
Un homme plante le drapeau des
insurgés libyens, dimanche 21 août, à Maïa, à 25 kilomètres à
l'ouest de Tripoli.REUTERS/BOB STRONG
Les rebelles libyens ont pénétré, dimanche 21 août, dans la
capitale du pays. Lundi matin, de violents combats se déroulaient
autour de la résidence de
Mouammar Kadhafi. Dans la nuit de dimanche à lundi, les rebelles
affirmaient
tenir toute la ville, excepté ce bâtiment dans lequel Kadhafi
serait toujours, a indiqué lundi une source diplomatique.
 | les rebelles progressent dans Tripoli |
Des combattants rebelles ont atteint, dans la soirée, la place
Verte, dans le centre de la capitale libyenne. La télévision
britannique
Sky News a diffusé des images montrant une foule d'hommes en
liesse, agitant des drapeaux rouge, noir, vert, aux couleurs de la
rébellion, dansant et scandant "Allah Akbar" ("Dieu est
grand") tout en tirant en l'air. Selon un porte-parole des rebelles
s'exprimant sur Al-Jazira, les forces fidèles à Kadhafi ne contrôlent
plus que 15 à 20 % du territoire.
Des chars ont été vus quittant le quartier général fortifié de
Kadhafi à Tripoli, rapporte également la chaîne arabophone lundi
matin, citant une source rebelle. Selon une source diplomatique, le
dirigeant libyen serait toujours dans sa résidence, qui comporte
plusieurs bunkers.
La progression des opposants à Kadhafi, arrivés notamment par la
mer, s'est accélérée à
partir de samedi dans la région de Tripoli. Aux premières heures,
lundi, ils affirmaient
contrôler tout Tripoli, à l'exception du complexe de
Bab Al-Azizah, résidence du Guide de la révolution. Dans la
journée de dimanche, les rebelles ont pénétré dans les banlieues de
Tripoli et se sont dirigés dans le centre-ville. Selon des
journalistes sur place, ils n'ont rencontré qu'une très faible
résistance et ont été salués par les habitants de ces zones. Ils se
sont emparés d'une caserne de la brigade Khamis, unité d'élite réputée
comme la mieux entraînée, commandée par l'un des fils de Kadhafi,
auquel elle doit son nom.
Dans la matinée, alors que les premiers rebelles atteignaient les
faubourgs de la ville, le régime reconnaissait des infiltrations
"de groupes isolés". Les autorités avaient alors adressé des
messages sur les téléphones portables appelant "le peuple à
sortir dans toutes les villes pour
éliminer les traîtres et les agents avec des armes et pour les
piétiner".

Un rebelle libyen célèbre l'avancée
vers Tripoli, dimanche 21 août, à Maïa.REUTERS/BOB STRONG
De violents affrontements ont eu lieu, dimanche après-midi, à
proximité de l'hôtel Rixos, qui abrite la presse étrangère dans le
centre de Tripoli. Les membres de la direction de l'hôtel ainsi que
son chef, de nationalité suisse, ont quitté l'établissement. Ce
dernier a affirmé que les employés avaient reçu des appels
téléphoniques de personnes menaçant de
prendre d'assaut l'hôtel parce qu'il y héberge des officiels.
Le Conseil national de transition a assuré
avoir fait prisonnier le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf Al-Islam,
pressenti pour
succéder à son père à la tête du régime. "Il est dans un lieu
sûr, sous garde renforcée, en attendant qu'il soit déféré à la
justice", a indiqué le chef des rebelles à Benghazi dans une
interview à Al-Jazira. Une information qui a été confirmée par le
procureur de la Cour pénale internationale.
Le sort de
Mohamed Kadhafi, le frère aîné de Saïf, reste plus incertain.
D'après Al-Jazira, il s'est rendu aux rebelles. Mohamed Kadhafi est le
président du Comité olympique libyen et s'occupe des secteurs de la
poste et des télécommunications.
"Cette nuit, le mouvement contre le régime Kadhafi a atteint un
point de non-retour. Tripoli se libère de la poigne du tyran, a
affirmé dimanche le président américain, Barack Obama, dans un
communiqué. Le régime de Kadhafi montre des signes d'agonie. Le
peuple libyen est en train de
montrer que l'aspiration universelle à la dignité et à la liberté
est bien plus forte que la poigne de fer d'un dictateur."
La plus sûre façon d'éviter
un bain de sang est simple, affirme le président américain :
"Mouammar Kadhafi et son régime doivent
reconnaître que leur règne a pris fin." M. Obama a également
appelé les rebelles libyens qui sont entrés dans Tripoli à
respecter les droits de la population,
préserver les institutions de l'Etat et
marcher vers la démocratie.
Dimanche, le
New York Times
rapportait que les Etats-Unis avaient intensifié ces derniers
jours leur activité aérienne autour de Tripoli, en utilisant notamment
des drones armés, ce qui a pu
contribuer à
faire
pencher la balance en faveur des rebelles libyens.
Une centaine de libyens se sont rassemblés dans la nuit de dimanche
à lundi devant la
Maison Blanche, à Washington, priant, criant, agitant des drapeaux
des rebelles et chantant en chœur: "La Libye est libre, merci
Sarkozy, thank you Obama".
 | "Il reste une semaine, au maximum dix jours, au régime" |
L'ancien numéro deux du régime libyen
Abdessalam Jalloud, qui a fui Tripoli vendredi et se trouve en
Italie, a estimé dimanche que le colonel Kadhafi n'avait plus de temps
à sa disposition pour
négocier son départ du
pouvoir et risquait d'être
tué. "Je crois qu'il reste une semaine, au maximum dix jours, au
régime, et peut-être moins", a estimé M. Jalloud dans une
interview.
"[Kadhafi] n'a aucun moyen de
quitter Tripoli. Toutes les routes sont bloquées. Il peut
seulement
partir sur la base d'un accord international et je pense que cette
porte est fermée", a-t-il poursuivi. Par ailleurs, la brigade
chargée de la sécurité de Kadhafi s'est rendue, a annoncé Al-Jazira.
 | Le porte-parole du régime appelle à
cesser les combats et à négocier
|
Le porte-parole du régime,
Moussa Ibrahim, s'est exprimé à la télévision dans la soirée de
dimanche. Il a déploré que la bataille de Tripoli se soit soldée par
un bilan humain qui est "au-delà de l'imaginable", évoquant
mille trois cents morts dans les dernières vingt-quatre heures.
Pour M. Ibrahim, Tripoli était une ville calme et sûre avant que
les rebelles – des "gangs armés" – et l'OTAN ne la mette à
feu et à sang. Il a exhorté les rebelles à
cesser le combat et à
négocier, ce à quoi, a-t-il assuré, Kadhafi était disposé.
 | Pour l'OTAN, "la fin est proche"
|
Les puissances occidentales engagées en Libye ont assuré que
l'issue était proche. "Il est clair, d'après les scènes auxquelles
nous assistons à Tripoli, que la fin est proche pour Kadhafi", a
déclaré dans un communiqué le bureau du premier ministre britannique,
David Cameron. Ce dernier a abrégé ses vacances en Cornouailles et
est rentré à Londres dans la nuit pour
présider lundi matin une réunion du Conseil national de sécurité
sur le Libye.
Pour la Maison Blanche, les jours du colonel Kadhafi en tant que
dirigeant sont "comptés" tandis que
Nicolas Sarkozy assure que "l'issue ne fait désormais plus de
doute". Rome affirme que la "tragédie" du conflit
"touche à sa fin". L'OTAN estime pour sa part que "ce à quoi
nous sommes en train d'assister
ce soir est l'effondrement du régime".
Dans un message audio diffusé à la télévision d'Etat, tard dans la
soirée de dimanche, Mouammar Kadhafi a invité les Libyens à
"sauver Tripoli". "Il s'agit d'une obligation pour tous les Libyens.
C'est une question de vie ou de mort", a-t-il dit dans ce
troisième enregistrement en deux jours.
Plus tôt dans la journée, Kadhafi avait affirmé qu'il ne se
rendrait pas et sortirait "victorieux" de la bataille de
Tripoli. "Nous ne nous rendrons pas. Nous n'abandonnerons pas
Tripoli aux occupants et à leurs agents. Je suis avec vous dans cette
bataille, a martelé Kadhafi. Nous ne nous rendrons jamais et,
grâce à Dieu, nous sortirons victorieux."
Le Monde.fr