Il est toujours de bon ton d’évoquer l’hyperpuissance américaine, sans
jamais pourtant prendre la peine ni d’en définir les contours, ni
d’en démonter les mécanismes. Plane ensuite ce sentiment diffus
d’une puissance insaisissable, quasi magique, qui ne serait portée
que par le vent de l’histoire ou, mieux encore, mue par la dynamique
naturelle des choses. Comme si les choses avaient leur dynamique
propre ! Parce que désormais les forces qui agissent préfèrent
emprunter les coulisses ou les escaliers de service, les événements
semblent en apparence se suivre inexorablement comme le ferait une
chute en chaîne de dominos. Un enchaînement de circonstances qui
nous accable de sa dure et implacable fatalité. Ainsi, la
globalisation et la marchandisation du monde seraient inévitables.
Ainsi encore voudrait-on nous faire croire que les peuples, les
nations et les empires renonceraient à leur puissance, à leur
histoire et à leur identité par le simple fait qu’une fascination
irrépressible pour la modernité libérale les pousserait à tout
brader afin de mieux mimer docilement le modèle américain. Pourtant,
lorsqu’on soulève timidement le voile de pudeur médiatique dont est
soigneusement recouverte l’actualité, on découvre alors un monde
souterrain qui grouille de réseaux, de jeux d’influence, de
relations, de groupes de pression, autant d’acteurs qui font en
sorte que lesdites choses, loin de glisser naturellement ou
librement, vont précisément là où certains, puissants, veulent
qu’elles aillent…
Soros, un spéculateur philanthrope ?
Aussi est-il toujours intéressant de prendre un des fils qui
dépassent de la pelote médiatique et ensuite de le suivre pour voir
jusqu’où il nous mènera. Suivons, par exemple, le fil George Soros,
ce spéculateur financier, milliardaire juif américain, né en Hongrie
en 1930. Il a bâti toute sa fortune en spéculant sur les devises. Il
est passé à la postérité un jour de septembre 1992 où la banque
d’Angleterre dut faire sortir la livre sterling du système monétaire
européen, incapable de soutenir la devise contre les assauts des
spéculateurs. Cinq années plus tard, l’homme-qui-fit-sauter-la-banque-d’Angleterre
bénéficiera grandement de la crise asiatique de 1997. Normal, c’est
lui qui l’avait provoquée. Pourtant, on le dit être un
philanthrope ! Un philanthrope qui se montre également plein
d’entregent. En effet, il a été proche de Henry Kissinger, de Vaclav
Havel, de Wojciech Jaruzelski et il est l’ami de Mikhaïl Gorbatchev
et de l’oligarque véreux Khodorkovsky. Il est aussi une figure
importante du Forum économique mondial et de Human Rights Watch, qui
gonfla les crimes attribués à Milosevic afin de justifier
l’intervention de l’OTAN. Soros est surtout le fondateur et le
financier de l’Open Society Institute qui étend ses multiples et
insaisissables ramifications sur l’ensemble de l’ancienne aire
d’influence de l’ex-URSS. Cet institut finance, entre autres, le
très actif Project Syndicate, une agence de diffusion de tribunes
libres de personnalités politiques dans 181 quotidiens
internationaux. Il est partie prenante dans l’International Crisis
Group dont le conseil d’administration rassemble le gratin mondial
des personnalités atlantistes. En 2001, Soros crée le Democracy
Coalition Project chargé d’animer le forum non gouvernemental en
marge des sommets de la Communauté des démocraties organisés par le
département d’Etat états-unien. Retenez bien ces mots : non
gouvernemental ! Ils résument à eux seuls la gigantesque arnaque
moderne que dissimule le terme magique et trompeur d’ONG.
Le faux nez des ONG
Derrière ce terme se cache toute une nébuleuse d’organisations
subversives qui, sous couvert de campagnes d’information sur le
SIDA, de défense de droits de l’homme, d’assistance aux drogués, de
lutte contre la pauvreté, d’aide aux enfants abandonnés, de
protection des droits des minorités, fomentent en coulisses des
révolutions, forment cadres politiques et agitateurs professionnels
ou encore animent des officines de propagande qui répandent rumeurs
et fausses nouvelles. Il est bon de savoir que depuis l’effondrement
de l’Union soviétique en 1991 des centaines de milliers d’ONG sont
apparues en Russie. Dans un article publié sur le site Internet
www.mondialisation.ca, traitant de la polémique autour du texte de
loi russe visant à réglementer les organisations non
gouvernementales, Sara Flounders écrit : « Des députés à la Douma
affirment que plus de 450 000 ONG sont actives en Russie à l’heure
actuelle. Le Yale Center for the Study of Globalization va encore
plus loin, puisque d’après lui il y a plus de 600 000 organisations
non gouvernementales, non commerciales en activité en Russie. »
L’agitation sociale et politique entretenue par la fondation Soros
poussera le gouvernement russe, fin 2003, à l’interdire et à en
expulser ses agents étrangers. Du côté de l’Ukraine, on ne compte
pas moins de 40 000 ONG qui regroupent 12 % de la population
ukrainienne. Autant d’organisations dont on sait qu’elles ont joué
un rôle majeur dans la Révolution Orange. L’origine des fonds est
connue : quand ils ne proviennent pas directement de la CIA, ils
proviennent des fondations représentant les intérêts des milieux
américains les plus fortunés, telles que celles de Ford, MacArthur,
Carnegie, Rockefeller et bien sûr George Soros.
La subversion par les associations
Je me permets ici une petite digression, car il est bon de
s’arrêter un temps sur cet aspect peu analysé des démocraties
modernes.
Je parle de ce rôle de représentant de la société civile que l’on
attribue un peu trop facilement aux ONG et diverses associations.
Car ces associations, toujours présentées comme des émanations
spontanées, se révèlent bien souvent n’être que des agitateurs
médiatiques à la solde soit du pouvoir en place, soit d’intérêts
étrangers. En France, la fonction de certaines associations semble
répondre à deux objectifs. Dans un premier temps, elles consistent à
tisser au cœur de la société un maillage serré d’organismes de
contrôle social prétendument indépendant et non gouvernemental, pour
canaliser et orienter, dans un deuxième temps, les mouvements de
grogne dans le sens voulu par le régime. Ensuite, le pouvoir a beau
jeu de jouer la carte du dialogue démocratique avec les responsables
associatifs contestataires afin, dit-il, de trouver un terrain
d’entente. Or, dans notre pays les associations sont filles des
subventions publiques, c'est-à-dire que lesdits responsables
associatifs se révèlent ni plus, ni moins, être des salariés
rétribués par l’Etat. On a donc connu plus « indépendants » comme
citoyens engagés. Or, le fait que certaines associations profitent
d’une pluie abondante de subventions alors que d’autres restent sans
moyens ne relève pas du hasard. Seules les associations conformes à
la doxa du régime pourront profiter des mannes publiques, les autres
étant condamnées au silence ou à l’action confidentielle. Les
associations avec lesquelles le pouvoir discute sont donc celles
qu’il a d’abord choisi de financer. La supercherie d’un système qui
organise et finance sa propre opposition sociale, soigneusement
triée sur le volet, apparaît ici sous tous ses artifices. C’est par
ce procédé qu’ont été dévoyées les institutions démocratiques en
France. Il faut savoir que dans l’Hexagone le tissu associatif est
extrêmement dense. Pierre-Patrick Kaltenbach, conseiller à la Cour
des comptes et spécialiste de la question, dans un entretien accordé
au mensuel « Le Choc du mois », nous fait des révélations
hallucinantes. Parti en croisade contre la dilapidation de l’argent
public, il avance le chiffre faramineux de 125 milliards d’euros
(soit 12 % du PIB de la France !) d’argent public dépensés dans le
circuit associatif. Au total, 1,6 million de Français se
révèleraient être des salariés associatifs. On comprend mieux cette
lourde chape de plomb dont semble être recouverte la société
française ! Combien, parmi ces salariés, ne sont rien d’autre que
des commissaires politiques payés à plein temps pour assumer un rôle
d’encadrement social en faisant régner un climat de suspicion
idéologique jusque dans les plus basses strates de la société ?
50 000, 100 000, 200 000, 300 000 et peut-être plus encore !!!
Soros, un agent double
Au regard de la puissance subversive que recèle l’action
associative, qu’elle soit instrumentalisée par des Etats ou bien par
des cartels privés, on saisit mieux alors la stratégie de Soros qui
consiste à créer et entretenir un vaste réseau mondial d’ONG. La
subversion est alors absolue et chacune de ces ONG aux mille
ramifications, de la Slovaquie au Caucase en passant par la Russie,
l’Ukraine et la Géorgie, se révèlent être autant de Chevaux de Troie
pro-américains, capables à tout moment de faire basculer des régimes
démocratiques jeunes et encore fragiles. Ainsi, dès 1990, avant de
tenter de prendre le contrôle de tout le système financier russe et
des privatisations, les multiples officines financées par Soros sont
méthodiquement parties à l’assaut du système éducatif russe en
fournissant, notamment, des manuels à toute la nation. Après avoir
dépensé 250 millions de dollars pour « la transformation de
l'éducation des sciences humaines et de l'économie au niveau des
écoles supérieures et des universités », Soros injecta 100 millions
de dollars de plus dans la création de la Fondation scientifique
internationale. Toutefois, les Services fédéraux russes de
contre-espionnage (FSK) accuseront finalement les fondations de
Soros en Russie d' « espionnage ». Le fait que Soros et la CIA
soient interconnectés semble désormais un secret de polichinelle.
Dès 1994, Soros avait investi des millions dans le secteur des
communications en Europe Centrale et de l’Est. Une de ses fondations
dirige aujourd’hui Radio Free Europe/Radio Liberty (la radio de la
CIA pendant la guerre froide). Il a subventionné de nombreux médias
« indépendants », tel Radio B92 pendant la guerre de Yougoslavie et
aujourd’hui des journaux « libres » en Irak. En effet, on retrouve
la main de Soros dans tous les coups fourrés survenus en Europe de
l’Est. La Fondation Soros a financé le groupe serbe de la jeunesse
Otpor. En 2000, cette organisation serbe avait organisé les
manifestations qui provoquèrent la chute de Slobodan Milosevic. On
retrouvera Optor en Ukraine dans l’entraînement des membres du
réseau Pora qui conduiront la Révolution Orange. Pora profitera
également de la générosité de George Soros à hauteur de 7 millions
de dollars. En Géorgie, la Fondation Soros alloua 4,6 millions de
dollars au groupe de jeunes Kmara, qui se révéla une arme de premier
ordre contre le gouvernement. On l’aura compris, les révolutions
orange, violettes ou jaunes ne tombent pas du ciel. Elles sont aussi
le fruit de manigances bien opaques.
En décryptant les agissements de l’homme d’affaires George Soros
(mais il n’est pas le seul, car il y a encore bien d’autres hommes
d’affaires qui, comme lui, présentent ce profil trouble d’agent
double), il devient enfin plus aisé de discerner sur quoi repose le
« soft power » américain. L’argent ! Un argent facilement et
malhonnêtement gagné sur les marchés internationaux (le 20 décembre
2002, George Soros a été condamné à 2,2 millions d’amende par le
tribunal correctionnel de Paris pour délit d’initié lors du raid
boursier contre la Société Générale, en 1988) et dépensé, par
l’entremise d’hommes d’affaires véreux, au service de causes
hautement politiques, peu innocentes et encore moins caritatives.
Quoi qu’il en soit, le jeu auquel s’adonnent les milieux d’affaires
américains, et derrière eux les services secrets états-uniens, dans
les ex-pays du Pacte de Varsovie est extrêmement dangereux. Alors
que l’Europe aurait tout intérêt à dénoncer ces agissements
totalement irresponsables et à se rapprocher de la Russie, allié
géostratégique idéal au gigantesque réservoir en ressources
naturelles, il est regrettable de constater qu’une fois encore ses
élites se taisent misérablement, voire applaudissent.
Karl Hauffen
Correspondance Polémia
18/01/07