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Auteur:
Ja
Source:
Agor
Date :
L'enfant et son arbre Généalogique
Les enfants ont parfois du mal à se repérer parmi les liens familiaux,
notamment dans les familles recomposées. Dessiner un arbre généalogique
leur permet de se représenter dans la succession des générations. Ancienne
éducatrice, puis psychothérapeute, auteure de D'où je viens moi ? (Le
Courrier du Livre), Denise Rebondy nous explique comment les accompagner
dans cette découverte.
Alternative Santé : En quoi la construction d'un arbre généalogique
peut-elle aider un enfant ?
Denise Rebondy : Vers 5-6 ans la plupart des enfants posent des
questions sur leur origine, parfois plus tôt, lors de la naissance d'un
petit frère ou d'une petite sœur. Pour leur répondre, je propose aux
parents de leur montrer qu'ils peuvent se représenter avec leur famille en
dessinant un arbre. L'enfant dessine le tronc de l'arbre et y place son
prénom. Puis il est invité à dessiner deux branches sur lesquelles il va
écrire papa et maman et éventuellement les noms et prénoms de ses parents.
De chacune de ces branches partiront deux autres branches sur lesquelles
il pourra placer les noms de ses grands-parents et ainsi de suite pour
situer les arrières-grands-parents et éventuellement une ou deux autres
générations, afin de bien montrer que nous sommes issus d'une longue
filiation.
Les jeunes enfants ont parfois du mal à se repérer dans les liens
familiaux et dans un premier temps, ils peuvent se tromper en plaçant le
nom du papa, de la maman et des grands-parents. Ils peuvent aussi
confondre la place de chaque sexe. Je propose donc aux parents de les
aider à découvrir cette vérité toute simple : nous avons tous un papa et
une maman, quatre grands-parents et il n'y a pas d'interruption dans la
chaîne des générations. Les parents peuvent raconter des petits contes qui
illustrent cela et j'en donne des exemples dans mon livre. Le dessin de
l'arbre est un travail symbolique qui permet à l'enfant de se représenter
à la fois la succession des générations et la différence des sexes qui
sont deux principes de base pour la construction de son identité.
Alternative Santé : Les situations familiales sont aujourd'hui de plus
en plus diversifiées, de très nombreux enfants sont élevés dans des
familles recomposées, comment peut-on représenter cette particularité ?
Denise Rebondy : Ce qui est important, c'est de représenter la réalité
familiale telle qu'elle est. La maman de Gaëtan par exemple s'est séparée
de son papa et a un autre compagnon et il a une demi-sœur. Gaëtan dessine
un premier arbre où il se place avec ses deux parents et ses
grands-parents. Il dessine un second arbre pour sa demi-sœur. Et comme ils
ont la même maman, on va mettre les deux arbres côte à côte, avec deux
branches qui fusionnent pour n'en faire qu'une seule sur laquelle Gaëtan
mettra le nom de sa maman. Il verra bien ensuite que ses grands-parents
maternels sont les mêmes que ceux de sa demi-sœur, chacun des deux ayant
ses propres grands-parents paternels.
Alternative Santé : Et dans le cas des enfants vivant en famille
monoparentale et des enfants adoptés ?
Denise Rebondy : Pour que cela marche, il faut que … … la
représentation soit juste. Je préfère pour ma part parler de foyer
monoparental pour l'enfant qui est élevé par un seul de ses parents (en
général la mère). Il devra donc dessiner un arbre où il situera son père
sur une branche à côté de celle de sa mère. Même s'il ne connaît pas ce
dernier, il est important qu'il se représente la filiation. Il peut
simplement mettre " mon papa ", pour le désigner alors qu'il va désigner
sa maman par son prénom et son nom de famille. C'était le cas de Julien
qui désignait au début son père comme " le monsieur de maman ". Puis
brusquement, il a compris qu'il avait bien un père et aussi des
grands-parents paternels. Il ne savait rien non plus sur son grand-père
maternel. Mais en dessinant l'arbre et en plaçant chacun à sa place,
Julien a découvert que, comme tout le monde, il était issu d'une longue
lignée. L'enfant adopté peut représenter ses deux fois deux parents en
dessinant un arbre greffé par exemple. L'important, c'est d'aider l'enfant
à prendre clairement sa place dans la lignée dont il est issu, même si
ceux qu'il appelle papa et maman ne sont pas ses géniteurs.
Alternative Santé : Quels sont les résultats de cette méthode ?
Denise Rebondy : Cela fait sauter des verrous. Je pense à ce petit
Gabriel qui était complètement désorienté. À huit ans, il ne savait pas
distinguer sa droite de sa gauche, ni expliquer où il habitait, il avait
du mal à compter et était perdu dans le temps. Il a dessiné un arbre à
l'école sur lequel le compagnon de sa mère avait pris la place du père
tandis que son père était mis à la place de son grand-père. Le père était
reparti vivre chez ses parents ce qui expliquait la confusion.
L'instituteur a aidé Gabriel à réaliser un arbre conforme à la réalité. La
confusion a pris bientôt fin et les apprentissages ont pu reprendre. Il y
a Céline, élève dans un institut médico-pédagogique, aux capacités
intellectuelles limitées, et qui, après avoir fait son arbre, nous a dit
si joliment : " L'arbre nous parle du temps d'avant, du temps de très loin
et du temps de tout de suite ". Et cela, c'est indispensable pour aller
vers l'avenir.
Alternative Santé : Votre livre est destiné à tous les parents. Ne
risquent-ils pas de remuer maladroitement des histoires douloureuses ?
Denise Rebondy : Je crois qu'il faut renforcer les parents dans leur
compétence. Les enfants veulent savoir d'où ils viennent et manifestent
souvent leur soulagement après une clarification. Les parents ne doivent
pas craindre de leur répondre. Bien sûr, il y a parfois des histoires
douloureuses. Je conseille aux parents de rester très simples dans leurs
explications, montrer que la vie continue, même s'il y a eu un accident de
parcours. D'ailleurs si la question vient sur le tapis, c'est probablement
le bon moment pour en parler. C'est aux parents d'être attentifs au bon
moment de l'enfant : s'il ne demande rien, c'est que sa préoccupation est
ailleurs. Mais il faut aussi être à l'écoute des questions non formulées.
Il s'agit bien d'une démarche qui ne remplace pas une psychothérapie quand
celle-ci est nécessaire.
Alternative Santé : Comment avez-vous conçu cette approche ?
Denise Rebondy : C'est un travail qui m'a pris vingt ans, des années
qui m'ont profondément transformée. J'ai fini mon activité professionnelle
comme psychothérapeute. Mais j'avais commencé comme éducatrice et ma
famille était devenue une famille d'accueil. J'étais confrontée aux
questions des enfants qui s'interrogeaient sur leur identité. C'est tout
naturellement que j'ai commencé à leur répondre en faisant des petits
croquis. Et cela les aidait à prendre possession de leur histoire. J'ai
ensuite été formatrice à l'Aide sociale à l'enfance et j'ai continué à
développer cette approche. J'ai ainsi pu proposer une méthode pratique aux
parents et aux éducateurs de jeunes enfants, avec un outil : l'arbre
généalogique.
propos recueillis par Régis pluchet
texte hébergé
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