Invité à un congrès à Velletri (Latium), consacré à
l'exhortation apostolique Ecclesia in Europa, le cardinal Ratzinger a
évoqué la question des racines chrétiennes de l'Europe, quelques jours
avant l'avis que la Commission européenne doit prononcer sur les progrès
de la démocratie en Turquie, et son aval (ou non) sur l'ouverture de
négociations officielles en vue de son adhésion à l'Union européenne. En
mai dernier, rappelle Zenit, le cardinal Camillo Ruini, président de la
conférence des évêques italiens, "avait lui aussi exprimé quelque
perplexité devant cette éventualité". En France, c'est le cardinal
Philippe Barbarin, qui a exprimé les mêmes doutes, la veille de la
visite de Jean-Paul II à Lourdes, invitant chaque partenaire à
s'enraciner d'abord dans sa propre identité.
C'est l'idée même du cardinal Ratzinger : "La Turquie doit être
respectée dans ses valeurs identitaires", car elle a "une autre
mission à accomplir". Cette mission, c'est celle de "pont
culturel", entre l'Europe et le monde arabe. Précisément, "la
Turquie devrait former un continent culturel" avec les pays arabes,
même si "le moment n'est pas propice, à cause des tensions
existantes".
Toujours modeste, le cardinal a déclarer se prononcer sur cette question
en tant que "petit historien qui a toujours conservé amour et
attention pour cette discipline". Pour l'histoien Ratzinger,
l'Europe est un concept non pas d'abord "géographique" mais
"culturel", qui s'est forgé au cours d'un processus historique
parfois conflictuel, et fondé sur la foi chrétienne.
Dans la substance des propos rapportés par Zenit, le cardinal fait
observer que l'empire ottoman a toujours été en opposition avec
l'Europe. Même si, dans les années vingt, Kemal Attaturk a construit une
Turquie laïque, elle demeure le noyau de l'ancien empire et a un
fondement islamique. Elle est ainsi très différente de l'Europe, qui est
elle-même un ensemble de nations laïques, mais avec un fondement
chrétien, même si elles semblent aujourd'hui le nier.
L'entrée de la Turquie dans l'Union européenne serait donc, selon le
cardinal Ratzinger, "anti-historique". Ce serait aller à
l'encontre de "l'âme européenne" et des réalités, et donc une
"grande erreur", et la conséquence de raisons économiques. "Mais
quelle Europe aurions-nous, qui serait construite seulement sur
l'économie?", s'est demandé le cardinal.
Interrogé sur le refus de la mention des racines chrétiennes de l'Europe
dans le préambule de la constitution européenne, le cardinal le
considère, selon le Giornale del Popolo a, comme
"incompréhensible"et "inacceptable". Énigmatique, le prélat
suggère d'attendre les résultats "des différents référendum".