La cacophonie autour
du projet de loi de Nicolas Sarkozy sur l'immigration choisie n'est
pas près de se taire et pourtant, nous ressentons tous le besoin de
faire une pause pour essayer d'y voir clair. Lançons-nous et
plaçons-nous dans le cadre d'une migration liée au travail :
Les devoirs
de l'Etat
- Tout Etat souverain a en charge le Bien Commun qui suppose en
premier lieu le respect de la dignité humaine (enseignement, logement,
soins, etc) et en second lieu un travail (droit parce que devoir), le
respect de la famille (sacrement de mariage ou mariage naturel)(Gaudium
et Spes; CEC 1907).
L'émigration
- Le droit d'émigrer (Gaudium
et Spes) est légitime dans le cas où une de ces conditions n'est
pas remplie par un Etat. Mais l'émigration prive le pays d'origine
d'un sujet du travail, qui par l'effort de sa pensée et de ses mains,
pourrait contribuer à l'augmentation du bien commun dans son pays, qui
y a plus droit que le pays d'accueil. L'émigration est sous certains
aspects, un mal (Laborem
exercens).
- L'émigré a des devoirs incompressibles vis-à-vis de la société qui
l'accueille (CEC
2241).
L'immigration
- Le droit d'accueillir passe par le devoir de l'Etat de donner à
chacun des arrivants : un travail, la possibilité que sa famille
rejoigne le plus rapidement possible et les conditions mimimales liées
au respect de la dignté humaine (compendium de la doctrine sociale de
l'Eglise 298).
Aucun Etat n'ayant le droit de faillir à ces obligations, si un de ces
points n'est pas possible, l'accueil de l'autre n'est pas une
obligation.
- L'Etat a le droit de réglementer les flux migratoires (CEC
2241).
- L'Etat, ayant accepté des immigrés, a le devoir de les gérer avec
autant d'humanité que ses propres ressortissants.
Le
projet de loi
Les points forts de ce projet de loi sont essentiellement
- le durcissement du regroupement familial (SMIC et présence minimale
passant de 12 à 18 mois),
- la nécessité de justifier non d'un travail, mais d'un salaire
suffisant,
- le principe de choisir une population émigrée formée pour palier les
carences de notre système économique,
- la suppression du droit des clandestins d'obtenir automatiquement
une carte de séjour au bout de 10 ans,
- la création d'une carte "compétences et talents" pour les étrangers
présentant un projet favorable au développement de la France,
- l'obtention facilitée pour les étudiants étrangers d'un titre de
séjour dès lors que le pays d'origine aura validé leur projet.
Les
premières incompatibilités
La première porte sur le regroupement familial dont
les conditions sont durcies par le projet. L'Eglise demande que le
délai soit réduit à son minimum.
La seconde est mise en évidence par la situation propre du
pays d'accueil : En vue du bien commun, un des devoirs de
l'Etat est d'assurer à chacun un travail (actuellement 9 à 10% de
chômeurs), une vie de famille et des conditions de vie décentes (il
manque des dizaines de milliers de logements en France).
La troisième réside dans la fuite à l'extérieur des pays
d'origine des gens formés pour satisfaire l'économie
française au détriment de leur "patrie d'origine" (Jean-Paul II in
Laborem Exercens).
Conclusion
Ce projet de loi présente des points de discorde avec la
doctrine sociale de l'Eglise, dont un (le regroupement de la
famille) qui s'en éloigne. Certes, les conditions actuelles de
l'immigration en France ne sont pas reluisantes et certains peuvent
être tentés de dire que ce projet les améliore. Il serait ainsi licite
de dire que c'est un bien s'il était ordonné à un plus grand bien,
s'il était une étape vers le Bien, qui doit être défini et annoncé.
Or, ce n'est pas le cas. Dans le cas inverse, il constitue un
moindre mal, qui reste un mal condamnable.