le 19/11/2005 23:42:54,
Borderline_hbo a écrit :
Je vais essayer de d’expliquer
pourquoi, selon moi, le mot République tend à remplacer le mot France
dans la bouche des tenants de la société multiculturelle.
Les allemands, au XIXème et au début
du XXème siècle, avaient tendance à dire qu’ils étaient le pays de la
culture et la France celui de la civilisation.
Pour les allemands, la source de
vitalité d’un peuple et sa cohésion se trouvaient dans sa tradition,
ses rites, ses mythes, ses habitudes, ses personnages et lieux
historiques. Il ne s’agissait pas de savoir si ces habitudes
obéissaient à de bonnes ou de mauvaises idées, ou si les victoires
remportées sur un envahisseur étaient remportées pour de bonnes ou de
mauvaises causes. Les habitudes et les mythes soudaient le peuple. Les
victoires et les lieux de ces victoires symbolisaient la défense de ce
peuple et de son territoire ; cela sufffisait à les rendre estimables,
mémorables et à les célébrer. Cet ensemble de mythes, de rites et de
mémoire, liés à un territoire, formaient l’épine dorsale de la nation
et s'appelaient la culture. La culture, chose primordiale, était donc
enracinée.
A la culture, les allemands
opposaient la civilisation post-révolutionnaire française définie par
ses idées, et s’en méfiaient à juste titre car si des racines ne se
discutent pas, les idées sont changeantes et ne peuvent pas servir de
base innamovible à l’unité d’une nation.
Bien sûr, la France n’était pas
uniquement le pays de la civilisation, mais les allemands avaient
compris qu’une culture était enracinée et y voyaient la seule garantie
innamovible de l’unité vraie d’un peuple.
Aujourd’hui, la France est devenue
une société multiculturelle. On verra que dans ce cas on se heurte à
un dilemme insoluble et on verra en quoi ce dilemme explique qu’on
abandonne aujord’hui le mot « France » au profit du mot « république
».
Pour mémoire, on n’a pas toujours
parlé en France de société multiculturelle. On a parlé au début de
société mutiraciale, ce qui n’est pas du tout la même chose.
La société multiraciale est la
société du métissage, donc d’un mélange harmonieux dont le résultat
est censé être meilleur que les partie dont il est issu. La société
française républicaine, imbue de ses prétentions universalistes,
n’avait alors jamais imaginé qu’un immigré puisse ne pas se débarasser
de l’aliénation de sa culture d’origine pour devenir un vrai français,
c’est à dire un homo-universalis. La problématique culturelle n’était
qu’un élément mineur de la reflexion sur l’immigration. On admettait à
la rigueur qu’un immigré ne puisse pas se libérer du poids de sa
culture, mais on n’imaginait pas que cela ne soit pas le cas pour ses
enfants.
La France vivait alors vis-à-vis des
autres cultures dans un complexe de supériorité « culturelle », bien
que ce mot soit impropre et qu’il faille le remplacer «
civilisationnelle ». En gros, notre civilisation était censée venir à
bout de toutes les cultures. Le mot France ne posait pas encore de
problème.
Aujourd’hui, la France tombée de
haut constate que ses immigrés restent attachés à leur culture. La
société du métissage universaliste est devenue multiculturelle ; le
melting-pot est devenu salad-bowl.
Le dogme nouveau de la nation
multiculturaliste prône donc le respect de toutes les cultures sur une
même territoire et sous une même loi d'une part, et demande pour des
raisons élémentaires de cohésion nationale l’attachement au pays
accueillant d’autre part.
Mais quelle société, et surout
quelle culture, peut bien se former sur un territoire avec des gens
dont les histoires contiennent des luttes et des antagonismes qui font
que certains lieux et évènements de mémoire sur ce territoire ont des
significations opposées ? Défaite pour les uns, victoire pour les
autres. Grandeur pour les uns, humiliation pour les autres. Bien pour
les uns, mal pour les autres.
Par exemple, dans la bouche d’un
français de souche, Verdun est le lieu de défense de la patrie. Dans
la bouche d’un algérien qui reste de culture algérienne ou d’un
sénégalais qui reste de culture sénégalaise, Verdun ne représente pas
le lieu ou son territoire aura été défendu, mais le lieu où des
algériens et des sénégalais auront été envoyés à l’abattoir pour
défendre le pays qui les avait ccolonisés.
Dans la bouche d’un français,
Poitiers est le lieu ou un envahisseur arabo-musulman aura été
repoussé. C’est le théatre d’une victoire. Dans la bouche d’un arabe
de culture musulmane attaché à son territoire d’origine, Poitiers est
le lieu d’un défaite.
Dans la bouche d’un français,
Bordeaux c’est le vin, la convivialité et la vie ; dans la bouche d’un
barbu, c’est le mal. Pareil pour Toulouse et son cassoulet, l’Alsace
et sa choucroute, et je ne vous parle pas de la Champagne, de la
Bourgogne, etc…
Un certain nombre de portions et de
lieux du territoire ayant valeur de mythes ou chargés de symboles et
de rites positifs pour la culture indigène, se trouvent être connoté
négativement pour la culture allogène.
Idem pour les personnages
historiques posant problème comme Charles Martel et bientôt Saint
Louis ou Lyautey.
Idem pour les évènements comme Noel
dont la célébration millémaire pose des problèmes de compatibilité
avec certaines cultures.
Comment résoudre le dilemme de faire
cohabiter des cultures différentes et de renforcer leur cohésion sur
un territoire dont certains lieux et mythes sont clairement des
éléments de déchirement, voire d’affrontement parmi les cultures qui
le composent?
La seule solution est de faire
disparaître de la mémoire tous les lieux symboliques et les personnage
posant problème, donc faire disparaître une partie du pays réel. Il
faut faire disparaître peu à peu la France et la remplacer par une
abstraction : la république.
Dans le bouche des
multiculturalistes français, il est devenu clair que la république
abstraite est devenu le seul espace dans lequel le multiculturalisme à
la Française puisse exister, puisque le pays réel historique est
porteur de conflit.
Les conséquences en sont simples :
si le vrai multiculturalisme devient réalité en France, le peuple
accueillant verra un certain nombre de ses racines et de ses
références culturelles disparaître tandis que l’allogène, toujours en
contact avec une culture d’origine intacte, gardera les siennes.
Ce phénomène d’acculturation
unilatérale s’appelle la COLONISATION, et il s'appliquera dans ce cas
à la France.
Le fait que la classe dirigeante
actuelle, pourtant officiellement opposée au multiculturalisme,
emploie de plus en plus le terme de "république" au lieu de celui de
"France" tient autant du lapsus révélateur que du constat d'échec
inavoué. Ils ont intériorisé, sinon accepté le multiculturalisme, donc
la colonisation de la France.