DANS sa «belle patrie», Benoît XVI
se sent bien. Le Pape, réservé, n'est jamais apparu aussi à son aise
pour mettre en garde l'Occident où règne le «cynisme». Hier, devant
plus de 200 000 fidèles réunis à la Neue Messe de Munich pour la
première grand-messe de son voyage de six jours en Bavière, il a
pointé «la surdité face à Dieu» de la société
occidentale. Le Pape théologien, dans une homélie aux accents
politiques, est ainsi revenu fermement sur le thème de la
sécularisation et du rationalisme qui représentent pour lui des maux
mortels pour la civilisation occidentale.
Celui qui s'est qualifié à son
arrivée, vendredi, dans la capitale bavaroise, de «bête de somme» au
service de la foi catholique, a ainsi regretté que l'Église préfère
l'activisme social à l'évangélisation. Pour lui, comme il l'avait
déjà souligné dans sa première encyclique Deus Caritas est, l'Église
catholique n'est pas une ONG. Un rappel sous forme de critique pour
l'Église allemande riche et généreuse, mais dont les engagements sont
plus sociaux que spirituels.
«L'évangélisation doit avoir la
priorité», a ainsi estimé le Pape. Et abordant un thème
particulièrement sensible, il a estimé que c'est par la diffusion de
la foi catholique que «le sida pourra être combattu en affrontant
véritablement ses causes profondes et les malades soignés avec
attention et l'amour nécessaire». Ce rappel aux principes très
discutés de l'Église catholique en matière de prévention, fondés sur
la fidélité et l'abstinence, tranche avec le ton plus conciliant que
le Pape avait adopté en matière de morale lors de son voyage à Valence
(Espagne) en juillet dernier.
Ainsi, pour le Souverain Pontife,
apporter une aide technique aux pays en voie de développement, c'est
«trop peu». L'Afrique et l'Asie, a-t-il expliqué, où les mouvements
évangélistes concurrencent l'Église catholique, sont «effrayés par une
forme de raison qui exclut totalement Dieu de la vision de l'homme».
La véritable menace pour eux «n'est pas la foi chrétienne, mais au
contraire la dépréciation de Dieu» qui considère «l'insulte du sacré»,
le blasphème, «comme un droit à la liberté».
De nombreux fidèles déplorent son
conservatisme
La tolérance «dont nous avons
besoin de façon urgente comprend la crainte de Dieu», a-t-il alors
rappelé. Un principe que le Pape avait abordé lors de la crise des
caricatures de Mahomet, l'hiver dernier, pointant ainsi
la faiblesse
fondamentale de l'Occident sous la coupe de «la dictature du
relativisme» face à l'Islam.
Dans la soirée, lors de la
célébration des vêpres dans la cathédrale de Munich, le Pape devait
d'ailleurs insister sur cette éducation au sacré. En cette période de
rentrée scolaire, Benoît XVI a ainsi regretté que dans «un monde
pluraliste, il soit difficile d'avoir à l'école un discours sur la
foi». Dans un système éducatif laïque, «il n'est pas suffisant que les
enfants acquièrent à l'école les seules connaissances techniques, et
pas les critères qui donnent à la conscience une orientation et un
sens».
Ce discours qui rappelle le cardinal
Joseph Ratzinger, austère gardien de la doctrine de l'Église, derrière
Benoît XVI, a ravivé les critiques traditionnelles qui lui sont
adressées. Ainsi, si le Pape allemand participe par sa venue au
réveil patriotique de son pays après la Coupe du monde de football,
les attaques ne manquent pas contre lui.
Au-delà des questions morales, dans
une société de plus en plus sécularisée, où protestants et catholiques
vivent dans une mixité toujours plus grande, beaucoup se déclarent
déçus du manque de progrès dans le domaine oecuménique. Ils estiment
que Benoît XVI est trop conservateur et plus tourné vers le dialogue
avec les orthodoxes que vers les protestants.