« L’autre est
considéré comme étant à respecter dans toute sa différence »
ROME, Jeudi 2 février 2006 (ZENIT.org)
– L’Institut Saint Dominique
de Rome accueille actuellement environ 400 enfants, de la maternelle à
la terminale, d’une cinquantaine de nationalités différentes. L’école a
participé ce mercredi à l’audience générale du pape Benoît XVI. Zenit a
rencontré à cette occasion la directrice du collège et du lycée, sœur
Marie-Laetitia.
Zenit : Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes du projet
éducatif de l’Institut Saint-Dominique ?
Sr Marie-Laetitia : Nous insistons, comme beaucoup d’autres
écoles catholiques, sur l’éducation de toute la personne, et pas
seulement sur l’enseignement. Nous voulons donner à chaque enfant les
valeurs fondamentales qui lui permettront d’affronter la vie. Pour cela,
il faut prendre chaque enfant là où il en est, pour le faire grandir
selon sa vie à lui, sans essayer de le mettre dans un moule. Ce qui est
spécifique de notre manière d’aborder l’enseignement est l’idée que
toute personne est unique, chaque enfant a sa manière propre d’être
abordé, chacun a son milieu, sa famille, son passé. A partir de ce qu’il
est, nous voulons l’aider à donner le meilleur de lui-même pour le
faire arriver au plus haut, pas seulement au niveau de l’enseignement
mais aussi au niveau de toutes les valeurs humaines et chrétiennes.
Zenit : Ceci est-il réaliste avec un groupe d’enfants important ?
Sr Marie-Laetitia : Une mère de famille qui a un enfant n’aimera
pas son enfant davantage qu’une mère qui en a neuf. Une mère aime tous
ses enfants avec la même plénitude d’amour. Ce qui est important ce
n’est pas le nombre d’enfants que nous avons mais le regard d’amour que
l’on porte sur chacun d’entre eux.
Tout cela dans un esprit dominicain, c’est-à-dire dans un climat de
liberté, de responsabilité et de joie. Liberté ne veut pas dire que l’on
fait ce que l’on veut mais que le règlement est librement accepté.
Zenit : Vous affichez clairement l’identité catholique de l’Institut
Saint Dominique. La présence de nombreux enfants d’autres religions à
l’école pose-t-elle problème ?
Sr Marie-Laetitia : Avant d’être un problème c’est une chance et
avant d’être un problème religieux c’est un problème humain. Une école
comme la nôtre, comme toutes les écoles de milieux internationaux,
enseigne à vivre ensemble. L’autre est obligatoirement différent, même
lorsqu’on est de la même nationalité. L’autre est toutefois considéré
comme étant à respecter dans toute sa différence. Cela s’apprend, car ce
n’est pas facile. Il n’est pas facile d’accueillir tout ce qu’on ne
comprend pas dans la manière de réagir de l’autre. Mais je disais que
c’est une chance car cela permet une merveilleuse ouverture de cœur, une
éducation à l’attention à l’autre et au respect. Ce n’est pas facile
pour les éducateurs. Nous le voyons tous les jours. Les personnes ont du
mal à vivre ensemble, et plus on est différent, plus cela est difficile.
Ceci dit, c’est merveilleux car on voit que les enfants vivent vraiment
ensemble. Il est extrêmement rare d’assister à des cas de vrai racisme.
On peut assister à des disputes mais on n’a pas de vrai rejet de la
couleur de l’autre.
Pour l’enseignement de la religion, je ne crois pas non plus que cela
soit source de problème même si cela est certainement source de
questionnement. Les élèves se demandent, surtout dans une société où le
relativisme religieux est très répandu, pourquoi les catholiques, ou les
chrétiens auraient-ils raison, et pas les musulmans. Il est difficile de
leur faire comprendre que ce n’est pas pour le fait d’avoir raison, mais
parce que Jésus Christ nous a révélé le Dieu trinitaire. Nous voulons
respecter les musulmans dans leur religion. Nous ne faisons pas de
prosélytisme. Si un musulman demande à participer aux cours de catéchèse
nous nous assurons toujours que les parents sont d’accord. Leur liberté
reste entière. En revanche, si un enfant n’a pas de religion, nous
spécifions bien au moment de l’inscription que l’enseignement religieux
fait partie du programme éducatif de l’école. Mais ceci est dit très
clairement pour que les personnes ne se sentent pas piégées. Les enfants
doivent adhérer à cet aspect du programme éducatif, pour une culture
religieuse et une ouverture du cœur. Un chrétien non catholique est
également tenu de suivre les cours de catéchèse. Nous gérons ensuite
bien sûr les différences. Je pense que c’est une manière de travailler à
l’œcuménisme.
Zenit : Les musulmans ont été invités à participer à l’audience avec
le pape ce matin. De quelle manière ont-ils répondu ?
Sr Marie-Laetitia : Très peu d’entre eux ont refusé. Nous l’avons
vu sous un double aspect. Un aspect ecclésial bien sûr, mais aussi un
aspect « fête de famille ». Nous ne voulions pas que les musulmans
soient blessés dans leur appartenance parce qu’ils aiment l’école. Nous
ne voulions pas qu’ils se sentent exclus. Mais leur liberté était
entière. Quelques uns ont choisi de rester à la maison mais beaucoup ont
décidé de venir avec nous.
Zenit : Ces dernières années plusieurs enfants ont demandé à recevoir
le baptême. L’école les a préparés et ils ont été baptisés. Pourquoi
ont-ils demandé le baptême ? Se sont-ils convertis à l’école ?
Sr Marie-Laetitia : Plusieurs enfants se sont posés la question
du baptême en assistant aux cours de catéchèse. Une élève de quatrième,
qui a commencé son cheminement vers le baptême cette année avait entendu
parler de Jésus dans son pays. Il y a plusieurs grands (au-delà de la
quatrième) qui se posent la question. Dans le cas des plus petits, si
l’enfant souhaite le baptême mais les parents ne sont pas d’accord, nous
sommes obligés de demander à l’enfant d’attendre, en gardant ce désir
dans son cœur. Mais nous entamons le dialogue avec les parents, et
souvent, si l’enfant a vraiment le désir, il finit par convaincre ses
parents. Il est vrai que certains parents ont refusé. Mais je me
souviens aussi d’avoir vu des parents non croyants assister au baptême
de leur enfant, émus jusqu’aux larmes.
Zenit : Quels sont selon vous les points les plus importants sur
lesquels les enseignants et les parents doivent insister pour
l’éducation de leurs enfants aujourd’hui ?
Sr Marie-Laetitia : La première chose, c’est le respect. On
s’aperçoit que c’est sur le respect qu’on doit le plus insister. Et le
respect, c’est vaste. Ce n’est pas seulement accepter l’autre dans ses
différences. C’est aussi le respect de l’environnement, le respect du
matériel. Et je crois que ce que nous devons le plus demander aux
parents, car c’est un problème de société et de rythme de vie, c’est la
présence auprès de leurs enfants. Nous avons de plus en plus de parents
absents. L’enfant essaie alors de combler d’une manière ou d’une autre.
J’insiste aussi beaucoup auprès des enseignants sur la qualité de leur
présence, et je crois que pour les parents, c’est la même chose. Je dis
toujours aux enseignants : « Ce n’est pas à coups d’avertissements que
vous réussirez à avoir de l’autorité mais c’est à travers la qualité de
votre présence. C’est l’investissement personnel que vous allez mettre
dans la relation, qui compte ». Pour les parents aussi, il y a une
manière d’être avec les enfants qui est en réalité une absence. Si l’on
place une télévision entre l’enfant et ses parents, il n’y aura pas la
même qualité de relation. Il faut savoir créer des moments ensemble,
apprendre à se parler.
Zenit : Quelques mots sur votre congrégation, la Congrégation romaine
de saint Dominique ?
Sr Marie-Laetitia : Nous sommes la fusion de cinq congrégations
enseignantes. La fusion s’est opérée à la fin des années cinquante. Mais
à partir des années 68 il y a eu une grande diversification. La plupart
de nos écoles dans le monde sont maintenant dirigées par des laïcs avec
en général un regard dominicain – en France on l’appelle une « tutelle »
dominicaine. Nous avons encore deux écoles dirigées par les sœurs au
Japon, et celle-ci à Rome. On s’aperçoit que même si les sœurs ont
diversifié leur apostolat, elles restent tout de même beaucoup au
service de l’enseignement. En France, de nombreuses sœurs retraitées
font de l’alphabétisation, très souvent dans des quartiers défavorisés.
La congrégation encourage fortement les sœurs à faire des études. La
vocation dominicaine est l’annonce de la parole. Cela peut se faire sous
plusieurs formes, y compris les media (journaux, conférences, radio).
Nous avons plusieurs sœurs qui ont travaillé ou qui travaillent à la
radio.
A Rome nous sommes une vingtaine de soeurs. Nous sommes présentes en
France, au Canada, aux USA, au Brésil, au Chili, en Espagne, en Suède,
en Suisse, en Italie, au Japon, et au Bénin.
Pour tout renseignement :
Institut Saint Dominique – via Cassia 1173 – 00189 Rome
Tel : 06/30.31.08.17 – e-mail : isd1173@libero.it
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