l'Odyssée américaine ....

 Le monde

Présentation:  il s'agit du dernier livre d'Alexandre Adler. il présente une vision de la géopolitique américaine intéressante et à contre-courant... et qui me paraît plus conforme à la réalité. Elle confirme la perception de l'Amérique comme une entité ensembles-homocoques, qui ( avec W Bush) veut  affirmer l'intégrité et la pérennité de sa coque ....  en opposition avec la vision ( Kerry ) et européenne actuelle d'ensemble-HOMENTRANCHE ... mondialiste...

Extraits:  ...Se replier pour dominer, tel semble être le nouveau principe de la stratégie américaine.....«l'Amérique est à la recherche d'une formule de stabilisation, pas d'une formule d'expansion».
 

 en Relations ... ensembles-homocoques, ensemble-HOMENTRANCHE,  mondialisme, élection américaine, démocratie, Irak, ONU, .... 

 

 

 

L'Odyssée américaine

Auteur: Alexandre Adler
Source: le Figaro magazine du 17 juin 2004

PAR JACQUES DE SAINT-VICTOR


Depuis les événements du 11 septembre, l'Amérique de Bush occupe plus que jamais une place centrale dans le monde. Mais comment qualifier cette puissance qui, après avoir semblé vouloir jouer le gendarme de la planète, se retrouve prise à son propre piège, comme en témoigne le piège irakien. Accusée de réinventer les pires impasses des XIXe et XXe siècles (nationalisme borné, intolérance religieuse, ambitions impériales...), l'Amérique actuelle suscite beaucoup d'interrogations, voire d'hostilités. Est-ce le nouvel Empire? C'est avant tout contre cette thèse facile d'une puissance impériale, qui séduit trop les uns, et inquiète trop les autres (même ceux qui y voient, comme Emmanuel Todd, un Empire déclinant), que s'insurge Alexandre Adler dans son dernier essai.

Observateur reconnu de l'actualité internationale, d'abord comme directeur de Courrier international puis aujourd'hui comme membre du comité éditorial du Figaro, l'auteur avait déjà entamé une réflexion sur la désagrégation de nos vieux repères et l'émergence de nouveaux rapports de puissance dans son précédent ouvrage, J'ai vu finir le monde ancien (2002). Il avait étudié certains traits de la nouvelle politique américaine après le 11 septembre, évoquant notamment l'étonnant rapprochement russo-américain.

Dans l'Odyssée américaine, Alexandre Adler conforte ses analyses en réfutant l'idée répandue d'une Amérique tournant le dos au consensus de l'Occident civilisé. Dans cet essai qui a le mérite d'une certaine prudence dans l'analyse, l'auteur démontre que nous connaissons mal l'Amérique, que l'Iliade américaine, cette grande parenthèse qui s'est ouverte avant la Seconde Guerre mondiale, et qui se referme dans les fumées de l'Irak, ouvre la voie à une nouvelle Odyssée, dont les contours émergents restent encore mystérieux. C'est l'occasion pour lui de nous convier à une «circumnavigation» du monde actuel comme les Anciens procédaient à un «circum ambulare glebis» avant de céder leur terre.

L'idée principale d'Adler est que, loin de devenir impériale, malgré ce que pourrait laisser penser la disparition du bloc soviétique, l'Amérique se trouve au contraire confrontée plus que jamais à de nouveaux pôles de puissance (il en définit six: Amérique du Nord, Chine, Europe, Amérique du Sud-Brésil, Iran-Turquie, cœur islamo-arabe). Le «moment Clinton» aura démontré l'incapacité hégémonique de l'Amérique. Au-delà du Canada, du Mexique, de Cuba, de l'Autralie, de la Nouvelle-Zélande et d'Israël, l'espace américain ne chercherait nullement à s'étendre. L'esprit de conquête n'est d'ailleurs pas compatible avec l'exclusivisme puritain, selon l'auteur. La vocation américaine n'est pas d'évangéliser toute la planète. D'autant qu'un pays régi par le conflit démocratique ouvert ne peut jamais posséder longtemps un empire.

Comment expliquer alors la politique actuelle du département d'Etat? Une simple parenthèse, selon Adler, dans une politique marquée par un retour vers l'isolationnisme. «Les Américains n'ont marché sur Bagdad que pour en partir, plus rapidement qu'on ne le pense.» La guerre du Golfe ne serait qu'une réponse au seul dirigeant du monde arabo-musulman à s'être publiquement réjoui du 11 septembre. Il fallait bien, affirme l'auteur, montrer au monde entier que personne ne touche impunément au territoire américain. Pour le reste, conclut-il, «l'Amérique est à la recherche d'une formule de stabilisation, pas d'une formule d'expansion».
 

Fourmillant de détails historiques, brillant et subtil, ne cachant pas les faiblesses américaines (de l'impréparation totale de l'intervention américaine en Irak, à l'erreur fatale d'une nation profondément religieuse d'avoir longtemps regardé l'islamisme comme un phénomène fondamentalement sain), l'essai d'Alexandre Adler bouleverse pas mal d'idées reçues sur l'Amérique. Il nous amène à une réflexion inachevée mais très porteuse sur le concept même de puissance dans le monde de demain. Se replier pour dominer, tel semble être le nouveau principe de la stratégie américaine. Car il répond à l'idée d'une «grande dispersion géopolitique de la puissance».

Condamnant l'idée d'hyperpuissance développée par Hubert Védrine, l'auteur s'appuie sur un fait simple: les Etats-Unis représentaient, en 1949, 52% du PIB mondial; ils n'en représentent plus que 36%. Avec la montée en puissance de la Chine, ce chiffre pourrait bien tomber dans les quinze prochaines années à 20%. Une révolution copernicienne est passée par là: le temps n'est plus à la domination impériale.

Nous sommes passés d'un «système de gravitation autour d'un soleil» à un «système d'équilibre entre les planètes». Ce qui, pour la vieille Europe, pourrait bien amener un repli radical des Etats-Unis. Le continent se retrouverait alors dans la position excentrée du royaume de Naples au XVIIIe siècle, isolé de l'économie-monde, et pourtant le plus brillant intellectuellement de toute la péninsule.



 

texte hébergé en  06/04

 

haut de page

 

 

 

 haut de page