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2. Les grandes images de l'Évangile de Jean
p 265
L'eau
L'eau est l'un des éléments originaires de la vie et par conséquent
aussi l'un des symboles premiers de l'humanité. Elle se présente à
l'homme sous différents aspects et donc aussi sous différentes
acceptions.
Tout d'abord, nous avons la source, l'eau jaillissant toute fraîche
du sein de la terre. La source est origine, commencement dans sa pureté
; elle est encore limpide et intacte. Ainsi, la source apparaît comme
l'élément proprement créateur, mais aussi comme le symbole de fécondité,
de maternité.
Ensuite, nous avons le fleuve. Les grands fleuves - le Nil,
l'Euphrate, le Tigre - sont les grands dispensateurs de vie, quasi
divins, dans les grands pays qui entourent Israël. En Israël, c'est le
Jourdain qui donne vie à ce pays. Lors du baptême de jésus cependant,
nous avons vu que le symbolisme du fleuve présente également une autre
face. Par sa profondeur, il représente aussi le danger. La descente dans
la profondeur peut par conséquent signifier la descente dans la mort, et
la remontée à la surface, la renaissance.
Pour finir, nous avons la mer comme puissance admirée et sidérante
par sa majesté, mais surtout comme antipode, redouté de tous, de la
terre, qui est l'espace vital de l'homme. Le créateur a assigné à la mer
sa limite, qu'elle n'a pas le droit de dépasser. Elle n'a pas le droit
d'engloutir la terre. La traversée de la mer Rouge est devenue pour
Israël avant tout un symbole de salut, tout en renvoyant naturellement
aussi à la menace qui fut fatale aux Égyptiens. Si les chrétiens
considéraient la traversée de la mer Rouge comme une préfiguration du
Baptême, c'est pourtant la mer comme symbole de mort qui domine. Elle
devient l'image du mystère de la Croix. Pour renaître, l'homme doit
d'abord entrer avec le Christ dans la « mer Rouge », descendre avec lui
dans la mort, pour accéder de nouveau à la vie avec le Ressuscité.
Après ces remarques d'ordre général, nous abordons, dans la
perspective de l'histoire des religions, le symbolisme de l'eau dans
l'Évangile de Jean. Ce symbolisme de l'eau traverse l'Évangile de bout
en bout. Nous le rencontrons d'abord dans l'entretien avec Nicodème au
troisième chapitre. Pour pouvoir entrer dans le royaume de Dieu, l'homme
doit devenir autre, il doit naître de nouveau d'eau et d'Esprit (c£ Jn
3, 5). Qu'est-ce que cela signifie ?
Le Baptême comme entrée dans la communauté du Christ est interprété
comme une renaissance, qui, par analogie avec la naissance naturelle par
fécondation de l'homme et conception de la femme, implique un double
principe : l'esprit divin et « l'eau, comme "mère universelle de la vie
naturelle - élevée dans le sacrement par la grâce, à la ressemblance de
la Î heotokos virginale" 22 » .
En d'autres termes, la renaissance implique le pouvoir créateur de
l'Esprit de Dieu, mais par le sacrement, elle implique aussi le sein
maternel de l'Église qui accueille et qui accepte. Photina Rech cite
Tertullien : «Jamais le Christ n'est sans l'eau 23 », et interprète
correctement cette expression un peu énigmatique de l'écrivain
ecclésiastique.
« Jamais le Christ ne fut et n'est sans l'ecclesia24 ». L'Esprit et
l'eau, le ciel et la terre, le Christ et l'Église, forment un tout.
Ainsi, la « renaissance » a lieu. Dans le sacrement, l'eau représente la
terre maternelle, la sainte Église, qui reçoit la création en elle et
qui la représente.
Immédiatement après, au chapitre 4, nous rencontrons jésus au puits
de Jacob. Le Seigneur promet à la Samaritaine l'eau qui deviendra une
source, une source jaillissant en vie éternelle (cf. Jn 4, 14) en celui
qui la boit, de sorte que celui qui en boit ne connaîtra plus la soif.
Ici, le symbolisme du puits est lié à l'histoire du salut d'Israël. Lors
de la vocation de Nathanaël, Jésus s'était déjà révélé comme le nouveau,
le plus grand Jacob. Au-dessus de la pierre qui lui servait d'oreiller
pendant son sommeil, Jacob avait vu, dans une vision nocturne, les anges
de Dieu monter et descendre. Jésus prédit à Nathanaël que ses disciples
verront le ciel ouvert au-dessus de lui, et qu'ils verront monter et
descendre les anges de Dieu (cf. Jn 1, 51). Ici, près du puits de Jacob,
nous rencontrons Jacob comme le grand ancêtre qui a donné le puits et,
avec le puits, l'eau, l'élément fondamental de la vie. Mais l'homme
ressent une soif plus grande, au-delà de l'eau du puits, parce qu'il est
en ;quête d'une vie qui transcende la sphère biologique.
Nous allons rencontrer la même tension intrinsèque à i être humain
dans le chapitre sur le pain. Moïse a donné la manne, il a donné le pain
venu du ciel. Mais c'était tout de même du « pain » terrestre. La manne
est une promesse. Le nouveau Moïse donnera de nouveau du pain. Et il
faudra donner plus, plus que ce que la manne a pu être. On voit de
nouveau que l'homme est tendu vers l'infini, vers un autre « pain », qui
sera vraiment le « pain venu du ciel ».
Ainsi, les promesses de l'eau nouvelle et du pain nouveau se
correspondent. Elles correspondent à l'autre dimension de la vie, à
laquelle l'homme aspire inévitablement. Jean distingue entre bios et
zoé, la vie biologique et la vie plus vaste qui, étant elle-même source,
n'est pas soumise à la mort ni à la destinée qui marquent la création
tout entière. Dans l'entretien avec la Samaritaine, l'eau redevient,
certes sous une forme différente, le symbole du Tneuma, de la véritable
puissance de vie qui étanche la soif la plus profonde de l'homme en lui
donnant la vie intégrale qu'il attend sans la connaître.
Dans le chapitre suivant, le cinquième, l'eau apparaît plutôt en
passant. C'est l'histoire de l'homme, infirme depuis trente-huit ans,
qui attend la guérison de la descente dans la piscine de Béthesda, mais
qui ne trouve personne pour l'aider à y entrer. Jésus le guérit par son
pouvoir. Il accomplit sur le malade ce que ce dernier attendait du
contact avec l'eau thérapeutique. Dans le septième chapitre, qui selon
une hypothèse convaincante des exégètes modernes, suivait à l'origine
sans doute directement le cinquième, nous trouvons jésus à la fête des
Tentes avec son rituel solennel du don de l'eau ; nous allons y revenir
en détail.
Et puis, nous rencontrons de nouveau le symbolisme de l'eau au
chapitre 9. Jésus guérit un aveugle de naissance. Le processus de
guérison implique que l'aveugle, sur ordre de jésus, doit se laver dans
la piscine de Siloé. Ainsi, il recouvre la vue. Siloé, « ce nom signifie
: Envoyé », commente l'évangéliste pour ses lecteurs qui ne connaissent
pas l'hébreu Un 9, 7). Mais c'est plus qu'une simple note philologique.
Cela nous indique la véritable raison du miracle. Car « l'Envoyé »,
c'est Jésus. En fin de compte,
c'est jésus par lequel et dans lequel il se laisse purifier pour
recouvrer la vue. Le chapitre tout entier s'avère une explication du
baptême qui nous rend la vue. Le Christ dispense la lumière et, par
l'intermédiaire du sacrement, il nous ouvre les yeux.
Dans un sens analogue, mais tout de même différent, l'eau apparaît au
chapitre 13, à l'heure de la dernière Cène, lors du lavement des pieds.
Jésus se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge dont il se
ceint. Il verse ensuite de l'eau dans un bassin et commence à laver les
pieds des disciples (cf. 13, 4-5). L'humilité de jésus, qui se fait
serviteur des siens, est le bain de pieds purificateur qui rend les
hommes dignes de s'asseoir à la table de Dieu.
Et pour finir, l'eau apparaît à nos yeux encore une fois, grande et
mystérieuse, à la fin de la Passion. Jésus mort, ses jambes ne furent
pas brisées, mais un des soldats « avec sa lance lui perça le côté ; et
aussitôt, il en sortit du sang et de l'eau » (in 19, 34).
Indubitablement, Jean a voulu indiquer les deux sacrements principaux de
l'Eglise, le Baptême et l'Eucharistie, qui jaillissent du coeur
transpercé de jésus et par lesquels, de cette manière, l'Église naît du
côté de Jésus.
Dans sa première Lettre, Jean a encore repris le thème du sang et de
l'eau en lui donnant une autre connotation
« C'est lui, Jésus Christ, qui est venu par l'eau et par le sang :
pas seulement l'eau, mais l'eau et le sang... Et celui qui rend
témoignage, c'est l'Esprit, car l'Esprit est la vérité. Ils sont trois
qui rendent témoignage, l'Esprit, l'eau et le sang, et tous les trois se
rejoignent en un seul témoignage » (1 Jn 5, 6-8). Ici, nous avons
manifestement une tournure polémique contre un christianisme qui
reconnaît, certes, le baptême de jésus comme événement salvifique, mais
pas sa mort sur la croix. Il s'agit d'un christianisme qui veut, pour
ainsi dire, seulement le Verbe, mais pas la chair et le sang. Le corps
de jésus et sa mort sont, en dernière instance, sans importance. Du
christianisme, il ne reste ainsi que « de l'eau » - le Verbe sans la
corporéité de Jésus perd sa force. Le christianisme devient une simple
doctrine, un simple moralisme et une affaire de l'intellect, mais il lui
manque la chair et le sang. Le caractère rédempteur du sang de jésus
n'est plus accepté. Il perturbe l'harmonie intellectuelle.
Comment ne pas y voir des menaces pour notre christianisme actuel ?
L'eau et le sang forment un tout. L'incarnation et la croix, le Baptême,
le Verbe et le sacrement sont indissociables. Et le Pneuma doit se
joindre à cette triade du témoignage. A ce sujet, Schnackenburg25
signale à juste titre que le témoignage de l'Esprit dans l'Église et par
l'Église est à comprendre à partir de jean 15, 26 et de jean 16, 10.
Penchons-nous maintenant sur les paroles de révélation que Jésus
prononce dans le contexte de la fête des Tentes et que Jean nous
transmet. C'était le jour solennel où se terminait la fête. «Jésus,
debout, s'écria : "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il
boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l'Écriture : Des fleuves d eau
vive jailliront de son cceur" » Un 7, 37-38). A l'arrière-plan, nous
avons le rite de la fête consistant à puiser de l'eau dans la source de
Siloé afin de pouvoir faire des libations dans le Temple durant les sept
jours que durait la fête. Le septième jour, les prêtres tournaient sept
fois autour de l'autel avec le récipient d'eau doré avant de procéder à
la libation. Ces rites d'eau renvoient d'abord à l'origine de la fête
dans les religions de la nature. La fête était à l'origine une prière
pour demander la pluie dont un pays menacé de sécheresse avait
cruellement besoin. Ensuite, le rite commémorait un épisode de
l'histoire du salut, c'est-à-dire l'eau que Dieu a fait jaillir du
rocher pour les Hébreux, pendant la marche dans le désert, malgré leurs
doutes et leurs peurs (cf. Nb 20, 113).
Finalement, l'eau jaillissant du rocher était devenue progressivement
un thème de l'espérance messianique. Durant la marche dans le désert,
Moïse avait donné à Israël le pain du ciel et l'eau du rocher. Par
conséquent, on attendait aussi du nouveau Moïse, du Messie, ces deux
dons essentiels pour la vie. Cette interprétation messianique du don de
l'eau se reflète aussi dans la première Lettre de Saint Paul aux
Corinthiens : « Tous, ils ont mangé la même nourriture, qui était
spirituelle ; tous, ils ont bu à la même source, qui était spirituelle ;
car ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c'était
déjà le Christ » (1 Co 10, 3-4).
Par la parole que Jésus prononce durant le rite de l'eau, il répond à
cette espérance. Il est le nouveau Moïse. Il est lui-même le rocher qui
dispense la vie. Comme il se révèle comme le pain véritable venant du
ciel dans le discours sur le Pain de vie, de même il se présente, de
manière analogue à ce qu'il a déjà dit face à la Samaritaine, comme
l'eau vive à laquelle l'homme aspire dans sa soif la plus profonde, la
soif de vie, de « vie en abondance » (Jn 10, 10) ; d'une vie qui ne
serait plus marquée par les besoins qu'il faut assouvir en permanence,
mais d'une vie qui jaillirait d'ellemême de l'intérieur. Jésus répond
aussi à cette question comment boit-on cette eau de la vie ? Comment
vient-on à la source, comment peut-on la puiser ? « Celui qui croit en
moi... » Croire en jésus, voilà la façon de boire l'eau vive, de boire
la vie qui n'est plus menacée par la mort.
Maintenant, nous devons écouter le texte plus attentivement encore.
Il poursuit ainsi : « Comme dit l'Écriture Des fleuves d eau vive
jailliront de son coeur » (%n 7, 38). De quel coeur ? A cette
question, il y a depuis les premiers temps déjà deux types de réponse.
La tradition alexandrine, inaugurée par Origène (mort vers 254), dans
laquelle s'inscrivent aussi les éminents Pères latins que sont Jérôme et
Augustin, lit ainsi la phrase « celui qui croit... de son coeur
jailliront » : l'homme qui croit devient lui-même une source, une oasis
dont jaillit l'eau fraîche et saine, la force dispensatrice de vie de
l'Esprit Créateur. L'autre tradition, certes beaucoup moins répandue,
celle d'Asie Mineure, par son origine plus proche de Jean et représentée
par Justin (t 165), Irénée, Hippolyte, Cyprien et Ephrem, modifie la
ponctuation. Celui qui a soif, qu'il vienne vers moi ; celui qui croit
en moi, qu'il boive. Comme dit l'Écriture : de son coeur jailliront des
fleuves. Son « cour » est maintenant référé au Christ. C'est lui qui est
la source, le rocher vivant, dont jaillira l'eau nouvelle.
D'un point de vue purement linguistique, la première interprétation
est plus convaincante, c'est pourquoi, à la suite des éminents Pères de
l'Église, la plupart des exégètes modernes y souscrivent. Mais du point
de vue du contenu, on penche plutôt pour la deuxième interprétation,
celle d'« Asie Mineure », à laquelle adhère par exemple Schnackenburg,
sans qu'il faille y voir une opposition de principe qui exclurait
l'interprétation « alexandrine ». Une clé importante pour
l'interprétation nous est fournie par la tournure « comme dit l'Écriture
». Jésus tient à s'inscrire dans la continuité de l'Écriture, dans la
continuité de l'histoire de Dieu avec les hommes. Dans l'Évangile de
Jean, mais également dans les Évangiles synoptiques et au-delà dans
toute la littérature néotestamentaire, la croyance en
Jésus est légitimée par le fait qu'en lui se rejoignent tous les
fleuves de l'Ecriture. A partir de lui, le sens de l'Écriture se
manifeste dans toute sa cohérence comme ce qui est attendu de tous et
vers quoi tout se dirige.
Mais en quel endroit l'Écriture parle-t-elle de cette source vive ?
Manifestement, jean ne pense pas à un passage précis, mais bien plutôt à
« l'Écriture », à la vision qui en traverse tous les textes. Plus haut,
nous avions déjà mis en lumière un aspect central : l'histoire du rocher
dispensateur de vie, devenu en Israël une image de l'espérance. Le
deuxième grand aspect nous est proposée par Ezéchiel (cf. 47, 1-12) avec
la vision du nouveau Temple : « Sous le seuil du Temple, de l'eau
jaillissait en direction de l'orient » (Ez 47, 1). Plus de cinquante ans
plus tard, Zacharie a repris cette image : « En ce jour-là, il y aura
une source qui jaillira pour la maison de David et les habitants de
Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure » (Za 13,
1). « En ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem » (Za 14, 8).
Le dernier chapitre de l'Écriture Sainte réinterprète ces images et
c'est lui qui leur donne à présent toute leur grandeur : « Puis l'ange
me montra l'eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal,
qui jaillit du trône de Dieu et de l'Agneau » (Ap 22, 1).
Un bref regard sur la scène de la purification du Temple nous a déjà
montré que jean considère le Seigneur ressuscité, son corps, comme le
nouveau Temple, attendu non seulement par l'Ancien Testament, mais par
toutes les nations (cf. Jn 2, 21). Ainsi, nous sommes autorisés à
entendre aussi dans ce qui est dit des fleuves d'eau vive une annonce du
nouveau Temple : oui, ce Temple existe. Il existe, ce fleuve de vie
promis qui épure la terre saline pour faire mûrir la vie et pour faire
pousser les fruits en abondance. Il est celui qui est allé dans l'amour
jusqu'au
bout, celui qui est passé par la Croix pour vivre maintenant dans une
vie que nulle mort ne pourra plus menacer. C'est lui, le Christ vivant.
Ainsi, la phrase prononcée pendant la fête des Tentes préfigure non
seulement la nouvelle Jérusalem dans laquelle Dieu lui-même demeure et
dans laquelle il est source de vie, mais indique aussi par avance
directement le corps du crucifié, duquel sortent du sang et de l'eau
(cf. jn 19, 34). Elle le révèle comme le vrai Temple, qui n'est pas fait
de pierres ni de la main de l'homme. Pour cette raison précisément,
parce qu'il est la demeure vivante de Dieu dans le monde, il est et
restera source de vie aussi pour tous les temps.
Celui qui regarde l'histoire d'un oeil attentif peut voir ce fleuve
qui, à travers les temps, coule du Golgotha, du jésus crucifié et
ressuscité. Là où parvient ce fleuve, il peut voir comment la terre est
purifiée, comment poussent les arbres fruitiers, comment jaillit la vie,
la vie véritable, de la source d'amour qui s'est donnée et qui se donne.
Cette interprétation centrale qui se réfère au Christ ne peut
nullement exclure, comme nous l'avons déjà dit, que cette phrase vaille
aussi, de manière dérivée, pour les croyants. Une expression de
l'évangile apocryphe de Thomas (10, 6) indique une direction qui est
conforme à celle de l'Évangile de jean : « Celui qui boit de ma bouche
deviendra comme moi". » Le croyant s'unit au Christ, il a part à sa
fécondité. L'homme qui croit et qui aime avec le Christ devient un puits
qui dispense la vie. Cela aussi, on peut très bien le voir dans
l'histoire. On peut aussi constater cela dans l'histoire de manière
merveilleuse : à savoir comment les saints sont des oasis autour
desquelles la vie éclôt et où revient quelque chose du paradis perdu. Et
la source qui se donne en abondance reste finalement toujours le Christ
lui-même.
La vigne et le vin
Si l'eau est l'élément fondamental de la vie pour toutes les
créatures sur la terre, le pain de froment, le vin et l'huile d'olive
sont des présents typiques de la civilisation méditerranéenne. Dans son
évocation de la création, le Psaume 104 [103] nomme d'abord l'herbe que
Dieu a destinée au bétail, pour parler ensuite de ce que Dieu, à travers
la terre, a donné à l'homme : le pain qu'il tire de la terre, le vin qui
réjouit son cour et enfin l'huile qui adoucit son visage. Il cite encore
le pain qui soutient sa force (cf. Ps 104 [103], 14-15). Les trois
grands présents de la terre sont devenus simultanément et à côté de
l'eau les éléments fondamentaux des sacrements de l'Église, dans
lesquels les fruits de la création deviennent des vecteurs de
l'intervention de Dieu dans l'histoire, des « signes », par lesquels il
nous fait don de sa proximité particulière.
Ces trois présents se différencient selon leurs caractéristiques ;
par conséquent, ils ont chacun des fonctions symboliques spécifiques. Le
pain, préparé sous sa forme la plus simple avec de l'eau et du froment
moulu, et avec l'aide du feu et du travail de l'homme, est la nourriture
de base qui appartient aux pauvres comme aux riches, mais tout
particulièrement aux pauvres. Il exprime la bonté de la création et du
Créateur, tout en symbolisant l'humilité de la simple vie quotidienne.
Le vin par contre représente la fête. Il fait sentir aux humains la
magnificence de la Création. C'est pourquoi il fait partie des rituels
du sabbat, de la pâque et des noces. Et il nous fait pressentir quelque
chose de la fête