Au Professeur Mary Ann Glendon,
Présidente de l’Académie pontificale des Sciences sociales
Alors que l’Académie pontificale des
Sciences sociales est réunie à l’occasion de sa douzième Session
plénière, je vous adresse une salutation cordiale ainsi qu’à tous les
membres, et je forme le vœu dans la prière que la recherche et la
discussion qui marquent cette rencontre annuelle contribueront non
seulement à faire progresser les connaissances dans vos domaines
respectifs, mais qu’elles aideront également l’Eglise dans sa mission
de témoigner d’un authentique humanisme, enraciné dans la vérité et
guidé par la lumière de l’Evangile.
Votre présente Session est consacrée
à un thème actuel : « Une enfance qui disparaît ? La solidarité avec
les enfants et les jeunes à une époque troublée ». Certains
indicateurs démographiques ont clairement souligné le besoin urgent de
réflexion critique dans ce domaine. Même si les statistiques de la
croissance de la population sont effectivement ouvertes à des
interprétations différentes, tout le monde est d’accord avec le fait
que nous assistons, à un niveau mondial, et en particulier dans les
pays développés, à deux tendances significatives et liées entre elles
: d’un côté une augmentation de l’espérance de vie et de l’autre une
baisse du taux de natalité. Etant donné que les sociétés vieillissent,
de nombreuses nations ou groupes de nations ne possèdent plus un
nombre suffisant de jeunes pour renouveler leur population.
Cette situation est le résultat de
causes multiples et complexes – souvent de nature économique, sociale
et culturelle – que vous avez proposé d’étudier. Mais les racines
ultimes peuvent être considérées comme morales et spirituelles ; elles
sont liées à un manque inquiétant de foi, d’espérance, et, il est
vrai, d’amour. Pour faire venir des enfants au monde l’eros
égocentrique doit être rempli par un agape créatif enraciné dans la
générosité et marqué par la confiance et l’espérance dans l’avenir. De
par sa nature, l’amour est tourné vers l’éternel (cf. Deus caritas
est, 6). C’est peut-être à cause de ce manque d’amour créatif et
tourné vers l’avenir que de nombreux couples choisissent aujourd’hui
de ne pas se marier, que tant de mariages échouent, et que les taux de
natalité ont diminué de manière importante.
Ce sont les enfants et les jeunes
qui ressentent souvent les premiers les conséquences de ce déclin
d’amour et d’espérance. Souvent, au lieu de se sentir aimés et chéris,
ils semblent être simplement tolérés. A « une époque troublée » ils
sont souvent privés d’une direction morale adéquate de la part du
monde adulte, au grand détriment de leur développement intellectuel et
spirituel. De nombreux enfants grandissent actuellement dans une
société qui néglige souvent Dieu et la dignité innée de la personne
humaine créée à l’image de Dieu. Dans un monde façonné par les
processus accélérés de la mondialisation, ils ne sont souvent exposés
qu’à des visions matérialistes de l’univers, de la vie et de
l’épanouissement humain.
Pourtant, les enfants et les jeunes
sont par nature réceptifs, généreux, idéalistes et ouverts à la
transcendance. Ils ont avant tout besoin d’être exposés à l’amour et
de se développer dans une écologie humaine saine, où ils pourront être
amenés à comprendre qu’ils n’ont pas été mis au monde par hasard, mais
par un don faisant partie du plan d’amour de Dieu. S’ils veulent être
fidèles à leur propre appel, les parents, les éducateurs et les
responsables de la communauté, ne peuvent jamais renoncer à leur
devoir de placer devant les enfants et les jeunes la tâche de choisir
un projet de vie orienté vers un bonheur authentique, capable de faire
la différence entre la vérité et le mensonge, le bien et le mal, la
justice et l’injustice, le monde réel et le monde de la ‘réalité
virtuelle’.

Dans votre approche scientifique des
différentes questions traitées lors de cette session, je vous
encouragerais à considérer attentivement ces questions et en
particulier la question de la liberté humaine, avec ses vastes
implications au niveau d’une vision saine de la personne et la
réalisation d’une maturité affective au sein de la communauté élargie.
La liberté intérieure est en effet la condition pour une croissance
humaine authentique. Là où cette liberté manque ou est en danger, les
jeunes font une expérience de frustration et deviennent incapables de
se battre généreusement pour les idéaux qui peuvent façonner leur vie
en tant qu’individus et membres de la société. En conséquence ils
peuvent se décourager ou se rebeller, et leur immense potentiel humain
se détourne des défis passionnants de la vie.
Les chrétiens, qui croient que
l’Evangile éclaire chaque aspect de la vie individuelle et sociale, ne
pourront pas ne pas voir les dimensions philosophique et théologique
de ces questions, et le besoin de considérer cette opposition
fondamentale entre le péché et la grâce qui englobe tous les autres
conflits qui troublent le cœur humain : le conflit entre l’erreur et
la vérité, le vice et la vertu, la rébellion et la coopération, la
guerre et la paix. Ils ne peuvent pas non plus ne pas être convaincus
que la foi, vécue dans la plénitude de la charité et transmise aux
nouvelles générations, est un élément essentiel dans la construction
d’un avenir meilleur et la protection de la solidarité entre les
générations, dans la mesure où elle ancre tout effort humain pour
construire la civilisation de l’amour dans la révélation de Dieu le
Créateur, la création de l’homme et de la femme à son image, et la
victoire du Christ sur le mal et la mort.
Chers amis, tout en exprimant ma
reconnaissance et mon soutien pour vos recherches importantes,
poursuivies selon les méthodes propres à vos sciences respectives, je
vous encourage à ne jamais oublier que vos études peuvent inspirer et
aider les jeunes hommes et femmes de notre temps dans leurs efforts
pour mener des vies productives et épanouissantes. J’invoque
cordialement les bénédictions de Dieu de sagesse, de force et de paix
sur vous et vos familles et tous ceux qui sont associés au travail de
l’Académie pontificale des Sciences sociales.
Du Vatican, le 27 avril 2006
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anglais : Libreria Editrice Vaticana