LE
DJIHAD
1ère
partie: Les qualifications légales (hukm) de cette activité et les
personnes obligées d’y prendre part
Les savants
s’accordent à dire que le djihad est un devoir collectif et non
personnel. (…) De l’avis de la majorité des savants, la nature
obligatoire du djihad est fondée sur [le verset du Coran 2:216] :
«Le combat vous a été prescrit alors qu’il vous est
désagréable.» (…) L’obligation de participer au djihad
s’applique aux hommes adultes libres qui disposent des moyens de
partir en guerre et qui sont en bonne santé. (…)
2e
partie: L’ennemi
Les
savants s’accordent sur le fait que tous les polythéistes doivent
être combattus. Cela est fondé sur [le verset du Coran 8:39]:
«Et combattez-les jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus d’association,
et que la religion soit entièrement à Allah.» Toutefois, il a
été relaté à Malik qu’il ne serait pas permis d’attaquer les
Éthiopiens et les Turcs sur la base de la tradition du prophète:
«Laissez les Éthiopiens en paix aussi longtemps qu’ils vous
laissent en paix.» Interrogé sur l’authenticité de ce hadith,
Malik ne le reconnut pas, mais dit: «Les
gens évitent toujours de les attaquer.»
[Ceci constitue
bel et bien la totalité du texte définissant l’«ennemi»]
3e
partie: Les dommages pouvant être infligés aux différentes
catégories d’ennemis
Les dommages
infligés à l’ennemi peuvent consister en atteintes à sa propriété,
à sa personne ou à ses libertés individuelles, c’est-à-dire sa
mise en esclavage et son appropriation. Conformément au consensus
(idjma), cela peut être infligé à tous les polythéistes – hommes,
femmes, jeunes et vieux, important et communs. Les opinions ne
varient qu’en ce qui concerne les moines. (…).
La majorité des
savants s’accordent à dire que l’imam (le chef de l’État
islamique, le calife) dispose de nombreux possibilités de traiter
les captifs. Il peut leur pardonner, les tuer ou les libérer
contre rançon ou sous forme de dhimmi, auquel cas le captif libéré
est tenu de payer la taxe de capitation (jiziah).
Quelques
savants, néanmoins, enseignent que les captifs ne doivent jamais
être tués. Selon al-Hasan Ibn Muhammad al-Tamimi, c’était même la
le consensus (idjma) de la Sahabah [les contemporains du prophète
qui l’ont connu]. Cette controverse est apparue premièrement parce
que les versets du Coran sont contradictoires à cet égard;
deuxièmement parce que la pratique [du prophète et des premiers
califes] était incohérente; et troisièmement parce que
l’interprétation évidente du [verset du Coran 47:4] «Lorsque
vous rencontrez les incroyants, qu’ils soient massacrés jusqu’à
leur domination» est que l’imam n’a que le droit de pardonner
aux captifs ou de les libérer, tandis que par ailleurs [le verset
du Coran 8:67] «Un prophète ne devrait pas faire de
prisonniers avant d’avoir mis les mécréants hors de combat sur la
terre» de même que le contexte de la révélation de ce verset
[les captifs de Badr] tendent à prouver qu’il vaut mieux tuer les
captifs plutôt que de les mettre en esclavage.
Le prophète
lui-même a tué certains captifs hors du champ de bataille, alors
qu’il pardonna à d’autres. Il réduisait toujours les femmes en
esclavage. Abou Abayd a relaté que le prophète n’avait jamais
réduit en esclavage des Arabes de sexe masculin. Après lui, le
Sahabah réunit l’unanimité autour de la règle voulant que les Gens
du Livre, mâles et femelles, soient réduits en esclavage. Ceux qui
soutiennent l’opinion selon laquelle le verset qui interdit
l’exécution [47:4] abroge l’exemple donné par le prophète
maintiennent que les captifs ne doivent pas être tués, D’autres
professent toutefois que ce verset ne concerne pas le massacre de
captifs et donc n’avait pas pour intention de limiter le nombre de
traitements pouvant être infligés aux captifs. Au contraire,
disent-ils, le fait que le prophète ait eu pour habitude de tuer
les captifs ajoute une règle au verset [47:4] en question et ainsi
annule le cas de la plainte selon laquelle il aurait omis de tuer
les captifs de Badr. Ceux-ci, donc, professent que le massacre de
captifs est autorisé.
(…)
En ce qui
concerne les atteintes portées à la personne, c’est-à-dire le fait
de tuer l’ennemi, les Musulmans s’accordent à dire qu’en temps de
guerre, tous les mâles adultes valides et incroyants doivent être
tués [suit une longue discussion sur la question de savoir qui
d’autre peut aussi être tué, dans quels cas et selon quelles
autorités basées sur quels actes du prophète, sur quels versets et
quelles traditions, puis une autre, sur la question de savoir
quels dommages peuvent être infligés à la propriété de l’ennemi,
notamment l’incendie de ses arbres].
4e
partie: les conditions préalables de la guerre
Selon l’ensemble
des savants, la condition pour l’entrée en guerre est que l’ennemi
ait entendu les appels à adopter l’Islam. Cela implique qu’il
n’est pas autorisé d’attaquer avant que l’appel ne les ait
atteints. (…) Cependant, une controverse existe quant à la
question de savoir si l’appel doit être répété lorsque la guerre
est reprise. Certains soutiennent que cela est obligatoire;
d’autres considèrent que c’est seulement recommandé; un troisième
groupe estime que ce n’est ni obligatoire, ni recommandé. La
source de cette controverse se trouve dans les paroles et les
actes du prophète. Selon une tradition faisant autorité, le
prophète, en lançant ses armées, disait à leur commandant
«Lorsque tu
rencontreras tes ennemis polythéistes, appelle-les à trois choses.
Accepte celle à laquelle ils consentiront et ne les attaque pas,
alors. Appelle-les d’abord à se convertir à l’Islam. S’ils
acceptent, ne les attaque pas. Ensuite, appelle-les à quitter leur
territoire pour adopter le foyer des émigrants (muhadjirun)
[c’est-à-dire Médine] et dis-leur que s’ils acceptent ils auront
les mêmes droits et devoirs que les émigrants. S’ils refusent et
qu’ils préfèrent restent sur leurs terres, annonce-leur qu’ils
seront comme les Bédouins convertis, qui sont sujets d’Allah comme
les autres croyants, mais n’ont pas droit à une part du butin, à
moins qu’ils ne rejoignent les Musulmans dans la guerre. S’ils
refusent cela, alors appelle-les à payer la taxe de capitation (jiziah).
S’ils acceptent cela, consens-y et ne les attaque pas. Mais s’ils
refusent, invoque l’aide d’Allah et attaque-les.»
[Abou
Daoud ajoute ici, au même paragraphe, dans son Kitab as-sunan, qui
servait très probablement de source à Averroès, la chose suivante:
«Si tu assièges les gens d’une forteresse et qu’ils désirent se
rendre sans condition (ala hukm Allah), n’y consens pas, mais
fais-les se rendre quand tu le jugeras bon et fais d’eux ensuite
ce que tu voudras.»]
Malgré cela, il
est établi de manière irréfutable que le prophète effectua
plusieurs attaques surprises contre l’ennemi, la nuit ou à l’aube.
Certains, donc, et ils sont la majorité, affirment que les actes
du prophète ont abrogé ses paroles. (…)
5e
partie: Le nombre maximum d’ennemis contre lesquels on est obligé
de se défendre
Le nombre
maximum d’ennemis contre lesquels on est obligé de se défendre est
le double de celui de ses propres troupes. (…) Ibn Madjishun
affirme, sur l’autorité de Malik, que la puissance effective,
plutôt que le nombre, doit être considérée, et qu’il peut être
admis qu’un homme fuie avant un autre si ce dernier possède une
meilleure monture, de meilleurs armes et une force physique
supérieure.
6e
partie: La trêve
La conclusion
d’une trêve est considérée par certains comme étant permise
d’emblée et sans occasion particulière, à condition que l’imam
considère qu’elle est dans l’intérêt des Musulmans. D’autres
soutiennent que cela n’est admissible que lorsque les Musulmans en
sont réduits à la plus extrême nécessité, comme en cas de guerre
civile. (…)
Shafii affirme
qu’une trêve ne devrait jamais être conclue pour une durée
dépassant celle de la trêve conclue par le prophète avec les
incroyants l’année de Hudaybiyyah. La controverse sur la
question de savoir si la trêve peut être admise sans une raison
impérieuse se fonde sur le fait que l’interprétation évidente du
[verset du Coran 9:5] «tuez les polythéistes où que vous les
trouviez» et [du verset du Coran 9:29] «Combattez ceux
qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier» contredit
celle [du verset du Coran 8:61] «s’ils inclinent à la paix,
incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allah».
Certains
affirment que le verset ordonnant aux Musulmans de combattre les
polythéistes jusqu’à qu’ils se convertissent ou qu’ils paient la
taxe de capitation (jiziah) [C 9:29] abroge le verset pacifique [C
8:61]. En conséquence, ils soutiennent que la trêve n’est
admissible qu’en cas de nécessité. D’autres sont d’avis que le
verset pacifique [C 8:61] complémente les deux autres versets et
ils considèrent donc que la trêve est admise dès lors que l’imam
le juge judicieux. Ils ajoutent, pour soutenir leur thèse, que le
prophète a agi de la sorte, car la trêve de Hudaybiyyah n’avait
pas été conclue par pure nécessité.
Selon Shafii, le
principe est que les polythéistes doivent être combattus jusqu’à
qu’ils acceptent de se convertir ou de payer la jiziah. Les actes
du prophète durant l’année de Hudaybiyyah constituent une
exception à cette règle. Donc, poursuit Shafii, une trêve ne doit
jamais excéder la période pour laquelle le prophète a conclu la
trêve dans le cas de Hudaybiyyah. Il reste cependant une
controverse quant à la durée de cette période. Les uns disent
qu’il s’agit de quatre ans, mais d’autres parlent de trois ans ou
de dix ans. (…)
7e
partie: Les objectifs de la guerre
Les
Musulmans s’accordent à dire que l’objectif de la guerre contre
les Gens du Livre, à l’exception de ceux appartenant à la tribu
des Koraïchites et des Chrétiens arabes, est de deux ordres: soit
la conversion à l’Islam, soit le paiement de la taxe de capitation
(jiziah). Ceci est basé sur [le verset du Coran 9:29]:
«Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au
Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager
ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité,
parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la
capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés.»
La plupart des
juristes admettent que la jiziah peut aussi être collectée auprès
des Zoroastriens (madjus) sur la base des paroles du prophète
«Traitez-les comme les Gens du Livre». Il y a controverse,
toutefois quant aux polythéistes qui ne sont pas des Gens du
Livre: est-il admis de prélever la jiziah parmi eux également?
Certains, comme Malik, enseignent que la jiziah peut être exigée
de n’importe quel polythéiste. D’autres font une exception pour
les polythéistes arabes. Shafii, Abu Thawr et quelques autres
soutiennent que la jiziah ne peut être acceptée que de la part des
Gens du Livre et des Zoroastriens.
La
controverse est ici également générée par le fait qu’une règle
générale s’oppose à une règle particulière. La règle générale est
dérivée des [versets du Coran 2:193 et 8:39 (ces deux versets
partagent ce même contenu)]: «Combattez-les jusqu’à ce qu’il
n’y ait plus d’association et que la religion soit entièrement à
Allah seul» et de la tradition «‹Il
n’y a pas d’autre dieu qu’Allah› S’ils disent cela, leur vie et
leurs biens sont inviolables pour moi, excepté si la loi de
l’Islam l’autorise. Il sont alors redevables devant Allah.»
La règle
particulière est fondée sur la tradition mentionnée plus haut,
soit que Mahomet avait pour habitude de dire au commandant des
troupes qu’il envoyait contre les polythéistes arabes:
«Lorsque tu rencontreras tes ennemis polythéistes, appelle-les à
trois choses, etc.» Dans cette tradition, la jiziah est
également mentionnée. Maintenant, certains savants affirment
qu’une règle générale annule une règle particulière si la règle
générale a été révélée à une date ultérieure. (…) D’autres,
toutefois, avancent que les règles générales devraient toujours
être interprétées en association avec les règles particulières,
peu importe que cela soit inconnu. (…)
Une
question fameuse reste à traiter dans ce chapitre: s’il est
interdit de pénétrer en territoire ennemi en portant un exemplaire
du Coran. (…)