«l'homme...un être de relations .....le gène de l'agressivité n'existe pas...le darwinisme social» selon  Pierre Karli

l'Autre - Esprit

 

Présentation :  Pierre Karli, membre de l'académie des sciences et professeur émérite à la faculté de médecine de Strasbourg, est un défenseur acharné de la dignité humaine.  À la tête de l'institut pour la promotion du lien social qu'il a fondé à Strasbourg, il pense .... que l'homme est avant toute chose, un être de relations ....un être social.

Ce texte se situe tout à fait dans la vision de René Girard ... et vision que reflète celle de homocoques.

Extrait :   1) l'homme "'être de relation" : ....il y a une marge de libre arbitre qui existe non pas,à mes  yeux, comme une donnée, mais comme le fruit de la quête constante et exigeante de cette liberté.

 Saint-Augustin conseillait de travailler sur soi-même. .....l'intériorité est le lieu où je me recueille, je me construis, je donne à ma vie, à mon existence tout son sens. Elle ne permet de me distancier, de  prendre du recul par rapport à toutes ces incitations...

 Le cerveau interagit avec le monde. C'est ce flux incessant qui fonde la conscience. Une conscience fragile émerge d'un cerveau dont la fonction est « médiatrice »".... Les joies de la nature, de  l'affection, de différentes formes de l'art, en particulier de la musique sont des joies multipliées lorsqu'on les partage.

2) la violence... le" gène de l'agressivité n'existe pas" :  Il n'y a aucune raison de dissocier les « violences urbaines » des autres formes de violence (scolaires, conjugales...rs: politiques ). Toutes ces violences, extrêmement diverses, sont des attitudes et des comportements qui ont en commun de blesser l'autre, de porter atteinte à son intégrité physique et/ou psychique.....Nous voulons être débarrassés des violences qui nous gênent, qui portent tort à nos intérêts. Mais nous avons une certaine compréhension pour les violences qui ne nous gênent pas et qui sont plutôt de nature à servir nos intérêts.

3) le champ social actuel :.. du darwinisme social

 ...(le) champ social est à mes yeux un vaste champ éducatif ...Une relation interpersonnelle ne dure et n'est sereine que si elle est mutuellement gratifiante. ....Je tiens beaucoup à dire personnalisme communautaire, parce que si je crois à la primauté de la personne humaine, je sais que je me construis dès le début et jusqu'à la fit de mes jours en interaction constante avec les autres. ....il s'insurge contre cette vision actuelle  pour laquelle la violence d'un individu tient, in fine, à des dérèglements biochimiques du système nerveux central ....vision qu'il qualifie de « darwiniste social »....

Auteur : Pierre Karli

Source : Le Figaro du 6 août 2001

Résonances : Quel plaisir de découvrir un point de vue qui confirme le vôtre.... et qui de plus est alsacien et de votre age...

Corrélats : ensembles-homocoques, NOUS, intervidualité, interaction, libre-arbitre, mimétisme appropriatif, violence, René Girard, science de l'homme,

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l'homme est avant toute chose un être de relation

 

 JPK: «... Dans Le Cerveau et la liberté, je me suis posé, en neurobiologiste, la question de savoir si la liberté, le libre arbitre, la faculté d'autodétermination se laissent réduire à une illusion-- une illusion certes nécessaire pour que nous puissions vivre, mais une illusion tout de même-. La réponse est qu'il y a une marge de libre arbitre qui existe non pas,à mes  yeux, comme une donnée, mais comme le fruit de la quête constante et exigeante de cette liberté.

Vous rejeter donc le principe d'un déterminisme réducteur...

Attention : je ne nie pas que cette quête soit largement « encadrée » par des déterminations biologiques qui existent au même titre que des déterminations sociales, mais je pense que j'ai la possibilité de me créer cette liberté intérieure qui me permet de me construire moi-même. Saint-Augustin conseillait de travailler sur soi-même. Je peine sur moi-même pour me construire, pour réfléchir à ma relation à moi-même, à ma présence à moi-même, à ma relation à l'autre, à ma relation au monde. C'est en fait cela qui me rend heureux, qui permet de donner un sens à ma vie et qui me permet, vous allez me dire -- là il ne manque pas d'air-- d'aider d'autres à acquérir ce minimum de liberté intérieure, a donner ainsi un sens à leur vie.

 

... (Le champ social actuel)... nous fait vivre à la surface de nous-même. ...c' est un déni de penser... un refus de développer une intériorité. Or j'attache beaucoup d'importance au développement d'une vie intérieure. Non pas que j'ai une fibre mystique, mais parce que l'intériorité est le lieu où je me recueille, je me construis, je donne à ma vie, à mon existence tout son sens. Elle ne permet de me distancier, de  prendre du recul par rapport à toutes ces incitations...

......

Quelles places faites-vous à la liberté ?

Ce ne sont pas « les libertés » qu'on revendique et qu'octroient les pouvoirs qui m'intéressent.... Ce qui m'intéresse c'est de pouvoir me construire par moi-même et pour moi-même : « la » liberté intérieure au singulier. Et je souhaite qu'on aime chacun acquérir à cet effet une triple maturité qui est intellectuelle, affective et morale.

Celles et ceux qui accèdent à cette triple maturité, à des degrés divers et par des voies diverses, sont en mesure d'accéder à cette liberté intérieure qui, elle seule, est génératrice de ce qu'on appelle le bonheur.

Comment définiriez-vous le bonheur ?

Comme je suis un grand amateur de chocolat, j'en ai toujours dans ma valise. Tout à l'heure, j'en ai mangé un morceaux, ce qui me procurer de plaisir. Mais ce n'est pas cela le bonheur profond dont je parle, dont j'aimerais voir bénéficier les autres. On ne parle que des conditions matérielles de l'existence. Elles sont importantes, je n'en disconviens pas. Comme je suis physiologiste au départ je sais que nous avons un besoin vital d'eau , de calories, de vitamines, d'acides aminés essentiels, etc.... que la nourriture nous apporte. Mais nous avons un besoin vital de joie, de plaisir, de gratification. Il vit totalement dépourvue de joie est au sens propre invivable. Il est arrivé de rencontrer des personnes qui souffrent d'anhédonie, c'est-à-dire une incapacité de vivre un plaisir quelconque, une joie quelconque, une gratification quelconque. C'est terrible parce que leur vie doit être un enfer terrestre.

Quand j'étais adolescent, je jouais de l'orgue, j'avais un ami qui jouait du même instrument et, en bicyclette, nous allions d'un village alsacien à l'autre, voir le curé pour qu'il nous permette d'étudier les différents registres. Je me souviens encore de telle ou telle cornet tremblant dans l'église de Rotelsheim, ou de telle ou telle flûte... C'était à la fois la joie de trouver un bel orgue et de le faire avec un ami. Les joies de la nature, de  l'affection, de différentes formes de l'art, en particulier de la musique sont des joies multipliées lorsqu'on les partage.

 

le" gène de l'agressivité n'existe pas"

L'idée selon laquelle nos comportements agressifs, violents, seraient très étroitement liés à notre « nature », notre identité, notre fonctionnement proprement biologiques et selon laquelle l'agressivité, la violence, seraient inscrites dans nos gènes et le cerveau -qui se développe sur la base de ces gènes - serait alors nécessairement un « générateur d'agressivité », un « générateur de violence » est déjà une vieille idée. On a parlé d'un « chromosome du crime », on « découvre » régulièrement le « gène de l'agressivité ». Mais ces prises de position se fondent sûr des préjugés d'ordre idéologique et non pas sur des faits scientifiques avérés et correctement interprétés.

......vous savez que la psychochirurgie revient à l'ordre du jour. On l'utilise dans certaines épilepsies d'origine temporale, on l'utilise dans, certaines formes de Parkinson, on stimule le noyau latéral du thalamus, etc.. Or je suis absolument oppose à toute psychochirurgie à visée sociale et aux ÉtatsUnis, on dit beaucoup que l'ingénierie génétique va nous permettre de lutter _ contre les comportements déviants (deviant behaviour), et en particulier les comportements violents. J'ai moi-même été invité naguère à venir aux États-Unis où il y a eu une discussion de deux or trois jours sur le thème « Biologie of violence », biologie de la violence, et nous étions les invités du gouvernement. Ce dernier nous a dit en substance: comme vous le savez, les violences dans notre pays ont atteint et dépassé les limites de l'acceptable. Tout le monde, nous demande : « pourquoi est ce que le gouvernement ne fait rien, puisque nous entendons dire que le biologie a fait de tels progrès qu'on pourrait traiter les gens violents avec le psychopharmacologie et le psychochirurgie ? »

Nous avons eu beaucoup de discussions et beaucoup de mal à rédiger le rapport final, parce qu'il y avait des collègues interventionnistes qui approuvaient l'idée et d'autres, j'en étais, qui refusaient que l'on touche ainsi à la personnalité profonde du sujet. Il s'est construit ainsi, nous n'avons pas le droit de modifier sa responsabilité de façon irréversible par la psychopharmacologie ou la psychochirurgie, alors qu'il y à des démarches psychothérapeutiques, éducatives, surtout si on commence tôt dans la vie, qui permettent d'avoir les mêmes résultats.

Vous venez d'évoquer la violence urbaine. Celle-ci a-t-elle pris un nouveau visage ces dernières années?

Je vous arrête tout de suite. Il n'y a aucune raison de dissocier les « violences urbaines » des autres formes de violence (scolaires, conjugales... politiques ). Toutes ces violences, extrêmement diverses, sont des attitudes et des comportements qui ont en commun de blesser l'autre, de porter atteinte à son intégrité physique et/ou psychique.

Maintenant, on peut se poser la question : qu'est-ce qu'un neurobiologiste peut bien apporter à l'étude de la violence ? Tout en précisant ce que la connaissance du fonctionnement du cerveau apporte à l'analyse et à l'interprétation des violences, je suis bien placé pour, refuser qu'on biologise et qu'on médicalise de façon abusive un problème qui n'est pas d'abord, pas surtout, un problème d'ordre biologique et médical.

Le neurobiologiste a l'habitude de travailler sur individu et non pas sur une société : il ne va donc pas analyser, comme le sociologue, des « phénomènes de violence », mais le sujet qui est agent de tels ou tels « actes de violence »; le sujet vers lequel convergent, tout au long de sa vie, les multiples influences du contexte socioculturel et socio-économique dans lequel il évolue. On peut distinguer, de façon artificielle, et arbitraire (parce que tout est lié) deux grands ensembles de conditions d'apparition de la violence : des conditions générales liées à l'existence humaine et à l'état de la société, et des conditions particulières liées à la personnalité et à l'histoire du sujet (qui sont, bien évidemment, liées à l'état de la société ).

Quelle est la spécificité de la violence dans les banlieues?

....je regrette  qu'on parle surtout de ces quartiers sensibles, (c'est) qu'on adopte aisément un discours manichéen consistant à répéter: le bien c'est nous et le mal c'est eux. On s'absout ainsi de toute responsabilité. Vous comprenez, quand on dit actuellement « tolérance- zéro » ou « impunité zéro », je suis d'accord mais a une condition: impunité zéro pour tout le monde et dans tous les domaines, pas uniquement pour les jeunes des banlieues ! Nous sommes tous, et je le dis très simplement parce que j'en suis intimement convaincu, tous y compris vous et moi - à des titres et à des degrés divers, responsables de la situation que nous déplorons. Et là je fais juste une citation de Bossuet qui écrit : " Le ciel se rit des prières qu'on lui fait, pour détourner de soi des maux dont on persiste à vouloir les causes. » Est-ce que nous ne voulons pas en fait conserver certaines attitudes, certains comportements qui sont des causes de violence. Nous voulons être débarrassés des violences qui nous gênent, qui portent tort à nos intérêts. Mais nous avons une certaine compréhension pour les violences qui ne nous gênent pas et qui sont plutôt de nature à servir nos intérêts.

'Mais je vais répondre à votre question sur le caractère particulier ou non de la violence des jeunes. Lorsque vous parlez à ces derniers, vous vous apercevez combien ils ont du mal à se construire une identité et surtout combien ils ont beaucoup de mal à la faire reconnaître. Il y a un « manque à être » et à exister aux yeux des autres avec le sentiment, justifié ou non, d'être mal-aimé et rejeté. C'est pour cela qu'ils adhèrent aux normes d'une bande, obéissent au leader et acceptent les rites initiatiques. Les incivilités et les violences qui sont valorisantes et valorisantes au sein du groupe, sont la seule façon de conquérir l'estime de soi et la confiance en soi. ( rs: et pour René Girard .... de constituer le groupe par l' ennemi commun )

Le champ social actuel....du darwinisme social

Comment définiriez-vous, aujourdhui, le champ social que vous vous efforcez de «labourer " ?

Ce vaste champ social est à mes yeux un vaste champ éducatif Je ne prendrai que l'exemple de la télévision qui a abdiqué depuis longtemps toute réelle ambition dans ce domaine - c'est Pierre Karli qui parle, on peut ne pas partager son avis- avec des « animateurs » qui nous enseignent une philosophie du vide et du renoncement. Tout cela est si réducteur d'humanité et de sociabilité, que cela entraîne nécessairement des incivilités et des violences. On nous incite notamment par le biais du discours publicitaire à consommer le plus possible, tout, tout de suite, et à considérer, que c'est cela, la « vraie vie"  On commence à réagir un peu, à  considérer que si des jeunes de 12-13 ans se passent des cassettes porno, ils auront du mal par la suite à, construire un couple digne de ce nom. Considérer dès cet âge la femme comme un objet à plaisir, un objet à consommer que je jette lorsqu'elle ne me convient plus... Quel couple cela va-t-il donner et surtout quel couple parental cela va-t-il donner ?  ( rs : nous approchons là de trés prés le mimésisme de René Girard..)

Quel est le principal grief que vous nourrissez à l'encontre de ce désordre établi?

Celui de nous faire vivre à la surface de nous-même. Ce déni de penser, ce refus de développer une intériorité. Or j'attache beaucoup d'importance au développement d'une vie intérieure. Non pas que j'aie une fibre mystique, mais parce que l'intériorité est le lieu où je me recueille, je me construis, je donne à ma vie, à mot existence, tout sot sens. Il me permet de me distancier, de prendre du recul par rapport à toutes ces incitations que j'évoquais ; de me décentrer un peu par rapport à moi-même et ainsi de m'ouvrir à l'autre, de prendre en compte ses aspirations, ses soucis, etc..  Une relation interpersonnelle ne dure et n'est sereine que si elle est mutuellement gratifiante.

Ne craignez-vous pas que, l'on vous accuse de tenir un discours moralisateur ?

A mes yeux, ce n'est pas péjoratif. Quand je parle de parole partagée, de confiance mutuelle, de sincérité, de loyauté, de fidélité à la parole donnée, ce sont tout autant les valeurs d'une morale laïque que celles d'une morale chrétienne. Ce sont mes valeurs parce que je suis chrétien, je ne l'ai jamais caché, et que j'adhère à la morale de l'humanisme chrétien, à celle du personnalisme communautaire d'Emmanuel Moutier. Je tiens beaucoup à dire personnalisme communautaire, parce que si je crois à la primauté de la personne humaine, je sais que je me construis dès le début et jusqu'à la fit de mes jours en interaction constante avec les autres. "

Pour Pierre Karli, l'être humain, est un être éminemment social, ..qui peut succomber au vertige de la violence ... (rs:..voir René Girard), lorsqu'il il peine à inscrire sa vie dans une continuité, dans une tradition... (rs:..et en l'occurence dans la tradition chrétienne...)

Il se refuse de considérer l'être humain comme le jouet de la génétique... « Il s'est opéré, regrette-t-il, un glissement, à tes yeux non innocent (..) d'une « histoire naturelle de l'agression», notion scientifiquement fondée, vers une « histoire naturelle du mal», notion inférée de façon abusive. » L'humanisme dont Pierre Karli se réclame consiste dans le refus de cette « naturalisation » du mal. Une position qui résonne d'une frappante actualité : à quoi bon, en effet, combattre les incivilités si on s'adosse à une compréhension de l'humain que Karli qualifie de « darwiniste social », pour laquelle la violence d'un individu tient, in fine, à des dérèglements biochimiques du système nerveux central ....

..... ni usine à émotions, ni fabrique à idées, le cerveau ne sécrète pas la conscience comme. une glande sécrète une hormone. Le cerveau interagit avec le monde. C'est ce flux incessant qui fonde, la conscience. Une conscience fragile-transcendant l'opposition des matérialistes et des spiritualistes - émerge d'un cerveau dont la fonction est médiatrice ».

Être social, et non préprogrammé par une quelconque fatalité biologique, l'être humain peut succomber au vertige de la violence quand il peine à inscrire sa vie dans une continuité, dans une tradition. ( rs: en l'occurence chrétienne..)

 

Racines de la violence. Réflexions d'un neurologiste,

par Pierre Karli, Odile Jacob 237 p., 24 euros

 

Le Figaro du 6 août 2002

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Résonances :

Quel plaisir de découvrir un point de vue qui confirme le vôtre.. et qui de plus est alsacien et de votre age.....J'ai essayé de prendre contact avec Pierre Karli ... c'est l'Institut pour la promotion du lien social qui m'a répondu en son nom.... dans un charabia " d'étude et de promotion  de la citoyenneté solidaire" décourageant et qui m'a laissé une fâcheuse impression de récupération et de détournement.... J'espère toujours pouvoir entrer en liaison direct avec le professeur...

fin 2003

En ai parlé à Mme Roederer ( club de Budapest) qui le connaît ..... ne m'a jamais plus donné signe de vie ....

 

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Corrélats :

 

bulletSi l'homme, animal politique, est l'ennemi de l'homme ou son ami...... Charles Maurras
bullet

le "Ce mois-ci" auquel est joint ce document

 

 

 

 

 

05/08/13

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