L'idée selon laquelle les peuples non 
          occidentaux devraient adopter les valeurs, les institutions et la 
          culture occidentales est immorale dans ses conséquences. La puissance 
          quasi universelle des Européens à la fin du XIXe siècle et la 
          domination des États-Unis au XXe siècle ont contribué à l'expansion 
          mondiale de la civilisation européenne. La domination européenne n'est 
          plus. L'hégémonie américaine n'est plus totale parce qu'elle n'est 
          plus nécessaire pour protéger les États-Unis contre la menace 
          militaire soviétique, comme ce fut le cas pendant la guerre froide. La 
          culture, nous l'avons montré, est liée à la puissance. Si les 
          sociétés non occidentales sont une nouvelle fois appelées à être 
          façonnées par la culture occidentale, cela ne pourra résulter que de 
          l'expansion, du développement et de l'influence croissante de la 
          puissance occidentale. L'impérialisme est la conséquence logique de la 
          prétention à l'universalité. De plus, l'Occident, civilisation arrivée 
          à maturité, n'a plus le dynamisme économique ou démographique lui 
          permettant d'imposer sa volonté à d'autres sociétés. Par ailleurs, 
          toute tentative allant dans ce sens est contraire au principe 
          d'autodétermination et à la démocratie, qui sont des valeurs 
          occidentales. Les civilisations asiatiques et musulmanes affirmant de 
          plus en plus les prétentions à l'universalité de leurs cultures, les 
          Occidentaux vont être amenés à se préoccuper davantage des liens entre 
          universalisme et impérialisme.
          L'universalisme 
          occidental est dangereux pour le reste du monde parce qu'il pourrait 
          être à l'origine d'une guerre entre les États phares 
          de civilisations 
          différentes, et pour l'Ouest parce que cela pourrait le 
          mener à sa 
          propre défaite. Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, les 
          Occidentaux pensent que leur civilisation a acquis une position
          dominante sans précédent, 
          alors que dans le même temps les Asiatiques, 
          les musulmans et d'autres sociétés se renforcent. Ils pourraient donc 
          être amenés à faire leur la puissante logique de Brutus 
           
          
          
            
            Nos 
            légions sont au 
            complet, notre cause est mûre. L'ennemi se renforce 
            de jour en jour.
            
            Nous 
            sommes au zénith, et le déclin nous menace. Dans
            
            les affaires humaines, il y a le flux et le reflux. Prenez la bonne 
            vague et elle vous porte au succès. Mais si vous la laissez passer, 
            c'est le naufrage 
            et l'ensablement. Appareillons à marée haute et 
            prenons le bon courant,sinon 
            notre cause est perdue. 
          
          
          Cette logique a toutefois conduit Brutus à la défaite de Philippes.
          Il 
          serait prudent que l'Occident apprenne à naviguer en peu profondes, a 
          enduré les épreuves, a modéré ses ambitions et à préserver sa culture 
          plutôt que de chercher à s'opposer aux changements.
          
          Toutes les 
          civilisations passent par les mêmes étapes 
          : 
          l'émergence, le développement et le déclin. L'Occident diffère des 
          autres civilisations non 
          par la manière dont il s'est développé, mais par le caractère particulier 
          de ses valeurs et de ses institutions :
          le christianisme, le pluralisme, 
          l'individualisme, l'autorité de la loi ont permis à l'Occident 
          d'inventer la modernité, de 
          connaître une expansion mondiale et de s'imposer comme modèle aux 
          autres sociétés. Ces caractéristiques, 
          dans leur totalité, sont 
          spécifiques à l'Occident. L'Europe, comme l'a dit Arthur M. 
          Schlesinger Jr, est « la source, 
          l'unique 
          source » des « notions 
          de liberté individuelle, de démocratie politique, d'autorité de la
          loi, 
          de droits de l'homme et de la liberté culturelle 
          [...]. Ce sont des
          idées 
          typiquement européennes, 
          elles ne sont ni asiatiques, ni africaines
          ou moyen-orientales, sauf par 
          adoption 16 
          ». Elles font la spécificité de
          la civilisation 
          occidentale dont la valeur repose non sur son universalité, 
          mais sur son unicité. Il est par conséquent de la responsabilité des
          dirigeants 
          occidentaux non de tenter de façonner d'autres civilisations 
          à l'image de l'Occident, ce qui 
          est au-delà de leurs possibilités en raison 
          du déclin de leur puissance, mais 
          de préserver, de protéger et de revigorer 
          les qualités uniques de la civilisation occidentale. 
          
          
          
          Parce qu'il 
          s'agit du plus puissant des États, 
          cette responsabilité écrasante 
          incombe d'abord 
          aux États-Unis d'Amérique.
          
          
          ***
          
      
      
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          Samuel Huntington et le choc des civilisations