LEMONDE.FR | 16.11.05 | 19h41
L'immigration, bien préparée et bien
gérée, permet de lutter efficacement contre la pauvreté, selon un
rapport publié mercredi 16 novembre par la Banque mondiale, dans un
contexte de débat sur les problèmes d'intégration des populations
immigrées alimenté par les violences en France.
"Alors que le nombre des
travailleurs migrants dans le monde frise les 200 millions, leur
productivité et leurs salaires sont un outil puissant de réduction de la
pauvreté", a souligné l'économiste en chef de la Banque mondiale,
François Bourguignon, en évoquant l'importance des envois de fonds de
ces travailleurs vers leurs pays d'origine.
Mais le "défi à relever par les
décideurs, a ajouté M. Bourguignon, est de réaliser pleinement les
avantages économiques potentiels, tout en gérant les conséquences
sociales et politiques que cela implique".
Le rapport, rédigé avant l'éclatement
des troubles dans les banlieues françaises début novembre, ne fait pas
mention de la situation en France, où le gouvernement a annoncé, face au
soulèvement des jeunes immigrés des banlieues pauvres et à fort taux de
chômage, des mesures pour améliorer leurs conditions de vie.
RÉPONDRE AU VIEILLISSEMENT DE LA
POPULATION
L'immigration semble incontournable
pour répondre au problème du vieillissement de la population dans les
pays développés, soulignent régulièrement la Banque mondiale et d'autres
institutions internationales.
Dans son rapport, intitulé
Prévisions économiques mondiales 2006, la Banque mondiale a calculé
qu'un accroissement de 3 % du nombre des migrants dans les pays à revenu
élevé d'ici à 2025 pourrait accroître le revenu réel mondial de 0,6 %,
soit 356 milliards de dollars.
Dans le détail, 162 milliards de
dollars iraient ainsi aux nouveaux migrants, 143 milliards de dollars à
leurs familles dans les pays pauvres. En 2005, les transferts de fonds
des travailleurs migrants ont dépassé les 232 milliards de dollars, dont
167 milliards sont allés aux pays en développement, soit plus du double
du montant total de l'aide au développement, note le rapport.
LA FRANCE EN QUATRIÈME POSITION
L'Inde arrive en tête, avec 21,7
milliards de dollars ainsi rapatriés, suivie par la Chine (21,3
milliards de dollars) et le Mexique (18,1 milliards de dollars). Dans ce
classement établi selon le volume en dollars des fonds officiellement
comptabilisés par les pays, la France arrive en quatrième position avec
12,7 milliards de dollars, devant les Philippines avec 11,6 milliards.
Ce classement de la France s'explique
par plusieurs éléments, selon l'un des coauteurs du rapport, Dilip Ratha.
Tout d'abord, il s'agit d'un classement en volume et valeur en dollars.
Aussi, le taux de change de l'euro plus fort que le billet vert a eu un
impact favorable car la plupart des transferts de fonds des expatriés
français venaient des autres pays d'Union européenne.
Par ailleurs, comparé au produit
intérieur brut (PIB) de la France, les 12,7 milliards de dollars
représentent peu pour un "pays riche comme la France", souligne le
rapport. Les transferts étant calculés selon l'impact des envois de
fonds sur le revenu intérieur, les îles Tonga arrivent en tête avec 31
%, devant la Moldavie (27,1 %), le Lesotho (25,8 %), Haïti (24,8 %) et
la Bosnie-Herzégovine (22,5 %).
Enfin, pour maximiser les bénéfices de
l'immigration, le rapport encourage la conclusion d'accords entre les
pays en développement et ceux qui accueillent leurs migrants afin
d'améliorer les conditions dans lesquelles ces derniers traversent les
frontières, trouvent un emploi durable et transfèrent leurs salaires.
Ainsi, l'utilisation de canaux
officiels et l'abandon du marché noir pourraient accroître de 50 % au
moins les sommes rapatriées, alors que les envois de fonds sont souvent
la principale source de capitaux extérieurs dans de nombreux pays
pauvres.
Avec AFP