Le
racisme ordinaire
Auriane Boudin, avec Reuters
La gérante d'un salon de coiffure comparaissait hier
devant le tribunal correctionnel de Nantes pour discrimination vis à
vis d'une jeune femme noire candidate à l'embauche. Le procureur a
déploré le "racisme du citoyen lambda"
3000 euros d'amende dont 1000 avec sursis et
l'obligation de suivre un stage de citoyenneté ont été requis mercredi
contre la gérante d'un salon de coiffure de Châteaubriant, en
Loire-Atlantique. Elle comparaissait devant le tribunal
correctionnel de Nantes pour "discrimination à l'embauche en raison
d'une appartenance ethnique ou raciale", pour avoir refusé à deux
reprises d'employer une jeune femme de 27 ans, titulaire d'un CAP
coiffure parce qu'elle était noire.
"Pas de Noir dans son salon"
Le 22 novembre 2005, une jeune femme d'origine
haïtienne mariée à un Français, se rend dans un salon de coiffure de
Châteaubriant pour y déposer un CV, mais la gérante lui répond alors
n'avoir besoin de personne. Le lendemain, la jeune coiffeuse se voit
proposer par l'ANPE un remplacement d'un mois pour un congé-maladie
dans ce même salon. Etonnée, elle rappelle la gérante du salon en
précisant qu'elle est la jeune femme qui est passée la veille. Cette
fois, la patronne lui répond qu'elle a reçu assez de candidatures. Une
de ses amies blanches à qui elle demande de postuler, se voit, elle,
fixer un rendez-vous.
L'agence ANPE vers laquelle elle se tourne soupçonne
tout de suite une discrimination raciale, prévient ensuite
l'Inspection du travail et retire l'offre d'emploi. Le rapport remis
au juge par l'inspection du travail indique que la gérante "ne voulait
pas de noir dans son salon". "Je recherchais une employée de couleur
blanche parce que cela correspond mieux à mon type de clientèle", a
affirmé la patronne du salon, ajoutant, "je me sens mieux avec des
gens de ma couleur". Elle a refusé de commenter ses déclarations
pendant l'audience.
"Le citoyen lambda est toujours raciste"
L'avocate de la jeune femme et de l'association SOS
racisme, qui s'est portée partie civile, a dénoncé cette ""chronique
du racisme ordinaire", tandis que la procureure de la République,
Martine Lambrechts a déclaré avoir "presque honte". "Je représente la
société, le citoyen lambda [...] et je constate que le citoyen lambda
est toujours raciste. Un racisme ordinaire dont chaque jour des
personnes sont victimes", a-t-elle continué.
La victime, "soulagée", a estimé avoir été entendue,
elle qui comptait quitter la France après l'incident. Le
vice-président national de SOS Racisme a salué le courage de la
victime "qui a dit non, qui demande à être respectée en tant que
Française noire", rappelant que "le taux de chômage des personnes
issues de l'immigration est encore 3 à 4 fois supérieur à celui des
Français d'origine française".
Me Stéphane Fouéré, l'avocat de la patronne a
contesté ces accusations de racisme à l'encontre de sa cliente,
affirmant qu'elle souhaitait simplement "travailler avec des personnes
qu'elle sent proches d'elle et de sa clientèle de Châteaubriant".
Selon lui, "ce n'est pas une question de couleur de peau".