Charité et finance, même combat ....

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Extraits :    Michael Bloomberg, fondateur du groupe de presse du même nom, s'est attaché à traiter le sujet du jour : "Les philanthropes sont des vecteurs d'innovation. Ils disposent de la marge de manoeuvre nécessaire pour expérimenter et prendre des risques dans des domaines où le gouvernement ne peut ou ne veut le faire", ...

...au service de ces justes causes.... la European Venture Philanthropy Association (EVPA), l'association européenne des investisseurs philanthropes. La salle était comble. L'association avait dû refuser du monde. Et du beau. A la tribune, on citait Didier (Pineau-Valencienne, ex-PDG de Schneider), Gilles (Cahen-Salvador, fondateur de LBO France, qui va lancer un fonds destiné à investir dans les quartiers sensibles en France), Olivier (de Guerre, dont le fonds PhiTrust vient en aide à des handicapés, qui récupèrent des ordinateurs, les rénovent pour les revendre), Tarek (Ben Halim, qui après vingt-trois ans passés comme banquier chez Goldman Sachs, a créé l'Arab Learning Initiative, un fonds philanthropique qui finance des organisations non gouvernementales arabes), ou encore Jamie (Cooper Hohn, à la tête de la Children's Investment Fund Foundation, et dont le mari, à la tête d'un fonds spéculatif, fait trembler les places boursières).

en z relations ....   homentranche ... ONG ... " Pour servir l'homme" ....

 

 

n   Charité et finance, même combat

Auteur:Annie Kahn

Source:  Le Monde

Date : 20.11.2006    

 

C'était il y a une semaine, dimanche 12 novembre. Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, le maire de New York, Michael Bloomberg, et le fondateur de CNN, Ted Turner, ont pu féliciter Bill Clinton de la victoire des démocrates au Congrès des Etats-Unis, lorsqu'ils se sont tous retrouvés à Little Rock (Arkansas), le fief de l'ancien président des Etats-Unis. Même si leur réunion n'avait, a priori, rien d'un meeting politique. Ils faisaient partie des 300 participants à la Conférence sur la philanthropie innovante, organisée par le magazine en ligne Slate (du groupe Washington Post), et la Fondation Bill Clinton.

"N'hésitez pas à donner jusqu'à ce que cela vous fasse mal... Mais gardez quand même toujours quelques centaines de millions de dollars de côté, au moins. On ne sait jamais ce qui peut arriver", a conseillé Ted Turner aux participants, richissimes donateurs pour la plupart.

Plus sérieusement, Michael Bloomberg, fondateur du groupe de presse du même nom, s'est attaché à traiter le sujet du jour : "Les philanthropes sont des vecteurs d'innovation. Ils disposent de la marge de manoeuvre nécessaire pour expérimenter et prendre des risques dans des domaines où le gouvernement ne peut ou ne veut le faire", a-t-il déclaré. Un langage digne de ce précurseur qui fut l'un des premiers à comprendre comment Internet allait révolutionner les médias. Et à en tirer parti.

Prendre des risques, certes. Mais de façon avisée. En professionnel de l'investissement. Tel est le nouveau credo des philanthropes, qui, sans être Bill Gates ou Warren Buffett, ou, plus modestement en France, Liliane Bettencourt, ont l'envie et les moyens de se montrer charitables. Car c'est désormais devenu un credo mondial.

De ce côté-ci de l'Atlantique, en France, dans les locaux du Sénat, 300 personnes participaient, le 15 septembre, à une conférence sur des thèmes voisins, à l'appel de la European Venture Philanthropy Association (EVPA), l'association européenne des investisseurs philanthropes. La salle était comble. L'association avait dû refuser du monde. Et du beau. A la tribune, on citait Didier (Pineau-Valencienne, ex-PDG de Schneider), Gilles (Cahen-Salvador, fondateur de LBO France, qui va lancer un fonds destiné à investir dans les quartiers sensibles en France), Olivier (de Guerre, dont le fonds PhiTrust vient en aide à des handicapés, qui récupèrent des ordinateurs, les rénovent pour les revendre), Tarek (Ben Halim, qui après vingt-trois ans passés comme banquier chez Goldman Sachs, a créé l'Arab Learning Initiative, un fonds philanthropique qui finance des organisations non gouvernementales arabes), ou encore Jamie (Cooper Hohn, à la tête de la Children's Investment Fund Foundation, et dont le mari, à la tête d'un fonds spéculatif, fait trembler les places boursières).

Des fondateurs d'anciennes start-up, leurs financiers actionnaires, ou d'autres acteurs particulièrement bien rémunérés du monde des affaires comme les spécialistes en fusions-acquisitions se trouvent aujourd'hui à la tête d'un capital se chiffrant facilement en dizaines de millions d'euros. Rien à voir, certes, avec les centaines de milliards de dollars de Gates ou Buffett, ou les centaines de millions d'euros de Mme Bettencourt. Mais bien plus qu'il n'en faut pour mener une vie agréable et mettre le pied de ses héritiers à l'étrier.

Ces "nouveaux" riches ont donc les moyens et l'envie de se montrer charitables. Dans la foulée de ceux qui furent déjà leur modèle dans l'univers des affaires. Parce que la fiscalité les y incite. Parce que leur fortune, souvent rapidement acquise, leur pose sans doute aussi quelques cas de conscience. Par clairvoyance, aussi : parce que "ne pas partager la richesse nous expose à des incendies", estime Didier Pineau-Valencienne (ex-PDG de Schneider, actuellement partenaire de Sagard, un fonds d'investissement), dont les deux semaines passées derrière les barreaux à Bruxelles, en 1996, l'ont incité à venir en aide aux prisonniers.

Mais pas question de donner les yeux fermés. Il serait aberrant pour ces professionnels de l'efficacité, de la rentabilité, du retour sur investissement, de ne pas mettre leurs compétences au service de ces justes causes. Plutôt que d'investir directement dans des organisations caritatives (hôpitaux, fondations de recherche, par exemple), ils créent des fonds qui investissent eux-mêmes dans ces organismes. A l'instar de ce qu'ils ont fait dans le monde des affaires où, pour limiter les risques, ils préfèrent mettre l'argent dans un fonds qui lui-même investit dans des entreprises. Si une entreprise échoue, les autres limitent la casse.

Les fonds d'investissement philanthropiques ont vu le jour aux Etats-Unis, il y a moins de dix ans, à l'initiative de spécialistes du capital-risque de la Silicon Valley. Les premiers fonds européens furent créés quelques années plus tard. La France commence tout juste à s'y intéresser. L'EVPA compte deux membres français : PhiTrust et la fondation Déméter, qui investit les fonds qui lui sont confiés par des entreprises ou des ONG. Mais "une dizaine d'autres sont en création", affirme Serge Raicher, membre actif de l'EVPA et organisateur du Colloque du Sénat.

Doug Miller est le président et fondateur de l'EVPA. Cet Américain, qui vit depuis vingt-sept ans en Angleterre, est un ancien du Vietnam. Son premier geste de philanthrope fut en faveur du Mine Advisory Group (MAG), une ONG dont le travail de déminage lui a valu le prix Nobel de la paix en 1997. "En 2002, j'ai collecté 350 000 euros pour MAG auprès de 27 donateurs de neuf pays différents. Mais on se demandait si l'argent serait vraiment bien utilisé : valait-il mieux essayer de déminer une petite parcelle à fond, ou une plus grande, mais avec 5 % de risques de ne pas avoir supprimé toutes les mines ? Quelle était la stratégie qui permettait de sauver le maximum de vies ? C'est ce type de questions stratégiques qui nous a conduits à créer l'EVPA", raconte-t-il.

Les vrais philanthropes entrepreneurs (venture philanthropists) ne se contentent pas de donner de l'argent. Ils conseillent leurs protégés, les aident à définir une stratégie ; attendent éventuellement d'eux qu'ils remboursent tout ou partie de l'argent, quand certaines de leurs activités sont rémunérées ; ou veillent à ce que les objectifs fixés (nombre d'enfants aidés, logements construits pour déshérités, personnes vaccinées) soient bien atteints. Exactement comme lorsqu'ils scrutent le retour sur investissement d'une entreprise. Ils se préoccupent de la façon de "sortir" de ces fondations, quand celles-ci sont capables de voler de leurs propres ailes, tout comme ils sortent du capital d'entreprises pour disposer à nouveau de leurs fonds et les investir ailleurs.

Les questions qu'ils se posent sont les mêmes que celles des professionnels de l'investissement. Faut-il ou non participer au recrutement du PDG (des fondations) ? Ou n'"investir" que dans des fondations qui ont déjà un bon PDG ? Faut-il ne financer les ONG que par des dons, ou dans quelles conditions un prêt, voire un investissement en capital, est-il plus approprié ? Une participante russe demandait à l'assistance "comment créer un fonds philanthropique dans une économie en transition". Les oligarques de son pays seraient-ils nombreux à se poser la question ?

Annie Kahn

Article paru dans l'édition du 21.11.06.

 

 

 

 

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