Fiction ? Comme cadeau de Noël, le magazine
hebdomadaire Prurit-Match, dont on connaît le poids en raison de son
importance numérique, a offert à Benoît XVI l’annonce charmante que «
sa succession est ouverte ».
L’article est de l’insolente hirondelle Catherine
Panzoni. Elle a recueilli les confidences du cardinal Scolange,
qu’elle présente déjà comme un papabile « aussi incontournable que
prestigieux ».
Ce qu’elle ne dit pas, c’est que ce cardinal a
récemment résumé son dessein subversif en déclarant :
« Désormais le christianisme ne sera plus un fait de
naissance, mais le résultat d’un choix conscient. »
C’est contredire clairement la rectification de
Notre Seigneur : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi
qui vous ai choisis » (Jn 15, 16), et c’est négliger son avertissement
: « Personne ne peut voir le royaume de Dieu s’il ne naît de
nouveau » (Jn 3, 3) ; « si l’on ne renaît de l’eau et de l’Esprit, on
ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3, 5) ; « ne t’étonne pas
de ce que je t’ai dit qu’il faut que tu naisses encore une fois » (Jn
3, 7). Voilà bien un « fait de naissance », et quel fait !
Le nouveau pape », écrit Catherine Panzoni, « devra
remotiver les jeunes », car « en cinq ans les vocations ont
vertigineusement diminué ». C’est une contre-vérité : ce n’est pas en
cinq ans. C’est depuis cinquante ans et même depuis soixante-dix. Car
c’est depuis le Concile et même depuis la Seconde Guerre mondiale.
Mais il faut éviter que l’on s’en aperçoive : on risquerait de
remonter aux vraies causes !
L’article de Prurit-Match ne consacre aux vocations
en chute qu’une demi-phrase ; et comme si l’on ne pouvait plus rien
attendre d’« un pape de 84 ans », il passe directement à une liste des
problèmes qui seront ceux du « nouveau pape » :
« Il lui faudra se prononcer sur les unions
des homosexuels, la bioéthique, le recours au préservatif dans
certains cas, les divorcés remariés souhaitant communier, le célibat
des prêtres, la consécration d’hommes mariés, l’euthanasie. Autre
sujet essentiel : la gestion du gouvernement dans l’Eglise. Doit-elle
être toujours aussi pyramidale, avec l’autorité souveraine de l’évêque
de Rome, ou plus collégiale ? »
La liste est bien faite. C’est celle des
préoccupations qui agitent les élites intellectuellement pourries du
catholicisme universitaire, publicitaire, médiatique et carriériste.
Selon Prurit-Match, Benoît XVI souhaiterait «
limiter ses activités publiques solennelles ». Un certain « haut
prélat » aurait déclaré « sans complaisance » à Catherine Panzoni : «
Sa Sainteté est sous une bulle, comme anesthésiée, ayant fort peu de
contact avec le monde extérieur ». Puis sans indiquer sa source
Catherine Panzoni complète le portrait : « Benoît XVI interfère
rarement dans l’alchimie complexe des affaires internes de la Curie
romaine et modestement sur les questions étrangères, décourageant en
cela les nonces qui, lorsqu’ils lui rédigent des notes pour lui faire
part de leurs observations sur le terrain, ne reçoivent pas souvent de
réponse. »
Ce Benoît XVI qu’on nous présente comme isolé et
inactif, La Documentation catholique, débordée, a maintenant un mois
de retard dans le compte rendu de ses voyages, discours, homélies,
allocutions, audiences…
Une telle accumulation de remarques malveillantes
sur un pape artificiellement présenté comme isolé et inactif signifie
simplement que les clans progressistes s’estiment insuffisamment
écoutés par Benoît XVI. Il n’est pas étonnant que leur insatisfaction
s’exprime méchamment dans un magazine connu pour son ignorance
méprisante à l’égard de l’Eglise. Il est cependant significatif que ce
soit une plume catholique ayant ses entrées un peu partout au Vat’ qui
se trouve à la manœuvre, affichant ses relations avec les deux
papabili Erdöpeter et Scolange.
Sans doute sait-on qui est Catherine Panzoni (cf.
Chroniques sous Benoît XVI, p. 328-329). Elle fréquente depuis
longtemps le collège cardinalice, comme on peut le voir par son livre
Les Princes rouges paru en 2009 après deux ans d’enquête et de travail
auprès des cardinaux. C’est elle qui, en cette même année 2009, avait
lancé dans la grande presse la campagne « inspirée » consistant à
accueillir tout acte de Benoît XVI par la répétition des mêmes
formules : « un faux pas de plus », une « énième bourde », avec déjà «
ce pape allemand et dogmatique » qui vit « entre son stylo et son
piano » et qui « prend ses repas tout seul, ne reçoit personne dans
ses appartements privés ». Comme ça ne prenait pas, elle s’était
calmée. La revoici dans le même registre. C’est une nouvelle fois le
signe annonciateur d’une tempête. Mais qui, cette fois aussi, pourrait
bien avorter.
JEAN MADIRAN