Disposant depuis le 5 mai d'une
majorité à la Diète (Parlement), les conservateurs du PiS ont fait
adopter sans attendre la création d'un Bureau central anticorruption,
l'un des chevaux de bataille enfourchés par le parti des frères
Kaczynski durant la campagne électorale de 2005. Dénigrée par
l'opposition qui redoute une nouvelle structure à la solde du pouvoir
en place, l'agence, qui reposera sur un réseau d'agents de contrôle au
sein des ministères, des administrations régionales (voïvodies) et
locales, devrait être mise en place d'ici à octobre.
Autre projet phare du PiS, bien
qu'initialement porté par la LPR, la mise sur pied d'une commission
parlementaire sur les privatisations du secteur bancaire a été adoptée
le 12 mai. Placée sous la présidence d'un député du PiS, Artur Zawisza,
la commission est chargée d'enquêter sur les privatisations réalisées
dans le secteur bancaire ces seize dernières années. La commission
promet notamment de se pencher sur la politique de la Banque centrale
polonaise dont le président, Leszek Balcerowicz, est dans le
collimateur d'Andrzej Lepper, le chef de Samoobrona, depuis des
années.
En position de force à la Diète, PiS
est donc désormais en mesure d'atteindre son objectif prioritaire : le
renforcement du rôle de l'Etat. Autre bénéfice immédiat de cette
nouvelle coalition gouvernementale, le parti des frères Kaczynski
garde la tête dans les sondages de popularité. Disposant de 32 % selon
la dernière enquête d'opinion PGB (14 mai), il devance le parti
libéral Plate-forme civique (PO, 27 %) et l'Alliance des gauches
démocratiques (SLD, 18 %).
L'accueil de la population est
apparemment moins négatif que ne l'ont été, après la formation de la
coalition, les titres de la grande presse polonaise, décriant un jeu
très risqué. La réaction populaire demeure cependant ambiguë.
"Certains groupes sociaux, notamment les étudiants, ont le sentiment
d'avoir été trahis. Pour eux, l'entrée au gouvernement de la LPR et la
nomination de son leader, Roman Giertych, au poste de ministre de
l'éducation représentent un danger pour la société polonaise.
Toutefois, les sondages montrent que d'autres catégories
socioprofessionnelles, comme les retraités, les agriculteurs, ou
encore les mineurs, sont satisfaits de voir qu'enfin, après sept mois
d'attente, le gouvernement va pouvoir fonctionner", souligne
Miroslawa Grabowska, professeur de sociologie à l'Université de
Varsovie.
"Il faut toutefois poser un grand
point d'interrogation sur le soutien apporté au PiS,
poursuit Miroslawa Grabowska. Jusqu'à présent, beaucoup
approuvaient les orientations pro-sociales du PiS en matière de
politique économique", note la sociologue, qui se demande si les
frères Kaczynski, après avoir fait entrer au gouvernement des
antilibéraux et des nationalistes antieuropéens, ne seront pas
contraints d'être plus libéraux qu'ils veulent le paraître sur
certains volets. Ne serait-ce que pour ne pas ruiner la crédibilité de
la Pologne auprès de Bruxelles et des Etats membres de l'Union
européenne.
Pour les analystes politiques comme
économiques, l'élaboration du budget 2007, qui doit être présenté à la
Diète d'ici fin septembre, fera figure de test. Plusieurs scénarios
sont envisagés. Dans leurs dernières déclarations, les conservateurs
du PiS ont laissé entendre qu'ils suivraient une discipline budgétaire
stricte. Mais les frères Kaczynski vont se heurter aux aspirations de
leurs nouveaux alliés de Samoobrona, qui réclament une augmentation
des dépenses sociales. Ils devront choisir d'utiliser les revenus de
la croissance, qui devrait être de 4 % à 5 % cette année, pour
financer ces dépenses ou poursuivre les réformes des gouvernements
précédents.
Maciej Reluga, économiste à la
banque Zachodni WBK, estime que PiS ne prendra pas de risque. "On
pourrait voir un budget 2007 dans la continuité du budget 2006",
estime-t-il. Dans le patronat, le pessimisme est pourtant de mise.
"L'arrivée de cette frange populiste au pouvoir ne peut être que
défavorable à l'économie du pays", confie l'un des membres de
Lewiatan, la Confédération polonaise des employeurs du secteur privé,
qui s'inquiète des projets de M. Lepper, notamment celui de mettre
en place une taxe de 2 % sur le chiffre d'affaires des entreprises. -
(Intérim.)
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en mai 06