Ratzinger a de nouveau rompu le silence. Afin d’avertir qu’un dialogue
qui renoncerait à la vérité "est mortel" pour la propagation de la foi
chrétienne. Et donc aussi pour la diffusion de cette "joie de l’Évangile"
qui figure dans le programme du pape François .>>>>>
le blog Chiesa
"LA RENONCIATION À LA VÉRITÉ EST MORTELLE POUR LA
FOI" par Benoît XVI
Le silence du pape émérite, depuis sa renonciation en
février 2013, a été rompu le 21 octobre dernier par un message à l'Urbanienne.
Celle université pontificale — missionnaire par excellence — a décidé de
donner à son Aula Magna le nom du pape Benoît. Dans son texte, sûrement
publié avec l’accord du pape François, Benoît XVI propose une réflexion
sur l’évangélisation qui bannit toute tentation relativiste, syncrétique
ou laïciste elle-même, comme si le renoncement à la vérité était la
condition de la paix : le dialogue ne peut pas remplacer la joie de
l’annonce de la vérité. Et c’est un « devoir de la raison »…
Voici la
traduction du texte intégral proposé par
le blog Chiesa du vaticaniste Sandro Magister.
DOCUMENT
LE DIALOGUE PEUT-IL REMPLACER LA MISSION ?
« Je voudrais, en premier lieu, adresser mes remerciements les plus
chaleureux à M. le recteur et aux autorités académiques de l’Université
pontificale urbanienne, aux responsables administratifs et aux
représentants des étudiants, pour leur proposition de donner mon nom à
l’amphithéâtre qui vient d’être remis à neuf. Je voudrais remercier de
manière tout à fait particulière le cardinal Fernando Filoni, grand
chancelier de cette Université, qui a accueilli favorablement cette
initiative. C’est pour moi un motif de grande joie que de pouvoir être
ainsi associé de manière permanente aux travaux de l’Université
pontificale urbanienne.
Au cours des différentes visites que j’ai eu l’occasion d’y faire à
l’époque où j’étais préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi,
j’ai été à chaque fois frappé par l’atmosphère d’universalité que l’on
perçoit dans cette université, où des jeunes gens provenant de
pratiquement tous les pays de la Terre se préparent pour servir l’Évangile
dans le monde actuel. Aujourd’hui aussi, en moi-même, je vois face à moi,
dans cet amphithéâtre, une communauté constituée d’un très grand nombre de
jeunes gens, qui nous font percevoir de manière vivante l’extraordinaire
réalité de l’Église catholique.
“Catholique” : cette définition de l’Église, qui fait partie de la
profession de foi depuis les temps les plus anciens, porte en elle-même
quelque chose de la Pentecôte. Elle nous rappelle que l’Église de
Jésus-Christ n’a jamais concerné un peuple seulement ou une culture
seulement, mais que, depuis les origines, elle était destinée à
l’humanité. Les derniers mots que Jésus ait adressés à ses disciples ont
été : “De toutes les nations faites mes disciples” (Mt 28, 19). Et, au
moment de la Pentecôte, les apôtres ont parlé
toutes les langues, ce qui
leur a permis de manifester, grâce à la force du Saint-Esprit, toute
l’ampleur de leur
foi.
La question de la vérité
À partir de ce moment-là, l’Église s’est véritablement développée sur
tous les continents. Votre présence, chères étudiantes et chers étudiants,
est un reflet du visage universel de l’Église. Le prophète Zacharie avait
annoncé un royaume messianique qui s’étendrait d’une mer à l’autre et qui
serait un royaume en paix (Za 9, 9s.). Et en effet, dans tous les endroits
où l’Eucharistie est célébrée et où les hommes ne forment plus entre eux,
à partir du ( ...EN le ...) Seigneur, qu’un seul corps, il y a quelque
chose de cette paix
que Jésus-Christ avait promis de donner à ses disciples. Vous, chers amis,
soyez des artisans de cette paix que, dans un monde déchiré et violent, il
devient de plus en plus urgent de construire et de protéger. C’est pour
cette raison que le travail de votre université, dans laquelle vous voulez
apprendre à connaître Jésus-Christ de plus près afin de pouvoir devenir
ses témoins, est tellement important.
Le Seigneur ressuscité a chargé ses apôtres - et à travers eux ses
disciples de toutes les époques - de faire connaître sa parole jusqu’aux
extrémités de la terre et de faire de tous les hommes ses disciples. Le
concile Vatican II, en reprenant dans le décret “Ad gentes” une tradition
constante, a mis en lumière les raisons profondes de cet envoi en mission
et c’est avec une force renouvelée qu’il l’a ainsi assigné à l’Église
d’aujourd’hui.
Mais, aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui se demandent, à
l’intérieur de l’Église comme à l’extérieur, si cet envoi a encore de la
valeur actuellement. La mission est-elle encore véritablement un caractère
d’actualité ? Est-ce qu’il ne serait pas plus approprié de se rencontrer
dans le dialogue entre les religions et de servir ensemble la cause de la
paix dans le monde ? La contre-question est la suivante : le dialogue
peut-il remplacer la mission ?
Aujourd’hui, en effet, il y a un grand nombre de gens qui pensent que
les religions devraient se respecter mutuellement et qu’elles devraient,
en dialoguant entre elles, devenir une force commune de paix. Dans cette
manière de penser, un présupposé que l’on rencontre dans la plupart des
cas est que les différentes religions constituent des variantes d’une
seule et même réalité ; que “religion” est le genre commun, qui prend des
formes différentes en fonction des différentes cultures, mais qui exprime
en tout cas une même réalité. La question de la vérité, qui à l’origine
préoccupait les chrétiens plus que tout le reste, est dans ce cas-là mise
entre parenthèses. On présuppose que l’authentique vérité en ce qui
concerne Dieu est, en dernière analyse, impossible à atteindre et que,
tout au plus, on ne peut rendre présent ce qui est ineffable qu’en
recourant à des symboles variés. Cette renonciation à la vérité semble
réaliste et utile à la paix entre les religions du monde.
Et cependant elle est mortelle pour la foi. En effet, la foi perd son
caractère contraignant et sérieux si tout se réduit à des symboles qui, au
fond, sont interchangeables et ne peuvent renvoyer que de loin à
l’inaccessible mystère du divin.
Chers amis, vous voyez que le problème de la mission nous place non
seulement face aux questions fondamentales de la foi mais également face à
la question de savoir ce qu’est l’homme. Dans le cadre de cette brève
allocution, je ne peux évidemment pas essayer d’analyser de manière
exhaustive cette problématique qui, aujourd’hui, nous concerne tous
profondément. Mais en tout cas je voudrais au moins faire allusion à la
direction que devrait prendre notre pensée. Je le fais à partir de deux
points de départ différents.
I- La religion, les religions
1. L’opinion commune est que les religions sont, pour ainsi dire,
placées les unes à côté des autres, comme les continents et les différents
pays le sont sur une carte géographique. Mais ce n’est pas exact. Les
religions sont en mouvement au niveau historique, comme le sont les
peuples et les cultures. Il existe des religions qui sont en attente. Les
religions tribales sont de ce type : elles ont leur moment historique et
pourtant elles sont en attente d’une rencontre plus élevée qui les
conduise à la plénitude.
Nous, en tant que chrétiens, nous sommes convaincus que, de manière
silencieuse, elles attendent la rencontre avec Jésus-Christ, la lumière
qui provient de lui et qui, seule, peut les conduire complètement à leur
vérité. Et le Christ les attend. Leur rencontre avec lui n’est pas
l’irruption d’un étranger qui détruit leur culture et leur histoire.
C’est, au contraire, l’entrée dans quelque chose de plus grand vers quoi
elles sont en marche. C’est pour cela que cette rencontre est toujours, à
un moment donné, une purification et un mûrissement. D’autre part, la
rencontre est toujours quelque chose de réciproque. Le Christ attend leur
histoire, leur sagesse, leur vision des choses.
Aujourd’hui nous découvrons également, de manière de plus en plus
nette, un autre aspect : tandis que dans les pays où s’est construite sa
grande Histoire, le christianisme s’est, à bien des points de vue, fatigué
et où certaines branches du grande arbre issu du grain de sénevé dont
parle l’Évangile se sont desséchées et tombent à terre, une nouvelle vie
naît de la rencontre des religions en attente avec le Christ. Là où il n’y
avait que de la fatigue, de nouvelles dimensions de la foi se manifestent
et apportent de la joie.
2. La religion, en soi, n’est pas un phénomène unitaire. Il faut
toujours y distinguer plusieurs dimensions. D’une part il y a la grandeur
de la tension vers le Dieu éternel, au-delà du monde. Mais, d’autre part,
on y trouve des éléments qui sont nés de l’histoire des hommes et de leur
pratique de la religion. Parmi ces éléments, on peut certainement
découvrir des choses qui sont belles et nobles, mais également d’autres
choses qui sont basses et destructrices, lorsque l’égoïsme de l’homme
s’est emparé de la religion et que, au lieu d’en faire une ouverture, il
l’a transformée en une fermeture à l’intérieur de son propre espace.
Voilà pourquoi la religion n’est jamais simplement un phénomène
uniquement positif ou uniquement négatif : les deux aspects y sont
mélangés. À ses débuts, la mission chrétienne a surtout perçu de manière
très forte les éléments négatifs des religions païennes auxquelles elle
était confrontée. C’est pour cette raison que l’annonce chrétienne a été,
dans un premier temps, extrêmement critique à l’égard de la religion. Ce
n’est qu’en dépassant leurs traditions, qu’elle considérait en partie
comme étant même démoniaques, que la foi a pu développer sa force
rénovatrice. Sur la base d’éléments de ce genre, le théologien évangélique
Karl Barth a mis en opposition la religion et la foi, portant un jugement
absolument négatif sur la première, perçue comme comportement arbitraire
de l’homme qui tente, à partir de lui-même, de saisir Dieu.
Dietrich Bonhoeffer a repris cette manière de voir, en se prononçant en
faveur d’un christianisme “sans religion”. Il s’agit indubitablement d’une
vision unilatérale qui ne peut être acceptée. Et cependant il est correct
d’affirmer que toute religion, pour rester dans ce qui est juste, doit
aussi, en même temps, se montrer toujours critique vis-à-vis de la
religion. Il est clair que cela s’applique, dès ses débuts et en raison de
sa nature, à la foi chrétienne, qui, d’une part, considère avec beaucoup
de respect la profonde attente et la profonde richesse des religions,
mais, d’autre part, considère également de manière critique ce qui est
négatif. Il va de soi que la foi chrétienne doit sans cesse développer
cette force critique, y compris à l’égard de sa propre histoire
religieuse.
Pour nous, les chrétiens, Jésus-Christ est le Logos de Dieu, la lumière
qui nous aide à établir une distinction entre la nature de la religion et
la distorsion dont elle fait l’objet.
3. À notre époque, on entend avec de plus en plus de force la voix de
ceux qui veulent nous convaincre que la religion en tant que telle est
dépassée. C’est la raison critique qui devrait, seule, orienter l’action
de l’homme. Derrière de telles idées, on trouve la conviction que, à
travers la pensée positiviste, la raison dans toute sa pureté a
définitivement pris le dessus. En réalité, cette manière de penser et de
vivre est, elle aussi, conditionnée historiquement et liée à des cultures
historiques déterminées. La considérer comme la seule valable, ce serait
diminuer l’homme, en lui retirant des dimensions essentielles de son
existence. L’homme devient plus petit, et non pas plus grand, lorsqu’il
n’y a plus de place pour un ethos qui, sur la base de sa nature
authentique, renvoie au-delà du pragmatisme, lorsqu’il n’y a plus d’espace
pour le regard tourné vers Dieu. Le domaine propre de la raison
positiviste se trouve dans les grands champs d’action de la technique et
de l’économie, et cependant elle n’épuise pas tout l’humain. Par
conséquent, c’est à nous, les croyants, qu’il revient de rouvrir sans
cesse les portes qui, au-delà de la simple technique et du pur
pragmatisme, conduisent à toute la grandeur de notre existence, à la
rencontre avec le Dieu vivant.
II- Le devoir de transmettre
1. Ces réflexions, qui sont peut-être un peu difficiles, devraient
montrer que même aujourd’hui, dans un monde qui a été profondément
transformé, la mission de faire connaître aux autres hommes l’Évangile de
Jésus-Christ reste quelque chose de raisonnable.
Et cependant il y a également une seconde manière, plus simple, de
justifier cette mission à notre époque. La joie exige d’être
communiquée. L’amour exige d’être communiqué. La vérité exige d’être
communiquée. Celui qui a reçu une grande joie ne peut pas la conserver
simplement pour lui-même, il doit la transmettre. On peut dire la même
chose pour le don de l’amour, pour le don de reconnaître la vérité qui se
manifeste.
Lorsqu’André a rencontré le Christ, il n’a pas pu faire autrement que
de dire à son frère : “Nous avons trouvé le Messie” (Jn 1,41). Et
Philippe, à qui il a été donné de faire une rencontre semblable, n’a pas
pu faire autrement que de dire à Nathanaël qu’il avait trouvé celui dont
avaient parlé Moïse et les prophètes (Jn 1,45). Si nous annonçons
Jésus-Christ, ce n’est pas pour que notre communauté compte le plus grand
nombre possible de membres ; et encore moins pour le pouvoir. Nous parlons
de Lui parce que nous sentons que nous avons le devoir de transmettre
cette joie qui nous a été donnée.
Nous serons des annonciateurs crédibles de Jésus-Christ lorsque nous
l’aurons véritablement rencontré au plus profond de notre existence,
lorsque, à travers notre rencontre avec Lui, la grande expérience de la
vérité, de l’amour et de la joie nous aura été donnée.
2. La profonde tension entre l’offrande mystique à Dieu, dans laquelle
on se donne totalement à lui, et la responsabilité envers le prochain et
envers le monde qu’il a créé fait partie de la nature de la religion.
Marthe et Marie sont toujours indissociables, même si, d’une fois à
l’autre, l’accent peut être mis plutôt sur l’une ou plutôt sur l’autre.
Le point de rencontre entre les deux pôles est l’amour, dans lequel nous
touchons à la fois Dieu et ses créatures.
“Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru”
(1 Jn 4,16) : cette phrase exprime la nature authentique du christianisme.
L’amour, qui se réalise et se reflète sous des formes multiples dans les
saints de tous les temps, est la preuve authentique de la vérité du
christianisme.
Benoît XVI,
21 octobre 2014
http://benoit-et-moi.fr/2015-II/
(...) j’ai toujours su que dans cette barque, il y a le Seigneur et
j’ai toujours su que la barque de l’Église n’est pas la mienne, n’est pas
la nôtre, mais est la sienne. Et le Seigneur ne la laisse pas couler ...
Je continuerai à accompagner le chemin de l’Église par la prière et la
réflexion, avec ce dévouement au Seigneur et à son Épouse que j’ai cherché
à vivre jusqu’à aujourd’hui chaque jour et que je voudrais vivre toujours.
(Benoît XVI, 27 février 2013)
http://benoit-et-moi.fr/2015-I/
Oui, je rends grâce à Dieu car j'ai pu faire l'expérience de ce que
signifie la "famille"; j'ai pu faire l'expérience de ce que signifie la
paternité, de sorte que la parole sur Dieu comme Père est devenue
compréhensible pour moi de l'intérieur; sur la base de l'expérience
humaine m'a été dévoilé l'accès au Père grand et bienveillant qui est au
ciel. Devant Lui, nous avons une responsabilité, mais dans le même temps,
Il nous donne confiance, car dans sa justice transparaît toujours la
miséricorde et la bonté avec lesquelles il accepte également notre
faiblesse et nous soutient, de sorte que peu à peu, nous pouvons apprendre
à marcher droit. Je rends grâce à Dieu car j'ai pu faire l'expérience
profonde de ce que signifie la bonté maternelle, toujours ouverte à celui
qui cherche un refuge, et précisément ainsi, en mesure de me donner la
liberté. Je rends grâce à Dieu de m'avoir donné ma sœur et mon frère qui,
par leur aide, ont été fidèlement proches de moi le long du chemin de la
vie. Je rends grâce à Dieu pour les compagnons rencontrés sur mon chemin,
pour les conseillers et les amis qu'Il m'a donnés. Je rends grâce en
particulier car, dès le premier jour, j'ai pu entrer et croître dans la
grande communauté des croyants, dans laquelle est grande ouverte la
frontière entre vie et mort, entre ciel et terre; je rends grâce d'avoir
pu apprendre tant de choses en puisant à la sagesse de cette communauté,
dans laquelle ne sont pas seulement contenues les expériences humaines
depuis les temps les plus reculés: la sagesse de cette communauté n'est
pas seulement sagesse humaine, mais en elle parvient à nous la sagesse
même de Dieu - la Sagesse éternelle.
(Benoît XVI, homélie, 15 avril 2007)