Si l'homme, animal politique, est l'ennemi de l'homme ou son ami...... 

l'homme

Présentation :  Il m'a parut intéressant de reprendre à l'occasion de ma découverte de René Girard, ces quelques lignes extraites de Maurras... qui cite Aristote et Hobbes... à propos de l'homme politique, animal social. Tous buttent sur l'interrelation ... ...

Extrait : Aristote :  L'homme est un animal politique ...L'homme est un animal qui forme des sociétés ou, comme il disait, des cités....." ....    Hobbes: l'homme est à l'homme comme un loup. ....Maurras: Voilà mon collaborateur, mon client et mon protégé. Je n'ai rien à craindre de lui. Il peut tout attendre de moi. Je l'utiliserai. »

Auteur : Charles Maurras

Source : Mes Idées Politiques, p89

Corrélats : ensembles-homocoques, ensemble-HOMENTRANCHE, ensemble-ENUN, René Girard, conflit, violence, démocratie, impérialisme, capitalisme, totalitarisme, 

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" Les philosophes véritables refusent constamment de parler des hommes autrement que réunis en société. Il n'y a pas de solitaire. Un Robinson lui-même était poursuivi et soutenu dans son île par les résultats innombrables du travail immémorial de l'humanité.

 

    L'ermite en son désert, le stylite sur sa colonne ont beau s'isoler et se retrancher, ils bénéficient l'un et l'autre des richesses spirituelles accumulées par leurs prédécesseurs ; si réduit que soit leur aliment ou leur vêtement, c'est encore à l'activité des hommes qu'ils le doivent. Absolument seuls, ils mourraient sans laisser de trace. Ainsi l'exige une loi profonde qui, si elle est encore assez mal connue et formulée, s'impose à notre espèce d'une façon aussi rigoureuse que la chute s'impose aux corps pesants qui perdent leur point d'appui, ou l'ébullition à l'eau qu'on chauffe à cent degrés.

 

 L'homme est un animal politique (c'est-à-dire, dans le mauvais langage moderne, un animal social), observait Aristote au quatrième siècle d'avant notre ère. L'homme est un animal qui forme des sociétés ou, comme il disait, des cités....."

 

 

Suite de l'extrait:

 

"Aristote croyait en effet que l'homme, d'une façon générale et quand toutes choses sont égales d'ailleurs, a toujours retiré un plaisir naturel de la vue et du commerce de son semblable. Tous les instincts de sympathie et de fréquentation, le goût du foyer et de la place publique, le langage, les raffinements séculaires de la conversation devaient sembler inexplicables si l'on n'admettait au point de départ l'amitié naturelle de l'homme pour l'homme.

 

— Voilà, devait se dire ce grand observateur de la nature entière, voilà des hommes qui mangent et qui boivent ensemble. Ils se sont recherchés invités pour manger et boire, et il est manifeste que le plaisir de la compagnie décuple la joie de chacun. Cet enfant-ci s'amuse, mais il ne joue vraiment que si on lui permet des compagnons de jeux. Il faut une grande passion comme l'avarice ou l'amour pour arracher de l'homme le goût de la société. Encore son visage porte-t-il la trace des privations et des combats qu'il s'est infligés par sa fuite.

 

 Les routes sont devenues sûres : cependant les charretiers s'attendent les uns les autres pour cheminer de concert, et ce plaisir de tromper ensemble l'ennui est si vif que l'un en néglige le souci de son attelage, l'autre l'heure de son marché. La dernière activité des vieillards dont l'âge est révolu est d'aller s'asseoir en troupe au soleil pour se redire chaque jour les mêmes paroles oiseuses. Tels sont les hommes, dans toutes les conditions. Mais que dire des femmes? Leur exemple est cependant le plus merveilleux, car toutes se détestent et passent leur vie entière à se rechercher. Ainsi le goût de vivre ensemble est chez elles plus fort que cet esprit de rivalité qui naît de l'amour.

 

 

 

 Les pessimistes de tous les temps ont souvent contesté à Aristote son principe.

     Mais tout ce qu'ils ont dit et pensé a été résumé, vingt siècles après Aristote, par l'ami et le maître de Charles II Stuart, l'auteur de Léviathan, le théoricien de la Monarchie absolue, cet illustre Hobbes qui a devancé les modernes théoriciens de la concurrence vitale et de la prédominance du plus fort.

     Hobbes a posé en principe que l'homme naît ennemi de  l'homme et cette inimité est résumée par lui dans la mémorable formule : l'homme est à l'homme comme un loup. L'histoire universelle, l'observation contemporaine fournissent un si grand nombre de vérifications apparentes de ce principe qu'il est presque inutile de les montrer.

— Mais, dit quelqu'un, Hobbes est un pessimiste bien modéré ! Il n'a point l'air de se douter qu'il charge d'une calomnie affreuse l'espèce des loups lorsqu'il ose la comparer à l'espèce des hommes. Ignore-t-il donc que les loups, comme dit le proverbe, ne se mangent jamais entre eux ? Et l'homme ne fait que cela.

      « L'homme mange l'homme sans cesse. Il ne mange que de l'homme. L'anthropophagie apparaît aux esprits superficiels un caractère particulier à quelques peuplades, aussi lointaines que sauvages, et qui décroît de jour en jour. Quel aveuglement ! L'anthropophagie ne décroît ni ne disparaît, elle se transforme.

     « Nous ne mangeons plus de la chair humaine, nous mangeons du travail humain. A la réserve de l'air que nous respirons, y a-t-il un seul élément que nous empruntions à la nature et qui n'ait été arrosé au préalable de sueur et de pleurs humains ?

     « C'est seulement à la campagne que l'on peut s'approcher d'un ruisseau naturel ou d'une source naturelle et boire l'eau du ciel telle que notre terre l'a distillée dans ses antres et ses rochers. Le plus sobre des citadins, celui qui ne boit que de l'eau, commence à exiger d'une eau particulière, mise en bouteille, cachetée, transportée et ainsi témoignant du même effort humain que le plus précieux élixir. L'eau potable des villes y est d'ailleurs conduite à grands frais de captation et de canalisation.

       « Retournez aux champs, cueillez-y une grappe ou un fruit : non seulement l'arbre ou la souche a exigé de longues cultures, mais sa tige n'est point à l'état naturel, elle a été greffée, une longue suite de greffages indéfinis ont encore transformé, souvent amélioré, le bourgeon greffeur La semence elle-même, par les sélections dont elle fut l'objet porte dans son mystère un capital d'effort humain. En mordant la pulpe du fruit, vous mordez une fois encore au travail de l'homme.

     « Je n'ai pas à énumérer toutes les races d'animaux qui ont été apprivoisées, domestiquées, humanisées, pour fournir à la nourriture ou au vêtement des humains. Observez cependant que ces ressources qui ne sont pas naturelles doivent recevoir un second genre d'apprêt, un nouveauté d'humanisation pour obtenir l'honneur de nous être ingérées. II ne suffit pas de tondre la laine des brebis, travail humain il faut que cette laine soit tissée de la main diligente de la ménagère ou de la servante. Il ne suffit pas d'abattre la viande ou de la découper ; c'est une nécessité universelle de la soumettre au feu avant de la dévorer : travail humain, travail humain on retrouve partout cet intermédiaire entre la nature et nos corps.

      «Non, les loups ne se mangent pas de cette manière ! Et c'est parce que le loup ne mange pas le travail du loup qu'il est si rarement conduit à faire au loup cette guerre qui est de nécessité chez les hommes.

      Le loup trouve dans la nature environnante ce que l'homme est forcé de demander à l'homme. La nature est immense, ses ressources sont infimes ; le loup peut l'appeler sa mère et sa bonne nourrice. Mais les produits manufacturés les produits humanisés, ceux que l'homme appelle ses biens, sont en nombre relativement très petit; de là, entre hommes, une rivalité, une concurrence fatales. Le festin est étroit : tout convive nouveau sera regardé de travers, comme il verra d'un mauvais œil les personnes déjà assises.

      " Cet homme qui survient n'apparaît pas à l'homme qui possède déjà comme un simple consommateur dont l'appétit est redoutable ; c'est aussi un être de proie, un conquérant éventuel. Produire, fabriquer soi-même est sans doute un moyen de vivre, mais il est un autre moyen, c'est ravir les produits de la fabrication, soit par ruse, soit par violence. L'homme y a souvent intérêt, en voici un grand témoignage : la plupart de ceux qui ne sont ni voleurs ni brigands passent leur vie à craindre d'être brigandés ou volés. Preuve assurée que leur réflexion personnelle, leur expérience, la tradition et la mémoire héréditaire s'accordent à marquer l'énergie toujours subsistante des instincts de rapine et de fraude. Nous avons le génie de la conquête dans le sang.

     « L'homme ne peut voir l'homme sans l'imaginer aussitôt comme conquérant ou conquis, comme exploiteur ou exploité, comme victorieux ou vaincu, et, enfin, pour tout dire d'un mot, comme ennemi. Aristote a beau dire que l'homme est social. Il ne serait pas social s'il n'était industrieux et les fruits de son industrie lui sont si nécessaires ou si beaux qu'il ne peut les montrer sans être mainte fois obligé de courir aux armes. La défense de ces biens ou leur pillerie, c'est toute l'histoire du monde. »

 

 

     Il y a une grande part de vérité dans le discours des pessimistes qui enchérissent de la sorte sur Hobbes et sur les siens. Je voudrais qu'on se résignât à admettre comme certain tout ce qu'ils disent et qu'on ne craignît point d'enseigner qu'en effet l'homme pour l'homme est plus qu'un loup ; mais a la condition de corriger l'aphorisme en y ajoutant cet aphorisme nouveau, et de vérité tout aussi rigoureuse, que pour l'homme l'homme est un dieu. 

       Oui l'industrie explique la concurrence et la rivalité féroces développées entre les hommes. Mais l'industrie explique également leurs concordances et leurs amitiés. Lorsque Robinson découvrit, pour la première fois, la trace d'un pied nu imprimée sur le sable, il eut un sentiment d effroi, en se disant selon la manière de Hobbes : < Voilà celui qui mangera tout mon bien, et qui me mangera... » Quand il eut découvert le faible Vendredi, pauvre sauvage inoffensif, il se dit : « Voilà mon collaborateur, mon client et mon protégé. Je n'ai rien à craindre de lui. Il peut tout attendre de moi. Je l'utiliserai. »

 

le 30 novembre 2002

 

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Résonances .....rs.

Nous avons là, il me semble,

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 Avec Aristote , une vision d'ensembles-homocoques

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Avec Hobbes ,   une vision d'ensemble-HOMENTRANCHE ... La société actuelle.

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Avec Maurras, une vision ensemble-HOMENTRANCHE avec tendance ...  totalitaire....d'ensemble-ENUN

le 30 novembre 2002

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Corrélats :

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Introduction à la pensée de René Girard (1)......... du mimétisme... à la violence ...au bouc émissaire ...au sacré....à une théorie de l'homme ....René Girard, philosophe majeur contemporain

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Tryptique tableau synoptique ensembles-homocoques, ensemble-HOMENTRANCHE et ensemble-ENUN

 

 

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