Femmes « sous lois musulmanes » en
Occident
Les appels de femmes « sous lois
musulmanes » se multiplient pour nous rappeler que si laïcité bien
ordonnée commence par soi-même, nous en sommes également comptables vis
à vis des autres. Vis à vis de nos enfants à qui nous devons laisser les
principes constitutionnels de laïcité et d'égalité en droit des
individus, indépendamment de leur sexe, origine, confession ou option
philosophique, dont nous avons eu la chance d'hériter en naissant
français.
Vis à vis des hommes et des femmes qui
vivent dans des pays théocratiques dans lesquels les droits fondamentaux
de la personne humaine ne sont pas reconnus aux habitants, en
particulier celui de ne pas croire ou de ne pas pratiquer la religion
officielle.
Depuis 2 ans, les femmes canadiennes
de confession ou de culture musulmanes alertent sur la création d'un
Institut islamique de justice civil (IIJC). Un avocat, Siyed Mumlaz Ali,
est à l'origine de cet institut qui est chargé d'arbitrer les litiges
familiaux au sein de la communauté musulmane selon les principes
islamiques de la sharia, relatifs aux droits des femmes et aux droits
successoraux. Il s'appuie sur la loi canadienne « de l'arbitrage »
datant de 1991. Cette loi autorise à régler à l'amiable les litiges de
droit familial et successoral, en fonction de croyances religieuses. Dès
lors qu'un arbitre tranche un litige, sa décision est finale et lie les
parties qui peuvent s'adresser au tribunal séculier canadien local pour
la faire exécuter.
Pour M. Ali « l'interdiction
d'appliquer la sharia est levée et les « bons musulmans » ont
l'obligation, en vertu de leur foi de ne s'adresser qu'à cette instance
pour régler leurs différents ». N'importe qui, donnant des signes
extérieurs de piété et ayant un groupe d'adeptes, peut arbitrer. Il n'y
a ni qualification formelle, ni nomination officielle, ni voies de
recours au sein des comités d'arbitrage de la communauté musulmane.
Le « Conseil islamique des imams » a
déclaré « que les arbitres se fient à leur intuition, leur bon sens. Ils
sont tombés justes puisque leurs décisions n'ont pas été portées en
appel devant un tribunal judiciaire . » Il est probable que la notion de
« bons musulmans » ait muselé ceux qui se considèrent comme dévots .
Selon les religieux, les changements
dans les situations familiales « ne peuvent pas s'opérer par le biais
d'une législation émanant du gouvernement, mais provenir de la
communauté après avoir fait l'objet d'études, de discussions et
d'interprétations sérieuses des textes sacrés . ». Des femmes faisant
partie d'une coalition représentant 35 mosquées de Toronto ont précisé
qu'il fallait que les musulmans décident entre eux des rapports entre le
droit Ontarien de la famille et la sharia, « autrement ce serait vexant
(sic !). »
Immédiatement les associations de
femmes musulmanes canadiennes se sont insurgées contre ce désir de les
enfermer dans les rapports sociaux de sexe archaïques patriarcaux. Il
leur a été déclaré que le gouvernement n'avait pas le mandat
d'intervenir pour empêcher le projet de suivre son cours, puisque l'IJCC
se fondait sur la loi sur l'arbitrage !
Une grande campagne nationale et
internationale a été lancée à l'initiative de Homa Arjamand, canadienne
d'origine iranienne (pétition sur le site www.nosharia.com). Le combat a
été relayée par les associations de femmes, musulmanes ou non,
canadiennes ou d'ailleurs. Le barreau canadien a dénoncé de multiples
vices dans les arbitrages, en particulier les décisions
discrétionnaires, l'absence d'obligations de sentences arbitrales
écrites, le secret de la procédure et de l'issue de l'affaire.. . Et
surtout la non-conformité avec les principes d'égalité hommes/femmes,
puisque selon la sharia, la femme n'est pas l'égale de l'homme, elle
joue un rôle complémentaire, mais doit être traitée… de manière «
équitable » ( ? !).
Le gouvernement a été contraint de
demander l'avis du procureur général et de la ministre déléguée à la
condition féminine. Ces derniers ont confié à Madame Boyd, ex-procureur
général de la province de l'Ontario, une commission chargée de discuter
avec les communautés religieuses concernées, catholiques, juives,
musulmanes, boudhistes. Une coalition d'associations de femmes juives
dénonce en particulier le fait que les femmes ne peuvent pas se faire
représenter ou être accompagnées devant les tribunaux rabbiniques !
L'hypocrisie du rapport de madame Boyd
est un morceau d'anthologie. Ainsi : « Comme le droit canadien a été
inspiré de principes religieux chrétiens, il est normal qu'il ne soit
pas appliqué aux musulmans, puisqu'il se fonde sur des valeurs
chrétiennes, comme la monogamie. ».
Les femmes musulmanes auditionnées ont
rappelé d'une part qu'il y avait de nombreuses interprétations de la
sharia et que le modèle patriarcal perpétué par les traditions
s'opposait frontalement aux principes du droit canadien : possibilité
d'épouser 4 femmes, répudiation unilatérale par le mari, les enfants
appartiennent à la famille paternelle, l'époux peut « corriger » son
épouse, les femmes doivent obéissance à leur mari et demander des
autorisations pour se déplacer, avoir un tuteur de mariage, pas de
pension alimentaire, le témoignage d'une femme vaut seulement la moitié
de celui d'un homme, donc le témoignage du mari l'emportera sur celui de
sa femme, etc. Homa Arjomand a déclaré : « Nous avons besoin d'un Etat
laïque et d'une société laïque qui respectent les droits de la personne.
Il est crucial de s'opposer à la loi de la sharia et de subordonner
l'islam au laïcisme et aux Etats laïques qui reposent sur le principe
selon lequel le pouvoir appartient aux personnes et non à Dieu. La
sharia n'est pas seulement une religion, elle est aussi intrinsèquement
liée à l'Etat. Elle contrôle tous les aspects de la vie de individus,
depuis la menstruation des femmes. L'individu n'a d'autre choix que
d'accepter la règle s'il veut éviter des conséquences extrêmes car les
non-croyants ne sont pas tolérés. »
Madame Boyd a conclu qu' « aucune
preuve ne ressort de l'étude pour suggérer que les femmes souffrent
systématiquement de discriminations à la suite d'arbitrage en droit des
familles ».
Les débats se poursuivent au Canada.
Homa Arjomand est invitée à débattre à Toronto avec, entre autres,
Madame Boyd, lors de journées internationales organisées par des
étudiants en droit. Il lui est précisé que ses frais de déplacements et
de séjour ne pourront pas être pris en charge. On peut penser que madame
Boyd sera défrayée par l'administration. Pour les représentants des
religieux, l'argent du pétro ou du narco islam est là.
Dénoncer ces faits est indispensable.
Ainsi l'association « Les femmes marocaines d'ici et d'ailleurs » et ses
représentantes au Canada appelle à la solidarité.
Des femmes en France sont également
soumises à ces obligations shariatiques. En effet, en ne respectant pas
la Constitution, les lois, en utilisant des lacunes dans le droit, la
compassion insensée de certains, des islamistes peuvent opprimer leurs
coreligionnaires, à commencer par les femmes.
Les femmes étrangères vivant en France
ou françaises d'origine maghrébine lorsqu'elles retournent dans le pays
d'origine de leur famille se voient opposer le droit personnel de ce
pays. Les accords bi-nationaux, acceptables lorsque l'état du droit est
équivalent et leurs applications réciproques , ne le sont plus
lorsqu'ils ont lieu avec des pays qui ne reconnaissent pas l'égalité des
droits hommes- femmes ou qui pratiquent l'excision des fillettes.
Le Haut Conseil à l'Intégration, dans
son rapport de juillet 2003, dénonce le caractère contraire aux
principes républicains. Pour la commission Stasi sur la laïcité, il est
nécessaire de dénoncer les conventions internationales qui reconnaissent
la polygamie et la répudiation. La France doit faire primer le droit du
pays de domicile sur le droit du pays d'origine.
Aucune mesure concrète n' a été prise
dans ce sens, malgré les rappels incessants auprès des parlementaires et
des ministères concernés.
C'est pourquoi mariages de «
jouissance », « pour les papiers », « d'intérêt » ,forcés, répudiation
unilatérale par la volonté du mari, polygamie contractée à l'étranger,
enfants confiés à la famille paternelle selon la filiation islamique,
concernent des femmes et des enfants français ou vivant sur le
territoire.
L'offensive des extrémismes religieux
fait peser une menace sur les droits des femmes.
Les régressifs de toutes les
religions, catholiques intégristes, juifs orthodoxes, fondamentalistes
protestants, islamistes, bouddhistes, hindous, sikhs, ont le même
objectif : le retour à la vocation démographique et morale assignée aux
femmes. En Europe également, malgré la sécularisation de la société, les
intégristes religieux tentent d'assujettir les femmes, plus
particulièrement les jeunes, pour influer sur le politique.
C'est pourquoi, dans la brochure
Parité - Le Conseil de l'europe et la participation des femmes à la vie
politique, éditée par le Conseil de l'Europe, avril 2004, Mariette
Sineau conclut : « Pour que le religieux -si prompt à assujettir les
femmes (en particulier les plus jeunes), à les enfermer dans un statut
de dominées- ne dicte pas sa loi au politique, il apparaît urgent de
diffuser auprès des opinions européennes les notions de laïcité, de
séparation de l'Eglise et de l'Etat et de distinction entre le temporel
et le spirituel. De veiller à leur application dans un certain nombre de
lieux publics, à commencer par l'école, là où s'apprennent et se
perpétuent les normes républicaines et égalitaires. A l'avenir le
Conseil de l'Europe pourrait avoir pour mission prioritaire de réactiver
« le pacte laïque » c'est-à-dire que la laïcité soit affirmée comme
valeur fondatrice des démocraties. La laïcité est bel et bien
indispensable pour réussir l'intégration de tous à la res publica, comme
pour achever l'émancipation des femmes vis à vis des pères, des frères,
des maris »
Pour paraphraser Clémenceau, nous
n'allons pas tolérer les « membres de corporations internationales
soumis à des intérêts étrangers, véritables enclaves de servitudes
barbares dans notre droit civil de liberté » (Discours pour la liberté,
1903).
Michèle Vianes, présidente de «
Regards de Femmes »
Article publié dans « Respublica ».