Que la nation regarde son histoire
en face est la moindre des choses. L'esclavage et le colonialisme
doivent être enseignés au même titre que la Saint-Barthélemy, le
génocide vendéen, le zèle collaborationniste de Vichy. Cependant,
les demandes de repentances ne cherchent plus seulement à consolider
des souvenirs. Elles sont utilisées pour s'approprier des plaies et
marquer des humiliations. Un refus de l'héritage commun accompagne
souvent ces dénigrements.
Commentaire de l'historien et philosophe Paul Thibaud, mobilisé
contre «la guerre des mémoires» : «Nous sommes inquiets des
effets de la concurrence mémorielle qui tend à déchirer le corps
politique et à dresser des groupes de victimes de l'histoire les uns
contre les autres (...)». Une surenchère présente la France
comme injuste, méprisable, criminelle. La seule évocation par le
Parlement des «aspects positifs» du colonialisme a été vue
comme une provocation.
En s'appliquant l'autoflagellation, la France en quête de destin
laisse son passé lui échapper. Où est la fierté quand le
bicentenaire d'Austerlitz est célébré en catimini, de crainte
d'irriter des minorités ? D'autres pays européens, davantage
impliqués dans la traite des Noirs ou le colonialisme, se gardent de
succomber à cette mésestime de soi. L'exercice n'effleure pas les
pays arabes et africains, premiers des esclavagistes.
C'est une faiblesse que montre la France, en se pliant aux «devoirs
de mémoire» réclamés unilatéralement, y compris par le Parti
communiste, s'agissant du colonialisme. Remarquons, au passage, que
le PC a contribué, la semaine dernière, à faire échec à la
condamnation officielle, par le Conseil de l'Europe, des crimes
commis par les régimes communistes (100 millions de morts).
«Touche pas à mon histoire !», dit-il, quand ça l'arrange...
Villepin : le revirement
Dominique de Villepin a-t-il pris la mesure du malaise existentiel
des Français, qui voient leur histoire, mais aussi leur culture et
leur langue malmenées ? A Salzbourg (Autriche), vendredi dernier, il
a déclaré, parlant du besoin de frontières pour l'Europe : «Aucun
projet politique ne peut se construire dans un mouvement d'expansion
rapide et continue aux limites incertaines (...) L'Europe n'a pas
vocation à s'élargir indéfiniment. L'idée d'une fuite en avant me
paraît dangereuse.»
Propos d'autant plus intéressants que le premier ministre était, il
y a un an, parmi les défenseurs de l'entrée de la Turquie en Europe,
projet sur lequel il se fait plus discret, et l'avocat enfiévré
d'une Europe ouverte à l'Islam (Bloc-notes du 3/06/05). Dans L'Homme
européen (Plon, 2005), il plaidait aussi pour que l'Europe reste
«une ambition en mouvement, au lieu de se résigner à la
glaciation». «Évitons ce piège d'une Europe qui se fermerait et
déclarerait d'elle-même la fin de son histoire», écrivait-il.
Ce revirement rappelle l'éloignement des dirigeants face aux
préoccupations des peuples attachés à leurs origines. «Depuis des
décennies, nos élites sont devenues les pédagogues du renoncement
national», écrit Max Gallo dans un livre décapant qui sortira
mercredi («Fier d'être français», Fayard). L'écrivain y
appelle à défendre la «survie de la nation». Un message qui
devrait être entendu : le patriotisme, longtemps qualifié de
réactionnaire, s'impose depuis peu dans sa respectabilité.
Certes, il reste encore de bon ton de critiquer l'hégémonie
occidentale, qui mettrait en péril l'identité musulmane. Mais c'est
l'inverse qui se profile, avec la poussée de l'Islam en Europe. 60
000 «Gaulois» se seraient déjà convertis à cette religion (L'Express
du 26 janvier). Elle est disposée à développer son influence,
au-delà de la sphère privée, dans des domaines sociaux et
politiques. Qui saura contenir la charia, sinon
l'affirmation d'une identité respectueuse de ses racines judéo-chrétiennes
?
Menaces sur la liberté
d'opinion
A ce propos : la libre expression,
constitutive de l'esprit français, ne peut donner raison aux menaces
du monde islamique contre les quelques journaux européens, dont
France-Soir, qui ont publié des caricatures cruelles de Mahomet.
L'épreuve de force veut faire taire les critiques contre l'Islam. Le
Vatican a-t-il remis en cause la liberté d'opinion, après telle
caricature avilissante de Benoît XVI parue le 17 août dans
Charlie Hebdo, ou après des films et publicités jugés
blasphématoires ?
Ces intimidations ont conduit,
hier, au renvoi du directeur de la publication de France-Soir.
L'enseignant Louis Chagnon avait également été lâché par sa
hiérarchie, en 2004, après avoir décrit les comportements guerriers
du prophète. En décembre, une pièce de Voltaire, Le Fanatisme ou
Mahomet le prophète, avait suscité la colère d'associations et
de la mosquée de Genève. Au Pays-Bas, Theo Van Gogh a été assassiné
pour avoir dénoncé l'islamisme. Une résistance est, plus que jamais,
nécessaire.
Front commun
La victoire du Hamas : elle a le
mérite d'ouvrir les yeux des Européens sur la réalité du
totalitarisme islamiste et son obsession à détruire Israël. Un
front commun des démocraties se dessine enfin contre le «nazislamisme»
palestinien et iranien. C'est la seule bonne nouvelle, dans
cette région désespérante pour la paix.
irioufol@lefigaro.fr