Gérard Depardieu a donné le coup d’envoi,
mercredi soir, aux côtés de Frédéric Mitterrand, à l’opération « Passe-Livres
SNCF ». Quelque 10 000 livres ont été mis à la disposition des
voyageurs à la gare Montparnasse : ils pourront en prendre
librement pour les lire dans le train, à charge pour eux de les
laisser sur leur fauteuil à la disposition d’un prochain voyageur.
Passons sur le choix des livres, le côté gadget
de l’opération, et l’identité du ministre de la Culture.
L’important est dans ce qu’a dit Depardieu.
Il a expliqué comment, étant enfant, son
hyperémotivité avait empêché dans un premier temps tout
apprentissage de la lecture et lui avait fermé les portes de
l‘école. Air connu. Combien de petits Français souffrent dès la
maternelle parce qu’on ne leur apprend pas à lire ? Combien sont
prisonniers, comme il le fut, de leur « cerveau droit », de leurs
émotions, de leur incapacité à accéder à l’analyse ?
« C’est un instituteur algérien qui vivait à
Issy-les-Moulineaux qui m’a débloqué en m’apprenant à lire à
haute voix. Je lui dois tout. Sans la lecture, j’aurais mal
tourné », a avoué le comédien.
Eh oui, c’est la clef. Depardieu a trouvé un
instituteur qui aura été son « prochain », comme le Samaritain,
venant au secours de son intelligence blessée. Lui apprenant à
lire à haute voix, ce qu’on ne fait plus, ou mal dans les
classes élémentaires françaises.
Pour Elisabeth Nuyts, le drame de la lecture
apprise globalement et, très vite, silencieusement,
explique la montée de l’illettrisme et de la « dyslexie », et le
blocage de tant de jeunes prisonniers de leurs émotions parce
qu’ils ne s’entendent même pas penser.
En une phrase lapidaire, Gérard Depardieu l’a
rejointe, en révélant son propre drame d’enfance, et sa solution.
J’irai voir le prochain film de l’acteur qui a
choisi de relire – à haute voix – des passages de Cyrano et
de Saint Augustin à Montparnasse. La tête en friche
sort mercredi. Cela raconte l’histoire d’un illettré. Et au-delà,
peut-être, celle d’une génération décervelée…
JEANNE
SMITS