Au fond d'un couloir du centre
médico-psycho-pédagogique d'Indre-et-Loire, le docteur Georges
Engel, psychiatre et psychanalyste, passe en revue leurs dossiers.
En ce début d'année universitaire, le BAPU reçoit une dizaine de
nouveaux cas par mois. "Les mois les plus actifs, nous recevons
quatre nouvelles demandes par semaine", explique le psychiatre,
responsable du bureau depuis 1972.
A l'issue d'une première
consultation, la plupart des patients bénéficient d'un suivi
psychothérapeutique individuel ou en groupe. Les soins sont
remboursés à 100 % par les organismes d'assurance-maladie (Sécurité
sociale et mutuelles étudiantes). En 2005, le BAPU de Tours a ainsi
pris en charge près de 150 étudiants.
"AFFRONTER LA SOLITUDE"
Troubles alimentaires, abus de
médicaments, usage banalisé de drogues, crises d'angoisse, pensées
suicidaires : "L'état étudiant correspond à une période où
les jeunes se trouvent confrontés à une multitude de questionnements
et d'incertitudes quant à leur orientation professionnelle, leur
avenir, analyse le psychiatre. Il leur faut aussi gérer la
rupture avec la famille, le stress des examens sans oublier les
aléas des rencontres amoureuses." Sans compter les difficultés
financières dans lesquelles se débattent certains étudiants.
C'est l'envie de ne pas vivre une
autre année d'isolement qui a conduit Dora vers le BAPU. "Ma
première année à l'université a été très dure, témoigne cette
étudiante en psychologie de 23 ans. J'ai
passé mon année à dormir, j'allais en cours et ensuite je
m'enfermais chez moi."
Suivie depuis trois ans, elle a
trouvé dans sa thérapie "une force" qui lui permet d'être
plus sûre d'elle, "d'affronter la solitude et de gagner en
autonomie". Elle considère aujourd'hui que "lors de la
première année de fac, tout est réuni pour faire une dépression, on
quitte sa famille, on se retrouve seule, on n'a souvent pas beaucoup
d'argent, c'est vraiment traumatisant".
A 24 ans, Sophie est l'archétype
de l'étudiante brillante. Elle achève sa cinquième année de
pharmacie. Mais à l'orée de la vie active, tenaillée par des crises
d'angoisse, elle a décidé de consulter. "Je ne me voyais pas
aller chez un psy en ville, avoue-t-elle.
Ici, c'est rassurant de savoir que les thérapeutes ont l'habitude de
voir des étudiants. Et puis le fait d'entreprendre une thérapie dans
sa ville d'études, permet de le faire en toute confidentialité sans
avoir à en rendre compte à sa famille."
Les étudiants sont sensibles au
gage de sérieux donné par le BAPU. "Pour trouver un bon psy,
j'avais l'impression qu'il fallait mener une étude de marché,
résume Alexis, étudiant en anglais. En
s'adressant au BAPU, on n'a pas à se prendre la tête, on est mis en
contact avec un praticien qui a, a priori, une certaine légitimité.
Et puis l'élément primordial, c'est quand même la gratuité des
séances."
Ces structures font donc le plein.
"A raison d'une séance en moyenne par semaine et par étudiant,
notre planning est engorgé à partir de février et nous n'avons pas
d'autres choix que de mettre sur liste d'attente de nombreux
étudiants", déplore le docteur Engel.
Au bureau de Tours, aucun des
thérapeutes ne travaille à plein temps et l'équipe, composée de sept
personnes, ne s'est pas étoffée depuis 1996, alors que la demande
est en constante augmentation. Pourtant, en dehors des BAPU, il
existe peu de lieux d'écoute, et encore moins de soins, pour les
étudiants. Et la médecine préventive ne se déploie pas dans toutes
les antennes des universités.
Pour pallier cette insuffisance,
une semaine du bien-être étudiant était organisée du 6 au 17
novembre à l'initiative de l'Union nationale des sociétés étudiantes
mutualistes régionales (USEM). Sur les campus des principales villes
de France, sont proposés petits déjeuners d'intégration, ateliers
sur la diététique, le sport, le stress, mais aussi des brochures
d'information sur les aides et les services existants.