....Patrice de La Tour du Pin..

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AUTEUR : Marie-Josette Le Han..

SOURCE : Paradigme Biblique et Expérience Poétique

Date d'émergence  : 10.07.2013   

« Je comprends que chaque chose ne subsiste pas sur elle seule mais dans un rapport infini avec toutes les autres ».

La Tour du Pin souligne lui aussi avec force l'importance de cette vision analogique inséparable de la démarche poétique ; i 1 affirme ainsi dans l'un de ses Psaumes de 1938 que « Tout est d'un même corps de création »3, et dans La Vie recluse en poésie il remarque que si « tout doit s'élever avec la sève qui convient » « tout est intimement mêlé »4. Dans ce même recueil il regrette que « l'Église de ce temps sépare elle-même un peu trop le monde visible de l'invisible, la matière et l'Esprit, et ne fait plus guère appel au mode analogique pour comprendre et dire »5. Nous pouvons ici noter une formulation intéressante : « ne fait plus guère appel... » La Tour du Pin semble regretter l'abandon, au moins partiel, par l'Église contemporaine d'une forme de pensée qui lui semble nécessaire aussi bien au langage religieux qu'au langage poétique (c'est-à-dire à toutes les formes d'expression qui affrontent l'indicible), nécessité qui en explique la constante résurgence dans le contexte culturel de l'occident.

On peut en effet lui rattacher l'antique théorie des Correspondances, formulée de façon systématique par Swedenborg mais déjà très présente dans la symbolique médiévale et dans certaines doctrines hermétiques de l'Antiquité. Elle apparaît également dans la Bible ; certes Dieu y est présenté comme le Tout Autre, l'absolue Transcendance qui échappe à la représentation "Vous ne ferez point d'image taillée, ni aucune figure de tout ce qui est en haut dans le ciel... » Exode, XX, 4) et qui récuse même toute nomination directe (car le langage humain ne saurait le limiter) mais tout élément du monde y est aussi présenté comme créé et porte donc la trace de l'action divine ; l'homme lui-même est créé « à l'image » et « à la ressemblance » de Dieu, relation analogique qui conduira La Tour du Pin à insister sur la structure trinitaire de l'homme, en particulier dans le Second jeu. Dans une telle perspective tout élément visible peut renvoyer à sa source invisible, tout signe en ce monde peut renvoyer à une signification qui n'est pas seulement « de ce monde », tout peut être « allusion » comme le dit Claudel dans son Introduction au « Livre d e Ruth »6. La Bible témoigne en d'innombrables passages de cette loi spirituelle de l'analogie ; l'on peut par exemple penser au Cantique des Cantiques dont la lecture fut souvent purement symbolique mais aussi au Livre de la Sagesse qui affirme : « Car la grandeur et la beauté des créatures / conduisent par analogie à contempler leur Créateur »7. L'on peut aussi évoquer les paraboles du Christ et la célèbre formule de saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens, formule qui, conjuguée sans doute à des influences platoniciennes, posa véritablement les fondements de la vision symbolique en Occident : « Videmus nunc per speculum in aenigmate : tune autem facie ad faciem. Nunc cognosco ex parte : tune autem cognoscam sicut et cognitus sum »8. Cette conviction est encore très présente à l'âge classique puisque Pascal, faisant allusion à l'épître aux Romains (I, 20), écrit dans une lettre à Madame Périer le 1er avril 1648: « Les choses corporelles ne sont qu'une image des spirituelles et Dieu a représenté les choses invisibles dans les visibles ». Elle commençait pourtant déjà à régresser sous l'influence d'une certaine tendance de l'humanisme puis du rationalisme cartésien et philosophique. Elle ressurgit toutefois avec force à l'époque romantique, si déterminante pour la conception et pour le destin de la poésie moderne. Dans L'Âme romantique et le rêve, Albert Béguin, évoquant cette mystique « analogique » et « symboliste » souligne la parenté entre le courant néo-platonicien de la Renaissance et le Romantisme, parenté qu'il situe dans la conviction que « la création visible a une valeur toute symbolique et chacune de ses manifestations est une pure allusion à l'Unique, qu'il s'agit de saisir à travers elle »9. L'idéalisme allemand et les Romantiques d'Iéna ont souligné la portée métaphysique et ontologique de la poésie, faisant d'elle une voie privilégiée d'approche de l'absolu, dans la mesure où elle permet ce qu'Albert Béguin appelle la « connaissance analogique d'un Réel qui n'est pas la donnée extérieure »10. Considérant le monde comme un langage divin et le poète - prêtre et voyant - comme un traducteur de ce Verbe inscrit dans les choses, le Romantisme a donné à la poésie une dimension herméneutique et une fonction de révélation quasi mystique. Elle devenait dévoilement du sens caché des choses, lecture du livre qu'est l'univers, accès à l'invisible à travers les apparences du monde (per visibilia ad invisibilia). Par la suite Baudelaire affirmera que « Tout est hiéroglyphique » définissant le poète comme « un traducteur, un déchiffreur »11, et tout le courant symboliste vivra de cette conviction qu'il appartient à la poésie de décrypter le texte du monde et le système de signes qu'il constitue pour accéder au coeur mystérieux des choses et devenir suggestion de l'indicible, même si le langage ne peut jamais conduire qu'à une approche et approximation de l'absolu, à une limite qui toujours se dérobe, quels que soient les seuils franchis.

La connaissance particulière et essentielle que doit transmettre la poésie serait donc fondée, non sur la pure rationalité, l'objectivité absolue et l'analyse qui sépare et dissocie, mais d'abord sur « l'Imagination » qui est, selon Baudelaire, « la plus scientifique des facultés » parce que seule « elle contient l'analogie universelle ou ce que la religion mystique appelle la correspondance »12. Elle reposerait aussi sur l'intuition qui conduit comme « par grâce » au coeur des choses, et sur le désir de discerner ou d'instaurer entre les éléments multiples de l'univers une unité et une harmonie qui permettent d'échapper à la fragmentation, à la dissonance, au sentiment de l'exil.

Si la poésie contemporaine a, dans son ensemble, renoncé aux présupposés métaphysiques et aux ambitions mystiques qui sous-tendaient les démarches romantiques et symbolistes elle reste, semble-t-il, fidèle - du moins dans une large mesure - à cette mission d'exploration et d'investigation. Ainsi Michel Deguy affirme-t-il que « l'imagination poétique est l'hôte de l'inconnaissable »13.

 

Mais comment La Tour du Pin se situe-t-il face à l'héritage du XIXe siècle et aux tendances de la modernité ?

Sa position nous semble assez complexe car il a laissé peu de confidences sur d'éventuelles influences littéraires ou philosophiques, et celles que l'on croit déceler restent toujours hypothétiques et fugitives ; d'autre part il a créé en solitaire, à l'écart des groupes, courants et tendances, menant disait-il « une entreprise isolée en son siècle ». Il nous semble occuper ce que nous pourrions appeler une position intermédiaire entre la poésie « mystique » mais souvent orgueilleuse du XIXe siècle avec laquelle son oeuvre prend progressivement une distance toujours plus grande, et la pratique poétique résolument agnostique de la plupart de ses contemporains.

 Partageant les doutes et le sens des limites de ceux-ci dans leur rapport au langage, il reste néanmoins fidèle à une conception religieuse du langage poétique, son expérience personnelle de la création coïncidant de façon toujours plus étroite et plus intime avec le paradigme biblique. Peut-être est-ce d'ailleurs cette filiation biblique de La Tour du Pin et son adhésion toujours plus profonde à l'usage de la parole que propose la Bible, qui expliquent sa position particulière dans l'histoire littéraire de la poésie c'est-à-dire l'union de l'ambition spirituelle et de l'humilité personnelle, du renoncement aux ambitions prométhéennes et de la fidélité à une filiation divine.

Son oeuvre témoigne avec une intensité toute particulière de cette vocation de la parole à révéler l'arrière-plan de la perception immédiate, la profondeur de l'instant, l'énigme que constitue chaque fragment de réalité, énigme qui ne vient pas d'une matière irrémédiablement close sur elle-même mais au contraire d'une matière poreuse à la grâce et qui laisse soudain transparaître une mystérieuse beauté. Ainsi en va-t-il dans le poème du Troisième jeu intitulé « Admirable matière »

Un pin grêle, le ciel, les deux hérons de cendre... Sauf mon coeur et ce long soir cendré qui descend, Rien ne bouge à changer l'admirable présent...

Les deux hérons, leur cri vespéral dans l'espace s'éloignant au-dessus des bois, même au-dessus Des plus hautes forêts d'esprit, ne laissant plus  Que l'admirable matière vivante... et la grâce. 14

Nous pouvons ici remarquer l'acuité du regard qui saisit l'instant dans son mystère d'épiphanie et de transfiguration fugitives, la finesse du trait qui restitue la scène à la manière de l'art japonais (haï-ku ou estampe) et surtout l'importance de la vision analogique (ressemblance du cœur et du « long soir cendré », assimilation des bois et des hautes forêts d'esprit, association de la matière et de la grâce) qui nous ramène à la notion biblique d'un seul univers indissolublement visible et invisible. Cette vision, nous la saisissons ici sur le vif et dans la précision du détail mais elle est omniprésente dans la Somme de poésie car, pour accomplir sa tâche de révélation et de transmutation, qu'elle ne peut accomplir directement et immédiatement en agissant sur le monde extérieur, la poésie doit recourir à la constitution d'un univers que Paul Ricoeur appelle le « monde du texte », univers intermédiaire qui « redécrit le monde au lieu de se borner à le décrire »15 et qui, ce faisant, modifie nécessairement notre regard sur le monde et notre façon de nous y situer. Or le « monde du texte » que constitue la Somme de poésie repose essentiellement sur l'interprétation analogique dont l'une des sources majeures comme nous l'avons vu est la Bible et par exemple le psaume 19

Les cieux racontent la gloire de Dieu,

le firmament proclame l'oeuvre de ses mains.

Le jour en prodigue au jour le récit, la nuit en donne connaissance à la nuit.

Ce n'est pas un récit, il n'y a pas de mots, leur voix ne s'entend pas.

Leur harmonie éclate sur toute la terre et leur langage jusqu'au bout du monde.16

Cette vision analogique chez La Tour du Pin nous semble se diviser en trois catégories majeures : la correspondance entre l e monde naturel et le monde intérieur, la correspondance entre l'univers poétique de la Création et le microcosme de l'oeuvre poétique, la correspondance enfin entre la structure trinitaire de la divinité et celle même de l'homme selon La Tour du Pin.

Nous nous intéresserons principalement ici à la première qui nous permettra encore de saisir l'étroite filiation entre l'univers biblique et la Somme poétique.

 

2. Les pouvoirs de l'image

L'image, nous le savons, joue un rôle essentiel dans le domaine de la révélation biblique comme dans celui de la création poétique. Northrop Frye a souligné avec force sa dimension active et signifiante dans le « mythe » que constitue l'Écriture : « Nous devons envisager la possibilité que la métaphore ne soit pas un ornement accidentel de la Bible, mais l'un de ses modes de pensée dominants »17, et nous savons qu'une grande part du message biblique est transmise, non par voie conceptuelle mais à travers un certain nombre de symboles fondamentaux : l'eau, le vent, le feu, le pain... Dans la Somme de poésie, innombrables sont les passages où La Tour du Pin se livre à une méditation sur sa propre pratique poétique et sur le rôle qu'y jouent le signe, le symbole au l'image. Il leur attribue la fonction de lien, de « pont », de voie de passage entre des domaines, apparemment séparés, du réel : l e sujet et l'objet, le charnel et l'impalpable, le terrestre et l'invisible. Il définit par exemple son « programme » initial comme l'engagement « dans une expédition assez singulière » qui consiste à « chasser les signes de correspondance entre la révélation de Dieu et les manifestations naturelles de la vie »18. Au fur et à mesure de l'évolution de l'oeuvre et de l'affirmation de la théopoésie, s'ajoutera à ce premier projet la volonté de « faire communiquer les deux rives du fossé entre l'univers de la Parole de Dieu et celui de la mentalité du siècle, entre la nuit du mystère de Dieu et le jour de l'intelligence actuelle »19. Mais i l s'agit toujours de créer des liens pour tenter de retrouver, de reconstituer et de révéler la structure profonde du réel qui est à ses yeux, non point division, dispersion et clôture mais unité et amour : « Et tout est lié, je le répète, tout est lié ! sauf ce qui refuse de l'être, ce qui veut sa perte »20. Or dans cette entreprise __ d'unification du réel par la parole poétique, le symbole joue un rôle essentiel car il est « union de choses séparées au visible et qui se retrouvent liées dans la nuit humaine »21. Ainsi l'on ne peut qu'être frappé à la lecture de la Soin me par la présence d'images qui font partie de notre patrimoine symbolique grâce, en particulier, à la Bible : celles de l'ange, de l'arbre et du feu, que nous avons choisi de privilégier en raison de leur extrême importance dans les deux univers verbaux que nous étudions et dont l'un se veut l'écho de l'autre. L'on peut d'ailleurs hésiter, quant à la dénomination de ces images, entre symbole et métaphore, procédés qui visent l'un et l'autre à transcender les catégories ordinaires de notre représentation du réel. Le Dictionnaire de poétique et de rhétorique d'Henri Morier les classe toutes trois parmi les « symboles consacrés ou conventionnels »22 mais l'usage qu'en fait La Tour du Pin, usage subtil et très particulier, nous conduirait plutôt à parler de métaphore c'est-à-dire de transfert, de déplacement, de transposition...

 

Sans doute n'y a-t-il pas, dans l'oeuvre de La Tour du Pin, d'images audacieuses ou provocatrices conformes à la définition de Reverdy ou aux pratiques surréalistes. L'image, dans la Somme, existe moins comme association de termes a priori inconciliables que comme glissement de plan, fusion subtile de registres de réalités, car elle cherche moins à contester violemment l'ordre du monde qu'à créer une nouvelle référence, spécifique à l'œuvre sans doute, mais qui révèle peut-être des perspectives cachées et essentielles. La métaphore procéderait alors à une « redescription » de la réalité et exercerait cette « fonction heuristique » dont parle Paul Ricœur23. Lorsque La Tour du Pin écrit par exemple « Anges, vous êtes des bouffées de spirituel »24, lorsqu'il évoque le « cru » de la « mélancolie »25 ou la « sève du ciel »26, il associe étroitement le concret et l'immatériel, la sensation et la spiritualité. La métaphore est alors ouverture - en ce monde et dans l'instant - sur la transcendance et elle est véritablement créatrice d'une nouvelle relation au monde, à tel point que le poète pourra s'écrier : « Je vis sur d'autres sens qui semblent de folie ! »27. Le problème de la référence et de la représentation est bien sûr particulièrement aigu chez celui dont le projet poétique - ou plus exactement théopoétique - ne pouvait ni s'inscrire dans la pure immanence, ni s'évader dans la seule transcendance, ni s'enfermer dans un langage autotélique. Le but de la théopoésie était de conduire l'être à devenir « hybride de la terre et du ciel »28 à l'image du Christ et la métaphore était une voie privilégiée de cette métamorphose par les nouvelles relations qu'elle instaure.

 

L'on peut en quelque sorte discerner un double mouvement de la métaphore dans l'oeuvre de La Tour du Pin. Celui-ci affirmait en effet vouloir « voir en [soi] et tout autour ensemble »29 ou encore faire communiquer » ce qu'il « contenait » et ce qui le « contenait »30, trouver « une voie allant de l'intime à l'universel »31_ D'une part donc, la métaphore décèle une mystérieuse intériorité dans les éléments du monde visible, conformément au programme affirmé dès l'ouverture de l'oeuvre

Je veux trouver en tout ce qui bat et respire

le royaume de la vie intérieure

 

2. Claudel, Art poétique, 119071, Œuore poétique, Pléiade, 1967, p. 143.

3. Somme I, Psmuues d'un premier temps, psaume 9, p. 385.

4. Ibid., La Vie recluse en poésie, p. 201. 5. Ibid., p. 201.

6. Le Poète et la Bible, op. cit., p. 845 (à propos d'un ouvrage de Tardif de

Moidrev).

7. Livre de la Sagesse, XIII, 5, TOB, p. 2121.

8. Saint Paul, première épître aux Corinthiens, XIII, , Vulgate, Biblioteca de

autores cristianos, Madrid, MCMLXXXV, p. 1116

9. Albert Béguin, L'Âme romantique et le rêve, [1937], Livre II, chapitre 3, « La Renaissance renaît », Livre de poche, Biblio Essais, 1991, p. 68.

10. Ibid., p. 9.

11. Baudelaire, Réflexions sur quelques-uns de nies contemporains - I. Victor Hugo, [1861], CEuvres complètes, Pléiade, 1961, p. 705.

12. Baudelaire, lettre à Toussenel, 21 janvier 1856, Correspondance I, Pléiade, 1973, p. 336.

13. Michel Deguv, « La disjonction », Poésie et philosophie, Rencontres de Marseille, 10-11-12 octobre 1997, CIPM, Farrago, 2000, p. 283.

14. Somme III, p. 68.

15. Michel Collot, « Signifiance et référence,>, Poésie et philosophie, op. cit., p. 210.

16. Psaume XIX, TOB, p. 1302.

17. N. Frve, Le Grand code, p. 101

18. Somme II, p. 167. 19. Ibid., p. 328. 20. Somme 1, p. 134. 21. Somme II, p. 220.

22. Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, [19611, PUF, 1981, p. 1080. 23. Paul Ricœur, La Métaphore zviz~e, Seuil, 1975, p. 32. 24. Somme I, p. 351.

25. Somme III, p. 193. 26. Ibid., p. 10. 27. Somme 1, p. 316.

28. Ibid., p. 198.

 

 

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