Les maîtres censeurs (suite) (1).
Cette fois, ils s'en sont pris à François Baroin, ministre de l'Outre-Mer,
qui, dans le dernier Figaro-Magazine, a remis en question le
droit du sol appliqué à certains départements d'outre-mer confrontés à
une immigration clandestine menaçant la cohésion sociale. Passons sur
les indignations rituelles des professionnels de l'antiracisme,
agitant le chiffon d'une «course à l'extrême droite». Plus
intéressant est de constater que Baroin et l'UMP, venue le soutenir,
ont tenu bon devant les donneurs de leçons.
Le droit du sol offre à celui qui
est né en France, de parents étrangers, la possibilité d'obtenir à
terme la nationalité ; elle lui est acquise automatiquement si l'un de
ses parents est né en France. Ce système généreux se prête néanmoins
aux détournements, notamment grâce aux mariages blancs et aux états de
fait. Aujourd'hui, pour de nombreux déshérités, la qualité de Français
attire moins pour ce qu'elle représente d'idéal que pour ce qu'elle
offre en protections sociales.
Le conformisme politique aimerait
dissimuler cette attirance platement utilitaire, qui peut conduire à
devenir français en ignorant la France. Cependant, les belles âmes ont
beau brandir leur «humanisme» pour tenter d'«évacuer des débats»
(2) ce problème et de disqualifier ceux qui l'abordent,
l'accumulation des cas force à s'interroger sur cette nouvelle
francité creuse : un discernement conforme aux attentes de ceux qui
n'entendent plus rien aux slogans pavloviens des Comités de salut
public.
En s'attaquant au tabou du droit du sol, Baroin fait oeuvre utile. Il
invite à poser de bonnes questions, à l'heure où l'immigration non
voulue peut devenir un risque pour l'équilibre démographique et un
défit pour la souveraineté. Ces cas de figure se retrouvent à Mayotte
et en Guyane, où plus d'un habitant sur quatre est un étranger en
situation irrégulière. La maternité de Mamoudzou, à Mayotte, est
devenue la première de France avec 7 500 naissances par an. 80% des
mères y sont en situation irrégulière.
Il faut écouter les élus locaux.
Antoine Karam, président (PS) du conseil régional : «Nous sommes au
bord de la rupture de l'équilibre sociologique de la population
guyanaise» (3). Mansour Kamardine, député (UMP) de Mayotte :
«Mayotte croule sous le poids de l'immigration et est en train de
sombrer» (4). Certains, comme le sénateur Georges Othily,
n'hésitent pas à parler de «génocide par substitution du peuple
guyanais», tandis que d'autres dénoncent des «invasions».
Le mur bétonné du politiquement correct est en train de rompre sous
la pression des réalités. Les citoyens des DOM souffrent de
l'immigration imposée et posent crûment le problème inabordable du
contenu de la nationalité. Un tel sujet mérite mieux que les cris
d'orfraie des moralistes du moment. «L'UMP doit débattre de tout»,
a répondu pour sa part le porte-parole de ce parti, Luc Chatel.
Hier, François Bayrou, président de l'UDF, a également jugé la
réflexion «sérieuse». La droite, naguère si peu téméraire, a
enfin décidé de dire m... au terrorisme intellectuel. Le plus dur est
fait.
«L'esprit d'une nation»
Le droit du sol n'est pas un
principe sacro-saint. Quand il est à l'origine des désordres décrits
dans certains départements d'outre-mer, il est légitime qu'une
réflexion s'engage. L'UMP n'a pas dit autre chose, lorsqu'elle a
déclaré, lundi, qu'il n'était «pas question de remettre en cause le
principe du droit du sol, mais de l'adapter». François Baroin,
proche de Jacques Chirac, avait déclaré précédemment : «Le droit
du sol ne doit plus en être un.» Mais cette réflexion doit
aussi s'engager concernant la métropole elle-même.
Jean Daniel, intellectuel de gauche, avait fait une juste remarque
quand il avait écrit en 2002 dans son hebdomadaire, Le Nouvel
Observateur (5) : «Le droit du sol sans intégration, c'est
la porte ouverte au communautarisme et à la ghettoïsation.»
Or, la faillite de l'intégration d'une partie de la population
extra-européenne est établie. Ce constat autorise, dès à présent, à se
poser la question du devenir de l'unité nationale. En France aussi, la
nationalité n'est parfois vécue que comme une procédure administrative
donnant accès à des droits.
Se dirige-t-on vers une
défrancisation de la France ? C'est la question iconoclaste à laquelle
il faut répondre, dans la foulée des interrogations lancées par Baroin.
Alors que Montesquieu invitait à «être attentif à ne point
changer l'esprit général d'une nation» (6), l'ampleur du
communautarisme et de la ghettoïsation pousse à s'interroger sur le
risque «d'abandon d'une certaine originalité française», pour
reprendre une inquiétude soulevée par Dominique de Villepin, mardi,
devant les députés de l'UMP réunis à Evian.
Le doit du sol a produit le meilleur
en permettant à la France de s'ouvrir aux autres, tout en préservant
sa propre originalité. Appliqué dans son automaticité à une
immigration de masse insouciante de l'hôte, il peut produire le pire.
C'est-à-dire, une identité nationale bradée et regroupée sous le
qualificatif, devenu vide de sens, de «Français». Ces nouveaux
«Hexagonaux» existent déjà, ici et là, indifférents à l'âme de la
nation. Qu'en serait-il à la fin de ce siècle ?
Le tintouin de la bien-pensance – qui partage avec l'extrême droite
son goût pour l'insulte et l'exclusion – ne peut plus faire taire les
voix de ceux qui, face aux désastres annoncés des repliements
ethniques, s'interrogent sur les limites à apporter au droit du sol ou
sur les exigences qui devraient accompagner celui-ci. Cela afin que
les nouveaux compatriotes aient encore à voir avec cette «douce
France» reconnaissable à ses qualités et défauts collectifs, hérités
d'une histoire acceptée de tous.
......
suite voir
http://www.lefigaro.fr/debats/20050923.FIG0318.html