux problématiques typiques de ce continent, sujet à la
dépression politique et économique, ayant besoin de l’espérance.
4. UNE SYNTHÈSE COMME SALUT
L’Asie, avec sa grande âme religieuse, exige un «
retour en avant » à son code génétique du type sacral et contemplatif,
qui devrait être relu en méditant sur l’apport du judéo-christianisme
que Gandhi lui-même avait reconnu, et qui a pénétré la législation et
les cultures occidentales, tout particulièrement en ce qui concerne
l’égalité des hommes et le respect de la dignité de chacun, sans aucune
différence de classes.
Face aux maintes menaces d’identités populaires, le
service pascal que les Églises pourront rendre aux cultures de l’Orient,
berceau de sagesse et de religiosité, sera celui de respecter et de
préserver le considérable capital de contemplation et à l’investir
conjointement avec celui de l’action[18], selon l’enseignement
exemplaire de Benoît de Nursie, et selon sa spiritualité de synthèse :
l’action devient contemplation opératrice se faisant action méditative.
Ce patrimoine de valeurs incarnées peut constituer une contribution à
l’Orient, afin qu’il maintienne la fidélité dynamique à sa propre
spécificité.
L’action devrait être comprise ici au sens
blondélien.[19] Elle vient des dynamismes profonds pour s’étendre à
toute la vie, y compris aux relations sociales et politiques. Elle
devrait donc comprendre également l’engagement de supprimer les castes,
pour reconnaître dans le collègue dans l’humanité – soit-il un paria –
un candidat à un avenir marqué par la présence du divin.
Les Églises, dans un dialogue très fécond avec les
anciennes traditions religieuses et culturelles, pourront offrir un
espace opportun pour les deux, au service de l’homme.
En grandes lignes, il y a trois domaines culturels et
religieux en Asie : celui du Moyen Orient à dominante musulmane, celui
du Sud-Est hindouiste et bouddhiste, et l’espace immense de l’Extrème
Orient majoritairement confucianiste, taoïste et bouddhiste. Cette
immense ceinture humaine demeurée sous influence de l’idéologie
matérialiste est du type collectiviste et néocapitaliste. Les
répressions et les persécutions antireligieuses ont fait revivre les
férocités et la résistance des premiers temps des martyrs, rendant le
contexte asiatique de plus en plus fermé à l’accueil du message.
La tolérance, la collaboration, le partage des
richesses et des projets communs formeraient un tissu de méthodologie
alternative aux oppositions séculaires que l’histoire à révélés stériles
et destructrices.
L’œcuménisme interreligieux, ensuite, peut promouvoir
des itinéraires de recherche et de prière vers le Dieu unique des
peuples divers. Les Églises sont sollicitées à approfondir les bases de
la théologie de la toute première alliance, établie par la Création avec
Adam et Noé,[20] puis avec Abraham et Moïse. Au cours des milliers de
siècles, Dieu a fait son histoire avec les peuples de la terre. Son
amour les touche et Il chemine avec eux. Cette alliance de la Création
n’a jamais été révoquée. Reste la toile de fond des alliances
successives d’élection.
En référence à elle et dans la mesure où les peuples
non-chrétiens s’approchent de l’unique voie de l’amour incarnée et
proclamée par le Christ, le seul vrai Dieu demeure le Dieu de tous les
peuples, appelé de tant de noms et non encore reconnu comme « le Père de
Notre Seigneur Jésus Christ ».[21]
Cette vision ne diminue pas l’urgence de la mission,
mais la conditionne par la sérénité et le respect du rapprochement de la
diversité du vécu religieux.
Dans l’espace de l’expérience chrétienne du continent
asiatique, il semble enfin significatif de souligner qu’en Asie la
majorité des canonisés ou des candidats à l’autel sont des fidèles
laïcs, hommes et femmes de sainteté quotidienne exercée dans le monde,
qui ont témoigné le courage de la profession de la foi jusqu’au martyre.
C’est le contraire de l’archipel des canonisés ou des candidats à la
canonisation rencontrés en Euro-Amérique, appartenant majoritairement à
la hiérarchie et aux ordres religieux.
Ces données, concernant cette portion d’Église,
peuvent être comprises comme un signe de l’épanouissement des charismes
laïcs - et particulièrement du germe de la foi - portés en grande partie
par la base ecclésiale jusqu’à la maturation maximale du témoignage de
la fidélité.
Il serait intéressant d’étudier l’union entre le germe
de la foi chrétienne et l’attitude contemplative, offrande totale à
l’Absolu, typique de ces peuples. C’est une grande promesse pour
l’avenir du Règne.
En Océanie, l’Église est à la recherche de nouveaux
modes d’annonce dans des conditions de difficultés structurelles et
naturelles.
La présence de laïcs motivés et soutenus, souvent même
économiquement, par leurs communautés – certains en activité pastorale à
plein temps, comme catéchistes ou Church-leader – constitue une solide
espérance pour le futur. Actuellement, il y a quatre Conférences
Épiscopales sur le continent : celle du Pacifique, celle de Papouasie –
Nouvelle Guinée et des Iles Salomon, celle d’Australie et celle de la
Nouvelle Zélande.
Dans la Zone australienne, constituée en grande partie
de familles émigrées après la guerre, il est urgent d’offrir une aide à
la redécouverte des racines des cultures européennes et asiatiques,
marquées par une religiosité significative. Il s’agit d’arracher le
développement de cette région au risque de l’économisme et de
l’efficacité qui coupe le souffle à la croissance de la spiritualité.
À la lumière des traditions originelles actuellement
en état de dissolution, les nouvelles générations seront aidées à
découvrir le risque du matérialisme qui enlève le sens à la vie, la
conduisant à état de jungle et d’intolérance.
L’avenir de l’Australie se prépare. Les disciples du
Ressuscité ont la possibilité d’y collaborer par la construction vitale
d’une synthèse entre les valeurs de l’avoir et celles de l’être, non
considérées au même niveau, mais en raison des fonctionnalités des
premières par rapport aux secondes. Ils collaboreront à la construction
d’une convivialité, basée sur la justice, entre les hommes d’origine
diverse mais engagés à ériger une civilisation nécessairement
indivisible, marquée par la solidarité et la subsidiarité.
L’Australie a le droit de s’attendre à une vraie
expansion chrétienne en retrouvant une authentique qualité de vie. Dans
ce nouveau climat pourra mûrir l’orientation vers la promotion et le
partage du pouvoir, l’orientation vers une réelle démocratie partagée, y
compris en faveur des nouveaux-venus et des aborigènes toujours privés
de voix.
5. SOLIDARITÉ, UNE RÉPONSE AU DÉFI DE LA GLOBALISATION
Définitivement, les communautés de disciples de
l’Emmanuel qui portent Son signe et Sa semence appelée à mûrir et à se
développer, sont appelées au cœur de ce nœud des civilisations à devenir
des Églises-avec, des Églises-pour, des Églises-dans le respect des
cultures de la planète, toujours et seulement dans l’esprit de service
de l’homme, icône théomorphe et candidat au Règne parfait.
Il s’agit de construire d’une manière engagée une
communauté de compagnonnage (avec), une communauté de diaconie (pour),
communauté de syntonie (dans), subordonnées à la disponibilité au salut
de l’homme. Il s’agit de créer les prémices par la croissance des
valeurs de liberté, de solidarité et de dynamisme, dans l’ouverture vers
le haut et vers ce qui est devant. Ce but se profile avec d’autant plus
d’urgence que la situation mondiale néo-libéraliste et globalisante se
rend de plus en plus insidieuse.
Deux œuvres d’analyse lucide de l’économie planétaire
observent la métamorphose du néocapitalisme au seuil des deux siècles.
Dans son œuvre au titre symptomatique, Quadrature du cercle,[22] Ralf
Dahrendorf fait un examen approfondi du type socio-économique. Le
directeur émérite de London School of Economics tâte le pouls de la
planète, avec une documentation académique et sans trop d’optimisme. Il
présente la radiographie du monde plus avantagé et celle du reste de la
planète qui, selon lui, ne s’effondre pas parce qu’il a déjà coulé à
pic. Au sujet du premier monde, il indique la tendance à une
hyperévaluation de l’économie accompagnée du collapsus des règles
sociales, accompagné de l’obscurcissement du sens sacré de la vie, de la
croissance du chômage, de la méfiance envers les institutions et de la
multiplication de délits et de suicides.
Le phénomène de globalisation dans lequel « toutes les
économies sont entrelacées en un seul marché compétitif »[23] s’étend.
Ce système engendre un sous-produit : les personnes dites «
personnes-zéro ». Selon l’auteur de l’ouvrage : « Certaines personnes
(aussi terrible que ceci peut paraître écrit noir sur blanc), ne servent
tout simplement à rien : l’économie peut croître sans leur contribution.
Elles ne sont d’aucun bénéfice pour le reste de la société, mais au
contraire, un coût »[24]. C’est ainsi que le tissu social se défait : «
Les gens vraiment désavantagés n’ont aucun sens d’appartenance. Les
riches peuvent devenir plus riches sans eux. (…) Le produit national
continue à s’accroître à côté de leur misère »[25]. C’est ainsi
qu’émerge le binôme suivant : « Un sentiment de refus de toutes les
règles et de profonde incertitude[26] est en train de se répandre ».
La désagrégation sociale, conséquence de l’érosion des
règles sociales, est également traitée dans un ouvrage de Edward N.
Luttwak publiée sous le titre si significatif de La dictature du
capitalisme[27]. Luttwak crée un néologisme – turbocapitalisme – et
l’explique en termes suivants : « On l’appelle libre marché, mais je le
définis plutôt de capitalisme suralimenté, ou plus simplement
turbocapitalisme, parce qu’il est différent du capitalisme
rigoureusement contrôlé qui a prospéré de 1945 jusqu’à la fin des années
80, et qui a résulté d’une sensationnelle augmentation de richesses des
populations des Etats-Unis, de l’Europe Occidentale, du Japon et de
quelques autres pays qui ont suivi leurs traces. Mais, les extrêmes ont
tendance à converger, et il ne devrait pas être une surprise que le
nouveau turbocapitalisme présente de nombreuses caractéristiques
communes avec la vision soviétique du communisme. Le turbocapitalisme
offre, en effet, un modèle unique et un corps unique de règles pour tous
les pays du monde, ignorant toute différence en terme de société,
culture et tempérament »[28]. Poursuivant son analyse, l’auteur fait
coïncider le progrès sans freins de ce système avec la dissolution de la
société : « Permettre au turbocapitalisme d’avancer sans freins signifie
réduire la société à une minuscule élite de vainqueurs, une grande masse
de perdants à divers niveaux de bien-être et de pauvreté, et une
catégorie de rebelles délinquants. Le résultat n’est pas seulement
l’érosion du sens d’appartenance sociale, mais également celle des liens
familiaux qui réclament ce temps utilisé à courir le monde d’une manière
de plus en plus forcenée ».[29] Dans ce cadre, une autre tendance se
fait remarquer : le nivellement des valeurs naturelles des structures
sociales selon leurs finalités humanitaires. « Permettre au
turbocapitalisme de transformer toutes les institutions, de l’hôpital
jusqu’aux maisons d’édition et au marathon, en entreprises dont la
finalité est le profit maximum, les déforme et les détourne de leur
contenu essentiel ».[30]
Le turbocapitalisme associé à la géoéconomie cultive,
hormis une grande puissance, un nouveau type d’interconnexion non plus
nationaliste et militaire, mais économique et financière. Ce système est
marqué par trois caractéristiques fondamentales. Tout d’abord, le
dérèglement économique et entrepreneurial instauré en Angleterre dans
les années 70 et 80, importé des USA. Il s’agit du passage de l’économie
réglementée à l’économie déréglée avec une tendance à l’avènement de la
cybernétique qui se substitue au travail humain.
Dans ce cadre se manifeste le phénomène de
re-dimensionnement et de re-structuration comme norme suprême,
l’application du principe que l’économie est supérieure au travail et
que le travail est supérieur à l’homme. Dans son encyclique Laborem
exercens, Jean-Paul II a annoncé le principe contraire : « Avant tout :
le travail pour l’homme et non l’homme pour le travail »[31], et
simultanément : « Nous répétons le principe fondamental : la hiérarchie
des valeurs et le sens profond du travail lui-même exigent que le
capital soit fonction du travail et non le travail fonction du capital.
»[32] Quant au matérialisme économique, on remarque « le dépassement
radical » et « les changements qui procèdent sur la ligne de conviction
profonde du primat de la personne sur les choses, du travail de l’homme
sur le capital et des moyens de production ».[33]
La deuxième caractéristique concerne la libéralisation
des transitions financières grâce au passage de flux de dollars d’un
point à l’autre du globe en temps réel, grâce à l’informatique. Les
résultats en sont la rapidité d’investissements et de
désinvestissements, la facilité de spéculations en bourse et de jeux
financiers, roulette perverse de notre temps, qui peut faire s’écrouler
les petites entreprises et augmenter les intérêts de la dette publique,
et tout cela au niveau international. Le fait le plus inquiétant au plan
des valeurs et de l’éthique, c’est que ces dynamiques n’offrent aucun
moyen de contrôle, et pour l’instant même pas celui d’avertissement. Il
s’agit d’un processus non localisable. L’espace n’est qu’un cyberespace.
En outre, les centrales financières de déplacement de capitaux sont
entre les mains du privé et ainsi, grâce à l’informatique, ne peuvent
être contrôlées par aucun gouvernement national ou mondial.[34]
L’autre phénomène est celui de la globalisation ou de
la réduction de la planète à un unique marché, marqué par le dérèglement
socio-économique et la libéralisation financière. Ainsi, la
globalisation semble donner une ouverture aux pays sous-développés, mais
son intention est à but lucratif, spéculant sur la misère et sur
plus-de-travail, et jouissant pleinement de la plus-value. Au niveau
social, ce libéralisme sauvage engendre, entre autres, l’exclusion des
perdants en prise au désespoir face à l’avenir, et le déraillement de
leurs familles. Pour simplifier, le coût du travail – et par conséquent
des salaires – dans les pays sous-développés est soumis au jeu des
sociétés économico-financières et entrepreneuriales. En ce qui concerne
la dette publique de ces pays, on dit que les taux d’intérêt sont
imposés par certains centres de pouvoir des pays opulents.
L’écart entre les riches et les pauvres s’accentue
d’une manière impressionnante. Ce qui émerge, c’est ce qu’on appelle
l’effet superstar, dans lequel le vainqueur surabonde et le perdant
risque ne plus rien avoir. Tout cela arrive parce que le vainqueur
possède la force de changer les règles du jeu et d’imposer la règle de
dé-règlement. C’est ainsi que s’ouvre le chemin de la globo-colonisation.
Ces signaux qui menacent l’homme concret, fait de
chair et d’os, de sang et de larmes, peuvent s’inscrire en une tendance
de pensée qui se présente comme un échec de l’humanisme et de
l’espérance. Et tout cela pour des motivations graves. Avant tout, pour
l’objectif suprême du système de la globalisation qui est une
maximisation des profits sans augmentation correspondante des
salaires.[35] Et puis, puisque le système, avec sa méthodologie rigide
liée à son objectif, ne peut s’occuper directement du développement
humain de la société, il ne fait aucune différence quant à ce qui est
produit avec le capital investi : les armes ou la culture, la drogue ou
les médicaments, ni - on pourrait dire - quant à la qualité et la
quantité de production, vu que l’objectif peut être rejoint même avec la
réduction de cette même production. Le monde de la finance tend à se
détacher et à devenir indépendant de celui de la production.
La globalisation, en effet, se présente comme une
forme de néocolonialisme qui utilise des moyens comme fax et Internet
dans un monde tranquille et silencieux. Ce style est exactement
contraire à celui utilisé par les anciens colonisateurs qui se
distinguaient par leur rhétorique de conquête et la musique
assourdissante des fanfares. Le néocolonialisme actuel et plus radical
et tentaculaire.
Dans ce climat peuvent prospérer les empereurs du
troisième millénaire, les gestionnaires de l’empire planétaire de
l’argent.[36]
Au début du processus, la globalisation économique a
été considérée avec optimisme à cause de l’espoir de la distribution
générale de richesses. Honnêtement, cet optimisme ne tient plus. Les
crises des trois dernières décennies, particulièrement en Russie, en
Amérique Latine et en Asie, et leurs conséquences épouvantables sur les
économies africaines, indiquent la fragilité des mécanismes du marché
mondial. Ces tempêtes sont quasi physiologiquement récurrentes.
La globalisation économique se contextualise dans un
horizon de mondialisation culturelle et spirituelle et avec l’homme au
centre, avec tous les hommes de la planète. Au nom de la justice
distributive à la lumière de l’humanisme, ils doivent être aidés
(subsidiarité), afin de pouvoir jouir des bénéfices de la civilisation
(travail, instruction et soin de la santé, partage des richesses, accès
aux outils) selon le mérite et le besoin de chacun.
Les Églises doivent donc tisser la trame d’engagement
solidaire, afin de créer entre les continents et les peuples à
l’intérieur des nations les possibilités objectives d’un gouvernement
mondial.
C’est l’objectif du 21e siècle. Il serait la garantie
d’un processus de planétisation sans polarisation, qui signerait
l’incessante évolution du monde. Ce serait l’authentique opération du
Populorum Progressio à qui seul est confié la qualification de
l’histoire par l’aventure humaine, comme le développement de tous les
peuples et de chaque peuple.
C’est la contribution indispensable que les Églises
chrétiennes, unies aux religions historiques, doivent donner au monde,
passant du régime du trône à celui de la tente.
Comme le Verbe s’est fait chair et s’est installé
parmi les hommes[37], les Églises doivent faire partie de la trame de
l’histoire des continents et planter leurs tentes le long des carrefours
des peuples, marchant vers l’objectif de l’unité.
6. LES DERNIERS, LES PREMIERS : LA PRATIQUE
MESSIANIQUE
Les derniers sont appelés, car ils sont privés de
pouvoir, d’espace, d’avenir. Les derniers, car ils n’ont même pas de
voix à lever contre leur expulsion vers les souterrains de l’histoire :
ils ne sont jamais admis – y compris au plan formel si exalté du
néo-libéralisme – à voir la lumière de leurs droits.
Les hommes de l’Évangile se penchent sur le drame des
sous-hommes en termes de défi et de stimulation. Si l’Église est la
servante du Dieu de l’humanité et de l’humanité de Dieu, elle doit
collaborer à la réalisation de sa prophétie : les derniers devraient
devenir les premiers.[38]
Il s’agit de la réalisation du programme prophétique
du Magnificat[39], cantique d’une fille d’Israël, qui se trouvait parmi
les derniers selon l’estimation de la grande société impériale de son
temps, mais qui était appelée par le Très-Haut à être la première dans
le Royaume nouveau et collaboratrice de sa venue. Marie est le modèle,
le guide, la portion la plus condensée du peuple des anawim du Yahwé en
chemin vers la libération.
Les derniers sont les premiers, car égaux en dignité.
Ils sont l’icône vivante de l’humanité nouvelle. Ils sont le Christ,
auxquels il s’est expressément identifié[40]. Donc, le défi est
accueilli par les disciples comme un engagement sérieux : non comme une
justice formelle, mais surtout comme un amour politique qui se
compromet.
L’amour, comme diaconie historique, est la loi
pascale. La Première lettre de Jean identifie le passage de la mort à la
vie avec l’amour concret. « Nous savons que nous sommes passés de la
mort à la vie parce que nous aimons nos frères »[41]. Le choix des
derniers au régime de l’exode est la médiation historique pour réaliser
cette norme sous la forme visée. En effet, l’amour ne s’exprime pas
généralement d’une manière nébuleuse. Il s’adresse, au contraire, aux
plus démunis de la communauté, parce que les derniers seront les
premiers. C’est la loi du Royaume. Le Royaume est déjà là. Le futur est
déjà présent. C’est vrai, le Royaume embrasse tout le monde. Il n’exclut
personne. Les oppresseurs et les opprimés sont également invités au
processus de libération. Dieu veut les libérer tous. Et pourtant, il
indique aux oppresseurs à se libérer de l’esclavage intérieur, comme il
a dit au pharaon de laisser partir le peuple opprimé[42]. La liberté est
indivisible. Dans une communauté, on ne peut être libre si dans une de
ses parties l’espace pour exercer cette dimension est dénié. La liberté
est constitutive de l’homme intérieur, et par nature tend à
s’extérioriser aux niveaux historiques de type économique, social,
juridique et politique.[43]
L’Église assume la pratique messianique dont le centre
constant est le choix des derniers. Sa racine est d’atteindre la
compassion, donc de souffrir avec celui qui souffre[44], de se charger
de l’immense poids du monde. Albert Nolan remarque la nécessité pour les
croyants de s’immerger dans leur temps dans le même esprit que le Christ
s’est immergé dans le sien. « Nous devons commencer, exactement comme
lui, avec la compassion : compassion pour des millions d’êtres humains
qui meurent de faim, qui sont humiliés et rejetés, et pour des milliards
d’individus du futur qui souffriront à cause du monde dans lequel nous
vivons aujourd’hui. Et seulement lorsque nous aurons découvert, comme le
bon Samaritain, notre commune humanité, nous commencerons à faire
l’expérience de ce que Jésus a vécu. »[45] Afin d’éviter toute
équivoque, il faut bien clarifier que le terme « compassion » est bien
loin d’exprimer l’émotion que Jésus a effectivement éprouvée. Le verbe
grec splanchnizomai, utilisé dans tous les textes, vient du terme
splanchnon qui indique les entrailles, la partie intérieure du cœur, la
source profonde de laquelle émanent les émotions fortes. Le verbe grec
signifie donc un mouvement, une impulsion qui monte des entrailles, une
réaction profonde et ressentie de bonté[46]. L’Église est le sacrement
de la rencontre de Dieu qui est la paix[47]. Elle doit donc pouvoir se
montrer comme un signe crédible de la paix, un espace d’expérience de la
paix, à travers le tissu de la justice. Sa joie rayonnante, comme un
signe, est consignée à cette tâche : « Bienheureux les artisans de paix
»[48].
7. LE SUD DU MONDE, UNE NOUVELLE FRONTIÈRE
Le choix des derniers s’identifie, également, à
l’engagement concret en faveur du Sud du monde, aujourd’hui marginalisé
et appelé « Tiers Monde », ce qui n’est qu’un euphémisme : il serait
plus opportun de l’appeler « le monde des derniers ». C’est dans cet
espace géo-historique que l’Église se développera au troisième
millénaire.
La Pâque est une lutte contre la mort sous toutes les
formes. L’Église est envoyée à mener ce combat perpétuel. Une des
manifestations les plus graves de la mort dans l’histoire contemporaine
est ce qu’on appelle la guerre tiède, d’autant plus insidieuse qu’elle
est mystifiée sous un horizon qui se déclare comme temps de paix.
Au seuil du millénaire, la problématique gigantesque
du monde est une question d’équation économique et sociale, politique et
structurelle.
Dans une vision globale, le monde se divise
transversalement au Nord et au Sud. C’est un problème de pénurie de
valeurs et de signifiants pour le premier, de pain et d’ustensiles pour
le second. L’interdépendance entre les aires géographiques et
problématiques manifeste l’évidence que la faim des premiers fait des
massacres au Sud, parce qu’il y a une forte pénurie des valeurs au Nord.
Aujourd’hui, une guerre non déclarée est menée entre
le monde hyper-développé et le monde sous-développé. Nous pouvons
l’appeler « une guerre tiède ».
À la guerre chaude qui a duré trente ans, de 1915 à
1945, avec deux conflagrations mondiales portées par les totalitarismes
en Occident, a succédé la guerre froide entre l’Est et l’Ouest, de 1945
à environ 1989. À elle se superpose « la guerre tiède » entre le Nord et
le Sud. La guerre chaude s’exprime par un conflit armé. La guerre froide
est marquée par la force de dissuasion et l'aversion ouverte entre les
deux grandes puissances et leurs satellites respectifs. La guerre «
tiède » est marquée par le déguisement des dynamiques profondes
d’iniquité et d’indifférence. Il y a la violence de l’attaque et celle
de l’indifférence, celle de ne-pas-faire-exister, causée par l’attitude
de non-être. C’est le nihilisme de valeurs qui conduit au nihilisme de
relations.
L’Église, qui a la mission historique de servir
l’homme, incarnant, additionnant et relançant les valeurs, se vit dans
cette énorme tâche comme animatrice de ces mêmes valeurs pour le Nord du
monde. Et tout cela, afin que le Sud puisse avoir du pain et des moyens
suffisants pour pouvoir élaborer dignement une culture propre dans le
respect de ses identités d’origine, afin que cesse cette guerre d’autant
plus meurtrière que plus silencieuse.
Ceci signifie que l’Église de l’an 2000 sera une
communauté qui annonce la Pâque[49], éveillant la conscience de la
valeur de solidarité et de subsidiarité au Nord, et de dynamique et de
co-responsabilité au Sud. Le Sud du monde ne pourra jamais se relever à
cause de la dette publique toujours plus désastreuse, comme l’a révélé
la Commission pontificale Justice et Paix dans un courageux
document[50].
C’est surtout dans cette direction que l’œuvre pascale
de l’Église doit animer et continuer à stimuler, à l’avantage du Nord
lui-même, qui nécessite un espace pour le marché. Mais, au-delà de ce
critère d’intérêt, il faut réactiver au Nord du monde le principe
génétique de l’Occident – toujours trahi – de la place centrale de
l’homme et non de l’économie, qui doit rester un instrument.
Parallèlement à ce service d’hétéro-stimulation, les
Églises du Nord doivent promouvoir l’engagement d’auto-activation qui
est toujours un signe de vitalité à la mesure de l’homme : non de type
frénétique et possessif, mais de nature dynamique et oblative, puisque
c’est là que se joue la maturité de toute une civilisation.
8. URGENCES ET STIMULANTS
Au seuil du troisième millénaire, pour l’Église du
Ressuscité - pèlerine dans le temps, trois tâches urgentes peuvent se
résoudre par le développement de son code génétique de koinonie, de
prophétie et de diaconie. La koinonie est la forme d’être de l’Église.
Ekklesia, en effet – un terme qui désigne la communauté de disciples –
signifie l’appel à l’unité de liens profonds. La fidélité à cette
dimension comporte la croissance du dialogue intra-ecclésial entre le
centre et les Églises locales, et entre les Églises locales, ainsi qu’à
l’égard du chemin œcuménique, bien qu’il soit ardu. L’attitude
fondamentale, pourtant, c’est le respect et la valorisation de tous les
charismes qui, au regard de la foi, assument leur connotation venant de
l’Esprit qui œuvre abondamment même à la base. Ceci a comme conséquence
une co-responsabilité des membres adultes et mûrs du peuple de Dieu.
La deuxième dimension est celle de la prophétie. Elle
inclut la capacité de médiation et de réconciliation. Elle s’exprime
dans le dialogue de l’Église avec les cultures pluralistes.
Dans chaque culture, les semences du Verbe et le venin
de l’Antichrist sont au stade de latence. Le monde, comme toutes ses
expressions géo-historiques, est représenté dans la parabole évangélique
qui parle du mélange des graines et de la zizanie[51]. C’est
l’enchevêtrement permanent du mystère du Royaume[52] et de celui de
l’iniquité[53].
L’évangélisation renforce ces semences en annonçant
les réalités qui les rendent pleinement significatives, et collabore
également à purifier du venin qui paralyse la croissance de l’humain
dans l’histoire.
L’être prophétique de l’Église comporte la capacité de
dénoncer et d’annoncer. Ces opérations ne peuvent s’accomplir à
distance, mais plutôt dans la convivialité et la participation à la
souffrance des hommes, surtout dans l’ordre de la valorisation des
signes dans lesquels se cache le divin. Cette tâche prophétique inclut
donc la capacité d’inculturation et d’acculturation de l’Église, grâce à
son devoir de fermentation, celui d’être la lumière et le sel du monde
selon son divin Fondateur[54].
Aujourd’hui, il s’agit de reprendre les demandes qui
se manifestent après la chute des idéologies. C’est un immense
patrimoine qui risque de rester dispersé s’il n’est pas soumis au
discernement. La prophétie ecclésiale s’étend aujourd’hui également au
devoir d’aider à lire les demandes liées aux grandes idéologies déchues.
L’être diaconal de l’Église, ensuite, procède du
service du Christ. Le destinataire en est le monde que Dieu aime[55].
Celui-ci ne se présente pas comme distinct mais comme différencié, ce
qui devrait signifier, de la part de l’intervention venant de l’Église,
le respect des urgences. Ceci exige le choix préférentiel des anciennes
pauvretés subies par les hommes, suffocant encore dans le monde entier
dans les besoins primaires, et les pauvretés nouvelles qui concernent
les hommes opprimés dans leurs besoins fondamentaux, surtout ceux de
sens de la vie, de victoire sur le non-sens et de sens de la solitude.
9. NOUVEAUTÉ ET INCARNATION
L’Église du seuil a déjà déclaré son rôle par une
formule qui condense ses urgences : la nouvelle évangélisation. Elle l’a
fait d’une manière significative dans sa grande charte du laïcat[56].
L’évangélisation, c’est l’annonce de la nouveauté
toujours ancienne et toujours fraîche, à l’instar de l’eau jaillissant
de la source de l’amour sauveur de Dieu qui donne le sens, car elle
offre un point d’appui à la vie humaine ; jaillissant également de la
résurrection du Fils, prémices et promesse que tout dans l’histoire ira
dans le bon sens.
Cette annonce est en ligne évolutive avec la « Bonne
Nouvelle »[57] condensée dans l’événement-Christ. Par lui – qui est à la
fois kérux et kérygme, donc annonceur et annoncé – elle est répandue. Ce
n’est rien d’autre que le prolongement de l’incarnation de la Parole.
C’est la plus grande nouveauté de tous les temps.
Aujourd’hui, cependant, ce caractère de nouveauté ne concerne pas
seulement certains contenus, mais se réfère à toute l’histoire, laquelle
elle atteint en une forme plus adéquate et répondante. Déjà Jean XXIII
avait indiqué que « l’Esprit chrétien, catholique et apostolique du
monde entier, bondit en avant. » (…) Le souverain pontife continue : «
Une chose est le dépôt même de la foi (…) et une autre les formes sous
lesquelles sont annoncées les vérités contenues dans notre doctrine. Il
faudra accorder une grande importance à cette forme et, si c’est
nécessaire, insister avec patience sur son élaboration »[58].
Ce qui est donc demandé à l’Église, c’est une nouvelle
forme de la pastorale, l’entente comme œuvre de promotion de l’homme
entier. Ce tournant anthropologique qui a caractérisé les décennies
précédant le troisième millénaire continue à défier la communauté des
croyants.
Cette nouvelle forme de la pastorale est la réponse
aux nouveautés de l’histoire contemporaine.
Avant tout, la nouveauté des frontières historiques,
comme par exemple les domaines de la dignité de la personne, de la
liberté religieuse, de la famille comme espace prioritaire de
l’engagement social, ensuite, les domaines du service politique,
économique et culturel[59], et enfin les nouveaux aspects géopolitiques
avec les corrections imposées par la rupture et l’optique.
Il y a, ensuite, la nouveauté de la vision historique.
L’histoire n’est plus considérée comme mémoire, mais comme projet. L’Évangile
est par conséquent exploré sous son aspect de projet, qui est
incarnationnel et eschatologique.
De ceci peut être dérivé un autre type de nouveauté
qui concerne la méthode et le langage. Il faut non seulement
essentialiser le message, le libérant des interprétations culturelles
dépassées – problème herméneutique – mais également savoir le
communiquer à divers niveaux avec la méthode de l’inculturation qui –
comme nous l’avons vu – peut être considérée comme un aspect de
l’incarnation. Un autre problème capital et séculaire pour le
christianisme est celui du langage religieux. Dietrich Bonhoeffer se
penchait déjà sur le problème de « comment » parler de Dieu dans un
tissu et un style « séculier », pour se faire comprendre par les hommes
sécularisés[60].
10. NOUVELLE ÉVANGÉLISATION, PASSEPORT POUR LE FUTUR
Selon Hans-Magnus Enzensberger, engagé dans le débat
sur la société capitaliste développée, on considère aujourd’hui que le
monde est marqué par « l’analphabétisme secondaire »[61]. C’est une
conséquence de la pensée hétéroclite de la macro-structure des média,
marquée par les images et les messages éphémères. L’ouvrage de St
Augustin De catechizandis rudibus[62] est aujourd’hui repris et
inculturé.
Il faut également ajouter qu’il existe un niveau
encore plus profond de l’analphabétisme secondaire, qui n’est pas
seulement celui du refus systématique d’un minimum d’éducation
permanente et de passivité devant les incursions quotidiennes des média,
mais consiste dans l’ignorance ou dans la perte du sens fondamental de
l’existence. Nous pourrions l’appeler analphabétisme radical.
L’analphabète secondaire du premier niveau s’excuse en
reprenant l’ancien adage primum vivere, deinde philosophari. Mis à part
que le deinde n’arrive presque jamais, il faudrait aujourd’hui
reconsidérer la maxime selon l’indication de Viktor Frankl, maître en
logothérapie, qui parle des expériences faites par lui-même et par ses
compagnons de peine dans les camps de concentration. Il souligne que
plus la vie devient aride, plus se réveille le besoin de regarder de
l’avant et de philosopher : « rendre les comptes à soi-même en ce qui
concerne la question de sens définitif »[63].
Une vie privée de sens n’est qu’une végétation. Vivre
privé de sens fait mourir intérieurement, sans rémission.
La nouvelle évangélisation ne peut ne pas tenir compte
de cette situation d’analphabétisme semantico-radical, par lequel sont
non rarement affectées même des personnes de religiosité rance et
résignée. Affronter cette situation signifie lancer une opération
appelée pré-évangélisation, nécessaire pour préparer à l’annonce. Ce
n’est pas une phase au-deça de l’évangélisation, puisque, lorsqu’il
s’agit de la nouvelle évangélisation qui vise un monde largement
physiognomisé, elle en devient parti intégrante.
Plus radical que l’athéisme, le manque de sens demeure
le défi des défis que le monde pose à l’Église du futur. Il ne faut pas
s’en cacher.
La nouveauté des acteurs, enfin, un autre élément de
la nouvelle évangélisation.
Le devoir de l’évangélisation concerne tout le peuple
de Dieu, « chacun selon son état et selon sa condition »[64].
Les contenus de cette nouvelle évangélisation – qui
est la vraie nouvelle frontière – sont descriptibles surtout dans le
domaine du monde sécularisé. C’est le champ d’action du charisme des
fidèles laïcs.
La nouvelle évangélisation, nouvelle conscience de
l’Église, s’étend surtout dans sa couche la plus extérieure, celle du
laïcat. L’avenir de l’Église passe à travers cette croissance de
responsabilité et de créativité pastorale, d’autonomie et de sens
d’appartenance du laïcat, considéré comme la présence de l’Église dans
le monde et pour le monde d’aujourd’hui. La nouvelle frontière de
l’évangélisation passe par un nouvel humanisme confié aux mains de
nouveaux laïcs[65].
Dans cette tâche de construction de l’avenir, une
tâche particulière est confiée aux jeunes. Ils sont appelés à être « des
sujets actifs, protagonistes de l’évangélisation et artisans du
renouveau social »[66].
11. ESPÉRANCE À LA FRONTIÈRE
L’Église, toujours renouvelée par l’Esprit, est depuis
de nombreuses années engagée dans un dialogue avec les jeunes. « L’Église
a tant de choses à dire aux jeunes, et les jeunes ont tant de choses à
dire à l’Église. Ce dialogue, à réaliser avec grande cordialité, clarté
et courage, favorisera la rencontre et l’échange entre les générations,
et sera une source de richesse et de jeunesse pour l’Église et pour la
société civile »[67].
Et pourtant, la nouvelle évangélisation n’est pas une
question de paroles mais de service, non de propagande mais de
témoignage, non d’avoir et de pouvoir mais d’être et de collaboration.
La nouvelle évangélisation est, avant tout, un
engagement d’incarner le trinôme déjà mentionné qui caractérise l’Église
encore chaude de la Pentecôte. À l’intérieur de l’Église, c’est un
engagement en faveur de la croissance dans la koinonie sans barrières,
pour parvenir à une diaconie générale d’un monde sans frontières. C’est
ainsi que grandira la capacité de la prophétie crédible et du martyre
incisif. Une plus grande communion à l’intérieur de l’Église aura donc
pour conséquence un service plus utile des hommes. La manifestation de
cette communion en vue du service qui prend le nom du témoignage rendra
l’évangélisation plus crédible dans l’avenir ; elle sera comme un
langage prophétique qui invoque le Très-Haut et s’ouvre en avant.
Ce sont les traits physionomiques de l’Église. À cause
de la nouvelle évangélisation, il faut donc que la communauté, fidèle à
son code génétique, aille de l’avant et retrouve le ton juste pour la
fidélité dans l’avenir.
Au cours du premier millénaire, les Églises ont
souvent évangélisé sous forme ambulante. Paul, apôtre itinérant, en est
un symbole. Au cours du deuxième millénaire, elles ont privilégié
l’évangélisation institutionnelle : fondation d’écoles, d’hôpitaux,
d’orphelinats. La tendance à l’évangélisation ambiante commence à faire
son chemin au troisième millénaire : il s’agit de créer des tissus de
communion entre les gens. Les Églises du troisième millénaire, comme le
sel d’une terre brisée à la recherche de la réconciliation, ont devant
elles le champ de médiation entre les personnes, les groupes et les
cultures.
Savoir être médiateur signifie être expert des
rapports humains dans leurs dynamiques psychologiques, culturelles et
surtout spirituelles, en faisant la promotion de ce qui réunit.
Savoir être médiateur signifie aider à décoder les
messages manipulateurs sournois, afin de former des consciences
critiques et libres qui savent entrer en relation sous l’aspect positif
de leurs richesses, s’affermissant mutuellement en vue de la croissance.
Savoir être médiateur signifie défendre vaillamment et
sans compromis ceux qui ne sont pas défendus, mais en utilisant la
stratégie de la non-violence qui, loin d’être un acquiescement, est une
résistance active sans aucune agression. Le grand maître en demeure le
Mahatma Gandhi qui, inspiré par l’Évangile, a enseigné que la
non-violence n’était pas un renoncement à la lutte contre le mal. Il
s’agit d’un autre type de lutte, située au plan moral, qui est plus
active et incisive que la loi du talion.
Savoir être médiateur signifie éduquer à la
contemplation et à la prudence, à l’information critique et non à la
contre-information, et surtout aux gestes concrets et persévérants ayant
comme horizon une civilisation d’amour »[68].
Savoir être médiateur signifie éduquer à la culture de
la réconciliation, qui a pour base la passion de Dieu pour le sujet
(sub-stantia) qui est l’homme. L’adjectif est une modulation et non une
modification de la substance. Qu’il soit rouge ou noir, blanc ou basané,
l’homme demeure une entité sacrée. Même si l’adjectif qualificatif
indique la méchanceté, la passion pour le sujet signifie l’espérance
constructive qui peut changer le qualificatif négatif, grâce à un
engagement supplémentaire d’attention à sa croissance et à son être.
En définitive, la communauté de ceux qui croient au
Christ Ressuscité, qui vit dans le temps entre les temps, à savoir dans
le provisoire de l’histoire, mais en attente de la stable et éternelle
méta-histoire, doit offrir au monde en attente le signe de Jonas
incarné, une pratique de la résurrection en réponse aux stimuli et aux
défis.
Sur la colline d’Aïn Karim, Marie a chanté son
Magnificat – le véritable exultet ante litteram[69] – l’hymne du passage
permanent de la vie temporelle de la préhistoire, caractérisée par la
formule l’homme sur l’homme, à l’authentique histoire caractérisée par
la formule l’homme pour l’homme. Elle est l’experte de la Pâque comme
ouverture de futurs passages à la culture de la vie.
L’Église qui, aujourd’hui plus que jamais, voit en
elle le modèle condensé de la nouveauté portée par le Fils, alors que
les signes de la mort se multiplient, est appelée à reproduire le style
de la Femme pascale.
En Église, en union avec d’autres formes historiques
de religions, les croyants s’associeront à tous les hommes de bonne
volonté des cultures les plus diverses de la planète, afin de donner le
déclic décisif à l’avenir de l’homme, en vue de la formation de l’homme
de l’avenir.
ANNEXE DE LA DOCUMENTATION :
Il sera utile de soulever ici quelques nœuds
problématiques de la situation de la planète.
1. Le malaise de la civilisation
L’Occident est comparable à un corps robuste, mais en
proie aux convulsions de la société de consommation, à la frénésie du
capitalisme et aux obsessions d’éthnocentrisme. L’hédonisme et le
nihilisme attaquent ses racines humanistes. Le relativisme devient le
cadre des références éthiques. Le matérialisme manipulatoire diffuse le
sécularisme sous la forme croissante d’indifférence religieuse. Il
continue à se précipiter avec une folle rapidité et commence à souffrir
de vertige et de menaces qu’il ne pouvait s’imaginer.
On peut enregistrer une tendance prononcée au
pragmatisme, avec le refroidissement des idéaux et la capacité diminuée
des représentations politiques, de synthèse et d’organisation des appels
venant de la base, à l’horizon d’une société complexe. Par conséquent,
on constate un écueil entre le pays réel et le pays légal, ainsi que le
scepticisme et la défiance face aux institutions – et tout cela à
l’intérieur de la démocratie née de la civilisation occidentale.
1.1 En Europe en particulier, on peut remarquer la
tendance à la baisse de l’unité et des idéaux : une fragmentation[70].
Le projet de l’Etat-nation, qui assurait pendant un
certain temps la force socio-politico-économique aux minorités, semble
menacé aujourd’hui à cause de la diminution de son énergie de
rassemblement. On constate ensuite un forte baisse démographique.
Au-delà de toute autre considération, cette situation imposera bientôt à
l’Occident la nécessité de nouvelles agrégations interculturelles
accompagnées de l’acceptation d’importants flux d’immigrés, malgré
l’obsession phobique de « l’étranger » qui s’exprime sous formes
récurrentes de racisme et de néo-nazisme.
Le continent européen sur lequel le code génétique
enregistre une attitude prononcée de synthèse assiste – avant tout au
niveau d’anthropologie radicale – au divorce entre l’homo faber et
l’homo sapiens, soit à cause du matérialisme néo-capitaliste, soit à
cause de la mentalité qui privilégie le présent et l’immédiat.
Le deuxième déséquilibre se manifeste entre le pôle de
l’unité et celui de la pluralité. Bien que proclamant et diffusant la
démocratie – du type formel et non social et économique – l’unité ne
donne qu’une apparence de convergence, et la pluralité risque d’être un
agrégat de corporations de niveaux divers et variés.
Un autre déséquilibre se manifeste entre les entités
nationales et supranationales. Les nationalismes sont en train
d’exploser entre les pays-membres et l’organisme collectif, où le plus
fort manifeste la tendance à faire la loi au mépris des principes sacrés
de Helsinki déclarés en 1975, lorsqu’on avait promu la réconciliation et
la reconnaissance des droits de tous les titulaires, afin de construire créativement les mécanismes d’une solution pacifique des contentieux et
des revendications des particularités. La tendance alors enterrée allait
dans le sens de la relativisation de la souveraineté des États et de
l’augmentation des structures communautaires européennes, aptes à
défendre les groupes les plus faibles. Il est plus urgent de construire
la maison commune d’une Europe sociale, que celle d’une Europe politique
et économique. En effet, même à l’intérieur de l’Occident, on constate
la présence d’un Nord et d’un Sud constitués tant du monde indigène que
des facettes ghéttoisées de la population immigrée.
La maison commune ne peut être une vieille forteresse,
mais un édifice nouveau à construire sur le même sol, qui embrassera –
avec les membres actuels de la Communauté – les pays de l’Est et ceux du
bassin Méditerranéen qui ont demandé leur adhésion.
Il est important que, en harmonie avec l’esprit d’une
démocratie sociale et économique, outre que politique, il n’y ait pas de
niveaux supérieurs, habités par les puissances plus fortes, et de
niveaux inférieurs destinés aux héritiers pauvres ou aux derniers venus.
Il ne faudrait absolument pas qu’il s’agisse d’un château féodal avec un
rez-de-chaussée habité par des serviteurs. Le danger d’avoir un Sud au
régime d’infériorité au cœur de l’Occident est réel. Il est urgent de
substituer à l’Europe de la philosophie de l’individualité une Europe de
la solidarité.
1.2 Les États-Unis – réalité géopolitique
originairement dérivée de l’Occident et devenue puissance planétaire –
évoquent dans le monde l’idée de l’hégémonie, mais également celle de
foules de réfugiés et d'émigrés[71].
Ce pays représente un objet d'espérance ultime des
peuples en proie au désespoir. C’est le pays du self-made man, des
frontières toujours nouvelles, des technologies au progrès exponentiel
géométrique. Les USA se présentent quand-même comme un des facteurs
déterminants de l’équilibre ou du déséquilibre économique et financier
au niveau planétaire – la loi du dollar – et de la politique de contrôle
et de conditionnement de vastes espaces de la planète.
Les USA restent, pourtant, le pays où en ces dernières
années le nombre des street people, des SDF, est en croissance. Comme
Rio de Janeiro et ses favelas, comme Ankara et ses gecekondus, les USA
connaissent des abris en carton et une croissance du phénomène de
chômage et d’inégalité de femmes face à la qualification et la
promotion.
Dans le domaine plus délicat de la civilisation, à
savoir l’éducation des hommes de l’avenir, on constate la croissance de
la consommation de drogues parmi les populations les plus jeunes. Tout
le système d’éducation est ici remis en cause. Vers la fin des années 80
et au début des années 90, la violence dans les villes a atteint des
niveaux alarmants. Il est symptomatique que le maire de Washington était
obligé à déclarer à plusieurs reprises le couvre-feu pour les mineurs.
Emblématique est également The Big Apple, la « Grande Pomme »
new-yorkaise, où l’on a compté six embuscades mortelles par jour. Les
raisons en relèvent majoritairement de la drogue. La ville-symbole du
American dream s’est transformée en un espace d’agressions cruelles et
de déséquilibre économique. La Grande Pomme, réussira-t-elle à éviter le
pourrissement ? C’est le défi emblématique pour toute l’Amérique, pays
de contradictions, miroir planétaire des convulsions, terre à la
recherche de la grande promesse d’une nouvelle frontière - surtout
morale.
À l’intérieur de cette nouvelle situation d’angoisse,
les demandes éthiques se manifestent afin de conjurer le dérèglement.
L’éthique peut avoir une grande valeur salvifique, et même économique.
Le leadership du monde risque de devenir une médiation exportatrice de
modèles de vie économiquement vivants, mais culturellement éteints. Il
est urgent de se réapproprier des formes de redécouverte et de
relancement d’un riche patrimoine qui plonge ses racines dans l’humus
d’un message portant quatre valeurs fondamentales de civilisation, à
savoir : l’intériorité, la solidarité, le dynamisme historique et la
signification cosmique. Seulement ainsi émergera la conscience de la
transformation du leadership économique en une nouvelle culture de
service de l’homme.
1.3 Quant aux pays issus du socialisme réel, la fin du
siècle les trouve dans une situation de révision et de restructuration
profonde. La vision et le pouvoir monolithiques se sont révélés sans
débouchés et sans consistance historique. Les gouvernements qui se
déclaraient comme émanations du peuple se sont révélés comme oppresseurs
de leurs peuples. Économie en désastre, technologie arriérée,
militarisme absorbant, désaffection des ouvriers à cause de la
démotivation, et surtout résistance à cette idéologie qui pendant des
décennies n’était qu’une prison pour la liberté de la pensée et de la
conscience. La dissidence culturelle a tenu. La religion n’était pas
effacée des consciences. C’est ainsi que, dans certains pays, la
substance de l’esprit du peuple (Volksgeist) et le refus du régime ont
pu se révéler.
Le vent de l’est a soufflé impétueusement. Il n’a pas
été improvisé, mais préparé par la conscience collective nourrie d’une
culture alternative. Les murs de chaux se sont écroulés en même temps
que les murailles d’anciennes méfiances engendrant une révolution
différente, à tendance démocratique et non-violente.
Le vainqueur en était le rajeunissement, dans la
reconquête des valeurs et dans leur hiérarchisation à partir de l’homme.
Il s’agit donc d’une reprise culturelle, sociale et
politique. De nouvelles possibilités s’ouvrent pour l’avenir. Mais,
certaines tendances au retour au matérialisme peuvent être enregistrées.
C’est un moment extrêmement délicat. Le socialisme démocratique,
principe de la socialisation de la richesse en fonction de la justice
distributive, une instance à ne pas sacrifier au Moloch de l’économisme
capitaliste toujours aux aguets, qui demeure une forme de matérialisme.
2. Entre l’émergence et l’impuissance
L’Amérique Latine présente au seuil du millénaire des
différences de plus en plus dramatiques entre les riches, bénéficiaires
des protections néocolonialistes externes, et la masse des pauvres à qui
la route est barrée vers les immenses richesses de leur propre sol[72].
Cette équation absurde fait découvrir le choc entre
l’idéologie du libéralisme économique et pragmatique poussé jusqu’au
cynisme (soutenu d’une manière manifeste ou subrepticement, ou bien
encore substitué par des pouvoirs militaires ou paramilitaires) et les
franges d’un collectivisme révolutionnaire de réaction[73].
Au milieu, un peuple qui commence à assumer la
conscience de sa dignité et de sa capacité de cheminer d’une manière
autonome, pendant que se tisse un plan de patience constructive. Et tout
cela, nonobstant les pesanteurs écrasantes du système financier et
militaire, ou de la délinquance, relative surtout au marchands de la
mort.
On peut enregistrer un phénomène massif d’exode des
campagnes, et d’urbanisation, soit sous forme forcée à cause de
l’expropriation de la terre, soit spontanée, porté par une espérance
désespérée et sans retenue. Souvenons-nous que dans les années 90, 65%
de la population d’Amérique Latine vit à la périphérie des métropoles.
Les gens tentent d’échapper à la misère, mais tombent dans une forme de
détresse encore plus grave, causée par le processus d’urbanisation
tumultueuse. Le secteur primaire de l’agriculture va ainsi en
s’amenuisant et, à l’assaut incessant des villes, la culture de
l’expédient, de l’exploitation, de la délinquance se met à prospérer.
Les anneaux les plus faibles de la chaîne humaine – les mineurs qui
vivent habituellement dans la rue, les meninos da rua – représentent un
problème plus éthique que policier.
Au seuil du troisième millénaire, on compte environ 20
millions de citoyens sud-américains dormant habituellement à la belle
étoile. Les sans-toit se révèlent dramatiquement comme des sans-tout[74].
La terre de l’Amérique du Sud est marquée en grande
partie par des paradoxes : richesses du sol et misère des revenus,
fécondité de vie et barrage aux nouvelles générations. La majorité des
pauvres sont jeunes et la majorité des jeunes sont pauvres.
2.2 La situation en Afrique, au seuil du millénaire,
vacille entre les cultures ancestrales, encore fortement enracinées à la
base, et les pouvoirs en recherche d’âpres équilibres politiques, à la
suite d’une longue léthargie colonialiste[75].
Les valeurs traditionnelles – justice, solidarité,
famille – subissent en fait des manipulations à cause de la lutte pour
le pouvoir et entre les groupes religieux intégristes. De nombreuses
zones vivent encore sous l’esclavage de besoins primaires comme la faim,
la soif, l’alphabétisation. La condition sociale de l’Afrique
aujourd’hui, au niveau alarmant de dépression économique, politique et
sanitaire, fait de ce continent la première région à risque de toute la
planète.
Conflits ethniques, différences de classe, démagogies
et despotisme, dictatures des partis uniques, dilapidation de l’argent
publique, dépenses pharaoniques des représentants du régime,
inefficacité de la bureaucratie et incompétence de l’appareil économique
et financier, systèmes de corruption endémiques, manque de
professionnalisme des cadres, fragilité du système scolaire, sanitaire
et des moyens de transport, représentent le tissu à l’usage des sociétés
du continent africain. Ces phénomènes se conjuguent avec de fréquentes
calamités naturelles : sécheresse, famine, malnutrition, anciennes
épidémies et nouveaux fléaux comme le SIDA[76]. Les aides
internationales manquent et sont gravement inadéquates[77].
Les tentations de totalitarisme et de corruption
tribale rendent évident l’effet contagieux des systèmes coloniaux,
aggravé par des signes récurrents de racisme.
De tous les continents, le continent africain est le
plus blessé par le colonialisme : « L’Afrique est certainement le
continent qui a payé plus que les autres le prix historique de la
rencontre avec le monde extérieur. Rappelons-nous quelques simples
faits. L’esclavage : entre 1500 et 1800, au moins 50 millions d’esclaves
ont été transférés vers les Amériques. Le colonialisme : très peu de
structures ont été créées, et celles qui ont été créées sont surtout à
notre service, et en fonction de nos pillages. L’Afrique a été
systématiquement dépouillée. Les décisions prises par la Conférence de
Berlin à propos de l’Afrique ont divisé le continent en 50 états : un
choix hallucinant. Souvenons-nous enfin que, lorsque les indépendances
sont arrivées, la bourgeoisie noire n’a rien fait de mieux que de
s’enrichir sur le dos de ses concitoyens, servant d’intermédiaire aux
grandes finances internationales au détriment de la communauté locale.
Tout cela a conduit l’Afrique à être aujourd’hui le continent le plus
pauvre. »[78]
Dans cette situation-limite, des tentatives d’origines
diverses – des mouvements d’indépendance et de promotion sociale aux
mouvements ecclésiaux – sont porteuses d’avenir. Il faudra trouver des
débouchés de participation et de marché. On cherche surtout des
synthèses vitales entre les anciennes valeurs africaines et les valeurs
modernes qui, au moment de l’acculturation, frappent avec insistance sur
les portes du continent.
Ce sont les défis que doivent affronter les Églises
africaines, défis lancés à la communauté internationale, responsabilisée
par la pression de la dette extérieure et par l’iniquité des
négociations commerciales de la part des puissances du Nord face au Sud,
toujours plus appauvri. La chute des régimes de l’Est a introduit une
grave crise des régimes de philosophie soviétique en Afrique.
À ne pas oublier : l’espace pour la formation de la
conscience démocratique. Dans de nombreux pays, la présence de
l’Église[79] a été demandée pour favoriser cette construction de
première urgence.
3. Entre les paris et les contrastes
3.1 L’Asie poursuit son itinéraire de sagesses
séculaires centré sur ses religions riches de sens de transcendance,
tout en recherchant dramatiquement une adaptation à tous les niveaux de
la modernité.[80]
L’acculturation des caractéristiques occidentales n’a
pas changé son âme, mais a marqué ses habitudes et ses modules
politiques et économiques. Dans certains pays – comme la Chine de type
collectiviste – le bond social s’est effectué à partir du retrait des
mandarins, mais les coûts ont été très élevés en ce qui concerne les
traditions, la conscience ethnique, la liberté religieuse et civile.
Dans d’autres pays – comme le Japon – le libéralisme
économique, d’une certaine manière tempéré par rapport à la version
occidentale, a tenté de dénaturer l’identité culturelle et le sens
religieux de la vie et de l’éthique, formant un peuple diligent et sage,
mais en manque de grandes valeurs et présentant un vertigineux vide
existentiel.
Dans d’autres pays – comme en Inde – la présence de la
pauvreté extrême de larges couches de la population et d’une bourgeoisie
privilégiée de type occidental ne facilitent pas la synthèse populaire
dans la justice et la démocratie, selon le message du Mahatma Gandhi qui
a dédié toute sa vie à cet idéal.
Tout l’Orient est en train de vivre un effort pour
conjuguer l’aspect contemplatif, pertinent à son patrimoine le plus
authentique, avec le dynamisme de la modernité constructive.
L’Asie, en somme, est un laboratoire tout à fait
particulier de contrastes. C’est un melting pot de traditions
religieuses les plus anciennes et du développement technologique le plus
moderne. Les cités emblématiques – Dhaka au Bangladesh, Djakarta en
Indonésie, Calcutta en Inde, Shanghai en Chine – enregistrent la
coexistence d’opérations économiques téméraires d’une part, et de masses
en état de misère de l’autre. À noter également le contraste historique
entre les cultures de non-violence, descendantes des religions à
dominante contemplative, et les guerres les plus cruelles du 20e siècle,
parmi lesquelles celle entre l’Inde et le Pakistan, entre Pakistan et
Bangladesh, entre l’Indonésie et Timor-Est, sans oublier les guerres
fratricides en Corée, en Chine et au Viet-nâm.
À tous ces problèmes se joignent des problèmes plus
anciens qui rendent le contraste plus dramatique encore, avec en
arrière-plan la Déclaration officielle de la dignité de l’homme et de la
liberté. À considérer, par exemple, le problème des dalit ou hors-caste
en Inde, hommes et femmes privés de tous les droits et qui se comptent
par millions.
Comme perspective positive, on peut entrevoir un
nouvel aspect du continent le plus peuplé de la planète. L’Asie est un
colosse non seulement en raison de la quantité humaine, mais en ce qui
concerne la qualité unitaire. Nonobstant les différences culturelles,
politiques, économiques et législatives, on se rend compte de la
nécessité de conjuguer la qualité avec la quantité, et celle-ci est
donnée par l’unité.
Il y a un temps, la naissance des États-Unis d’Asie a
été pressentie comme une nécessité historique et culturelle. Elle l’est
d’autant plus aujourd’hui, après l’effondrement des murs de toutes les
couleurs, après l’échec du bi-polarisme, après l’ouverture accompagnée
de la perspective de création des États-Unis d’Europe et la création
projetée du marché commun entre les USA, le Mexique et le Canada (North
American Free Trade Agreement – NAFTA).
3.2 L’Océanie se trouve dans une situation de
découpage géophysique et de renouvellement géopolitique à la suite
d’anciennes implantations et d’immigrations continuelles.
De nouveaux problèmes de structure sont en train
d’éclater aux côtés des anciens, dus aux conditions naturelles. Hier
encore, ils pouvaient ne pas sembler d’intérêt primaire, mais à
l’horizon d’un monde étroitement interdépendant, ils deviennent
aujourd’hui des urgences à affronter.
La situation de la région australienne est
significative : le niveau le plus haut de cosmopolitisme et de
concentration métropolitaine de toute la planète joint à une densité de
population extrêmement basse.
L’Australie a été transformée par une énorme
immigration d’après-guerre provenant d’Europe et d’Asie. Les immigrés
qui se sont installés ont acquis, grâce à leur travail ardent, un sens
très fort d’appartenance et de collaboration consciente au boom
économique.
Et pourtant, tout cela vécu dans un esprit
d’efficacité et en s’affirmant sans références solides, a fait surgir
une société de bien-être et d’autosuffisance marquée par les traits
d’intolérance envers la différence qui s’affichent successivement sur la
scène.
On constate un grand besoin de donner le pouvoir
effectif à ceux qui ne l’ont pas, que ce soient les aborigènes ou les
sujets d’anciennes ou de nouvelles pauvretés dont le nombre est en
croissance.
Les défis lancés au christianisme sont, donc, dus à
l’envahissement de la sécularisation qui risque de dégénérer vers le
sécularisme, à l’intérieur d’un processus de post-lumières, d’hédonisme
ou de relativisme éthique, accompagnés par un notable écart économique à
l’égard des aborigènes.
PRÉSENTATION DES CONFÉRENCIERS
P. Franjo Vidović ofm est né le 19 février 1960 à
Crnkovci près d'Osijek en Croatie. Il fréquente l’école élémentaire à
Zagreb. En juin 1979, il passe son Bac au lycée classique franciscain a
Visoko. Le 15 juillet 1979, il entre au noviciat de la Province
franciscaine d'Herzégovine à Mostar. De 1980 a 1984, il est en prison à
Zenica pour des « activités anti-communistes ». En 1987, il obtient la
licence en philosophie et en théologie, et en 1992 la maîtrise en
théologie a l'Université d'Augsburg. En 1991 et 1992, il poursuit des
activités pastorales en Herzégovine, au monastère de Humac. En 1992, il
est nommé aumônier militaire dans les unités de l'armée croate. En 1997,
il obtient le doctorat en théologie biblique à l'Université de Graz, en
Autriche. Actuellement, il est au service pastoral à Weissenstein en
Autriche. Il travaille également sur une thèse et enseigne la Théologie
Biblique du Nouveau Testament à la Faculté de Philosophie des Jésuites à
Zagreb.
Sabino Palumbieri est né à Lavello (Potenza) en 1934.
Membre de la Congrégation des pères Salésiens, il est ordonné prêtre en
1961. Diplômé de la faculté de philosophie et de théologie, il obtient
son doctorat en anthropologie. Actuellement, il enseigne à l'Université
Pontificale des Salésiens (UPS). Journaliste et auteur de nombreux
essais, il publie de nombreuses études sur les sources significatives
des événements de notre temps, dans la perspective anthropologique. Il
est fondateur de l'Association " TR-2000 " (Témoins de la Résurrection
pour le Jubilé de l'an 2000), organisateur de mouvements au niveau
national en lien avec la culture, il accompagne des activités
chrétiennes et humanistes. Il anime une nouvelle forme de piété
populaire, « Via Lucis » (La voie de la Lumière), qui se répand dans le
monde entier.
Alphons Sarrach est né en 1927 dans l'ancien
territoire libre de Danzing, et élevé dans la tradition culturelle
allemande et polonaise. En 1939, il est déporté avec sa famille par le
régime Nazi en camp de concentration. Apres la Deuxième Guerre Mondiale,
il poursuit des études de philosophie, de théologie et de psychologie à
Rome et à Paris. En 1965, il devient journaliste libre, puis rédacteur
politique de renom dans plusieurs quotidiens. Il est auteur de nombreux
ouvrages et publications. En 1993, il publie un livre intitulé « Élan
prophétique de Medjugorje », où il cherche à comprendre en profondeur le
mystère de la grande inspiration venue depuis 1981 de ce petit village
de Medjugorje en Herzégovine, et qui a aidé des millions de personnes
dans le monde entier à retrouver le sens de l'avenir, après des siècles
marqués par une haine dominante dans tant de pays.
DÉCLARATION
Rassemblés à Neum du 19 au 24 mars 2000 pour la 7e
Rencontre des animateurs des Centres pour la Paix et des groupes de
prière de Medjugorje, nous nous adressons aux amis et aux pèlerins de la
Reine de la Paix :
1. En cette année de Jubilé de la chrétienté, nous
mettons Jésus Christ au centre de notre vie, afin de donner notre
contribution au renouveau de l’Église de notre temps, et au renouveau de
notre Église locale.
2. Nous constatons des points communs entre le contenu
du programme du Jubilé et les Messages de Medjugorje. Les paroles de la
Vierge : « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2,5) nous révèlent que
Jésus Christ est le même hier, aujourd’hui et toujours.
3. L’annonce de l’Évangile est la mission prophétique
de tous les baptisés. Elle se réalise en premier lieu dans notre vie
personnelle. Une vie authentique est la meilleure annonce. Ceci est
également valable pour ceux qui diffusent les messages de la Gospa.
4. Nous souhaitons que l’appel à la paix et à la
réconciliation donné par la Gospa soit présent d’une manière
particulière dans la vie des personnes, des familles et des groupes,
tout particulièrement en cette année du Jubilé.
5. Une fois encore, nous invitons tout le monde à
mieux connaître et à fidèlement préserver l’authenticité de la
spiritualité de Medjugorje.
À Medjugorje, le 24 mars 2000
Notes :
1. [1] Cf. : CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Décret sur
l’œcuménisme Unitatis redintegratio (21.11.1964), N° 4, dans AAS 57
(1965) 90-107 ; Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam
actuositatem (18.11.1965), N° 14, dans AAS 58 (1966) 837-864 ; Décret
sur le ministère et la vie des presbytres Presbyterorum ordinis
(7.12.1965), N° 9, dans AAS 58 (1966) 991-1024.
2. [1] « Sans s’en apercevoir, remarque Walbert
Bühlmann, nous sommes devenus témoins d’un processus historique de
l’Église. (…) L’Église méridionale occupe le rôle du leader, non
seulement du point de vue quantitatif, mais aussi qualitatif (…) On
pourrait donc écrire une histoire de l’Église et dire approximativement
que le premier millénaire chrétien se soit développé sous la direction
de la première Église, l’Église orientale, avec ses huit premiers
conciles qui ont eu lieu en Orient. Le deuxième millénaire a vu la
domination incontestable de la deuxième Église, l’Église de l’Occident,
notre Église par excellence. Dans le troisième millénaire, ce sera
probablement la troisième Église, l’Église du Tiers Monde, qui prendra
le commandement, toujours dans le cadre d’une unique Église catholique.
» (W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie del terzo millennio, Dehoniane,
Bologna 1990, pp.25-26)
3. [1] J.-B. METZ, Im Aufbruch zu einer kulturell
polyzentrischen Weltkirche, dans « Zeitschrift für Missionswissenschaft
», Münster i.W., (1986) 140.
4. [1] W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie del terzo
millennio, o.c., p. 28
5. [1] Bühlmann, le regard tourné vers l’essentiel de
la pensée conciliaire, propose une sorte de décalogue de l’Église,
véritablement une et culturellement polycentrique, au seuil du troisième
millénaire. Les commandements se situent à trois niveaux et traitent des
problèmes ecclésiaux, des problèmes relatifs aux continents
particuliers, et des problèmes mondiaux :
1. Vous respecterez le domaine de la raison :
l’autonomie de la science
2. Vous vous considérerez comme le peuple de Dieu :
les laïcs dans l’Église
3. Vous vous réconcilierez avec d’autres chrétiens :
l’œcuménisme
4. Vous vous solidariserez avec les pauvres. La
justice : l’Amérique Latine
5. Vous admirerez la grandeur du Créateur.
L’inculturation : l’Afrique
6. Vous reconnaîtrez le « Je suis » de tous les
peuples. Dialogue avec les religions : l’Asie
7. Vous accompagnerez les migrants nomades.
Sécularisation : l’Euro-amérique
8. Vous renforcerez les rangs des artisans de paix :
Iustitia et pax
9. Vous développerez la terre à l’image du ciel :
l’écologie et l’eschatologie
10. Vous rencontrerez le Dieu de l’histoire : la
mystique et la politique
(Ibidem, pp. 41-42).
6. [1] Cf. Jn 3,16
7. [1] Cf. Chr. DUQUOC, Liberazione e progressismo. Un
dialogo teologico tra l’America Latina e l’Europa, Cittadella, Assisi
1989.
8. [1] Cf. A. RIZZI, L’Europa e l’altro. Abbozzo di
una teologia europea della liberazione, Paoline, Cinisello Balsamo 1991.
9. [1] Cf. SYNODE DES ÉVÊQUES. ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR
L’EUROPE, Témoins du Christ libérateur, Paoline, Milano 1991 ; S.
PALUMBIERI, L’uomo e il futuro, II/Germi di futuro per l’uomo, Dehoniane,
Roma 1993, pp. 146-148
10. [1] Cf. : CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI,
Instruction sur la liberté chrétienne et la libération, Tip. Poliglotta
Vaticana, 1986
11. [1] P. DE CHARENTENAY, El desarollo del hombre de
los pueblos, Sal Terrae, Santander 1992 ; J. COMBLIN – J.I. GONZALES
FAUS – J. SOBRINO, Cambio social y pensamiento cristiano en América
Latina, Trotta, Madrid 1993 ; J. COMBLIN, Spirito Santo e liberazione,
Cittadella, Assisi 1991 ; CONFERENCIA EPISCOPAL PARAGUAYA, Sobre la
teologia de la liberacion, dans « Paginas » (1990) 92-113 ; O. MARSON,
Vangelo, chiesa e liberazione. Dibattito sulla teologia latinoamericana,
Concordia Sette, Pordenone 1992 ; B. MONDIN, Los teologos de la
liberacion, Edicep, Madrid 1992 ; J.B. LIBÂNIO, Teologia da libertaçno.
Roteiro didatico para um estudo, S. Paulo 1987.
12. [1] CELAM, Puebla. La evangelizacion en el
presente y en el futuro de América Latina, Bogota 1979.
13. [1] EPISCOPATO LATINOAMERICANO, Santo Domingo. IV
Conferenza generale, Dehoniane Bologna 1992.
14. [1] J. SOBRINO, Il martirio dei gesuiti
salvadoregni, La Piccola Editrice, Celleno 1990 ; ID., Resurreccion de
la verdadera Iglesia. Los pobres como lugar teologico de la eclesiologia,
Santander 1989.
15. [1] Note Piersandro Vanzan : « L’importance de
l’Église latino-américaine n’est pas seulement quantitative, dans la
mesure où elle représente désormais 52% de l’Église universelle, mais
surtout qualitative : en effet, au cours de ces dernières années, elle a
proposé une série d’initiatives théologico-pastorales fort
intéressantes, comme, par exemple, les Communautés de Base,
la théologie
de la libération, l’option préférentielle des pauvres, l’inculturation
de la foi comprise comme une force évangélisatrice des derniers, dans la
mesure où ils se réapproprient l’Évangile. » (P. VANZAN, Da Puebla a
Santo Domingo. L’« instrumentum laboris » della IV Conferenza Generale
dell’Episcopato Latinoamericano, dans « La Civiltà Cattolica » 3435
/1992/ 14-15).
16. [1] La dernière partie du document de Santo
Domingo contient une sorte de promotion intégrale des peuples de
l’Amérique Latine et des Caraïbes : « Que le cri des pauvres soit notre
cri. Assumons avec une nouvelle ardeur l’option évangélique
préférentielle des pauvres, en continuité avec Medellin et Puebla. Cette
option, ni exclusive ni excluante, illuminera – à la suite du Christ –
toute notre action évangélisatrice. Dans cette lumière, nous appelons à
la promotion d’un nouvel ordre économique, social et politique, conforme
à la dignité des personnes considérées d’une manière singulière et
globale, donnant des impulsions à la justice et à la solidarité, et leur
ouvrant les horizons de l’éternité. » ( EPISCOPATO LATINOAMERICANO,
Messaggio ai popoli dell’America Latina e dei Caraibi, in Santo Domingo.
IV Conferenza Generale, Conclusioni, pp. 132-133).
17. [1] Cf. : Lineamenta. La Chiesa in Africa e la sua
missione evangelizzatrice verso l’anno 2000 : Sarete miei testimoni.
C’est « la première étape du cheminement vers la célébration du Synode
pour l’Afrique. Le texte a été envoyé aux Conférences épiscopales de
l’Afrique et du Madagascar, le 24 juillet 1990. Il y a cinq objectifs
prévus : l’annonce, l’inculturation, le dialogue, la justice et la paix,
la communication sociale. » (Citation de W. Bühlmann, La Chiesa alle
soglie del terzo millennio, o.c., pp. 139-140).
18. [1] B. CHENU, Teologie cristiane dei Terzi Mondi :
teologia latinoamericana, teologia nera americana, teologia nera
sudafricana, teologia asiatica, Queriniana, Brescia 1988 ; A. PIERIS,
Una teologia asiatica della liberazione, Cittadella, Assisi 1990.
19. [1] Cf. : M. BLONDEL, L’azione, La Nuova Italia,
Firenze 1973. L’action, c’est l’intention, donc tension d’aller
continuellement au-delà de soi-même. C’est une dimension de
l’intelligence, qui agit tant comme activité théorique que comme
activité pratique. Elle embrasse à la fois la pensée et la volonté et
s’engage consciemment à subordonner le monde à l’homme. Elle débouche
dans la vie sociale, mais ne s’y épuise pas. En fait, comme expression
de l’autotranscendence incessante de l’homme, elle est conçue comme un «
invincible besoin de s’emparer de Dieu ». Ce suprême objectif de
l’action revient aux niveaux humains de l’exercice pour les élever et
leur redonner le sens. Cela signifie que l’action pousse l’homme qui
tente, sous forme opératrice, à ordonner le monde de telle manière que
sa volonté converge vers le bien de la communauté. On y découvre la
tendance vers Dieu, qui est le fondement de cette même communauté et
l’éperon décisif à son service.
20. [1] Bühlman remarque : « Le Cosmogral de
l’architecte autrichien Clemens Holzmeister devrait également être
construit dans d’autres endroits : une construction de huit chapelles
circulaires, disposées circulairement, représentant les huit régions du
monde, et au centre, donnant accès aux chapelles, un sanctuaire destiné
à la prière commune, aux occasions déterminées. Une musique utopique,
paradisiaque, pour le troisième millénaire ! » (W. BÜHLMANN, La Chiesa
alle soglie del terzo millennio, o.c., p. 159).
21. [1] Col 1,3
22. [1] D. DAHRENDORF, Quadrare il cerchio, Laterza,
Bari 1966
23. [1] Ibidem, p. 19
24. [1] Ibidem, p. 36
25. [1] Ibidem, p. 42
26. [1] Ibidem, p. 44
27. [1] E.N. LUTTWAK, La dittatura del capitalismo.
Dove ci porteranno il liberalismo selvaggio e gli eccessi della
globalizzazione, Mondadori, Milano 1999
28. [1] Ibidem, pp. 42-43
29. [1] Ibidem, p. 274
30. [1] Ibidem, p. 275
31. [1] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Laborem
exercens, N° 6 (1981)
32. [1] Ibidem, N° 23
33. [1] Ibidem, N° 13
34. [1] Dans le Tiers Monde, le dérèglement économique
et la libéralisation financière balayent l’apparence de l’avantage de
l’ouverture du marché du travail, qui conduit finalement à
l’exploitation des plus pauvres.
35. [1] Au cours de ces cinq dernières années aux USA,
les corporate profits – les profits des grandes corporations – ont
augmenté de 19%, alors que les salaires sont restés les mêmes : on dit
que les coûts de la globalisation doivent être payés par les ouvriers,
et que les énormes profits doivent aller aux investisseurs et aux
managers qui gèrent le capital investi. » (W. PFAFF dans « International
Herald Tribune – Los Angeles Time » (21 août 1999), repris par E.
CHIAVACCI, La terra è di tutti, in « In Dialogo », 3 /juin 1999/ 15).
36. [1] Le rapport de l’ONU de la fin du siècle de
l’agence UNDP pour le développement fait les comptes des porte-monnaie
des trois hommes les plus puissants de la planète. Il précise que le
revenu de Bill Gates, fondateur, président et majeur actionneur de
Microsoft, de Robinson Walton, qui contrôle la chaîne des supermarchés
Wal-Mart, et Haju Hassani Bolkiah, sultan de Brunei, égale la somme du
revenu des 43 pays les plus pauvres, situés en majorité en Afrique. Les
deux cent hommes les plus fortunés représentent une richesse comparable
au revenu de 41% de la population mondiale. On pourrait dire que les
trois empereurs économiques de la planète détiennent le pouvoir
d’acheter le travail de 43 nations.
37. [1] Jn 1,14
38. [1] Cf. Mt 19,30 ; 20,16 ; Mc 9,35 ; 10,31 ; Lc
13,30
39. [1] Lc 1,46-55
40. [1] Cf. Mt 25,31-46
41. [1] 1 Jn 3,14
42. [1] Cf. Ex 5,1
43. [1] L’Église qui construit le Règne (Cf. CONCILE
ŒCUMENIQUE VATICAN II, Lumen Gentium, N° 5) devrait pouvoir conjuguer au
présent, progressivement, le verbe de la loi du Règne. Ainsi : les
derniers deviennent les premiers. La plus grande surprise est celle de
trouver le Christ dans sa fraîcheur là, où on ne l’aurait pas attendu.
Souvent, ceux qui pourraient être considérés comme destinataires de
l’évangélisation, les derniers – y compris au niveau moral – deviennent
des évangélisateurs, donc instruments de communication, de la bonté et
de la puissance de l’amour du Dieu imprévisible. Significative est le
témoignage de Frei Betto sur son expérience parmi les derniers : « Le
Seigneur m’a jeté dans les souterrains de la vie et de l’histoire. Et
là, où je croyais autrefois pouvoir trouver seulement de la malice,
l’indifférence et le péché, j’ai trouvé la grâce, la fidélité, l’amour
et l’espérance (…) Le Christ n’a pas peur d’être tenté et diffamé,
d’être appelé Beelzéboul, amis des prostituées et des pécheurs. Il n’est
pas gêné d’être appelé ivrogne et glouton, irrespectueux de la loi et de
la tradition. Le Christ va là, où nous n’avons pas le courage d’aller.
Quand nous Le cherchons au temple, Il se trouve dans l’étable ; quand
nous Le cherchons parmi les prêtres, Il se trouve au milieu des pécheurs
; quand nous Le cherchons libre, Il est prisonnier ; quand nous Le
cherchons revêtu de gloire, Il est suspendu sur la croix couvert de
sang. Nous avons créé les frontières. Nous avons partagé le monde entre
les bons et les méchants. Nous pensons que Dieu se soumet à nos idées, à
nos préjugés, à notre rationalisation. Et pourtant : combien de fois
n’était-il pas assis sur les marches, devant notre porte, attendant un
morceau de pain. » (FREI BETTO, Dai sotterranei della storia, Mondadori,
Milano 1971).
44. [1] Cf. Rm 12,15
45. [1] A. NOLAN, Gesù prima del christianesimo. Un
vangelo di liberazione, Dehoniane, Bologna 1986, p. 199.
46. [1] Ibidem, p. 42
47. [1] Cf. CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Lumen
Gentium, N° 1
48. [1] Mt 5,9
49. [1] Dans une lettre écrite par le frère Roger
Schutz, pendant le Concile des jeunes à Taizé, nous lisons : « Une
question posée par le Christ te serre la gorge : lorsque le pauvre avait
faim, m’as-tu reconnu en lui ? Où étais-tu lorsque je partageais la vie
du plus misérable ? As-tu opprimé, si ce n’est-ce qu’une seule personne,
sur cette terre ? Lorsque je disais : « Malheur aux riches », riches en
argent, riches en dogmatisme, as-tu préféré les mirages de la richesse ?
Ta lutte ne peut être vécue dans une girouette d’idées qui ne se
concrétisent jamais. Brise l’oppression des pauvres et des exploités :
en témoin stupéfait, tu verras surgir des signes de la résurrection sur
la terre. Partage tes biens en vue d’une plus grande justice. Que
personne ne soit victime de soi-même. Frère de tous, frère universel, va
avec détermination vers l’homme qui ne compte pas, vers les exclus. »
(Taizé – Il concilio dei giovani. Perché ?, Morcellana, Brescia 1975.
50. [1] COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET PAX », Un
approccio etico al debito internazionale, Elle Di Ci, Leumann (Torino)
1987
51. [1] Cf. Mt 13,24-30
52. [1] Mc 4,11-12 ; cf. Mt 11,25-26
53. [1] 2 Th 2,7
54. [1] Cf. Mt 5,13-14
55. [1] Cf. Jn 3,16
56. [1] Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 34
57. [1] Mc 1,1
58. [1] JEAN XXIII, Discours lors de l’ouverture
solennelle du Concile (11.10.1962)
59. [1] Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N°
37-44
60. [1] Cf. D. BONHOEFFER, Lettres à un ami
L’un des textes les plus connus, qui peut exprimer
cette attention bonhoefferienne accordée à l’homme, est le suivant : «
Être chrétien ne signifie pas être religieux d’une manière déterminée,
faire quelque chose de soi (…) d’une manière méthodique, mais être
chrétien signifie être homme ; en nous, le Christ ne créé pas un type
d’homme, mais l’homme. » (ID., Resistenza e resa, o.c., p. 441). C.
Cantone commente ce texte : « Probablement, aujourd’hui c’est le point
d’accostage de l’expérience chrétienne, jointe ainsi, je le crois, à un
stade de « maturité » ultérieure, comme expérience, précisément,
d’identification kénotique radicale de Dieu avec l’homme : une
expérience non plus « sacrée » (avec toutes les « barrières » et «
séparations » qu’implique le sacré), mais véritablement « séculière » de
Dieu, et donc toujours ouverte (…) au pluralisme humain (…) des « voies
», à travers lesquelles, précisément dans la révélation (…) de la «
vérité de l’homme », qui ne peut être que « la vérité-amour-communion
libératrice », se révèle finalement la « Vérité-Amour-Communion
libératrice » salvifique de Dieu ». (C. CANTONE, Rilievi introduttivi :
per una coscienza religiosa planetaria, dans « Cronache e commenti di
studi religiosi, 5/Religione e religioni », /Quaderni di Salesianum 16,
LAS, Roma 1989, pp. 17-18).
61. [1] « L’analphabète secondaire est le produit de
la phase la plus actuelle de l’industrialisation. Dans les sociétés
industrielles avancées, l’analphabète qui signe avec un signe de la
croix dérange et doit être éliminé. L’analphabète secondaire, par
contre, est utile, parce qu’il peut être n’importe qui : un dirigeant,
un homme politique, un simple ouvrier, un homme habilité à signer les
chèques ou à déchiffrer un diagramme statistique… Il est marqué par un
trait caractéristique : c’est un homme qui fondamentalement ne comprend
pas ce qui se passe. Pour lui, la télévision est le médium idéal (…).
L’ancienne conception de la culture bourgeoise disait à peu près : si tu
n’as pas lu les classiques, tu ne feras pas partie du club. Ce n’est
plus vrai. Aujourd’hui, une bonne partie de la bourgeoisie a choisi
l’analphabétisme secondaire. Je connais un bon nombre de dirigeants qui
ne lisent jamais rien, bien qu’ils ne manquent pas d’occasions et de
stimuli. Leur choix de devenir des analphabètes secondaires est donc
clairement délibéré. » H.M. ENZENSBERGER, dans une interview à « La
Repubblica-Mercurio » /30.6.1990/ 13. Cf. S. Palumbieri, L’uomo e il
futuro, II, p. 227.
62. [1] AUGUSTIN, De catechizandis rudibus, PL
40,309-348
63. [1] V.-E. FRANKL, Psychotherapy and existentialism.
Selected papers on Logotherapy, Washington Square Press – Pocket Books,
New York (NY) 1985, p. 107.
64. [1] St François de Sales cité par JEAN-PAUL II,
dans Christifideles laici, N° 56.
65. [1] Cf. S. PALUMBIERI, Laici nuovi per un
umanesimo nuovo, dans AA.VV., Laici per una nuova evangelizzazione.
Studi sull’esortazione apostolica « Christifideles laici » di Giovanni
Paolo II, a cura di M. Toso, Elle Di Ci, Leumann (Torino) 1990, pp.
157-184.
66. [1] JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 46.
67. [1] Ibidem.
68. [1] PAUL VI, Discorso per la chiusura dell’Anno
Santo (15.12.1975), dans AAS 68 (1976) 143-145, cit. p. 145.
69. [1] Cf. S. PALUMBIERI, Un « Magnificat » per il
Terzo Millennio. Dimensione antropologica del Cantico, Paoline, Milano
1998, pp. 108-114.
70. [1] Cf. A.O. HIRSCHMANN, Tre continenti. Economia,
politica e sviluppo della democrazia in Europe, Stati Uniti e America
Latina, Einaudi, Torino 1990 ; P.W. PHILLIPS, Wheat, Europe and the
GATT. A political economy analysis, Pinter, London 1990 ; J.M. VAN
BRABANT, Remaking Eastern Europe. On the political economy of
transition, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht 1990 ; L. SPAVENTA,
The political economy of European monetary integration, « Quarterly
Review – Bancoper », 172 (3/1990) 3-19 ; P. CIOCCA, L’unione monetaria
d’Europe fra politica ed economia, in « Impresa Banca », 3 (9/1990)
13-17 ; S.M. CHERIAN, End- Independent legal rules and the political
economy of expanding market societies of Europe, in « Univ. Essex
Department of Economics. Discussion paper », 372 (1990) ; AA.VV.,
Prepararsi all’Europa, III/Unione politica e sviluppo economico, a cura
della Confindustria, SIPI, Roma 1992 ; G. GOMEL – S. REBECCHINI,
Migrazioni in Europa. Andamenti, prospettive, indicazioni di politica
economica, Banca d’Italia, Roma 1992 ; A. KOEVES, Central and East
European economies in transition. The international dimension, Westview,
Boulder 1992 ; D. LORENZ, Economic geography and the political economy
of regionalization. The example of Western Europe, dans « American
Economic Review – Paper & proceedings », 2 (5/1992) 84-87 ; « European
Journal of Political Economy », 1 (2/1992) (contient, entre autres, des
articles de S.M.R. KAMBUR, Policy choice and political constraints, pp ;
1-29 ; U. BROLL – J.E. WAHL, International investments and exchange rate
risk, pp. 31-40 ; C. WEINHARDT, How to measure price progression. A
first axiomatic approach, pp. 115-127).
71. [1] A.O. HIRSCHMANN, The continenti. Economia
politica e sviluppo della democrazia in Europa, Stati Uniti e America
Latina, o.c. ; P.R. KRUGMAN, Il silenzio dell’economia. Una politica
economica per un’epoca di aspettative deboli, Garzanti, Milano 1991 ;
F.TH. CARGILL – SH. ROYAMA, Il processo di trasformazione dei sistemi
finanziari. Le esperienze giapponese e statiunitense a confronto,
Cariplo, Milano 1991.
72. [1] AA.VV., Dalle armi alle urne. Economia,
società e politica nell’America Latina degli anni Novanta, a cura di G.
Urbani – F. Ricciu, Il Mulino, Bologna 1991 ; AA.VV., The political
economy of agricultural pricing policy, I/Latin America, a cura di A.
Valdes – A. Krueger, M.W. Schiff, John Hopkins Univers. Press for the
World Bank, Baltimore 1991 ; M. PLANE – A. TRENTO, L’America Latina nel
XX secolo. Economia e società. Istituzioni e politica. Ponte alle Grazie,
Firenze 1992.
73. [1] H. ASSMANN – F. HINKELAMMERT, A idolatria do
mercato. Ensaio sobre economia e teologia, Vozes, S. Paulo 1989.
74. [1] Cf. COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET PAX
», La Chiesa e il problema dell’alloggio, Lettre de Jean-Paul II du
27.12.1987, dans Enchiridion Vaticanum, 10/ 1986-1987, Dehoniane,
Bologna 1989, §§ 2425-2502, pp. 1636-1697.
75. [1] Cf. B.M. MAGUBANE, The political economy of
race and class in South Africa, Monthly Review Press, New York – London
1979 ; AA.VV., Apartheid – Capitalism or socialism ? The political
economy of the causes, consequences and cure of the colour bar in South
Africa, a cura dell’Institute of Economic Affairs, IEA, London 1986 ;
AA.VV., Adjustment or… The African experience, a cura di A. Mahjoub, (=The
UN University Studies in African Political Economy), ZED, London 1990 ;
S. AMIN, Maldevelopment. Anatomy of a global failure, (=The UN
University : 3rd World Forum Studies in African Political Economy), ZED,
London 1990 ; AA.VV., Economic policies for a new South Africa, a cura
di D. Lachmann – K. Bercuson, International Monetary Fund, Washington
1992 ; AA.VV., The political economy of agricultural pricing policy, III/Africa
and the Mediterranean, a cura di A. Valdes – A.O. Krüger – M.W. Schiff,
J. Hopkins Univ. Press for the World Bank, Baltimore 1992.
76. [1] « Selon les estimations de l’OMS, le continent
compte déjà au moins cinq millions d’adultes séropositifs et 700.000
malades. (…) Selon les prévisions de l’OMS, le continent pourrait
compter, d’ici la fin du siècle, entre 20 et 25 millions de
séropositifs. Déjà, surtout en Afrique orientale (…), des villages
entiers sont décimés, sans parler des villes, parmi lesquelles certaines
comptent jusqu'à 30% de séropositifs. » (Il mondo dopo il crollo del
communismo e la guerre del Golfo. Verso un nuovo ordine mondiale ?,
editorial, dans « La Civiltà Cattolica », 3401 /1992/ 417-430, cit. p.
426).
77. [1] Il est symptomatique de noter que « le
programme de l’ONU pour le développement de l’Afrique 1986-1990, adopté
en mai 1986, s’est montré gravement défaillant. La dette du continent a
augmenté d’environ 20 milliards de dollars par an au cours de la
décennie. » (CL. BRISSET, Famines et guerres en Afrique subsaharienne,
dans « Le Monde diplomatique » /juin 1991/ 8-9).
78. [1] A. ZANOTELLI, Il coraggio dell’utopia, o.c.,
p.27.
Ce témoignage crédible sur le marasme africain,
produit du colonialisme, rapporte en synthèse les statistiques de la
Banque mondiale qui « nous aident à comprendre où va l’Afrique, et la
tragique du moment qu’elle est en train de vivre. Selon les calculs de
la Banque, en 1980 environ 60% de la population africaine vivait en
dessous du seuil de la pauvreté absolue. La pauvreté absolue est définie
par l’ex-ministre de la défense américaine, McNamara, comme une
condition de vie tellement limitée par la malnutrition,
l'analphabétisme, la maladie, la haute mortalité enfantine, la basse
espérance de vie, qu’elle est en dessous de toute définition rationnelle
de la décence humaine. La Banque mondiale prévoit que, si l’économie
continue à se développer au rythme actuel, en Afrique, en 1995, 80% de
la population vivra en dessous du seuil de la pauvreté absolue. C’est la
tragédie d’un continent, et tout particulièrement la tragédie des
enfants qui naissent dans un avenir bloqué. » (Ibidem, pp. 27-28).
79. [1] « Dans les pays comme le Bénin, le Congo, le
Gabon, le Togo, le Zaïre et le Mali, des évêques catholiques ont été
élus pour présider les Conférences nationales de toutes les forces vives
(dans certains cas, il s’agit de vraies Assemblées constitutionnelles)
chargées d’élaborer de nouvelles constitutions et de préparer les
élections politiques. » (E. TRESOLDI, Africa perla preziosa, dans «
Jesus », 15/3 /1993/ 98-102, cit. p. 102).
80. [1] J.P. LEHMANN, Politics and the Pacific
economic miracle. Dictatorship and development in Pacific Asia – Wider
implications, dans « International Affairs », 4 (1985) 591-606 ; AA.VV.,
Il Sud-Et asiatico nell’anno della tigre. Rapporto 1987 sulla situazione
ed economica dell’area, a cura dell’Institute of Southeast Asian Studies,
Fondaz. Agnelli, Torino 1988 ; AA.VV., Il Sud-Est asiatico nell’anno del
serpente. Rapporto 1989…, Torino 1990 ; G. FODELLA, Dove va l’economia
giapponese. L’Estasia verso l’egemonia economica mondiale, La Nuova
Italia Scientifica, Roma 1989 ; S. MANZOCCHI, The political economy of
EEC-Asian NIC’s relations. A structuralist perspective on 1992, dans «
Rivista di diritto valutario e di economia internazionale », I (3/1991)
45-61 ; AA.VV., Modernization in East Asia. Political, aconomic and
social perspectives, a cura di R.H. Brown – W.T. Lui, Praeger, Westport
1992 ; AA.VV., The political economy of agricultural pricing policy, II/Asia,
a cura di A. Valdes – A.O. Krüger – M.W. Schiff, J. Hopkins Univ. Press
for The World Bank, Baltimore 1992.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Cf. : CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Décret sur
l’œcuménisme Unitatis redintegratio (21.11.1964), N° 4, dans AAS 57
(1965) 90-107 ; Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam
actuositatem (18.11.1965), N° 14, dans AAS 58 (1966) 837-864 ; Décret
sur le ministère et la vie des presbytres Presbyterorum ordinis
(7.12.1965), N° 9, dans AAS 58 (1966) 991-1024.
[2] « Sans s’en apercevoir, remarque Walbert Bühlmann,
nous sommes devenus témoins d’un processus historique de l’Église. (…)
L’Église méridionale occupe le rôle du leader, non seulement du point de
vue quantitatif, mais aussi qualitatif (…) On pourrait donc écrire une
histoire de l’Église et dire approximativement que le premier millénaire
chrétien se soit développé sous la direction de la première Église,
l’Église orientale, avec ses huit premiers conciles qui ont eu lieu en
Orient. Le deuxième millénaire a vu la domination incontestable de la
deuxième Église, l’Église de l’Occident, notre Église par excellence.
Dans le troisième millénaire, ce sera probablement la troisième Église,
l’Église du Tiers Monde, qui prendra le commandement, toujours dans le
cadre d’une unique Église catholique. » (W. BÜHLMANN, La Chiesa alle
soglie del terzo millennio, Dehoniane, Bologna 1990, pp.25-26)
[3] J.-B. METZ, Im Aufbruch zu einer kulturell
polyzentrischen Weltkirche, dans « Zeitschrift für Missionswissenschaft
», Münster i.W., (1986) 140.
[4] W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie del terzo
millennio, o.c., p. 28
[5] Bühlmann, le regard tourné vers l’essentiel de la
pensée conciliaire, propose une sorte de décalogue de l’Église,
véritablement une et culturellement polycentrique, au seuil du troisième
millénaire. Les commandements se situent à trois niveaux et traitent des
problèmes ecclésiaux, des problèmes relatifs aux continents
particuliers, et des problèmes mondiaux :
1. Vous respecterez le domaine de la raison :
l’autonomie de la science
2. Vous vous considérerez comme le peuple de Dieu :
les laïcs dans l’Église
3. Vous vous réconcilierez avec d’autres chrétiens :
l’œcuménisme
4. Vous vous solidariserez avec les pauvres. La
justice : l’Amérique Latine
5. Vous admirerez la grandeur du Créateur.
L’inculturation : l’Afrique
6. Vous reconnaîtrez le « Je suis » de tous les
peuples. Dialogue avec les religions : l’Asie
7. Vous accompagnerez les migrants nomades.
Sécularisation : l’Euro-amérique
8. Vous renforcerez les rangs des artisans de paix :
Iustitia et pax
9. Vous développerez la terre à l’image du ciel :
l’écologie et l’eschatologie
10. Vous rencontrerez le Dieu de l’histoire : la
mystique et la politique
(Ibidem, pp. 41-42).
[6] Cf. Jn 3,16
[7] Cf. Chr. DUQUOC, Liberazione e progressismo. Un
dialogo teologico tra l’America Latina e l’Europa, Cittadella, Assisi
1989.
[8] Cf. A. RIZZI, L’Europa e l’altro. Abbozzo di una
teologia europea della liberazione, Paoline, Cinisello Balsamo 1991.
[9] Cf. SYNODE DES ÉVÊQUES. ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR
L’EUROPE, Témoins du Christ libérateur, Paoline, Milano 1991 ; S.
PALUMBIERI, L’uomo e il futuro, II/Germi di futuro per l’uomo, Dehoniane,
Roma 1993, pp. 146-148
[10] Cf. : CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI,
Instruction sur la liberté chrétienne et la libération, Tip. Poliglotta
Vaticana, 1986
[11] P. DE CHARENTENAY, El desarollo del hombre de los
pueblos, Sal Terrae, Santander 1992 ; J. COMBLIN – J.I. GONZALES FAUS –
J. SOBRINO, Cambio social y pensamiento cristiano en América Latina,
Trotta, Madrid 1993 ; J. COMBLIN, Spirito Santo e liberazione,
Cittadella, Assisi 1991 ; CONFERENCIA EPISCOPAL PARAGUAYA, Sobre la
teologia de la liberacion, dans « Paginas » (1990) 92-113 ; O. MARSON,
Vangelo, chiesa e liberazione. Dibattito sulla teologia latinoamericana,
Concordia Sette, Pordenone 1992 ; B. MONDIN, Los teologos de la
liberacion, Edicep, Madrid 1992 ; J.B. LIBÂNIO, Teologia da libertaçno.
Roteiro didatico para um estudo, S. Paulo 1987.
[12] CELAM, Puebla. La evangelizacion en el presente y
en el futuro de América Latina, Bogota 1979.
[13] EPISCOPATO LATINOAMERICANO, Santo Domingo. IV
Conferenza generale, Dehoniane Bologna 1992.
[14] J. SOBRINO, Il martirio dei gesuiti salvadoregni,
La Piccola Editrice, Celleno 1990 ; ID., Resurreccion de la verdadera
Iglesia. Los pobres como lugar teologico de la eclesiologia, Santander
1989.
[15] Note Piersandro Vanzan : « L’importance de
l’Église latino-américaine n’est pas seulement quantitative, dans la
mesure où elle représente désormais 52% de l’Église universelle, mais
surtout qualitative : en effet, au cours de ces dernières années, elle a
proposé une série d’initiatives théologico-pastorales fort
intéressantes, comme, par exemple, les Communautés de Base, la théologie
de la libération, l’option préférentielle des pauvres, l’inculturation
de la foi comprise comme une force évangélisatrice des derniers, dans la
mesure où ils se réapproprient l’Évangile. » (P. VANZAN, Da Puebla a
Santo Domingo. L’« instrumentum laboris » della IV Conferenza Generale
dell’Episcopato Latinoamericano, dans « La Civiltà Cattolica » 3435
/1992/ 14-15).
[16] La dernière partie du document de Santo Domingo
contient une sorte de promotion intégrale des peuples de l’Amérique
Latine et des Caraïbes : « Que le cri des pauvres soit notre cri.
Assumons avec une nouvelle ardeur l’option évangélique préférentielle
des pauvres, en continuité avec Medellin et Puebla. Cette option, ni
exclusive ni excluante, illuminera – à la suite du Christ – toute notre
action évangélisatrice. Dans cette lumière, nous appelons à la promotion
d’un nouvel ordre économique, social et politique, conforme à la dignité
des personnes considérées d’une manière singulière et globale, donnant
des impulsions à la justice et à la solidarité, et leur ouvrant les
horizons de l’éternité. » ( EPISCOPATO LATINOAMERICANO, Messaggio ai
popoli dell’America Latina e dei Caraibi, in Santo Domingo. IV
Conferenza Generale, Conclusioni, pp. 132-133).
[17] Cf. : Lineamenta. La Chiesa in Africa e la sua
missione evangelizzatrice verso l’anno 2000 : Sarete miei testimoni.
C’est « la première étape du cheminement vers la célébration du Synode
pour l’Afrique. Le texte a été envoyé aux Conférences épiscopales de
l’Afrique et du Madagascar, le 24 juillet 1990. Il y a cinq objectifs
prévus : l’annonce, l’inculturation, le dialogue, la justice et la paix,
la communication sociale. » (Citation de W. Bühlmann, La Chiesa alle
soglie del terzo millennio, o.c., pp. 139-140).
[18] B. CHENU, Teologie cristiane dei Terzi Mondi :
teologia latinoamericana, teologia nera americana, teologia nera
sudafricana, teologia asiatica, Queriniana, Brescia 1988 ; A. PIERIS,
Una teologia asiatica della liberazione, Cittadella, Assisi 1990.
[19] Cf. : M. BLONDEL, L’azione, La Nuova Italia,
Firenze 1973. L’action, c’est l’intention, donc tension d’aller
continuellement au-delà de soi-même. C’est une dimension de
l’intelligence, qui agit tant comme activité théorique que comme
activité pratique. Elle embrasse à la fois la pensée et la volonté et
s’engage consciemment à subordonner le monde à l’homme. Elle débouche
dans la vie sociale, mais ne s’y épuise pas. En fait, comme expression
de l’autotranscendence incessante de l’homme, elle est conçue comme un «
invincible besoin de s’emparer de Dieu ». Ce suprême objectif de
l’action revient aux niveaux humains de l’exercice pour les élever et
leur redonner le sens. Cela signifie que l’action pousse l’homme qui
tente, sous forme opératrice, à ordonner le monde de telle manière que
sa volonté converge vers le bien de la communauté. On y découvre la
tendance vers Dieu, qui est le fondement de cette même communauté et
l’éperon décisif à son service.
[20] Bühlman remarque : « Le Cosmogral de l’architecte
autrichien Clemens Holzmeister devrait également être construit dans
d’autres endroits : une construction de huit chapelles circulaires,
disposées circulairement, représentant les huit régions du monde, et au
centre, donnant accès aux chapelles, un sanctuaire destiné à la prière
commune, aux occasions déterminées. Une musique utopique, paradisiaque,
pour le troisième millénaire ! » (W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie del
terzo millennio, o.c., p. 159).
[21] Col 1,3
[22] D. DAHRENDORF, Quadrare il cerchio, Laterza, Bari
1966
[23] Ibidem, p. 19
[24] Ibidem, p. 36
[25] Ibidem, p. 42
[26] Ibidem, p. 44
[27] E.N. LUTTWAK, La dittatura del capitalismo. Dove
ci porteranno il liberalismo selvaggio e gli eccessi della
globalizzazione, Mondadori, Milano 1999
[28] Ibidem, pp. 42-43
[29] Ibidem, p. 274
[30] Ibidem, p. 275
[31] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Laborem exercens,
N° 6 (1981)
[32] Ibidem, N° 23
[33] Ibidem, N° 13
[34] Dans le Tiers Monde, le dérèglement économique et
la libéralisation financière balayent l’apparence de l’avantage de
l’ouverture du marché du travail, qui conduit finalement à
l’exploitation des plus pauvres.
[35] Au cours de ces cinq dernières années aux USA,
les corporate profits – les profits des grandes corporations – ont
augmenté de 19%, alors que les salaires sont restés les mêmes : on dit
que les coûts de la globalisation doivent être payés par les ouvriers,
et que les énormes profits doivent aller aux investisseurs et aux
managers qui gèrent le capital investi. » (W. PFAFF dans « International
Herald Tribune – Los Angeles Time » (21 août 1999), repris par E.
CHIAVACCI, La terra è di tutti, in « In Dialogo », 3 /juin 1999/ 15).
[36] Le rapport de l’ONU de la fin du siècle de
l’agence UNDP pour le développement fait les comptes des porte-monnaie
des trois hommes les plus puissants de la planète. Il précise que le
revenu de Bill Gates, fondateur, président et majeur actionneur de
Microsoft, de Robinson Walton, qui contrôle la chaîne des supermarchés
Wal-Mart, et Haju Hassani Bolkiah, sultan de Brunei, égale la somme du
revenu des 43 pays les plus pauvres, situés en majorité en Afrique. Les
deux cent hommes les plus fortunés représentent une richesse comparable
au revenu de 41% de la population mondiale. On pourrait dire que les
trois empereurs économiques de la planète détiennent le pouvoir
d’acheter le travail de 43 nations.
[37] Jn 1,14
[38] Cf. Mt 19,30 ; 20,16 ; Mc 9,35 ; 10,31 ; Lc 13,30
[39] Lc 1,46-55
[40] Cf. Mt 25,31-46
[41] 1 Jn 3,14
[42] Cf. Ex 5,1
[43] L’Église qui construit le Règne (Cf. CONCILE
ŒCUMENIQUE VATICAN II, Lumen Gentium, N° 5) devrait pouvoir conjuguer au
présent, progressivement, le verbe de la loi du Règne. Ainsi : les
derniers deviennent les premiers. La plus grande surprise est celle de
trouver le Christ dans sa fraîcheur là, où on ne l’aurait pas attendu.
Souvent, ceux qui pourraient être considérés comme destinataires de
l’évangélisation, les derniers – y compris au niveau moral – deviennent
des évangélisateurs, donc instruments de communication, de la bonté et
de la puissance de l’amour du Dieu imprévisible. Significative est le
témoignage de Frei Betto sur son expérience parmi les derniers : « Le
Seigneur m’a jeté dans les souterrains de la vie et de l’histoire. Et
là, où je croyais autrefois pouvoir trouver seulement de la malice,
l’indifférence et le péché, j’ai trouvé la grâce, la fidélité, l’amour
et l’espérance (…) Le Christ n’a pas peur d’être tenté et diffamé,
d’être appelé Beelzéboul, amis des prostituées et des pécheurs. Il n’est
pas gêné d’être appelé ivrogne et glouton, irrespectueux de la loi et de
la tradition. Le Christ va là, où nous n’avons pas le courage d’aller.
Quand nous Le cherchons au temple, Il se trouve dans l’étable ; quand
nous Le cherchons parmi les prêtres, Il se trouve au milieu des pécheurs
; quand nous Le cherchons libre, Il est prisonnier ; quand nous Le
cherchons revêtu de gloire, Il est suspendu sur la croix couvert de
sang. Nous avons créé les frontières. Nous avons partagé le monde entre
les bons et les méchants. Nous pensons que Dieu se soumet à nos idées, à
nos préjugés, à notre rationalisation. Et pourtant : combien de fois
n’était-il pas assis sur les marches, devant notre porte, attendant un
morceau de pain. » (FREI BETTO, Dai sotterranei della storia, Mondadori,
Milano 1971).
[44] Cf. Rm 12,15
[45] A. NOLAN, Gesù prima del christianesimo. Un
vangelo di liberazione, Dehoniane, Bologna 1986, p. 199.
[46] Ibidem, p. 42
[47] Cf. CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Lumen Gentium,
N° 1
[48] Mt 5,9
[49] Dans une lettre écrite par le frère Roger Schutz,
pendant le Concile des jeunes à Taizé, nous lisons : « Une question
posée par le Christ te serre la gorge : lorsque le pauvre avait faim,
m’as-tu reconnu en lui ? Où étais-tu lorsque je partageais la vie du
plus misérable ? As-tu opprimé, si ce n’est-ce qu’une seule personne,
sur cette terre ? Lorsque je disais : « Malheur aux riches », riches en
argent, riches en dogmatisme, as-tu préféré les mirages de la richesse ?
Ta lutte ne peut être vécue dans une girouette d’idées qui ne se
concrétisent jamais. Brise l’oppression des pauvres et des exploités :
en témoin stupéfait, tu verras surgir des signes de la résurrection sur
la terre. Partage tes biens en vue d’une plus grande justice. Que
personne ne soit victime de soi-même. Frère de tous, frère universel, va
avec détermination vers l’homme qui ne compte pas, vers les exclus. »
(Taizé – Il concilio dei giovani. Perché ?, Morcellana, Brescia 1975.
[50] COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET PAX », Un
approccio etico al debito internazionale, Elle Di Ci, Leumann (Torino)
1987
[51] Cf. Mt 13,24-30
[52] Mc 4,11-12 ; cf. Mt 11,25-26
[53] 2 Th 2,7
[54] Cf. Mt 5,13-14
[55] Cf. Jn 3,16
[56] Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 34
[57] Mc 1,1
[58] JEAN XXIII, Discours lors de l’ouverture
solennelle du Concile (11.10.1962)
[59] Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 37-44
[60] Cf. D. BONHOEFFER, Lettres à un ami
L’un des textes les plus connus, qui peut exprimer
cette attention bonhoefferienne accordée à l’homme, est le suivant : «
Être chrétien ne signifie pas être religieux d’une manière déterminée,
faire quelque chose de soi (…) d’une manière méthodique, mais être
chrétien signifie être homme ; en nous, le Christ ne créé pas un type
d’homme, mais l’homme. » (ID., Resistenza e resa, o.c., p. 441). C.
Cantone commente ce texte : « Probablement, aujourd’hui c’est le point
d’accostage de l’expérience chrétienne, jointe ainsi, je le crois, à un
stade de « maturité » ultérieure, comme expérience, précisément,
d’identification kénotique radicale de Dieu avec l’homme : une
expérience non plus « sacrée » (avec toutes les « barrières » et «
séparations » qu’implique le sacré), mais véritablement « séculière » de
Dieu, et donc toujours ouverte (…) au pluralisme humain (…) des « voies
», à travers lesquelles, précisément dans la révélation (…) de la «
vérité de l’homme », qui ne peut être que « la vérité-amour-communion
libératrice », se révèle finalement la « Vérité-Amour-Communion
libératrice » salvifique de Dieu ». (C. CANTONE, Rilievi introduttivi :
per una coscienza religiosa planetaria, dans « Cronache e commenti di
studi religiosi, 5/Religione e religioni », /Quaderni di Salesianum 16,
LAS, Roma 1989, pp. 17-18).
[61] « L’analphabète secondaire est le produit de la
phase la plus actuelle de l’industrialisation. Dans les sociétés
industrielles avancées, l’analphabète qui signe avec un signe de la
croix dérange et doit être éliminé. L’analphabète secondaire, par
contre, est utile, parce qu’il peut être n’importe qui : un dirigeant,
un homme politique, un simple ouvrier, un homme habilité à signer les
chèques ou à déchiffrer un diagramme statistique… Il est marqué par un
trait caractéristique : c’est un homme qui fondamentalement ne comprend
pas ce qui se passe. Pour lui, la télévision est le médium idéal (…).
L’ancienne conception de la culture bourgeoise disait à peu près : si tu
n’as pas lu les classiques, tu ne feras pas partie du club. Ce n’est
plus vrai. Aujourd’hui, une bonne partie de la bourgeoisie a choisi
l’analphabétisme secondaire. Je connais un bon nombre de dirigeants qui
ne lisent jamais rien, bien qu’ils ne manquent pas d’occasions et de
stimuli. Leur choix de devenir des analphabètes secondaires est donc
clairement délibéré. » H.M. ENZENSBERGER, dans une interview à « La
Repubblica-Mercurio » /30.6.1990/ 13. Cf. S. Palumbieri, L’uomo e il
futuro, II, p. 227.
[62] AUGUSTIN, De catechizandis rudibus, PL 40,309-348
[63] V.-E. FRANKL, Psychotherapy and existentialism.
Selected papers on Logotherapy, Washington Square Press – Pocket Books,
New York (NY) 1985, p. 107.
[64] St François de Sales cité par JEAN-PAUL II, dans
Christifideles laici, N° 56.
[65] Cf. S. PALUMBIERI, Laici nuovi per un umanesimo
nuovo, dans AA.VV., Laici per una nuova evangelizzazione. Studi
sull’esortazione apostolica « Christifideles laici » di Giovanni Paolo
II, a cura di M. Toso, Elle Di Ci, Leumann (Torino) 1990, pp. 157-184.
[66] JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 46.
[67] Ibidem.
[68] PAUL VI, Discorso per la chiusura dell’Anno Santo
(15.12.1975), dans AAS 68 (1976) 143-145, cit. p. 145.
[69] Cf. S. PALUMBIERI, Un « Magnificat » per il Terzo
Millennio. Dimensione antropologica del Cantico, Paoline, Milano 1998,
pp. 108-114.
[70] Cf. A.O. HIRSCHMANN, Tre continenti. Economia,
politica e sviluppo della democrazia in Europe, Stati Uniti e America
Latina, Einaudi, Torino 1990 ; P.W. PHILLIPS, Wheat, Europe and the
GATT. A political economy analysis, Pinter, London 1990 ; J.M. VAN
BRABANT, Remaking Eastern Europe. On the political economy of
transition, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht 1990 ; L. SPAVENTA,
The political economy of European monetary integration, « Quarterly
Review – Bancoper », 172 (3/1990) 3-19 ; P. CIOCCA, L’unione monetaria
d’Europe fra politica ed economia, in « Impresa Banca », 3 (9/1990)
13-17 ; S.M. CHERIAN, End- Independent legal rules and the political
economy of expanding market societies of Europe, in « Univ. Essex
Department of Economics. Discussion paper », 372 (1990) ; AA.VV.,
Prepararsi all’Europa, III/Unione politica e sviluppo economico, a cura
della Confindustria, SIPI, Roma 1992 ; G. GOMEL – S. REBECCHINI,
Migrazioni in Europa. Andamenti, prospettive, indicazioni di politica
economica, Banca d’Italia, Roma 1992 ; A. KOEVES, Central and East
European economies in transition. The international dimension, Westview,
Boulder 1992 ; D. LORENZ, Economic geography and the political economy
of regionalization. The example of Western Europe, dans « American
Economic Review – Paper & proceedings », 2 (5/1992) 84-87 ; « European
Journal of Political Economy », 1 (2/1992) (contient, entre autres, des
articles de S.M.R. KAMBUR, Policy choice and political constraints, pp ;
1-29 ; U. BROLL – J.E. WAHL, International investments and exchange rate
risk, pp. 31-40 ; C. WEINHARDT, How to measure price progression. A
first axiomatic approach, pp. 115-127).
[71] A.O. HIRSCHMANN, The continenti. Economia
politica e sviluppo della democrazia in Europa, Stati Uniti e America
Latina, o.c. ; P.R. KRUGMAN, Il silenzio dell’economia. Una politica
economica per un’epoca di aspettative deboli, Garzanti, Milano 1991 ;
F.TH. CARGILL – SH. ROYAMA, Il processo di trasformazione dei sistemi
finanziari. Le esperienze giapponese e statiunitense a confronto,
Cariplo, Milano 1991.
[72] AA.VV., Dalle armi alle urne. Economia, società e
politica nell’America Latina degli anni Novanta, a cura di G. Urbani –
F. Ricciu, Il Mulino, Bologna 1991 ; AA.VV., The political economy of
agricultural pricing policy, I/Latin America, a cura di A. Valdes – A.
Krueger, M.W. Schiff, John Hopkins Univers. Press for the World Bank,
Baltimore 1991 ; M. PLANE – A. TRENTO, L’America Latina nel XX secolo.
Economia e società. Istituzioni e politica. Ponte alle Grazie, Firenze
1992.
[73] H. ASSMANN – F. HINKELAMMERT, A idolatria do
mercato. Ensaio sobre economia e teologia, Vozes, S. Paulo 1989.
[74] Cf. COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET PAX »,
La Chiesa e il problema dell’alloggio, Lettre de Jean-Paul II du
27.12.1987, dans Enchiridion Vaticanum, 10/ 1986-1987, Dehoniane,
Bologna 1989, §§ 2425-2502, pp. 1636-1697.
[75] Cf. B.M. MAGUBANE, The political economy of race
and class in South Africa, Monthly Review Press, New York – London 1979
; AA.VV., Apartheid – Capitalism or socialism ? The political economy of
the causes, consequences and cure of the colour bar in South Africa, a
cura dell’Institute of Economic Affairs, IEA, London 1986 ; AA.VV.,
Adjustment or… The African experience, a cura di A. Mahjoub, (=The UN
University Studies in African Political Economy), ZED, London 1990 ; S.
AMIN, Maldevelopment. Anatomy of a global failure, (=The UN University :
3rd World Forum Studies in African Political Economy), ZED, London 1990
; AA.VV., Economic policies for a new South Africa, a cura di D.
Lachmann – K. Bercuson, International Monetary Fund, Washington 1992 ;
AA.VV., The political economy of agricultural pricing policy, III/Africa
and the Mediterranean, a cura di A. Valdes – A.O. Krüger – M.W. Schiff,
J. Hopkins Univ. Press for the World Bank, Baltimore 1992.
[76] « Selon les estimations de l’OMS, le continent
compte déjà au moins cinq millions d’adultes séropositifs et 700.000
malades. (…) Selon les prévisions de l’OMS, le continent pourrait
compter, d’ici la fin du siècle, entre 20 et 25 millions de
séropositifs. Déjà, surtout en Afrique orientale (…), des villages
entiers sont décimés, sans parler des villes, parmi lesquelles certaines
comptent jusqu'à 30% de séropositifs. » (Il mondo dopo il crollo del
communismo e la guerre del Golfo. Verso un nuovo ordine mondiale ?,
editorial, dans « La Civiltà Cattolica », 3401 /1992/ 417-430, cit. p.
426).
[77] Il est symptomatique de noter que « le programme
de l’ONU pour le développement de l’Afrique 1986-1990, adopté en mai
1986, s’est montré gravement défaillant. La dette du continent a
augmenté d’environ 20 milliards de dollars par an au cours de la
décennie. » (CL. BRISSET, Famines et guerres en Afrique subsaharienne,
dans « Le Monde diplomatique » /juin 1991/ 8-9).
[78] A. ZANOTELLI, Il coraggio dell’utopia, o.c.,
p.27.
Ce témoignage crédible sur le marasme africain,
produit du colonialisme, rapporte en synthèse les statistiques de la
Banque mondiale qui « nous aident à comprendre où va l’Afrique, et la
tragique du moment qu’elle est en train de vivre. Selon les calculs de
la Banque, en 1980 environ 60% de la population africaine vivait en
dessous du seuil de la pauvreté absolue. La pauvreté absolue est définie
par l’ex-ministre de la défense américaine, McNamara, comme une
condition de vie tellement limitée par la malnutrition,
l'analphabétisme, la maladie, la haute mortalité enfantine, la basse
espérance de vie, qu’elle est en dessous de toute définition rationnelle
de la décence humaine. La Banque mondiale prévoit que, si l’économie
continue à se développer au rythme actuel, en Afrique, en 1995, 80% de
la population vivra en dessous du seuil de la pauvreté absolue. C’est la
tragédie d’un continent, et tout particulièrement la tragédie des
enfants qui naissent dans un avenir bloqué. » (Ibidem, pp. 27-28).
[79] « Dans les pays comme le Bénin, le Congo, le
Gabon, le Togo, le Zaïre et le Mali, des évêques catholiques ont été
élus pour présider les Conférences nationales de toutes les forces vives
(dans certains cas, il s’agit de vraies Assemblées constitutionnelles)
chargées d’élaborer de nouvelles constitutions et de préparer les
élections politiques. » (E. TRESOLDI, Africa perla preziosa, dans «
Jesus », 15/3 /1993/ 98-102, cit. p. 102).
[80] J.P. LEHMANN, Politics and the Pacific economic
miracle. Dictatorship and development in Pacific Asia – Wider
implications, dans « International Affairs », 4 (1985) 591-606 ; AA.VV.,
Il Sud-Et asiatico nell’anno della tigre. Rapporto 1987 sulla situazione
ed economica dell’area, a cura dell’Institute of Southeast Asian Studies,
Fondaz. Agnelli, Torino 1988 ; AA.VV., Il Sud-Est asiatico nell’anno del
serpente. Rapporto 1989…, Torino 1990 ; G. FODELLA, Dove va l’economia
giapponese. L’Estasia verso l’egemonia economica mondiale, La Nuova
Italia Scientifica, Roma 1989 ; S. MANZOCCHI, The political economy of
EEC-Asian NIC’s relations. A structuralist perspective on 1992, dans «
Rivista di diritto valutario e di economia internazionale », I (3/1991)
45-61 ; AA.VV., Modernization in East Asia. Political, aconomic and
social perspectives, a cura di R.H. Brown – W.T. Lui, Praeger, Westport
1992 ; AA.VV., The political economy of agricultural pricing policy, II/Asia,
a cura di A. Valdes – A.O. Krüger – M.W. Schiff, J. Hopkins Univ. Press
for The World Bank, Baltimore 1992.
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