Le bloc-notes d'Ivan Rioufol
irioufol@lefigaro.fr
[15 juillet 2005]
La terreur, au nom de l'Islam
A quoi bon le nier ? L'Islam est un
problème pour l'Occident. Et il revient aux très nombreux musulmans
éclairés, horrifiés par la barbarie qui a frappé la Grande-Bretagne en
leur nom, d'admettre l'urgence d'une lecture critique du Coran. Car
c'est bien le même livre qui invite à vivre paisiblement et qui attise
la haine d'une poignée de fanatiques contre les «infidèles». Les quatre
jeunes kamikazes de Londres, d'origine pakistanaise, étaient nés et
avaient été élevés en Angleterre. Ils étaient jusqu'alors bons dévots.
«Ces attentats n'ont rien à voir avec
l'Islam», répète le discours dominant. Dalil Boubakeur, président du
Conseil français du culte musulman, évoque un «acte criminel gravissime»
qui «ne peut en aucun cas se revendiquer ni de l'Islam ni de ses
valeurs». Mais ce rejet compréhensible revient à faire du terrorisme
l'expression exacerbée d'un sentiment d'injustice, qui rend coupable le
pays frappé. Or, le nihilisme islamiste puise d'abord dans les textes
sacrés. Interdit de le dire ?
Le procès en islamophobie, porté par
les moralisateurs professionnels, fait le jeu des intégristes. Oeuvrant
à la réislamisation de leurs «frères et soeurs», ils font obstacle à un
aggiornamento du Coran, au prétexte qu'il aurait été dicté par Dieu. Ce
faisant, ils justifient la perpétuation du djihad par le prosélytisme –
un rapport confidentiel de l'Education nationale a montré, en juin 2004,
comment le fondamentalisme s'est installé au coeur de l'école publique
(1) – ou par la violence, dont le prophète guerrier sut faire usage.
La bien-pensance réprouve le procédé
des citations. Elle estime que des propos belliqueux se retrouvent aussi
dans la Torah ou l'Evangile. Mais c'est oublier que juifs et chrétiens
ont su dépasser la lettre, tandis que l'Islam est resté un code de
conduite impératif. Le Coran dit par exemple, parlant des «mécréants»
(sourate 2, verset 191) : «Et tuez-les, où que vous les rencontriez
(...)» ; ou encore (sourate 8, verset 17) : «Ce n'est pas vous qui les
avez tués ; mais c'est Allah qui les a tués (...)», etc. (2).
Aller à la source – les appels à
trucider les juifs et les chrétiens se comptent par dizaines – fait
comprendre ce qu'est cette idéologie conquérante, raciste, sexiste. Un
lecteur d'Ezanville (Val-d'Oise) vient de m'envoyer un opuscule de 24
pages édité en Turquie, distribué dans des boîtes à lettres de sa
commune, où il est expliqué, sourates à l'appui, pourquoi Jésus n'est
qu'un «messager d'Allah». Exigeant la soumission, ce totalitarisme rêve
d'instaurer «l'ordre islamique», partout où il met les pieds. Il compte
sur les 15 à 20 millions de musulmans d'Europe pour sa Reconquista.
Ceux-là ne se reconnaissent pas dans
ces exterminateurs de «Croisés». Mais ils ne peuvent refuser de
considérer la part de responsabilité du système islamique dans les
dérives sectaires et mortifères. Même si les lectures extrêmes ne sont
pratiquées que par 1% des membres de la communauté, cela représente,
pour la seule Grande-Bretagne, 15 000 à 20 000 illuminés agissant au nom
d'une religion dévoyée. Aux musulmans progressistes de leur dire ce
qu'il faut oublier du Coran.
Les musulmans, premiers concernés
Quand l'assassin du cinéaste
néerlandais Theo Van Gogh affirme, mardi devant le tribunal d'Amsterdam,
avoir tué «au nom de sa religion» en se disant prêt «à refaire la même
chose», il parle comme les islamistes du Moyen-Orient et d'ailleurs.
Ceux-là égorgent devant des vidéos, se font sauter dans des transports
en commun, dissimulent des bombes dans des marchés publics, tuent des
enfants et des adolescents (32 morts à Bagdad, mercredi).
Maroco-néerlandais, Mohamed Bouyeri, 27 ans, s'est présenté devant ses
juges coiffé d'un keffieh palestinien, le Coran à la main. Il est le
produit de la radicalisation de descendants d'immigrés, observée aussi
dans des cités françaises.
Il est trop simple d'assurer que
l'intégrisme et ses terreurs cesseront lorsque le conflit
israélo-palestinien sera résolu et que l'occupation en Irak aura pris
fin. Ce raisonnement est partagé par la majorité des commentateurs, avec
les encouragements des prêcheurs. Mais il sonne creux. Bouyeri a égorgé
Van Gogh parce que le descendant du peintre critiquait l'Islam et ses
entreprises de déstabilisation du monde. Il a menacé de mort la
parlementaire néerlandaise et musulmane, Ayaan Hirs Ali parce qu'elle
ose dire (bloc-notes du 20 mai 2005) : «Le problème, c'est le prophète
et le Coran (...) Il y a des graines de fascisme dans l'Islam.»
Les nouveaux musulmans d'Europe ont
choisi de vivre en harmonie dans un Occident laïc et tolérant. Leur
religion n'est pas en cause. Cependant, la montée en puissance d'un
obscurantisme se comportant en pays conquis devrait les inciter à porter
témoignage de leur attachement à la démocratie, en acceptant d'ouvrir
les yeux sur la face noire d'un islam perverti, qui exalte la mort. Tony
Blair a eu raison de se dire «fier», lundi, de la communauté de
Grande-Bretagne qui a condamné les «actes impies». Mais cette
réprobation était la moindre des choses.
Pourquoi ne pas aller plus loin ? Des
musulmans ont su se mobiliser en 2003 pour dénoncer, avec bien d'autres,
la guerre en Irak. De semblables manifestations contre le terrorisme
islamiste seraient un message autrement plus lisible, aux yeux d'une
opinion inquiète, que les communiqués d'indignations. Et toute
l'ambiguïté sur le désir d'intégration de certains serait levée si un
débat critique pouvait avoir lieu, au sein même de la communauté, sur
les motivations qui poussent des jeunes femmes à porter le voile
qu'avaient refusé leurs mères.
Relire Chahdortt Djavann (3), qui fait
partie de ces quelques femmes remarquables qui ont décidé de résister à
l'islamisme et à sa banalisation : «S'il est bien vrai que le degré de
démocratie d'un pays se mesure au sort qu'il réserve aux femmes, tant
qu'il y aura des femmes voilées dans les pays ou dans les milieux
musulmans, le retour de l'intégrisme islamiste sera possible (...) Le
voile est le meilleur moyen de gagner du terrain pour les islamistes.»
Oui, bas les voiles !
Résistance : l'exemple anglais
Ce que l'Europe pacifiste se refuse
à voir : c'est une guerre qui a été déclarée contre l'Occident par
l'islamisme, le 11 septembre 2001 avec les attentats contre New York et
Washington. C'est cette même guerre qui a frappé Madrid le 11 mars 2004,
Londres le 7 juillet 2005 et qui menace chaque pays d'Europe, y compris
la France. Cette même guerre qui, partout dans le monde en réalité,
oppose les Fous de Dieu aux autres religions, y compris les musulmans
sécularisés d'Europe et les animistes du Darfour. Et il faudrait
applaudir ce totalitarisme en marche ?
Pour avoir souvent dénoncé ici
l'esprit capitulard des «antiguerre», prêts à acheter leur sécurité au
prix de compréhensions apportées à l'islamisme et de concessions faites
aux tyrannies moyen-orientales, l'attitude des Britanniques sauve
l'honneur. Alors que Jose Luis Zapatero avait, après le 11 mars 2004,
retiré les troupes espagnoles d'Irak, Tony Blair et son peuple montrent
une nouvelle fois ce qu'est le courage. Même le chauffeur du bus de la
ligne 30, soufflé par une des quatre bombes, a repris son travail lundi.
Chapeau bas.
Les démocraties ne sont pas coupables
de leur réussite. Or, en refusant de désigner leur ennemi – le «nazislamisme»
et son culte de l'homme supérieur – et la nature du danger – une guerre
mondiale d'un type nouveau –, elles se comportent comme si elles
acceptaient déjà d'être soumises. La commémoration, cette semaine, du
dixième anniversaire du massacre de 8 000 musulmans de Srebrenica par
des Serbes ne doit pas exonérer pour autant le fondamentalisme. Qui
parle du sort des chrétiens des Balkans, notamment au Kosovo ?
Il est beaucoup reproché à George W.
Bush et à Tony Blair d'avoir attisé la fureur d'al-Qaida par leur
intervention en Irak : elle aura pourtant chassé un dictateur qui
subventionnait les familles des bombes humaines palestiniennes et qui
avait applaudi au 11 septembre. Et, si les deux chefs d'Etat ont commis
des erreurs – mais comment combattre efficacement une nébuleuse ? –, ils
restent les figures symbolisant la résistance des démocraties face à la
«culture de la haine». Churchill aussi aurait pu éviter les bombes sur
Londres, en se couchant devant Hitler.
Contrôles aux frontières
Les tensions identitaires qui
déstabilisent l'Europe révèlent la difficile intégration de la culture
arabo-musulmane. Mais ces refus de reconnaître d'autres autorités que la
charia ne sauraient faire oublier ces citoyens qui ont très
majoritairement adopté le mode de vie européen et les lois nationales.
Comme Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l'égalité des
chances, ils admettent la nécessité de maîtriser l'immigration. «On ne
va pas ouvrir nos frontières à tout le reste du monde parce qu'on est
habité par un esprit d'altruisme ou je ne sais quoi», a déclaré mercredi
le ministre d'origine algérienne, commentant la volonté de Nicolas
Sarkozy de développer une «immigration choisie». Cependant, un des
meilleurs moyens de choisir reste encore le contrôle aux frontières, qui
n'existe plus. Le ministre de l'Intérieur l'a rétabli temporairement,
cette semaine, après les attentats de Londres. Pourquoi ne pas recourir
à ces contrôles dans la durée ?
Nouveaux serfs
A propos du modèle français, de
nouveau défendu hier par Jacques Chirac : l'emploi public a progressé de
24% entre 1982 et 2003, selon un rapport officiel diffusé lundi. Fin
2003, les fonctionnaires représentaient 5 millions de personnes, soit un
salarié sur cinq. Selon les calculs de l'association des Contribuables
associés, les Français consacrent 196 jours sur 365 – soit jusqu'au 16
juillet – à financer le secteur public. Ils travaillent donc un jour sur
deux pour l'Etat. Commentaire de l'association : «Au Moyen Age, un homme
était considéré comme serf lorsqu'il devait payer plus de 40 jours à son
seigneur».
La honte
Cette honte pour la démocratie
américaine : l'emprisonnement, depuis le 6 juillet, de la journaliste du
New York Times, Judith Miller. Elle a été incarcérée pour avoir refusé
de révéler à la justice le nom d'un de ses informateurs. Où est ici le
respect de la liberté de la presse ?
(1) Rapport Obin «sur les signes et
manifestations d'appartenances religieuses dans les établissements
scolaires», déjà cité ici. (2) La traduction est celle proposée par
l'Union des organisations islamiques de France sur son site Internet.
(3) Que pense Allah de l'Europe (Gallimard). Lire aussi du même auteur :
Bas les voiles! (Gallimard).